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05/06/2012 | FRANCE | N°10VE02166

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 05 juin 2012, 10VE02166


Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société GECINA, venant aux droits et obligations de la société Société des immeubles de France (SIF), dont le siège social est sis 14/16, rue des Capucines à Paris Cedex 2 (75084), par Me Sicot, avocat à la Cour ; la société GECINA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901073 en date du 15 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentair

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Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société GECINA, venant aux droits et obligations de la société Société des immeubles de France (SIF), dont le siège social est sis 14/16, rue des Capucines à Paris Cedex 2 (75084), par Me Sicot, avocat à la Cour ; la société GECINA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901073 en date du 15 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés auxquelles la société SIF a été assujettie au titre de l'exercice de cessation d'entreprise au 1er janvier 2003 et d'autre part, à la réduction de la cotisation primitive à l'impôt sur les sociétés acquittée par la société SIF ;

2°) de prononcer les décharge et réduction sollicitées, soit un montant total de 2 621 612 euros ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- sur le redressement relatif à la dépréciation des créances clients : que le changement de régime fiscal engendré par l'option de la société SIF pour le régime SIIC à effet du 1er janvier 2003 a entraîné une " cessation partielle d'entreprise " au sens des articles 221-2 et 201-1 et 3 du code général des impôts, justifiant la taxation immédiate des " bénéfices réalisés et qui n'ont pas encore été imposés " ; que le fond du litige porte sur le sort fiscal à réserver aux dépréciations, en l'espèce de créances clients, qui étaient provisionnées dans le bilan de clôture du 31 décembre 2002 et qui se retrouvaient, par là-même dans le bilan de la cessation fiscale d'entreprise du 1er janvier 2003 ; que l'administration a considéré que cette cessation d'entreprise devait entraîner la réintégration fiscale et donc l'imposition de toutes les provisions qui figuraient au bilan ; que le Tribunal administratif de Montreuil a jugé que la thèse de la " réintégration automatique des provisions " était nécessairement conforme aux dispositions de l'article 201-1 du code général des impôts ; que cependant le tribunal n'a pas réellement examiné l'argument que constituaient les paragraphes 15 et 16 de la doctrine administrative 41-633 dont la société se prévalait ; que surtout le tribunal n'a pas répondu à l'argument majeur selon lequel la thèse dite de la " réintégration automatique des provisions " ne pouvait entraîner un rappel d'impôt effectif ; qu'en effet toute reprise d'une provision pour dépréciation affectant un poste d'actif, dès lors qu'elle correspond comme ici à une dépréciation justifiée, se traduit nécessairement par une moins-value symétrique d'égal montant par rapport au prix de revient brut dudit actif, d'où une parfaite neutralité fiscale ; que si l'administration faisait valoir que ce principe ne serait applicable qu'aux seuls actifs immobilisés et non aux autres postes du bilan, la société a démontré que cette approche différenciée était contraire aux dispositions légales et à la jurisprudence ; que les dispositions de l'article 221 du code général des impôts ne font en effet aucune distinction selon la nature des différents postes du bilan ; que cette distinction est, plus généralement, contraire aux dispositions de l'article 38.2 du code général des impôts qui déterminent le bénéfice imposable par la variation de l'actif net global de l'entreprise, lequel inclut par définition tous les postes d'actif et de passif du bilan ; que si l'on devait suivre le point de vue de l'administration, la dépréciation affectant les comptes clients, alors même qu'elle a été reconnue parfaitement justifiée, ne pourrait être déduite ni par " l'ancienne " entreprise ni par la " nouvelle " ; que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité dès lors que le service s'est abstenu de répondre à l'un des arguments exposés par la société dans ses observations du 24 avril 2007 faisant suite à la proposition de rectification du 19 décembre 2006 ; que cette irrégularité justifie à elle-seule l'annulation de ce redressement ;

- sur le redressement relatif à la valorisation des titres des sociétés civiles immobilières : que la cessation d'entreprise générée par l'option pour le régime SIIC à effet du 1er janvier 2003 a conduit la société SIF à procéder à l'évaluation de ses immeubles ainsi que de ses participations dans quatre SCI translucides afin de soumettre les plus-values correspondantes à l'exit-tax de 16,5 % prévu par l'article 219 IV du code général des impôts ; que la décote forfaitisée à 4,80 % qui a été appliquée à la valeur brute des titres n'a jamais eu pour but d'illustrer une charge de droits d'enregistrement faisant double emploi avec la valorisation de l'immeuble hors droits d'enregistrement mais de retracer la décote pour " fiscalité latente " négociée par tout acquéreur de parts sociales qui, achetant des parts et non un immeuble, supporte un préjudice fiscal qui vient nécessairement affecter à la baisse la valeur des titres ; que le rappel opéré par le service n'est donc pas justifié ; que l'exposante est même fondée à demander la restitution d'un trop payé de 990 660 euros ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2012 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Sicot, avocat de la société GECINA ;

