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05/06/2012 | FRANCE | N°09VE02860

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 05 juin 2012, 09VE02860


Vu la requête, enregistrée le 20 août 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ..., par Me Vassal ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900114 du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2008 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un

délai d'un mois en fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler pour e...

Vu la requête, enregistrée le 20 août 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ..., par Me Vassal ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900114 du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2008 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois en fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 décembre 2008 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient qu'il est entré en France en 1993 ; qu'il a obtenu un titre de séjour régulièrement renouvelé pendant six années ; que le 8 septembre 1999 il a été incarcéré ; que le 5 février 2008 le juge d'application des peines de Toulouse lui a octroyé le bénéfice d'une libération conditionnelle ; qu'il a présenté alors une demande de titre et que le 8 décembre 2008 il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour ; qu'en premier lieu la décision de refus de titre n'est pas motivée en fait car elle ne comporte pas l'énoncé exhaustif des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale du demandeur en France et en Tunisie ; en deuxième lieu que la décision est entachée d'une erreur de fait puisqu'il a toujours assumé la charge de ses deux enfants nés respectivement en 1992 et 1998 ; que le juge d'application des peines, qui a octroyé au requérant le bénéfice de la libération conditionnelle a souligné, dans son jugement, que les efforts modestes d'indemnisation des parties civiles s'expliquaient par l'aide financière apportée par le détenu à son ex-épouse et ses deux enfants ; que durant l'incarcération de son père Wissem a été placé en foyer et qu'en novembre 2008 le juge des enfants a ordonné la main levée de ce placement en raison de la libération conditionnelle du père et a remis l'enfant aux parents ; que M. A était prêt à l'accueillir en région parisienne ; que les attestations de Mme Chatti et de son fils Wissem attestent de la réalité de cet hébergement ; en troisième lieu que la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il est entré en France en 1993 ; que ses enfants sont nés en France et ne sont jamais retournés en Tunisie ; que son fils vit avec lui ; qu'il n'a aucune vocation à retourner vivre en Tunisie ; qu'il a gardé aussi des relations avec sa fille née en 1998 ; qu'il est lui-même intégré à la société française puisque il ressort du jugement du juge d'application des peines qu'il a effectué un parcours irréprochable caractérisé par des efforts de remise à niveau scolaire ; qu'il a travaillé depuis sa libération en qualité de maçon polyvalent dans l'entreprise de son frère ; qu'il vit désormais avec Mme Chatti ; qu'elle est enceinte et que le mariage est envisagé ; en quatrième lieu, que la décision est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle est contraire aux dispositions de l'article L. 313-11 7°; que son comportement, lors de l'incarcération, a été qualifié d'irréprochable de par son comportement général, sans incident aussi lors de ses permissions de sortie, par l'engagement de soins médico-psychologiques dès son incarcération à Nice et par des efforts d'indemnisation volontaire des parties civiles ; que s'il a bénéficié d'une libération conditionnelle c'est qu'il ne présentait pas de risque de trouble pour l'ordre public ; qu'il justifie d'une stabilité de vie depuis qu'il est sorti de prison ; que sa condamnation en 2001 ne comportait pas d'interdiction du territoire français ; que le Conseil Constitutionnel a rappelé que la réserve d'ordre public ne peut être opposée à un étranger qui est en France depuis plus de dix ans ; qu'enfin, la décision est également contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York ; que l'éloignement de M A constituerait un nouvel élément traumatique pour son fils Wissem ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-tunisien modifié du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2012 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant tunisien, a été incarcéré le 8 septembre 1999 et condamné le 25 septembre 2001 par la Cour d'assises de Nice à 15 ans de réclusion pour viol en réunion, vol avec arme et violence avec usage d'une arme sans incapacité ; que le 5 février 2008 le juge d'application des peines de Toulouse lui a accordé le bénéfice d'une libération conditionnelle pour bonne conduite ; qu'il a présenté alors une demande de titre de séjour et obtenu des récépissés l'autorisant à travailler ; que le 8 décembre 2008 il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour ; qu'il relève appel du jugement du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2008 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire et l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de renvoi ;

Considérant, en premier lieu que M. A soutient que le refus de séjour qui lui a été opposé serait insuffisamment motivé en fait ; que, contrairement à ce qu'il soutient, pour satisfaire aux obligations de motivation prescrites par la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 le préfet n'était pas tenu de mentionner, de manière exhaustive, tous les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale du demandeur tant en France qu'en Tunisie ; que, par suite, ladite décision est suffisamment motivée ;

Considérant en deuxième lieu qu'aux termes du 7° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

