Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SAS DELAVAL, dont le siège est sis 17, rue de Visien à Courbevoie (92400), par Me Mermillon, avocat à la Cour ; la SAS DELAVAL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0906123-0906143 du 8 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, d'une part, l'a déchargée de l'éventuelle différence entre les cotisations à la taxe d'apprentissage et à la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007 et celles résultant de l'intégration dans la base d'imposition de ces taxes du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés si elle n'avait pas été affiliée à une caisse de congés payés et, d'autre part, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge desdites cotisations supplémentaires ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers dépens ;
Elle soutient, en premier lieu, que la procédure a été irrégulière ; que, d'une part, la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs à l'effort de construction ne peuvent pas faire l'objet d'une vérification de comptabilité dès lors que les revenus et impôts dont la base d'imposition n'est pas déterminée à partir d'une comptabilité sont exclus du champ d'application de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ; que la circonstance qu'en application de l'article 1679 quinquies du code général des impôts et de l'article 162 de l'annexe II au même code, les taxes en litige soient recouvrées selon les modalités applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires est sans incidence à cet égard ; que l'article 162 de l'annexe II a d'ailleurs été modifié par le décret du 1er avril 2008 et vise désormais spécifiquement la phase d'établissement et de contrôle de la participation des employeurs à l'effort de construction ; que, d'autre part, en méconnaissance de la jurisprudence, aucun débat oral et contradictoire n'a eu lieu, au cours de la vérification de comptabilité, sur le montant des indemnités de congés payés que, selon l'administration, l'exposante aurait dû inclure dans l'assiette de ces impositions ; que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dont les dispositions sont opposables à l'administration sur le fondement de l'article 10 alinéa 4 du livre des procédures fiscales prévoit, en outre, ce débat oral et contradictoire ; que ce fait est confirmé par la " méthode " retenue par l'administration qui, sans d'ailleurs s'en expliquer et encore moins en indiquer le fondement, s'est bornée à majorer la masse salariale du taux de 13, 14 % ; en second lieu, que les impositions sont mal fondées ; que, d'une part, les indemnités de congés payés versées par une caisse du bâtiment et travaux publics (BTP) ne sont pas à comprendre dans l'assiette des taxes en litige dès lors qu'elles ne sont pas versées par les employeurs obligatoirement affiliés à une caisse ; qu'il en résulte que les indemnités de congés payées ne figurent pas dans l'assiette des cotisations sociales et, qu'elles ne peuvent, par suite, figurer dans celles des taxes en litige ; que ce principe est repris par le guide ACOSS du recouvrement n° 101 et la circulaire DSS/SDAAF/A1 n° 70 du 28 juillet 1993 ; que la loi du 4 février 1995 a eu pour objet d'aligner l'assiette des taxes en litige sur celles des cotisations sociales ; que, d'autre part, l'inclusion des indemnités de congés payés versées par une caisse du BTP dans l'assiette des taxes ne peut qu'aboutir à une assiette différente de celle instituée par le législateur ; qu'en effet, les calculs opérés par les entreprises du BTP ne peuvent qu'imparfaitement répondre aux exigences de la méthode exposée par le tribunal dès lors que les indemnités de congés payés effectivement perçues par les salariés tiennent compte de nombreux paramètres que ces dernières, prises isolément, ne connaissent pas ; que de multiples difficultés pratiques rendent impossibles ces calculs ; que, par ailleurs et en tout état de cause, la charge de la preuve a été méconnue par le tribunal ; que l'exposante ayant refusé les redressements litigieux, l'administration doit établir le bien fondé des impositions et ne peut se borner à arguer du fait qu'elle ne disposerait pas des éléments nécessaires pour reconstruire l'assiette légale des taxes ; que, notamment, elle a eu accès, au cours de la vérification de comptabilité, à l'ensemble des documents, renseignements et pièces permettant de calculer la base d'imposition des cotisations ; qu'elle pouvait également exercer son droit de communication auprès de la caisse des congés payés ; qu'elle ne pouvait en revanche majorer, sans base légale, de 13, 14 % le montant de la masse salariale ; que la méthode retenue est radicalement viciée dans son principe dès lors qu'elle méconnaît la loi fiscale ; qu'enfin, l'exposante doit en tout, état de cause, obtenir a minima la décharge de la participation des employeurs à l'effort de construction ; que, d'une part sur le