La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/07/2012 | FRANCE | N°10VE04016

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 16 juillet 2012, 10VE04016


Vu I°), sous le n° 10VE04016, la requête, enregistrée le 16 décembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. et Mme Gérard A demeurant ..., par Me Richer ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505117 du 12 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande indemnitaire ;

2°) de condamner solidairement l'Etat et la commune de Noisy-le-Grand à leur payer la somme de 1 315 600 € toutes taxes comprises (TTC) au titre du préjudice matériel et la somme de 50 000

€ TTC au titre du préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et ...

Vu I°), sous le n° 10VE04016, la requête, enregistrée le 16 décembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. et Mme Gérard A demeurant ..., par Me Richer ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505117 du 12 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande indemnitaire ;

2°) de condamner solidairement l'Etat et la commune de Noisy-le-Grand à leur payer la somme de 1 315 600 € toutes taxes comprises (TTC) au titre du préjudice matériel et la somme de 50 000 € TTC au titre du préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Noisy-le-Grand les frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 24 novembre 2003 pour la somme de 5 585,32 € ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Noisy-le-Grand la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que les premiers juges se sont contentés de soulever la faute des requérants et ont omis de répondre au moyen tiré de la carence de l'Etat alors que la police est étatisée sur le territoire de la commune et que l'Etat n'a pas contesté la présence de nombreux gens du voyage sur le territoire de la commune au moment des faits ;

- que les premiers juges ont dénaturé leurs conclusions en énonçant qu'ils n'auraient pas soutenu, ni même allégué, la présence de résidences mobiles sur le lieu des infractions alors qu'ils soutenaient précisément que les infractions en litige avaient été commises par des nomades et qu'il s'en déduisait logiquement la présence sur les lieux de caravanes ou du moins l'absence de résidence fixe des auteurs des infractions ;

- que le jugement est entaché d'une erreur de droit en retenant que les victimes de dégradations devraient emmurer leur propriété ou disposer d'un système d'alarme ou recourir à une société de gardiennage, motifs erronés conduisant à exonérer totalement l'Etat en raison de la supposée faute qu'ils auraient commise ; qu'en vertu du 1° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales il appartenait au préfet en vertu de son pouvoir de substitution et au maire de faire usage de leurs pouvoirs de police administrative pour faire cesser des atteintes graves et répétées à la sûreté et à la tranquillité publiques perpétrées par des nomades à l'encontre des riverains ; que l'exonération totale de la responsabilité de l'Etat, qui n'est admise que lorsque la victime participe elle-même directement à son propre dommage par une faute d'une exceptionnelle gravité, ne peut être retenue dès lors qu'ils n'ont en rien participé à la dégradation de leur bien, lequel n'est pas situé sur un territoire exposé à des risques prévisibles ; que les juges ont retenu une qualification juridique des faits erronée en excipant du fait que l'immeuble serait à l'abandon alors que l'immeuble ne pourrait être ainsi qualifié qu'à l'issue de la procédure définie aux articles L. 2243-1 à L. 2243-4 du code général des collectivités territoriales ;

- que l'inaction de l'Etat contre les intrusions et l'inaction de la commune au regard des obligations d'aménagement d'aires d'accueil, conduisant les auteurs des infractions à se loger en toute illégalité dans des propriétés privées, et la présence de gens du voyage sur le territoire sont suffisantes à prouver un lien de causalité contrairement à ce qu'a retenu le tribunal ;

- sur la demande indemnitaire, que le préjudice matériel a été évalué par l'expert à 1 315 600 € ; que le préjudice moral causé depuis 2001 du fait de la destruction de leur propriété privée devra être indemnisé par la somme de 50 000 € ;

........................................................................................................

Vu II°), sous le n° 11VE00151, la requête, enregistrée le 18 janvier 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. et Mme Gérard A demeurant ..., par Me Trennec ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505117 du 12 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur payer la somme de 1 365 600 € ;

2°) de condamner l'Etat à leur payer la somme de 1 365 600 € avec capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 24 novembre 2003 pour la somme de 5 585,32 € ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la responsabilité sans faute de l'Etat engagée au titre du régime spécial de responsabilité prévu à l'article 12 de la loi n° 96-142 du 24 février 1996 pour les dommages résultant des attroupements et rassemblements alors que les agissements d'un groupe de nomades qui ont commis diverses dégradations et se sont livrés à un véritable saccage de leur propriété entrent dans les prévisions de ce texte ;

- que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges l'Etat a commis une faute par la carence dans l'utilisation préventive et répressive des pouvoirs de police alors que les requérants ont pris les précautions nécessaires pour protéger leur propriété par une clôture en métal, un système d'alarme et un gardiennage ; qu'ils ont fait confiance aux institutions démocratiques d'un Etat de droit et s'attendaient à bénéficier d'un minimum de protection de l'Etat qui avait été averti des violations de propriété multiples et des atteintes aux biens perpétrés par les nomades ;

- sur la demande indemnitaire, que le préjudice matériel a été évalué par l'expert à 1 315 600 € ; que les troubles de toute nature subis dans leurs conditions d'existence du fait de la destruction des locaux de leur entreprise devra être indemnisé par la somme de 50 000 € ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la sécurité intérieure ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :

- le rapport de Mme Geffroy, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,

- et les observations de Me Colombert, substituant Me Richer, pour M. et Mme A et de Me Pigny, substituant Me Israël, pour la commune de Noisy-le-Grand ;

