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13/03/2012 | FRANCE | N°10VE02050

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 13 mars 2012, 10VE02050


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 28 juin 2010, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, représenté par son président, dont le siège est situé 20 avenue du Stade de France à La Plaine-Saint-Denis (93128), par Me Foure, avocat ; l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0807487 du 31 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamné à verser une somme de 22 159,30 euros à Mme A en réparation des conséquences dommageables

résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) à titre...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 28 juin 2010, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, représenté par son président, dont le siège est situé 20 avenue du Stade de France à La Plaine-Saint-Denis (93128), par Me Foure, avocat ; l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 0807487 du 31 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamné à verser une somme de 22 159,30 euros à Mme A en réparation des conséquences dommageables résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement attaqué, en tant qu'il a versé une indemnité excessive à Mme A pour réparer les chefs de préjudice résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

Il soutient que :

- le lien de causalité entre l'administration de produits sanguins labiles et la contamination de Mme A par le virus de l'hépatite C ne peut être tenu pour établi ;

- si aucune enquête transfusionnelle n'a pu être diligentée sur les neuf produits sanguins labiles administrés à Mme A en 1981 et en 1985, cette seule circonstance n'est pas de nature à permettre de considérer comme établi le lien de causalité entre sa contamination par le virus de l'hépatite C et l'administration de ces produits sanguins ; les risques endémique et nosocomial doivent être retenus comme source vraisemblable de la contamination ; Mme A a appris sa contamination virale en mai 1998, soit plus de dix ans après la date des dernières transfusions sanguines réalisées en 1985 ; l'expert a noté un taux des transaminases normal en septembre 1987 et, alors même que le rapport d'expertise indique que ce taux n'est pas informatif, il n'est pas possible d'imputer précisément la contamination au virus de l'hépatite C de Mme A aux épisodes transfusionnels de 1981 ou 1985, celle-ci pouvant être tant antérieure que postérieure à ces dates jusqu'à la découverte de la sérologie positive au virus de l'hépatite C en mai 1998 ;

- l'évaluation du risque transfusionnel à un taux de 5 %, retenue dans le rapport d'expertise, est erronée ; le risque résiduel de contamination par le virus de l'hépatite C par voie transfusionnelle est en réalité de 2,25 % ; au titre des autres facteurs de risque de contamination par le virus de l'hépatite C, auxquels Mme A a été exposée, figure le risque endémique évalué, par l'expert désigné par le tribunal, à 2,6 % du fait d'un séjour prolongé de 27 années en Sierra Leone ; le risque endémique était supérieur au risque transfusionnel ; le risque nosocomial doit également être pris en compte eu égard aux antécédents médicaux de la requérante ; l'expert précise, d'une part, qu'il n'est pas possible de dater avec précision la date de la contamination et, d'autre part, que la chronologie de l'histoire médicale de Mme A ne permet pas davantage de déterminer si les transfusions incriminées sont bien en cause, le risque endémique et nosocomial devant être retenus ;

- le montant alloué à la requérante, en première instance, est supérieur aux sommes habituellement allouées dans des espèces similaires, justifiant la réformation du jugement attaqué ;

- l'hépatite C chronique dont souffre Mme A n'est pas ou peu active ; indépendamment du virus de l'hépatite C, l'expert ne s'est pas prononcé sur les conséquences précises de l'insuffisance coronarienne dont est également atteinte la requérante ; en tout état de cause, l'asthénie et l'état dépressif retenus par l'expert ne sauraient être imputés en intégralité à la maladie hépatique dont souffre Mme A ; les pièces produites, en première instance, par la requérante mettent en évidence que l'état dépressif qu'elle présente est la résultante de difficultés d'ordre personnel ; l'asthénie dont est atteinte Mme A est davantage rattachée au syndrome dépressif qu'à la maladie hépatique ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;

Vu le décret n° 2010-252 du 11 mars 2010 relatif à la dotation couvrant les dépenses liées à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ;

