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26/06/2012 | FRANCE | N°10VE02045

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 26 juin 2012, 10VE02045


Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société REXEL DISTRIBUTION ayant son siège 189-193, bd Malesherbes à Paris (75017), par Me Bardet, avocat à la Cour ; la société REXEL DISTRIBUTION demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0808968 en date du 15 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution assise sur cet impôt et de contributions sociales auxqu

elles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 ainsi que des pénalité...

Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société REXEL DISTRIBUTION ayant son siège 189-193, bd Malesherbes à Paris (75017), par Me Bardet, avocat à la Cour ; la société REXEL DISTRIBUTION demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0808968 en date du 15 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution assise sur cet impôt et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les titres ont été annulés, à bon droit, non pas pour leur valeur brute d'acquisition mais pour leur valeur nette ; qu'elle a procédé ainsi conformément à l'avis du 18 décembre 2002 du comité d'urgence du Conseil national de la comptabilité ; que l'argument tiré du fait que la provision est devenue sans objet est sans portée utile car au moment du transfert des titres des comptes "valeur mobilière de placement " et " autres titres de placement " vers le compte " titres à annuler ", le compte " provision " a été débité, c'est-à-dire soldé ; qu'il n'y avait donc plus de provision au 31 décembre 2012 puisqu'elle a été utilisée ; que, compte tenu de l'évolution négative du cours de l'action, les salariés n'étaient pas incités à lever leurs options et qu'il existait donc un risque de perte ; que, les actions propres n'ont pas été achetées par la société en vue de leur annulation mais dans le cadre d'opérations courantes de gestion ; que la perte s'analyse en une perte d'exploitation et doit être prise en compte dans le résultat comptable ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2012 :

- le rapport de M. Bresse, président assesseur,

- les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,

- et les observations de Me Bardet pour la société REXEL DISTRIBUTION ;

Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, portant sur l'exercice clos en 2002, de la société REXEL DISTRIBUTION, l'administration a réintégré aux résultats de cet exercice deux provisions d'un montant total de 7 351 885 euros ; que la société relève régulièrement appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés résultant de cette réintégration ;

Sur le bien fondé des impositions :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment / (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) / Les provisions qui, en tout ou en partie, reçoivent un emploi non conforme à leur destination ou deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice. Lorsque le rapport n'a pas été effectué par l'entreprise elle-même, l'administration peut procéder aux redressements nécessaires dès qu'elle constate que les provisions sont devenues sans objet. Dans ce cas, les provisions sont, s'il y a lieu, rapportées aux résultats du plus ancien des exercices soumis à vérification (...) " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 225-209 du code de commerce, dans sa version en vigueur durant l'année 2002 : " L'assemblée générale d'une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé peut autoriser le conseil d'administration ou le directoire, selon le cas, à acheter un nombre d'actions représentant jusqu'à 10 % du capital de la société (...) Ces actions peuvent être annulées dans la limite de 10 % du capital de la société par périodes de vingt-quatre mois (...) Les sociétés qui font participer les salariés aux fruits de l'expansion de l'entreprise par l'attribution de leur propres actions ainsi que celles qui entendent consentir des options d'achat d'actions à des salariés peuvent utiliser à cette fin tout ou partie des actions acquises dans les conditions prévues ci-dessus (...) En cas d'annulation des actions achetées, la réduction de capital est autorisée ou décidée par l'assemblée générale extraordinaire qui peut déléguer au conseil d'administration ou au directoire, selon le cas, tous pouvoirs pour la réaliser (...) " ;

