Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SA BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL, ayant son siège 34 rue du Wacken à Strasbourg (67000), par Mes A et B, avocats à la Cour ; la SA BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703423 en date du 29 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt qu'elle a acquittées en son nom propre au titre de son exercice clos en 2001 et en sa qualité de tête d'un groupe fiscalement intégré au titre de son exercice clos en 2002 ;
2°) de prononcer la réduction sollicitée, assortie des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le jugement attaqué est irrégulier pour avoir omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la notion de " crédit d'impôt " de l'article 216 du code général des impôts n'inclut pas l'avoir fiscal visé à l'article 158 bis du même code ; que, pour les exercices 2001 et 2002, elle a retranché de son bénéfice les dividendes qui lui ont été distribués ainsi qu'à la société Ventadour, membre de l'intégration fiscale, sous déduction d'une quote-part de frais et charges calculée, s'agissant des dividendes de source française, à partir de ces dividendes majorés de l'avoir fiscal ; que, toutefois, la quote-part pour frais et charges prévue à l'article 216-I du code général des impôts ne peut inclure l'avoir fiscal prévu à l'article 158 bis dès lors où ce dernier ne constitue un crédit d'impôt que si le dividende auquel il est attaché est imposé, c'est-à-dire en l'absence d'application du régime mère-fille ; qu'en outre, en majorant le dividende perçu d'une filiale française d'un montant correspondant à un avoir fiscal, au demeurant théorique, l'assiette de calcul de la quote-part pour frais et charges n'est pas celle d'un dividende brut au sens de l'article 216-I mais d'un montant excédant le dividende versé par la filiale ce qui induit une différence de traitement avec des dividendes auxquels ne sont pas attachés des avoirs fiscaux ; qu'à cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne relative à la directive n° 90/435/CEE du 23 juillet 1990, laquelle distingue bien l'avoir fiscal et le crédit d'impôt, que seuls les crédits d'impôt compensant une retenue à la source prélevée dans l'Etat membre de la filiale peuvent être inclus dans l'assiette du calcul du montant forfaitaire des frais de gestion se rattachant aux participations détenues dans ces filiales ; qu'enfin, il résulte des travaux préparatoires de l'article 20 de la loi de finances pour 2000 qui a porté la quote-part pour frais et charges à 5 % que la volonté du législateur était d'établir des règles internes conformes à la directive ; qu'ainsi, elle est fondée à se prévaloir de la contrariété de l'article 216 du code général des impôts, tel qu'interprété par l'instruction administrative du 25 juin 1999, avec le droit communautaire dès lors que l'application du taux de 5 % prévu par cet article aboutit, en ce qui concerne les revenus distribués augmentés de l'avoir fiscal, à une imposition effective de 7,5 % ce qui est supérieur au maximum admis par le droit communautaire ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la directive n° 90/435/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2012 :
- le rapport de M. Huon, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 216 du code général des impôts, la SA BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL a retranché de son bénéfice net de l'exercice 2001 et du bénéfice net de l'exercice 2002 du groupe fiscalement intégré qu'elle avait constitué avec la société Ventadour les dividendes qui leur ont été distribués par leurs filiales françaises sous déduction d'une quote-part de frais et charges incluant les avoirs fiscaux attachés à ces dividendes ; qu'ayant fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur ses exercices clos en 2001, 2002 et 2003, la société, aux termes d'une réclamation en date du 18 décembre 2006, a fait valoir que c'était à tort qu'elle avait majoré la quote-part de frais et charges desdits avoirs fiscaux et sollicité, par voie de conséquence, une réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 2001 et 2002, respectivement en son nom propre et en sa qualité de tête du groupe fiscalement intégré ; qu'à la suite du rejet de cette réclamation, elle a réitéré ses prétentions devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; que la SA BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL relève appel du jugement du 29 avril 2010 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, ainsi que le fait valoir la requérante, qu'en se bornant à rappeler les dispositions de l'article 216 du code général des impôts et en jugeant que ces dispositions ne méconnaissaient pas les objectifs résultant de l'article 4 de la directive n° 90/435/CEE du 23 juillet 1990, le Tribunal administratif n'a pas répondu au moyen non inopérant soulevé devant lui et tiré de ce que l'article 216 ne visait que les crédits d'impôts afférents à des retenues à la source prélevées à l'étranger et non l'avoir fiscal prévu par les dispositions de l'article 158 bis du code général des impôts ; que, par suite, le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SA BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 216 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. Cette quote-part ne peut toutefois excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société participante au cours de la même période. (...) " ; qu'aux termes de l'article 158 bis du même code, alors en vigueur : " I. Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : / a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; / b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. / Ce crédit d'impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société. / Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. / Il est reçu en paiement de cet impôt. / Il est restitué aux personnes physiques dans la mesure où son montant excède celui de l'impôt dont elles sont redevables. / II. - Par exception aux dispositions prévues au I, ce crédit d'impôt est égal à 40 % des sommes effectivement versées par la société lorsque la personne susceptible d'utiliser ce crédit n'est pas une personne physique. Cette disposition ne s'applique pas lorsque le crédit d'impôt est susceptible d'être utilisé dans les conditions prévues au 2 de l'article 146 (...) " ;
Considérant qu'il résulte clairement de ces dispositions que le crédit d'impôt devant être inclus dans l'assiette de la quote-part de frais et charges, laquelle est réputée correspondre aux charges afférentes aux produits de participation qu'une société mère a perçus et extournés de son résultat fiscal, vise non seulement le crédit d'impôt attribué, en vertu d'une convention fiscale, à l'occasion de la distribution de bénéfices à une société française par une filiale étrangère ayant supporté une retenue à la source mais aussi, s'agissant de produits d'une filiale française, l'avoir fiscal alors prévu au b) du I. de l'article 158 bis du code général des impôts ; qu'à cet égard, si la SA BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL fait valoir qu'en vertu du 1 de l'article 209 bis du code général des impôts alors en vigueur, les dispositions des articles 158 bis et 158 ter n'étaient applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France que dans la mesure où le revenu distribué était compris dans la base de l'impôt sur les sociétés dû par le bénéficiaire, cette disposition, qui concerne les conditions d'utilisation et non d'attribution de l'avoir fiscal, est sans incidence sur sa qualification de crédit d'impôt au sens et pour l'application du deuxième alinéa du I de l'article 216 du code général des impôts dont l'objet est de neutraliser forfaitairement, la déduction de frais comptabilisés parmi l'ensemble des charges d'exploitation de la société mère, mais afférents à l'acquisition de produits soustraits à l'impôt ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la directive n° 90/435/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents : " 1. Lorsqu'une société mère ou son établissement stable perçoit, au titre de l'association entre la société mère et sa filiale, des bénéfices distribués autrement qu'à l'occasion de la liquidation de cette dernière, l'Etat de la société mère et l'Etat de son établissement stable : soit s'abstiennent d'imposer ces bénéfices, soit les imposent tout en autorisant la société mère et l'établissement stable à déduire du montant de leur impôt la fraction de l'impôt sur les sociétés afférente à ces bénéfices et acquittée par la filiale et toute sous-filiale (...) 2. Toutefois, tout Etat membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5 % des bénéfices distribués par la société filiale " ;
Considérant que la SA BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL soutient qu'en incluant dans la base de calcul de la quote-part de frais et charges, l'avoir fiscal attribué à l'occasion de la distribution de bénéfices par des filiales établies en France, le législateur aurait méconnu les objectifs résultant des dispositions précitées de l'article 4 de la directive du 23 juillet 1990, qui prévoient que le montant des charges déductibles du résultat imposable de la société mère, lorsqu'il est fixé forfaitairement, est plafonné à 5 % des seuls bénéfices distribués par la société filiale ; que, toutefois, que, dès lors que la directive du 23 juillet 1990 se borne à fixer le régime fiscal applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents, le moyen susanalysé est inopérant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL n'est pas fondée à demander la réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt qu'elles a acquittées en son nom propre au titre de son exercice clos en 2001 et en sa qualité de tête d'un groupe fiscalement intégré au titre de son exercice clos en 2002 ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la requérante à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0703423 du 29 avril 2010 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SA BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.
''
''
''
''
N° 10VE01931 2