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03/07/2012 | FRANCE | N°10VE02795

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 03 juillet 2012, 10VE02795


Vu la requête, enregistrée le 23 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 10VE02795, présentée pour la société EMULITHE, dont le siège est Voie de Seine BP 5 à Villeneuve-le-Roi (94290), représentée par son président en exercice, par Me Grousset et Me Martineau, avocats à la Cour ; la société EMULITHE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900852 du 24 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, l'a déchargée de l'éventuelle différence entre les cotisations de taxe d'apprentissage et de

participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a ét...

Vu la requête, enregistrée le 23 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 10VE02795, présentée pour la société EMULITHE, dont le siège est Voie de Seine BP 5 à Villeneuve-le-Roi (94290), représentée par son président en exercice, par Me Grousset et Me Martineau, avocats à la Cour ; la société EMULITHE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900852 du 24 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, l'a déchargée de l'éventuelle différence entre les cotisations de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2006 et celles résultant de l'intégration dans la base d'imposition de ces taxes du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés si elle n'avait pas été affiliée à une caisse de congés payés et, d'autre part, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge desdites cotisations supplémentaires ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'en vertu de la circulaire du 28 juillet 1993 du ministère des affaires sociales, de la santé et de la ville, en ce qui concerne les professions affiliées à des caisses de compensation de congés payés, les indemnités de congés payés versées aux salariés par ces caisses sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale et donc, de celle des taxes assises sur les salaires ; que les dispositions du code général des impôts circonscrivent l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction aux seules rémunérations versées par l'employeur ; que les rehaussements en cause ont été effectués sur la base des versements effectués par les employeurs à ces caisses de compensation, qui ont un caractère forfaitaire, et ne correspondent pas exactement aux indemnités de congés payés effectivement versées aux salariés, de sorte qu'ils ne peuvent être assimilés à des rémunérations ; que la réponse ministérielle faite à M. A, député, le 14 avril 1976 est opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales puisqu'elle n'a été rapportée que le 17 février 2009 ; que les rehaussements sont fondés sur des règles applicables à la formation professionnelle continue ; qu'aucune obligation légale équivalente n'existe en matière de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la décision n° 2010-84 du Conseil constitutionnel en date du 13 janvier 2011 ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2012 :

- le rapport de M. Bresse, président assesseur,

- et les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public ;