Considérant qu'il résulte des écritures mêmes de la requérante que la société REXEL DISTRIBUTION, alors cotée en bourse, détenait des actions propres acquises, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 225-209 du code de commerce, d'une part, dans le cadre de la mise en place, en 1998 et 1999, de plans d'attributions aux salariés d'option d'achat d'actions, pour un total, au 31 décembre 2001, de 274 100 actions, et, d'autre part, dans le cadre d'une opération de régularisation du cours de bourse, pour un total, au 31 décembre 2001, de 231 371 actions ; qu'elle a provisionné à cette date le risque de pertes lié à la levée d'option des salariés pour un montant de 1 061 885,15 euros ; qu'il n'est pas contesté qu'au 30 juin 2002, le cours moyen de ses actions s'élevait à 61 euros alors que le prix de revient moyen des 505 471 actions qu'elle détenait à cette date était de 75,62 euros ; qu'elle a alors constaté une provision complémentaire pour dépréciation de 6 290 000 euros, ce qui a porté la provision globale à 7 351 885 euros ; qu'entre le 30 juin et le 22 octobre 2002, la société a acquis 19 248 nouvelles actions dans le cadre de la régularisation des cours ; qu'en outre, par une délibération du 13 mai 2002, l'assemblée générale des actionnaires a autorisé le conseil d'administration de la société à procéder à des annulations des actions propres acquises dans le cadre du plan d'attribution aux salariés et dans le cadre de l'opération de régularisation des cours ; que, par décision en date du 29 octobre 2002, le conseil d'administration a procédé à l'annulation des 524 719 titres en cause ; que le 20 décembre 2002, la société REXEL DISTRIBUTION, entendant suivre en cela l'avis n° 2002-D du 18 décembre 2002 du comité national d'urgence du Conseil national de la comptabilité, a pris en compte cette annulation en soldant la provision par le débit du compte " valeurs mobilières de placement " et "autres titres de placement " et en créditant le compte " actions propres à annuler " de la valeur nette de ces actions, correspondant à leur valeur d'acquisition, diminuée du montant total des deux provisions, soit la somme de 31 883 331 euros ; qu'après avoir annulé les titres en cause pour leur valeur nominale de 1 euro par titre, elle a inscrit la somme de 31 358 612 euros au compte " prime d'émission " ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des faits rappelés ci-dessus que les titres propres acquis par la société dans le cadre du plan d'option des salariés et dans le cadre des opérations de régularisation des cours avaient été inscrits à l'actif de la société dans les comptes " valeurs mobilières de placement " et " autres titres de placement " pour une valeur de 39 235 216 euros correspondant à leur coût d'acquisition ; qu'il est constant qu'en raison d'une dépréciation de ces titres sur le marché, leur valeur réelle ne dépassait pas 31 883 331 euros lors de leur annulation ; qu'afin de tenir compte de cette dépréciation la société qui avait initialement constaté deux provisions successives pour un montant total de 7 351 885 euros a, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, soldé ces provisions par le débit des comptes d'actifs mentionnés ci-dessus pour leur valeur nette, soit 31 883 331 euros et constaté au plan comptable, par ce moyen, la perte de valeur de ces titres ; qu'ainsi, comme le soutient la société requérante, les provisions pour un montant total de 7 351 885 euros n'existaient plus dans ses écritures comptables au 31 décembre 2002 et ne pouvaient donc donner lieu à réintégration au seul motif qu'elles auraient été dépourvues d'objet à cette date ;

Considérant, toutefois, en deuxième lieu, que la provision initialement passée par la société REXEL DISTRIBUTION le 31 décembre 2001 pour un montant de 1 061 885 euros avait selon son libellé pour objet unique de couvrir le risque lié au droit offert à ses salariés de lever l'option d'achat des titres à un prix inférieur à leur coût d'acquisition par la société ; que l'objet initial de cette première provision n'a pas été ultérieurement modifié ou complété, notamment lors de la passation de la seconde provision, afin de couvrir expressément également la dépréciation des titres de la société alors observée ; qu'ainsi, en soldant cette provision lors de l'annulation des titres pour constater une perte liée à la dépréciation des titres, la société requérante n'a pas utilisé cette provision conformément à son objet initial quand bien même l'assiette des deux risques se recoupent pour partie ; que, dès lors, l'administration était fondée à rapporter cette provision au résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2002, conformément aux dispositions précitées du 5° du 1. de l'article 39 du code général des impôts dès lors qu'elle n'a pas reçu un objet conforme à sa destination initiale ;

Considérant, en troisième lieu, que, dans la mesure où le service entendrait contester le principe de la constatation par la société au 31 décembre 2002 d'une perte d'un montant équivalent à la provision constatée le 30 juin 2002, soit 6 290 000 euros, l'annulation des titres propres détenus par la société REXEL qu'elle avait inscrits à son actif, à la différence d'une annulation des titres motivée uniquement par une opération de réduction de capital, devait nécessairement se traduire par la constatation de la perte résultant de leur dévalorisation intervenue durant la durée de leur inscription à l'actif, perte latente jusqu'à l'annulation des titres mais devenue réelle lors de leur annulation ; qu'ainsi, compte tenu des objectifs initialement poursuivis en rachetant ses propres titres, la société REXEL DISTRIBUTION était en droit de constater une perte liée à leur dévalorisation et d'anticiper cette perte par la passation d'une provision ; qu'en conséquence, il ne saurait y avoir lieu, à réintégration de la perte de 6 290 000 euros constatée au 31 décembre 2002 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société REXEL DISTRIBUTION est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il concerne la provision de 6 290 000 euros passée le 30 juin 2002 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société REXEL DISTRIBUTION et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La base d'imposition à l'impôt sur les sociétés, à la contribution assise sur cet impôt et aux contributions sociales de la société REXEL DISTRIBUTION au titre de l'année 2002 est réduite de 6 290 000 euros.

Article 2 : La société REXEL DISTRIBUTION est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution assise sur cet impôt et de contributions sociales de l'année 2002 correspondant à cette réduction de la base d'imposition.

Article 3 : Le jugement n° 0808968 du 15 avril 2010 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société REXEL DISTRIBUTION au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société REXEL DISTRIBUTION est rejeté.

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N° 10VE02045


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02045
Date de la décision : 26/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Provisions.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : BARDET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-06-26;10ve02045 ?
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