terrain de la loi, c'est à tort que le tribunal a considéré que l'assiette de la participation devait comporter le montant des indemnités de congés payées que l'employeur aurait versées en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse, dès lors que l'article 235 bis du code général des impôts précise que l'assiette est calculée sur le montant des rémunérations versées par l'employeur ; que, d'autre part, elle entend se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle Blary, qui exclut de l'assiette de la participation des employeurs à l'effort de construction les indemnités de congés payées versées par les caisses ; que la loi du 4 février 1995, qui n'a eu aucune incidence sur l'assiette de la participation, ne fait pas obstacle à l'invocation de cette doctrine ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2012 :
- le rapport de Mme Signerin Icre, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;
Considérant que la SAS DELAVAL fait appel du jugement du 8 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a déchargée de l'éventuelle différence entre les cotisations à la taxe d'apprentissage et à la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007 et celles résultant de l'intégration, dans la base d'imposition de ces taxes, du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés si elle n'avait pas été affiliée à une caisse de congés payés et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge desdites cotisations supplémentaires ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il est de l'office du juge du plein contentieux fiscal de calculer exactement le montant des droits faisant l'objet de sa décision ou, à défaut, de fixer avec précision les bases sur lesquelles ils doivent être calculés ; que, par suite, le tribunal administratif ne pouvait se borner à décider que la SAS DELAVAL était " déchargée de l'éventuelle différence " entre les cotisations des taxes en litige auxquelles elle avait été assujettie et celles résultant du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait dû verser en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse de congés payés, alors qu'il lui appartenait, le cas échéant après avoir prescrit une mesure d'instruction, de fixer lui-même les nouvelles bases d'imposition qu'il entendait assigner à la SAS DELAVAL; qu'à défaut de l'avoir fait, le tribunal a méconnu sa propre compétence et a entaché sa décision d'irrégularité ; qu'il y a lieu, pour ce motif d'annuler le jugement attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SAS DELAVAL devant le Tribunal administratif de Versailles ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) " ; que ces dispositions habilitent l'administration à vérifier sur place la comptabilité des contribuables qui, comme la SAS DELAVAL, société commerciale par la forme, sont astreints à tenir et présenter des documents comptables ; que, si la requérante fait valoir que les impositions en litige ne sont pas assises sur les rémunérations nettes versées au personnel, seules enregistrées dans sa comptabilité, mais sur les rémunérations brutes mentionnées dans les déclarations annuelles de salaires, cette circonstance n'interdisait pas au vérificateur de rectifier, à l'issue de son contrôle, le montant des salaires à prendre en compte pour le calcul de la taxe d'apprentissage et de la participation à l'effort de construction dues par la contribuable ;
Considérant, en second lieu, que, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ; qu'en l'espèce, il est constant que la vérification de la comptabilité de la SAS DELAVAL a eu lieu dans ses locaux ; qu'il incombe, dès lors, à la société requérante, qui conteste l'existence d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur lors de la procédure de vérification, d'établir que ce dernier se serait refusé à tout échange de vues avec elle ; que l'intéressée, en se bornant à faire valoir qu'il n'y a pas eu de débat sur le montant des indemnités de congés payés à réintégrer dans l'assiette des taxes en litige, n'établit pas que le vérificateur, qui n'était pas tenu de donner, avant la notification de redressements, une information sur les redressements qu'il pouvait envisager, se serait refusé à engager un débat oral et contradictoire au cours des opérations de vérification ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne le principe de l'inclusion des indemnités de congés payés dans l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la combinaison notamment des dispositions des articles 224, 225 et 235 bis du code général des impôts et de l'article 242-1 du code de la sécurité sociale, que l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles est assujetti un employeur est constituée par l'ensemble des rémunérations dues par celui-ci à ses salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les indemnités de congés payés ; que la circonstance que le service des indemnités de congés payés soit assuré pour son compte par une caisse de congés payés à laquelle il est affilié en vertu de l'article 223-16 du code du travail, devenu l'article L. 3141-30, est sans incidence sur l'assiette de ces prélèvements et sur l'assujettissement de l'employeur ; que, par suite, l'administration était en droit d'inclure, dans l'assiette de la taxe et de la participation en litige, les indemnités de congés payés dues par la requérante à ses salariés ;