Considérant que pour décider que M. A ne pouvait prétendre à un titre de séjour délivré sur le fondement de ces dispositions, le préfet de la Seine-Saint-Denis a estimé que M. A était divorcé, qu'il n'assurait pas la prise en charge de ses enfants mineurs, qu'il ne justifiait pas d'obstacles à la poursuite de sa vie familiale dans son pays d'origine et que sa présence en France constituait une menace d'une particulière gravité ; que M. A soutient que la décision contestée serait entachée d'une erreur de fait au motif qu'il prenait en charge son fils mineur depuis un mois à la date de la décision attaquée ; que, toutefois, à supposer que le motif tiré du défaut de prise en charge de ses enfants mineurs soit erroné en fait, pour fonder en droit et en fait sa décision, le préfet pouvait légalement invoquer les autres motifs qu'il a retenus et notamment la menace à l'ordre public qui ne rendait pas M. A éligible à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si M. A soutient que la décision serait également entachée d'erreur de droit et que, contrairement à ce qu'a indiqué le préfet il ne représentait pas de menace d'une particulière gravité toutefois, alors même que le juge d'application des peines constatait qu'il a effectué un parcours carcéral irréprochable dans son jugement du 5 février 2008, qu'il a bénéficié de permissions de sortie qui se sont bien déroulées et que, par ailleurs, sa condamnation en 2001 ne comportait pas d'interdiction du territoire français, le juge d'application des peines dans le même jugement a noté que " l'expert psychiatre a estimé que le risque de récidive n'était pas exclu si les circonstances étaient favorables, faute de remise en cause personnelle et de l'impossibilité de se confronter à la dimension agressive de sa personnalité " ; que, par suite, compte tenu de cette expertise et de la gravité des faits qui lui étaient reprochés, c'est à bon droit que, pour rejeter sa demande, le préfet s'est fondé sur la menace grave à l'ordre public que constituait sa présence en France pour rejeter sa demande ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A soutient qu'en application de la Constitution il a droit à un titre de séjour de plein droit dès lors qu'il totalise dix ans de séjour habituel en France ; que toutefois il ne se prévaut d'aucune disposition législative précise à l'appui de ce moyen ; que s'il fait valoir que le refus de lui accorder un titre serait contraire à la Constitution du fait de la durée de séjour en France, il n'a pas présenté à l'appui de sa requête de mémoire distinct tendant à contester la constitutionnalité de la loi en application de laquelle le préfet lui a refusé un titre de séjour ; que, par suite, il n'est pas recevable à invoquer l'inconstitutionnalité alléguée des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme aux termes : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que M. A soutient qu'il vit en France depuis 1993 et que ses enfants y sont nés ; qu'il a envoyé régulièrement des mandats à ses enfants lors de son incarcération et qu'il hébergeait son fils depuis un mois à la date de la décision ; que, toutefois, il ne verse au dossier aucun élément attestant de cette prise en charge sur la longue durée ; qu'il ne peut utilement se prévaloir de sa nouvelle relation de concubinage et de l'existence d'un enfant à naître, faits qui sont postérieurs à l'édiction de la décision attaquée ; que compte tenu de la gravité des faits qui lui sont reprochés au regard de la nécessité de préserver l'ordre public et de l'évaluation de l'expert psychiatre dont la teneur est ci-dessus rappelée, la décision attaquée n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant " ;

Considérant qu'à la suite de la libération conditionnelle de M. A le 8 février 2008 par le juge d'application des peines, le juge du Tribunal des enfants de Nice a jugé, le 8 avril 2008, que le retour récent de M. A dans la vie de ses deux enfants Sara et Wissem, nés respectivement en 1998 et 1992 à Nice, avait eu un effet positif surtout pour son fils Wissem ; que, toutefois, si le placement de Wissem devait faire l'objet d'une mainlevée le 8 novembre 2008 pour que son père puisse le prendre en charge, M. A n'hébergeait son fils que depuis un mois à la date de la décision attaquée ; qu'il ne démontre pas qu'il aurait, par la suite, continué de l'héberger à son domicile ; qu'en outre il ressort du jugement du 5 février 2008 rendu par le juge d'application des peines du Tribunal de grande instance de Toulouse que l'expert psychiatre a estimé que le risque de récidive n'était pas exclu si les circonstances étaient favorables, faute de remise en cause personnelle et de l'impossibilité de se confronter à la dimension agressive de sa personnalité ; que, par suite, et alors même que M. A a envoyé des mandats à son ex-épouse et à ses enfants mineurs lors de son incarcération, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis, adopté le 8 décembre 2008, n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants, et, par suite, les stipulations précitées ;

Considérant, enfin, que M. A fait valoir que la décision portant obligation de quitter le territoire serait privée de base légale motif pris de l'illégalité de la décision de refus de séjour ; que, toutefois, il résulte de ce qui précède que la décision de refus de séjour n'est pas illégale ; que, dès lors, l'exception d'illégalité invoquée ne peut qu'être écartée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction, ensemble ses conclusions tendant au versement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 09VE02860 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 09VE02860
Date de la décision : 05/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : VASSAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-06-05;09ve02860 ?
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