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16/07/2012 | FRANCE | N°11VE02422

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 16 juillet 2012, 11VE02422


Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la COMMUNE DE MONTMORENCY, représentée par son maire en exercice, par Me Enckell ; la COMMUNE DE MONTMORENCY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901160 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 5 avril 2011 qui l'a condamnée à verser à M. et Mme A une indemnité de 230 000 euros ;

2°) de rejeter le recours indemnitaire de M. et Mme A ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A la somme de 2 000 euros sur le fondemen

t de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient ...

Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la COMMUNE DE MONTMORENCY, représentée par son maire en exercice, par Me Enckell ; la COMMUNE DE MONTMORENCY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901160 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 5 avril 2011 qui l'a condamnée à verser à M. et Mme A une indemnité de 230 000 euros ;

2°) de rejeter le recours indemnitaire de M. et Mme A ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que le jugement est entaché d'illégalité en l'absence de lien de causalité direct et certain entre la délivrance des autorisations d'urbanisme et les préjudices tant matériels que moral invoqués ; que le certificat d'urbanisme et le permis de construire délivrés par la commune qui ont été considérés comme illégaux par les premiers juges n'ont pas, pendant leur période de validité, fait obstacle à un projet de vente ou de construction ; que la légalité du certificat d'urbanisme délivré en 2008 qui a prétendument empêché la vente est incontestable, ainsi ni la perte de chance sérieuse ni le caractère certain du préjudice ne sont établis ; qu'en tout état de cause, le terrain classé pour 500 m² en zone UH n'est pas définitivement inconstructible, la commune ayant mis en révision son plan d'occupation des sols le 16 novembre 2009 et les superficies minimum de parcelles n'étant désormais autorisées par le code de l'urbanisme que dans des hypothèses restrictives ; que la perte de valeur de la parcelle n° 496 entre un prix constructible et un prix inconstructible est de 72 000 euros, et non de 220 000 euros par inclusion d'une prétendue perte de valeur vénale, entachant ainsi d'une erreur manifeste d'appréciation le jugement attaqué ; que le calcul de la prétendue perte de chance de revente du terrain pour un montant de 300 000 euros n'est pas justifié, l'augmentation de plus de 100 % en près de 3 ans de la valeur des terrains étant totalement exorbitante ; que l'évaluation du préjudice moral par le tribunal ni précisée ni justifiée relève d'une erreur manifeste d'appréciation ; que les nombreuses fautes commises par les époux A, leur renoncement au permis de construire, la parfaite information délivrée sur les limites de constructibilité de la parcelle et leur choix d'une revente spéculative, auraient dû limiter de moitié le montant des sommes qui leur ont été allouées à tort ; qu'enfin la somme de 220 000 euros allouée par les premiers juges constitue un enrichissement sans cause dès lors qu'ils restent propriétaires d'un terrain qui n'est pas définitivement inconstructible ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :

- le rapport de Mme Geffroy, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,

- et les observations de Me Monpion, substituant Me Enckell, pour la COMMUNE DE MONTMORENCY et de Me Renvoise, du cabinet Symchowicz et Weissberg, pour M. et Mme A ;

Connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 6 juillet 2012, présentée pour M. et Mme A ;