Considérant, en second lieu, que la SAS DELAVAL n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle du 13 avril 1976 à M. Blary, député, reprise dans l'instruction 5 L-7-76, dont les dispositions sont devenues caduques à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, qui a aligné la base de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction sur celle des cotisations sociales laquelle comprend les indemnités de congés payés ; qu'elle n'est pas non plus fondée à invoquer le bénéfice des instructions 5 L. 2311 n° 4 et 5 L 3321 n°6 du 1er janvier 1995 qui se rapportent expressément aux rémunérations versées avant le 1er janvier 1996 ; qu'elle n'est, enfin, pas davantage fondée à invoquer, sur le fondement des mêmes dispositions, la circulaire du ministre du travail du 28 juillet 1993 et le guide du recouvrement de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) qui ne comportent aucune interprétation d'un texte fiscal ;
En ce qui concerne le montant de l'imposition :
Considérant qu'il résulte des dispositions du code général des impôts et du code de la sécurité sociale précitées, ainsi que de celles des articles L. 223-16, D. 732-1, D. 732-5 et D. 732-6 du code du travail, respectivement devenus les articles L. 3141-30, D. 3141-12, D. 3141-29 et D. 3141-31 de ce code, que, pour le calcul des indemnités de congés payés à prendre en compte dans l'assiette des taxes en litige, il convient de retenir le montant des indemnités de congés payés dû par l'employeur à ses salariés en application des dispositions du code du travail et des conventions collectives ou accords applicables à la profession, c'est à dire le montant que l'employeur aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse ;
Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir, ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, faute de connaître le montant des indemnités de congés payés que la SAS DELAVAL aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse ou les éléments permettant de procéder au calcul de ce montant, l'administration s'est livrée à une évaluation de ces indemnités en appliquant aux rémunérations versées par la requérante au cours des années en litige un taux de 13,14 %, qui correspond au rapport entre le nombre de jours de congés payés et la masse salariale des entreprises du bâtiment et qui est retenu, pour le calcul de la participation des employeurs à la formation professionnelle continue en application d'un accord collectif du 31 décembre 1979 ;
Considérant, d'une part, que si la SAS DELAVAL relève que les sommes ainsi déterminées par l'administration ne sont pas issues d'une reconstitution des montants des indemnités de congés payés qu'elle aurait versés à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse, elle n'apporte pas, en dépit du supplément d'instruction effectué par la Cour par lettre du 15 février 2012, les éléments permettant de procéder à cette reconstitution et qui résultent pourtant de son exploitation ; qu'à cet égard, elle ne peut sérieusement arguer qu'il lui serait impossible de calculer le montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés en application des dispositions du code du travail et des conventions collectives ou accords applicables à la profession ; d'autre part, qu'elle n'est pas fondée soutenir que le service aurait reporté sur le contribuable la tâche qui lui incombe de déterminer le montant du rehaussement dès lors que l'administration a procédé à cette détermination et qu'il revient à la requérante, dans le cadre de la dialectique de la preuve, d'apporter les éléments de nature à justifier du caractère mal fondé de cette évaluation et qu'elle seule est en mesure de produire ; qu'enfin, contrairement à ce que soutient la SAS DELAVAL, la méthode forfaitaire retenue par l'administration ne peut être regardée comme excessivement sommaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration établit le bien-fondé des redressements litigieux ; que, par suite, la SAS DELAVAL n'est pas fondée à demander la décharge des impositions en litige ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SAS DELAVAL et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1 : Le jugement n° 0906123-0906143 du 8 avril 2010 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SAS DELAVAL devant le Tribunal administratif de Versailles et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
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N° 10VE01817