Considérant que la société SIF, société foncière, a opté avec effet au 1er janvier 2003 pour le régime des sociétés d'investissements immobiliers cotées (SIIC) institué par l'article 11 de la loi du 30 décembre 2002 et codifié à l'article 208 C du code général des impôts ; que l'exercice de cette option ayant entraîné une cessation d'entreprise, la société SIF a souscrit une déclaration de cessation d'entreprise au 1er janvier 2003 ; que la société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, d'une part, sur cette déclaration de cessation d'entreprise au 1er janvier 2003, et, d'autre part, sur ses exercices clos aux 31 décembre 2003 et 2004 ; que des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sur l'impôt sur les sociétés au titre de la déclaration de cessation ont été mises en recouvrement par avis du 26 février 2008 ; que la société GECINA, venant aux droits et obligations de la société SIF absorbée, relève régulièrement appel du jugement en date du 15 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge desdites impositions supplémentaires ainsi qu'à la réduction des cotisations primitives acquittées par la société SIF au titre de ce même exercice de cessation d'entreprise ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires en litige :

Sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement du 26 février 2008, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 256-1 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'avis de mise en recouvrement doit être établi au nom du redevable légal de l'impôt, qu'il s'agisse ou non d'une personne physique, et que la mauvaise identification du redevable affecte la validité de l'avis de mise en recouvrement ;

Considérant que la société GECINA soutient pour la première fois en appel que l'avis de mise en recouvrement du 26 février 2008 est entaché d'irrégularité dès lors qu'il est adressé à la société SIF alors que cette dernière n'avait plus d'existence juridique ; qu'il résulte effectivement de l'instruction que par décision de l'assemblée générale extraordinaire du 28 décembre 2007, la société SIF a été absorbée par voie de fusion avec la société GECINA, avec effet au 1er octobre 2007 ; que la dissolution de la société SIF est opposable à l'administration à compter du 30 janvier 2008, date de sa publication au registre du commerce et des sociétés ; qu'il suit de là que la société GECINA est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a émis le 26 févier 2008 un avis de mise en recouvrement établi au nom de la société SIF ; qu'il y a lieu par voie de conséquence de prononcer la décharge des impositions supplémentaires résultant dudit avis de mise en recouvrement, soit une somme totale en droits de 1 630 952 euros ;

Sur les conclusions tendant à la réduction des impositions primitives acquittées par la société SIF au titre de la déclaration de cessation au 1er janvier 2003 :

Considérant que la société SIF, dans le cadre de sa cessation d'entreprise au 1er janvier 2003, a été amenée à procéder à l'évaluation des participations qu'elle détenait dans quatre sociétés civiles immobilières translucides ; que pour déterminer la valeur vénale desdites participations la société a pratiqué un abattement de 4,80 % sur la valeur brute des titres détenus ; que cet abattement a été remis en cause par le service au motif qu'il ferait double emploi avec la déduction des droits d'enregistrement également pratiquée par la société SIF ; qu'au soutien de ses conclusions tendant à la réduction des impositions primitives acquittées par ladite société, la requérante fait valoir que cet abattement était insuffisant ;

Considérant que si la société GECINA soutient que cet abattement de 4,80 % ne ferait pas double emploi avec la déduction des droits d'enregistrement dès lors qu'il a pour finalité de tenir compte de la décote pour fiscalité latente que tout acquéreur de parts sociales négocie, une telle déduction ne repose sur aucun fondement juridique ; qu'à cet égard si la requérante invoque une pratique de place proposée par la fédération des sociétés immobilières foncières, une telle pratique ne saurait justifier la déduction opérée par la société SIF ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'abattement en litige ; que la société GECINA n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'abattement pratiqué initialement serait insuffisant et, par suite, à demander la restitution d'un trop payé à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société GECINA est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires qui lui ont été réclamées par l'avis de mise en recouvrement du 26 février 2008 ;

Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :

Considérant que les intérêts dus au contribuable en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, en cas de remboursements effectués en raison de dégrèvements d'impôt prononcés par un tribunal ou par l'administration des impôts à la suite d'une réclamation sont, en application de l'article R. 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts " ;

Considérant qu'il n'existe en l'espèce aucun litige né et actuel entre le comptable et la société requérante concernant lesdits intérêts ; que, par suite, la société GECINA n'est pas fondée à demander le paiement des intérêts moratoires ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société GECINA et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La société GECINA est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sur l'impôt sur les sociétés mises à sa charge par l'avis de mise en recouvrement en date du 26 février 2008 pour un montant en droits de 1 630 952 euros.

Article 2 : Le jugement du 15 avril 2010 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société GECINA une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société GECINA est rejeté.

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N° 10VE02166


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02166
Date de la décision : 05/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Action en recouvrement - Détermination du redevable de l'impôt.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif - Plus et moins-values de cession.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : BREDIN PRAT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-06-05;10ve02166 ?
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