Vu l'arrêté de la ministre de la santé et des sports du 15 mars 2010 portant nomination au conseil d'orientation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2012 :

- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,

- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,

- et les observations de Me Coz, substituant Me Hascoët, pour la compagnie Allianz ;

Considérant qu'il ressort de l'instruction que Mme Assanatou A, alors âgée de 33 ans, a été admise le 28 novembre 1981, à l'occasion de son troisième accouchement, au centre hospitalier de Gonesse, dont le poste de transfusion sanguine dépendait du centre de transfusion sanguine de Pontoise géré par le centre hospitalier René Dubos de Pontoise auquel l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG a été légalement substitué ; qu'à la suite d'une hémorragie importante, quatre culots globulaires et deux plasmas frais congelés lui ont été transfusés et qu'en août 1985, l'intéressée a été une nouvelle fois admise au centre hospitalier de Gonesse pour son quatrième accouchement par césarienne et a reçu à cette occasion trois autres culots globulaires ; qu'en 1998 des examens sanguins ont mis en évidence une sérologie positive au virus de l'hépatite C ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a reconnu la responsabilité de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et a évalué le préjudice subi par Mme A à la somme de 22 000 euros ; qu'en appel, l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG conteste l'imputabilité de la contamination de Mme A par le virus de l'hépatite C aux transfusions réalisées au centre hospitalier de Gonesse en 1981 et 1985 ; que, par la voie de l'appel incident, Mme A demande que la somme qui lui a été allouée par les premiers juges, au titre du préjudice qu'elle a subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C, soit portée à un montant de 270 077, 57 euros ;

Sur l'intervention de la compagnie Allianz :

Considérant que la compagnie Allianz, venant aux droits de la compagnie AGF, assureur du centre hospitalier de Gonesse aux droits et obligations duquel a succédé l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, justifie d'un droit auquel l'arrêt à rendre est susceptible de préjudicier ; que, par suite son intervention au soutien des conclusions de l'établissement requérant est recevable ;

Sur les conclusions dirigées contre la compagnie Allianz :

Considérant que l'action engagée par la victime d'un préjudice contre l'assureur de l'auteur responsable de ce préjudice est distincte de son action en responsabilité contre ce dernier ; que si ces deux actions sont fondées l'une et l'autre sur le droit de la victime à obtenir réparation du préjudice qu'elle a subi, l'action dirigée contre l'assureur ne poursuit que l'exécution par celui-ci de son obligation à cette réparation, laquelle est une obligation de droit privé ; qu'il s'ensuit qu'elle relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ; que par suite les conclusions par lesquelles Mme A demande que la compagnie Allianz, qui vient aux droits de l'assureur du centre hospitalier, soit condamnée à réparer les préjudices nés de sa contamination par le virus de l'hépatite C doivent être rejetées comme présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur la personne publique responsable :

Considérant que le paragraphe I de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale a introduit, dans le code de la santé publique, l'article L. 1221-14 qui confie à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), en lieu et place de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ; que l'article L. 1221-14 institue également, au profit de ces victimes, une procédure de règlement amiable devant l'ONIAM ; que, compte tenu de la nécessité de mettre en place de manière simultanée, conformément à l'intention du législateur, tant la procédure d'indemnisation amiable qu'il a instituée pour les victimes d'une contamination par le virus de l'hépatite C que le conseil d'orientation commun aux trois procédures de règlement amiable dont l'ONIAM a désormais la charge, la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique et du paragraphe IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 est intervenue à la date d'entrée en vigueur des décrets d'application en Conseil d'Etat des articles L. 1221-14 et L. 3122-1 du code de la santé publique et du décret prévu à l'article L. 1142-23 du même code ; que les décrets susvisés n° 2010-251 et 2010-252 du 11 mars 2010 ont été publiés au Journal officiel le 12 mars 2010 ; qu'aux termes de l'article 8 du premier de ces deux décrets : " les dispositions du présent décret entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de l'arrêté de nomination des membres du conseil d'orientation et au plus tard avant le 1er juillet 2010 " ; que les membres du conseil d'orientation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ont été nommés par arrêté du ministre de la santé et des sports du 15 mars 2010, publié au Journal officiel le 18 mars 2010 ; qu'en vertu de ces diverses dispositions, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se trouve substitué à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à compter du 1er juin 2010 ;