Considérant que M. et Mme A ont acquis le 6 juin 2006 au prix de 126 533 euros deux parcelles contigües n° AV 496 d'une superficie de 739 m² et n° AV 286 d'une superficie de 783 m² classées par le plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE MONTMORENCY en zone UH5 pour 639 m² de la première parcelle et pour le surplus des parcelles en zone ND inconstructible ; que les intéressés ont obtenu un certificat d'urbanisme positif le 24 janvier 2006 délivré au titre du 2ème alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme pour le projet d'une maison individuelle de surface hors oeuvre nette projetée de 125 m² sur la parcelle n° AV 496 ainsi qu'un permis de construire le 28 mars 2006 pour ce projet de maison individuelle pour une surface hors oeuvre nette de 122,55 m² ; qu'à la demande de M. et Mme A le permis de construire a été rapporté par le maire de la commune par arrêté du 25 octobre 2007 ; qu'un certificat d'urbanisme négatif a été délivré par un arrêté du 25 août 2008 en raison de l'inconstructibilité du terrain au regard de la superficie minimale de 600 m² prescrite par l'article UH5-1 du plan d'occupation des sols ; qu'à la suite de la dénonciation le 1er septembre 2008, au motif du certificat d'urbanisme négatif, d'un compromis de vente des deux parcelles au prix de 300 000 euros, M. et Mme A ont demandé, le 17 octobre 2008, à la commune de les indemniser, pour la somme de 412 940,16 euros sur le fondement de l'illégalité des autorisations d'urbanisme délivrées en 2006, des préjudices subis ; que la commune ayant rejeté leur demande préalable le 19 décembre 2008, ils ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise la condamnation de la commune à les indemniser des préjudices qui résultaient de l'illégalité des autorisations d'urbanisme délivrées en 2006 ; que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par un jugement du 5 avril 2011, après avoir considéré que le certificat d'urbanisme positif délivré le 24 janvier 2006 et le permis de construire délivré accordé le 28 mars 2006 étaient entachés d'illégalité par méconnaissance de la règle de surface minimale de l'article UH5-1 du plan d'occupation des sols, a jugé que la COMMUNE DE MONTMORENCY avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité et l'a condamnée à verser à M. et Mme A une somme de 230 000 euros, avec intérêts ; que la COMMUNE DE MONTMORENCY relève appel de ce jugement ; que M. et Mme A relèvent appel incident du même jugement en tant que le tribunal a respectivement limité à 220 000 euros et à 10 000 euros les indemnités dues par la COMMUNE DE MONTMORENCY au titre des préjudices matériel et moral et demandent à la Cour de condamner la commune à leur régler les sommes de 312 940,16 euros au titre des préjudices matériels et de 100 000 euros au titre du préjudice moral ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme dans sa version en vigueur à la date des décisions litigieuses de 2006 : " Les plans locaux d'urbanisme (...) peuvent (...) 12° Fixer une superficie minimale des terrains constructibles lorsque cette règle est justifiée par des contraintes techniques relatives à la réalisation d'un dispositif d'assainissement non collectif ou lorsque cette règle est justifiée pour préserver l'urbanisation traditionnelle ou l'intérêt paysager de la zone considérée ; (...) Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation, à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes. (...) " ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article UH 5 du plan d'occupation des sols de Montmorency approuvé en septembre 2001 : " Les normes suivantes sont fixées pour une unité foncière (ou terrain) soumise à un seul zonage. Dans le cas où l'unité foncière est soumise à plusieurs zonages, chaque partie est soumise individuellement aux règles de la zone correspondante. / 1 Terrains non bâtis- Un terrain doit, pour être constructible, avoir une superficie de 600 m² (...) dans le cas où la surface du terrain inclut une voie privée ou un passage (notamment servitude, indivision, cour commune(...) desservant une ou plusieurs parcelles, la surface du terrain est calculée en déduisant la voie ou le passage. " ; qu'il résulte tant des termes mêmes de ces dispositions que de leur objet que les voies et passages dont la surface doit être déduite sont uniquement ceux qui ont pour raison d'être la desserte d'autres parcelles que celles qui constituent le terrain d'assiette de la construction envisagée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le certificat d'urbanisme délivré par le maire au nom de la commune en date du 24 janvier 2006 et le permis de construire en date du 28 mars 2006 autorisaient les époux A à construire une maison de surface hors oeuvre nette de 122,55 m² ; qu'aux termes dudit certificat d'urbanisme le coefficient d'occupation des sols appliqué est de 0,25 et " la SHON est calculée en retirant de la surface du terrain l'emprise de la voie d'accès (139 m²) ainsi que la partie du terrain située en zone ND (100 m²). / l'attention de l'acheteur est appelée sur le fait que la configuration du terrain limitera fortement les possibilités de l'implantation d'une construction. " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la parcelle, appartenant à la même unité foncière, sur laquelle il était prévu d'aménager une voie d'accès à la construction aurait permis la desserte d'autres parcelles extérieures au terrain en cause et aurait eu de ce fait le caractère d'une voie privée ou d'un passage devant être déduite de la surface dudit terrain d'assiette ; qu'ainsi, s'agissant d'une voie intérieure non déductible, le terrain d'une superficie en zone UH de 639 m², n'était pas inconstructible au regard, à la supposer justifiée par les critères énoncés par l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, de la règle relative à la surface minimale fixée par l'article UH 5 précité ; que la seule circonstance que le maire en exercice le 25 mars 2008 ait délivré un certificat d'urbanisme négatif en raison de la superficie constructible insuffisante n'est pas, notamment en l'absence de tout contrôle de la légalité dudit certificat par le juge de l'excès de pouvoir, de nature à démontrer que le certificat d'urbanisme et le permis de construire avaient été accordés illégalement aux époux A deux années auparavant ; que, par suite, la COMMUNE DE MONTMORENCY est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué en date du 5 avril 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé que les préjudices allégués par les époux A présentaient un lien direct et certain avec le certificat d'urbanisme et le permis de construire accordés à leur demande en 2006 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, M. et Mme A n'ayant pas, tant en première instance que dans les conclusions d'appel incident, invoqué, avant la clôture de l'instruction, d'autre faute de la commune, la COMMUNE DE MONTMORENCY est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamnée à verser à M. et Mme A une indemnité de 230 000 euros, et à demander le rejet de la demande et de l'appel incident présentés par ces derniers respectivement devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et devant la Cour ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE MONTMORENCY, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions de la COMMUNE DE MONTMORENCY présentées sur le fondement de ces dispositions ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 0901160 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 5 avril 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme A devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la COMMUNE DE MONTMORENCY sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 11VE02422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE02422
Date de la décision : 16/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Absence d'illégalité et de responsabilité.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme KERMORGANT
Avocat(s) : SYMCHOWICZ et WEISSBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-07-16;11ve02422 ?
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