Considérant que les requêtes n° 10VE04016 et n° 11VE00151 présentées pour M. et Mme A sont dirigées contre le même jugement n° 0505117 du 12 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande indemnitaire ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête n° 11VE00151 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que le jugement est irrégulier en tant qu'il ne se prononce pas sur les moyens tirés, d'une part, de la carence fautive de l'Etat, d'autre part, de la responsabilité de l'Etat du fait des attroupements et rassemblements en application de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales alors en vigueur dès lors que, ce jugement ayant retenu que les requérants avaient commis une faute de nature à exonérer totalement l'Etat de sa responsabilité, le Tribunal n'était pas dans l'obligation d'examiner les conditions d'intervention de l'État ;

Considérant, en second lieu, que M. et Mme A ont soutenu que les gens du voyage occupaient les locaux leur appartenant et les utilisaient comme des locaux à usage d'habitation ; qu'ainsi les premiers juges n'ont pas dénaturé leurs écritures en énonçant " qu'ils n'auraient pas soutenu, ni même allégué, la présence de résidences mobiles sur le lieu des infractions " ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. / Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l'Etat dans le département à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au maire restée sans résultat ; (...) " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales repris à l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure par l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. / Il peut exercer une action récursoire contre la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée. " ;

Considérant, en premier lieu, que M. et Mme A soutiennent que la responsabilité de l'Etat est engagée pour les années 2001 et 2002 en raison des fautes commises dans l'exercice des pouvoirs de police administrative, dès lors que le représentant de l'Etat se serait abstenu d'intervenir pour faire cesser des atteintes graves et répétées à la sûreté et à la tranquillité publiques perpétrées par des nomades sur leur propriété ; que, toutefois, ils n'établissent pas cette carence fautive pour les années 2001 et 2002 en se bornant à produire un dépôt de plainte du 12 novembre 2001 et un récépissé de déclaration de plainte du 25 novembre 2001 pour " dégradation de biens privés " dépourvus de toute autre précision qui ont été enregistrés par un agent de police judiciaire à leur demande et sur leurs déclarations, un courriel du 11 juillet 2002 alertant le président de la République, de ce que " les gens du voyage démontent son bâtiment " et des courriers du 13 décembre 2001 et du 2 août 2002 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis les informe, à bon droit, de la nécessité pour le propriétaire, en cas d'occupation par des gens du voyage, de mandater un huissier afin qu'il saisisse en référé le tribunal de grande instance d'une demande d'ordonnance d'expulsion afin par la suite d'obtenir le concours de la force publique ; qu'à supposer que les dépôts de plainte aient été adressés au préfet, ces documents, de caractères déclaratif et succinct, par lesquels ils estiment avoir alerté le préfet, ne suffisent pas à établir que celui-ci aurait commis une faute en ne mettant pas en oeuvre des mesures de police administrative ; qu'en se bornant à apporter au propriétaire une réponse sur la procédure d'expulsion d'un domaine privé, le préfet n'a, dès lors, pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'alors qu'il était soutenu en première instance, et est repris en appel par la commune, que les requérants n'apportaient pas la preuve que les faits allégués aient été commis par des " gens du voyage ", M. et Mme A n'ont produit ni en première instance ni davantage en appel un quelconque commencement de preuve sur l'origine des auteurs des déprédations à l'appui de leur moyen tiré de la responsabilité sans faute régie par les dispositions précitées de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure notamment du fait de délits commis, à force ouverte ou par violence, par des rassemblements ; que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A, le seul fait que le stationnement des gens du voyage était problématique à Noisy-le-Grand n'est pas de nature à établir que c'est nécessairement parmi ceux-ci que devraient être recherchés les auteurs de ces délits ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner si les requérants ont commis des fautes exonérant l'Etat de sa responsabilité, que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de la demande dirigées contre l'Etat ;

Sur la responsabilité de la commune de Noisy-le-Grand :

Considérant que M. et Mme A font valoir que la commune de Noisy-le-Grand aurait commis une faute en méconnaissant ses obligations en matière d'accueil des gens du voyage dès lors qu'elle ne disposait pas d'une aire de stationnement dédiée à cet accueil ; que cependant, et ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, il ne résulte pas de l'instruction que les déprédations en cause soient le fait de personnes qui auraient pu bénéficier d'une aire d'accueil si la commune en avait disposé ni, a fortiori, que les déprédations aient été commises en raison de l'absence d'aire d'accueil ; qu'ainsi, la commune de Noisy-le-Grand est fondée à soutenir que les dommages subis par les requérants sont dépourvus de tout lien de causalité avec la faute invoquée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement critiqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat et de la commune de Noisy-le-Grand ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il y a lieu de laisser les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 5 585,32 € TTC, à la charge de M. et Mme A ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la commune de Noisy-le-Grand, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnées à verser à M. et Mme A la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à la charge de M. et Mme A le versement à la commune de Noisy-le-Grand de la somme de 1 500 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A le versement de la somme demandée par l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A sont rejetées.

Article 2 : M. et Mme A verseront à la commune de Noisy-le-Grand une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l'Etat présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

''

''

''

''

2

Nos 10VE04016-11VE00151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE04016
Date de la décision : 16/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-05-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité régie par des textes spéciaux. Attroupements et rassemblements (art. 92 de la loi du 7 janvier 1983).


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme KERMORGANT
Avocat(s) : RICHER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-07-16;10ve04016 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award