Considérant que la société EMULITHE, qui exerce son activité dans le secteur du bâtiment et est, à ce titre, obligatoirement affiliée à une caisse de congés payés chargée de verser aux salariés les indemnités de congés payés, n'a inclus aucune indemnité de cette nature dans l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction dont elle est redevable au titre des années 2004 à 2006 ; que l'administration a réintégré dans l'assiette de cette taxe et de cette participation les cotisations de l'entreprise à la caisse des congés payés du bâtiment calculées sur la base forfaitaire de 13,14 % de la masse salariale de chacune des années d'imposition ; que la société EMULITHE demande la décharge des droits supplémentaires et pénalités correspondantes résultant de ces réintégrations en relevant régulièrement appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil qui a rejeté sa demande ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décision en date du 24 février 2011, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur de contrôle fiscal d'Ile-de-France Ouest a prononcé un dégrèvement partiel en droits et intérêts de retard à hauteur de, respectivement, 1 044 euros, 1 010 et 1 078 euros s'agissant de la taxe d'apprentissage des années 2004, 2005 et 2006 et de, respectivement, 3 980 euros et 7 825 euros s'agissant de la participation des employeurs à l'effort de construction de l'année 2004 et des années 2005 et 2006 ; que dans cette mesure, il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il est de l'office du juge de plein contentieux fiscal de fixer exactement le montant des droits faisant l'objet de la décision de décharge qu'il prononce ou, à défaut, de fixer avec précision les bases sur lesquelles ils doivent être calculés ; que, par suite, le tribunal administratif ne pouvait se borner à décider que la société EMULITHE était " déchargée s'il y a lieu ", de la différence entre les cotisations des taxes en litige auxquelles elle avait été assujettie et celles résultant du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait dû en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse de congés payés alors qu'il lui appartenait, le cas échéant, après avoir prescrit une mesure d'instruction, de fixer lui-même les nouvelles bases d'imposition qu'il entendait assigner à la société EMULITHE ; qu'à défaut de l'avoir fait, le tribunal a méconnu sa propre compétence et a entaché se décision d'irrégularité ; qu'il y a lieu, pour ce motif, d'annuler le jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société EMULITHE devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant que, par sa décision susvisée en date du 13 janvier 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du 1 de l'article 235 bis du code général des impôts fixant à 2 % le taux de la participation des employeurs à l'effort de construction lorsqu'ils n'ont pas procédé aux investissements prévus à l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient les droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 224 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition concernées : " 1. Il est établi une taxe, dite taxe d'apprentissage, dont le produit est inscrit au budget de l'Etat pour y recevoir l'affectation prévue par la loi (...) " ; qu'aux termes de l'article 225 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier : " La taxe est assise sur les rémunérations, selon les bases et les modalités prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation : " Les employeurs occupant au minimum vingt salariés, à l'exception de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics administratifs, assujettis à la taxe sur les salaires prévue à l'article 231 du code général des impôts, autres que ceux qui appartiennent à des professions relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale pour lesquelles des règles spéciales ont été édictées en application du a du 3 du même article 231, doivent consacrer des sommes représentant 0, 45 % au moins du montant, entendu au sens des règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, des rémunérations versées par eux au cours de l'exercice écoulé au financement d'actions dans le domaine du logement, en particulier du logement des salariés. " ; que l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale prévoit que : " Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés (...) " ; que les articles L. 223-11 à L. 223-15 du code du travail, devenus les articles L. 3141-22 à L. 3141-29 de ce code, déterminent les modalités de calcul de l'indemnité de congés payés ; que, d'autre part, l'article L. 223-16 du code du travail, devenu l'article L. 3141-30 de ce code, prévoit l'affiliation obligatoire de certains employeurs à une caisse de congés payés, notamment lorsque les salariés ne sont pas habituellement occupés de façon continue chez un même employeur au cours de la période reconnue pour l'appréciation du droit au congé ; qu'en vertu de l'article D. 732-1 du code du travail, devenu l'article D. 3141-12 de ce code, dans les entreprises relevant du secteur du bâtiment et des travaux publics, le service des congés payés est assuré par des caisses constituées à cet effet ; qu'aux termes de l'article D. 732-5 du code du travail, devenu l'article D. 3141-29 de ce code : " La cotisation que doit verser chaque entreprise affiliée est déterminée par un pourcentage du montant des salaires payés aux travailleurs déclarés. / Ce pourcentage est fixé par le conseil d'administration de la caisse. Le règlement intérieur de celle-ci précise d'autre part les époques et les modes de versement des cotisations, les justifications dont ce versement doit être accompagné et les vérifications auxquelles doivent se soumettre les adhérents " ; qu'enfin, aux termes des alinéas 4 à 6 de l'article D. 732-6 du code du travail, dont les dispositions sont reprises à l'article D. 3141- 31 de ce code : " La caisse assure le service des droits à congés payés des travailleurs déclarés par l'employeur. / Toutefois, en cas de défaillance de l'employeur dans le paiement des cotisations, elle verse l'indemnité de congés payés à due proportion des périodes pour lesquelles les cotisations ont été payées (...) L'employeur défaillant n'est pas dégagé de l'obligation de payer à la caisse les cotisations, majorations de retard et pénalités qui restent dues (...) " ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'assiette de la taxe d'apprentissage, de la contribution au développement de l'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles est assujetti un employeur est constituée par l'ensemble des rémunérations dues par celui-ci à ses salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les indemnités de congés payés ; que la circonstance que le versement de ces indemnités soit assuré pour son compte par la caisse de congés payés à laquelle il est affilié en exécution des dispositions de l'article L. 223-16 du code du travail, devenu l' article L. 3141-30 de ce code, est sans incidence sur l'assiette de cette taxe et sur l'assujettissement de l'employeur ;

