Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Tugba A épouse B, demeurant, ..., par Me Uludag, avocat à la Cour ; Mme B demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1009507 du 14 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 2 novembre 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme dont il appartiendra à la Cour de fixer le montant en équité en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, en premier lieu, que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors, d'une part, qu'il n'est pas suffisamment motivé, se bornant à relever une durée insuffisante de séjour et de mariage, et, d'autre part, qu'il a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire, prévu à l'article L. 5 du code de justice administrative, et du droit à un procès équitable, protégé par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, alors que la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2010 lors de l'enregistrement de sa demande, l'exposante n'a pas disposé d'un délai suffisant pour répondre au mémoire en défense du préfet du Val-d'Oise qu'elle a reçu le 24 février 2010 ; en deuxième lieu, que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, le préfet ayant relevé que l'exposante pouvait bénéficier de la procédure de regroupement familial, alors pourtant que les membres de la famille résidant en France peuvent être exclus du bénéfice de cette procédure ; en troisième lieu, que le préfet devait saisir la commission du titre de séjour en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'exposante relève des dispositions de l'article L. 313-11-7 du même code ; en quatrième lieu, que le préfet du Val-d'Oise a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'entrée en France en août 2009, elle s'est mariée le 12 décembre 2009 avec un compatriote titulaire d'une carte de résident ; qu'elle a accouché d'un enfant sans vie le 28 juillet 2010 et est à nouveau enceinte depuis le mois de mars 2011 ; qu'elle n'a plus d'attaches personnelles ou familiales en Turquie ; qu'en outre, contrairement à ce qu'a retenu le préfet, elle ne remplit pas les conditions du regroupement familial dès lors qu'elle réside en France et devra retourner en Turquie pour une durée indéterminée ; que l'article L. 313-11-7 n'exige pas une durée de séjour en France d'au moins un an ; en cinquième lieu, que la décision portant refus de titre de séjour a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors qu'en cas de retour dans son pays d'origine, l'enfant qu'elle attend sera séparé de son père ; en sixième lieu, que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; en septième lieu, que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ; qu'elle est illégale pour être fondée sur une décision de refus de titre entachée d'illégalité ; qu'elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; enfin, que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination est illégale ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2012 le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur ;
Considérant que Mme A épouse B, ressortissante turque née en 1988, fait appel du jugement du 14 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 2 novembre 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, alors qu'en application de l'article R. 775-4 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction avait été fixée, lors de l'enregistrement de la demande, au lundi 28 février 2011 à 12 heures, le mémoire unique en défense du préfet du Val-d'Oise a été produit le 22 février 2011 et communiqué par un courrier du 23 février 2011 à Mme B qui indique l'avoir reçu le 24 février 2011 ; que, dans ces conditions, Mme B n'a pas disposé d'un délai suffisant pour répondre au mémoire en défense du préfet du Val-d'Oise ; qu'il en résulte que le jugement du 14 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de Mme B a été rendu en méconnaissance du principe du respect du caractère contradictoire de la procédure ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité de ce jugement, Mme B est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée mentionne notamment, après avoir précisé que Mme B, entrée en France le 30 août 2009 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour le 15 mars 2010 dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'intéressée ne remplit pas les conditions de cet article dès lors que son époux étant titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, elle a la possibilité de revenir en France par la voie du regroupement familial ; que cette décision précise ainsi les considérations de droit et de fait sur laquelle elle est fondée et est, par suite, suffisamment motivée sans qu'importe à cet égard le bien-fondé de ses motifs ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit en conséquence être écarté sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article L. 411-1 du même code : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint (...) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'époux de Mme B est titulaire d'une carte de résident et séjournait régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois à la date de la décision en litige ; que, par suite, la requérante entre dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial, peu important qu'elle réside déjà en France ; que, dès lors, Mme B, qui n'entre pas dans le champ d'application des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Val-d'Oise aurait méconnu les dispositions de ce texte en refusant de lui délivrer une carte de séjour ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. 1l ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
Considérant que Mme B fait valoir qu'entrée en France en août 2009, elle s'est mariée le 12 décembre 2009 avec un compatriote titulaire d'une carte de résident, qu'après avoir accouché d'un enfant sans vie le 28 juillet 2010, elle est à nouveau enceinte depuis le mois de mars 2011 et soutient enfin qu'elle n'a plus d'attache personnelle ou familiale en Turquie ; que, toutefois, Mme B, qui, à la date de la décision en litige, résidait en France seulement depuis seize mois, n'établit pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine ; qu'elle ne peut, par ailleurs, se prévaloir de la circonstance, postérieure à cette décision, qu'elle attend un enfant ; que, dans ces conditions, compte tenu du caractère récent tant du séjour en France de l'intéressée que de son mariage, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement toutes les conditions prévues à l'article L. 313-11 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de tous les étrangers qui se prévalent de cette disposition ; que, par suite, Mme B, qui ne remplissait pas les conditions lui permettant de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 précité, ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que le préfet du Val-d'Oise n'a pas consulté la commission du titre de séjour pour contester la légalité de la décision attaquée ;
Considérant, en cinquième lieu, que Mme B, qui n'était pas mère à la date de la décision attaquée, ne peut utilement invoquer le bénéfice des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, qui stipule que " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de délivrer une carte de séjour à Mme B, le préfet du Val-d'Oise aurait fait une appréciation manifestement erronée de la situation personnelle de l'intéressée ;
En ce qui concerne la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination :
Considérant, en premier lieu, que, dès lors que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que " l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ", Mme B ne peut utilement faire valoir que la décision par laquelle le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français ne serait pas suffisamment motivée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que Mme B n'établit pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est illégale ; que, dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée et doit être rejetée ;
Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision faisant obligation à la requérante de quitter le territoire français aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;
Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui précède que Mme B n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant la Turquie comme pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité qui entacherait la mesure d'éloignement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 2 novembre 2010 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour rejette les conclusions de Mme B tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par l'intéressée doivent également être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme B au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1009507 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 14 avril 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
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N° 11VE01919