Sur la responsabilité de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;

Considérant que la présomption prévue par les dispositions précitées est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits ; qu'eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l'intéressé a été exposé par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et comme il a été dit plus haut, que les suites immédiates des troisième et quatrième accouchements par césarienne de Mme A, pratiqués respectivement en novembre 1981 et août 1985 au centre hospitalier de Gonesse, ont nécessité l'administration à cette dernière de neuf produits sanguins labiles ; qu'à la suite d'une fatigue importante, signalée dès 1983 au service de la médecine du travail, les examens biologiques réalisés le 28 mai 1998 et la biopsie pratiquée le 21 juillet 1998 ont révélé la contamination de Mme A par le virus de l'hépatite C de stade A2F1 correspondant à une fibrose portale et à une activité modérée ; qu'à la date des transfusions en cause, il n'était pas procédé, à l'occasion des dons du sang, à une détection systématique du virus de l'hépatite C, le dépistage spécifique de cette affection ayant été mis en place seulement à compter de 1990 ; que le rapport d'expertise, en date du 17 avril 2008, a indiqué, d'une part, que l'innocuité des produits labiles transfusés à Mme A en 1981 et 1985 n'a pu être établie, aucune enquête transfusionnelle n'ayant été possible compte tenu de l'ancienneté des faits, et, d'autre part, que le risque transfusionnel, évalué à 5 %, est deux fois plus élevé que les risques endémique et nosocomial ; qu'ainsi, eu égard aux caractéristiques cliniques de l'hépatite C et aux données du dossier médical de Mme A, l'hypothèse d'une contamination, lors des transfusions pratiquées en 1981 et 1985 au centre hospitalier de Gonesse, présente un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si l'intéressée a été exposée à d'autres facteurs de risque de contamination par le virus de l'hépatite C au nombre desquels figurent le risque endémique, en raison d'un séjour de vingt-sept années en Sierra Leone, et le risque nosocomial, compte tenu de ses antécédents médicaux, il résulte toutefois de l'instruction que le risque endémique a été évalué par l'expert à 2,6 %, que le risque nosocomial présente un caractère réduit et qu'aucun mode de contamination propre à la victime ne peut être retenu ; que, par suite, les circonstances que Mme A ait séjourné de manière prolongée dans une zone d'endémie et qu'elle ait subi, antérieurement aux transfusions incriminées, des actes chirurgicaux invasifs lors de ses accouchements précédents, ne sauraient remettre en cause l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination de Mme A ; qu'il s'ensuit que le lien de causalité entre les transfusions pratiquées en 1981 et 1985 au centre hospitalier de Gonesse et la contamination de Mme A par le virus de l'hépatite C doit être tenu pour établi ;

Sur l'évaluation des préjudices subis par Mme A :

Sur les préjudices à caractère patrimonial :

En ce qui concerne les dépenses de santé :

Considérant qu'il ressort de l'instruction, et qu'il n'est pas contesté, que Mme A a supporté des frais médicaux s'élevant à la somme de 159,30 euros correspondant à des soins à domicile réalisés par des infirmières pendant les périodes de traitement par Interféron dont elle a fait l'objet et que ces dépenses de santé n'ont pas donné lieu à un remboursement total ou partiel par les organismes de sécurité sociale ; qu'il y a lieu, dès lors, de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 159,30 euros au titre des dépenses de santé supportées par Mme A ;

En ce qui concerne la perte de revenus professionnels :