Considérant que pour le calcul des indemnités de congés payés à prendre en compte dans l'assiette de la taxe d'apprentissage, il ne convient pas de retenir les cotisations versées par l'employeur à la caisse de congés payés dès lors que ces cotisations, qui ne constituent pas des rémunérations au sens des dispositions précitées, couvrent par ailleurs des charges autres que les indemnités versées aux salariés, et notamment les frais de fonctionnement des caisses ; qu'il ne convient pas davantage de retenir les indemnités versées par les différentes caisses aux salariés au titre d'une période reconnue pour l'appréciation du droit au congé, dès lors que les sommes versées par les caisses à un salarié peuvent correspondre aux droits à congés payés qu'un salarié a acquis auprès de plusieurs employeurs, qui sont seuls redevables de la taxe d'apprentissage ;

Considérant que l'assiette des impositions en litige ne peut être composée que du seul montant des indemnités dû par l'employeur à ses salariés en application des dispositions du code du travail et des conventions collectives ou accords applicables à la profession, montant que l'employeur aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse ; que, dès lors, l'assiette ne peut être déterminée de manière forfaitaire par l'application d'un pourcentage au montant des salaires versés par la société ;

Considérant que l'administration a demandé, en exécution du jugement du Tribunal administratif de Montreuil, à la société EMULITHE de produire les éléments permettant de déterminer le montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait payées en l'absence d'affiliation à une caisse de congés payés pouvant être incluses dans la base taxable ; que la société, ne pouvant produire ces éléments précis, a, par courrier en date du 27 septembre 2010, demandé à l'administration de retenir, par défaut, comme base d'imposition le dixième du montant figurant sur ses déclarations annuelles de données sociales ; que, par une décision en date du 24 février 2011, l'administration a procédé au dégrèvement de la somme totale de 3 232 euros s'agissant de la taxe d'apprentissage et de 11 705 euros s'agissant de la participation des employeurs à l'effort de construction sur la base du taux de 10 % proposé par la société ; que, dès lors que la société qui est la seule à disposer des éléments nécessaires n'est pas en mesure de fournir des données plus précises, elle ne saurait prétendre à un dégrèvement plus important que celui accordé sur le terrain de la loi fiscale ;

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

Considérant que la société EMULITHE n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle du 13 avril 1976 à M. A, député, reprise dans l'instruction 5 L-7-76, dont les dispositions sont devenues caduques à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, qui a aligné la base de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction sur celle des cotisations sociales, laquelle comprend les indemnités de congés payés ; que la circonstance que l'interprétation administrative résultant de cette réponse ministérielle n'aurait été expressément rapportée par le ministre chargé du budget que le 17 février 2009 est, en conséquence, inopérante ; que la circulaire DSS/SDAAF/A1 n° 70 du 28 juillet 1993 qui émane du ministère des affaires sociales, de la santé et de la ville et non du ministère chargé du budget ne saurait comporter une interprétation de la loi fiscale formellement admise par l'administration fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société EMULITHE n'est pas fondée à demander la décharge des impositions restant en litige ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais engagés par la société EMULITHE et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société EMULITHE tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs à l'effort de construction au titre des années 2004, 2005 et 2006 ainsi que des pénalités correspondantes à hauteur des dégrèvements prononcés par décision du 24 février 2011.

Article 2 : Le jugement n° 0900852 en date du 24 juin 2010 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société EMULITHE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société EMULITHE est rejeté.

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No 10VE02795


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02795
Date de la décision : 03/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Participation des employeurs à l'effort de construction.

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Taxe d'apprentissage.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-07-03;10ve02795 ?
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