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03/07/2012 | FRANCE | N°11VE02975

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 03 juillet 2012, 11VE02975


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 8 et 25 août 2011, 27 mars et 23 avril 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentés pour M. Ahmed A, demeurant chez M. Gaglul B - ..., par Me Boiardi, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100579 du 25 juillet 2011 par laquelle le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 18 janvier 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant ob

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Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 8 et 25 août 2011, 27 mars et 23 avril 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentés pour M. Ahmed A, demeurant chez M. Gaglul B - ..., par Me Boiardi, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100579 du 25 juillet 2011 par laquelle le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 18 janvier 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en litige ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

Il soutient, en premier lieu, que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité dès lors que les moyens soulevés en première instance étaient assortis des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; en deuxième lieu, que les décisions refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire sont insuffisamment motivées ; en troisième lieu, que la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour est irrégulière dès lors que le préfet aurait dû lui demander de fournir les pièces nécessaires pour apprécier son droit au séjour ; en quatrième lieu, que la décision de refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en cinquième lieu, que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; en sixième lieu, que la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ; en dernier lieu, que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2012 le rapport de M. Coudert, premier conseiller ;

Considérant que M. A, ressortissant bangladais né en 1975, fait appel de l'ordonnance du 25 juillet 2011 par laquelle le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 18 janvier 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. " ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 18 janvier 2011, M. A a notamment soutenu, sur le fondement de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il a été condamné, les 28 août 2006 et 17 mars 2009, à des peines de 14 ans et de 10 ans d'emprisonnement en raison de son engagement politique en faveur du mouvement Jatiyo Samajtantrik Dal (JSD) et que des membres de sa famille ont également été persécutés pour leur engagement politique ; que le moyen ainsi invoqué, qui n'était pas inopérant, était, en outre, assorti de faits qui n'étaient pas manifestement insusceptibles de venir à son soutien et des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, dès lors, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ne pouvait rejeter la demande de M. A sur le fondement des dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que, par suite, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2011 :

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée du 18 janvier 2011 a été signée par Mme Martine Thory, directrice de l'accueil du public, de l'immigration et de la citoyenneté, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet consentie par un arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 23 décembre 2010, publié le 30 décembre 2010 au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que M. A a sollicité un titre de séjour en qualité de réfugié ; que la demande d'asile de l'intéressé ayant été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 juillet 2009, confirmée le 5 novembre 2010 par la Cour nationale du droit d'asile, le préfet du Val-d'Oise était tenu de refuser de délivrer à M. A un titre de séjour en cette qualité ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait du refus de délivrance de titre de séjour est inopérant ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'autorité administrative de demander à un étranger ayant sollicité un titre de séjour en qualité de réfugié de produire tous justificatifs permettant d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il suit de là que M. A n'est pas fondé à soutenir que l'instruction de sa demande de titre de séjour serait entachée d'irrégularité ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il réside en France depuis 2005, qu'il n'entretient plus de relations avec les membres de sa famille restés au Bangladesh et qu'il a développé de fortes attaches personnelles en France ; que, cependant, le requérant ne justifie aucunement des liens qu'il soutient avoir noués en France, où il est célibataire et sans charge de famille ; qu'il n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le préfet du Val-d'Oise, en refusant de l'admettre au séjour, n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette décision aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise aurait, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A, entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, Mme Thory disposait d'une délégation de signature consentie par un arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 23 décembre 2010 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire aurait été signée par une autorité incompétente manque en fait et ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " (...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) " ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement litigieuse est inopérant ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. A n'établit pas que la décision de refus de titre de séjour qui lui a été opposée est illégale ; que, dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français, dont est assorti ce refus, se trouverait, par voie de conséquence, privée de base légale ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination aurait été signée par une autorité incompétente manque en fait et ne peut qu'être écarté, dès lors que Mme Thory disposait bien d'une délégation de signature consentie par le préfet du Val-d'Oise ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que cet article 3 stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

Considérant que M. A soutient qu'en cas de retour au Bangladesh il encourt des risques de traitements inhumains ou dégradants en raison de son engagement politique en faveur du parti national-socialiste ; que, toutefois, les pièces que le requérant produit pour la première fois en appel sont insuffisantes pour établir la réalité des risques personnels qu'il allègue ; que, par suite, en décidant que M. A pourrait être renvoyé à destination du pays dont il a la nationalité, le préfet du Val-d'Oise n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour rejette les conclusions de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par l'intéressé doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1100579 du 25 juillet 2011 du président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

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N° 11VE02975


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11VE02975
Date de la décision : 03/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : BOIARDI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-07-03;11ve02975 ?
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