Considérant que Mme A, qui exerçait le métier de repasseuse dans un pressing, soutient qu'à la suite de son licenciement pour motif économique, sa recherche d'emploi a été contrariée par la découverte de sa contamination par le virus de l'hépatite C et qu'à compter du 1er octobre 1999, elle a été placée en invalidité par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel et a perçu l'allocation aux adultes handicapés, rendant impossible l'exercice d'une nouvelle activité professionnelle ; que Mme A fait également valoir qu'eu égard à son état de santé, elle a été privée de la possibilité de travailler pendant treize ans et est encore privée de cette possibilité pendant encore trois ans, entraînant une perte de ses droits à la retraite ; que, toutefois, le licenciement de Mme A étant intervenu en 1996, soit antérieurement à la découverte de sa contamination par le virus de l'hépatite C, les premiers juges ont pu relever, à juste titre, que le lien de causalité entre ses pertes de revenus professionnels, pour la période de 1998 à 2008, et sa contamination virale ne pouvait être tenu pour établi ; qu'en outre, si Mme A entend également se prévaloir de l'incidence de la pathologie dont elle souffre sur la recherche d'un nouvel emploi, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'elle est atteinte d'une hépatite C chronique de génotype 1B, initialement de stade A2F1 et maintenue depuis 2005 au stade A0F0, pas ou peu active ; que, dans ces circonstances, Mme A n'est pas fondée à demander la réparation d'un préjudice qui résulterait de l'incidence professionnelle de sa contamination ;

Sur les préjudices à caractère personnel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A, âgée de 63 ans, souffre d'une hépatite C chronique évolutive, dont la charge virale est importante, et que son état de santé n'est pas consolidé ; qu'elle est également atteinte d'asthénie et présente un état dépressif ; que le rapport d'expertise en date du 17 avril 2008 a fixé le déficit fonctionnel temporaire à un taux de 5 %, a évalué les souffrances endurées par Mme A à 2 sur une échelle de 1 à 7 et a retenu un préjudice moral d'anxiété, un préjudice sexuel et un préjudice d'agrément ; que, cependant, l'expert n'a pas fixé le taux du déficit fonctionnel permanent, en raison de l'absence de consolidation de l'état de santé de l'intéressée, et a exclu le préjudice esthétique ; que toutefois, la contamination par le virus de l'hépatite C ne constituant pas, par elle-même, un préjudice indemnisable distinct de celui réparé au titre des troubles mentionnés ci-dessus, Mme A ne peut utilement se prévaloir d'un préjudice spécifique de contamination ; que, dans ces circonstances, les premiers juges ont procédé à une suffisante appréciation des préjudices personnels subis par l'intéressée en évaluant le préjudice issu de ses troubles dans les conditions d'existence durant la période de déficit fonctionnel temporaire, de son préjudice sexuel et de ses souffrances physiques en lui allouant la somme de 22 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède d'une part que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, substitué à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG dans la présente instance, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à verser à Mme A la somme de 22 159,30 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C lors des transfusions de produits sanguins labiles réalisées en novembre 1981 et août 1985 au centre hospitalier de Gonesse et d'autre part que l'appel incident de l'intéressée tendant à la majoration de cette indemnité doit être rejeté ;

Sur les intérêts :

Considérant que Mme A n'a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 22 159,30 euros qu'à compter du 30 mai 2008, date de réception de sa demande préalable par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la compagnie d'assurances Allianz est admise.

Article 2 : Les conclusions incidentes de Mme A dirigées contre la compagnie d'assurances Allianz sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : La somme de 22 159,30 euros que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, auquel l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est substitué, a été condamné à verser à Mme A portera intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2008.

Article 4 : L'article 3 du jugement susvisé du 31 mai 2010 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera la somme de 1 500 euros à Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La requête de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et le surplus des conclusions incidentes de Mme A sont rejetés.

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N° 10VE02050 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02050
Date de la décision : 13/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : CABINET HOUDART et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-03-13;10ve02050 ?
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