La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2012 | FRANCE | N°10VE01607

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 28 février 2012, 10VE01607


Vu la requête, enregistrée le 26 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour le POLE RECHERCHE FORMATION ACTION EDUCATIVE (PREFACE), dont le siège est au 153, avenue Jean Lolive à Pantin (93500), par Me Mossé du cabinet Ratheaux ; le POLE RECHERCHE FORMATION ACTION EDUCATIVE (PREFACE) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0808687 du 1er avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge des cotisations de taxe sur les salaires au titre des années 2005, 2006 et 2007 ;

2°) de p

rononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l...

Vu la requête, enregistrée le 26 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour le POLE RECHERCHE FORMATION ACTION EDUCATIVE (PREFACE), dont le siège est au 153, avenue Jean Lolive à Pantin (93500), par Me Mossé du cabinet Ratheaux ; le POLE RECHERCHE FORMATION ACTION EDUCATIVE (PREFACE) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0808687 du 1er avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge des cotisations de taxe sur les salaires au titre des années 2005, 2006 et 2007 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le POLE RECHERCHE FORMATION ACTION EDUCATIVE (PREFACE), soutient, en premier lieu, que le jugement n'est pas suffisamment motivé et méconnaît l'article L. 9 du code de justice administrative ; qu'en deuxième lieu, la taxe sur les salaires n'est pas autonome au regard de la TVA comme l'a jugé dans son arrêt du 4 février 1988, Commission contre Royaume de Belgique, la Cour de justice des Communautés européennes au sujet de la taxe sur l'immatriculation et de la TVA ; que si, en application de la loi, dès lors qu'elle n'est pas assujettie à la TVA sur 90 % au moins de son chiffre d'affaires, elle est assujettie à la taxe sur les salaires, toutefois, cet assujettissement méconnaît les principes du droit communautaire qui sanctionnent l'existence d'une législation d'un Etat membre qui comporte une taxe indissociable et complémentaire de la TVA qui n'a pas d'autonomie au regard de la TVA, ni dans son champ d'application, ni au regard de son assiette ; que cette dernière présentait un caractère complémentaire tout comme la taxe sur les salaires en France au regard de la TVA ; qu'aux termes mêmes de l'article 231-1 du code général des impôts, il existe trois catégories de contribuables qui sont définis au regard des règles de champ d'application de la TVA ; qu'une simple modification des opérations qui sont dans le champ de la TVA et du bénéfice de l'exonération affecte corrélativement l'imposition à la taxe sur les salaires ; que l'assiette de la taxe est également dépourvue de toute autonomie au regard de l'assiette de la TVA ; que la variation du pourcentage de recettes soumises à la TVA fera varier l'assiette de la taxe sur les salaires dans les mêmes proportions ; que l'exercice du droit d'option à la TVA est corrélé à la diminution de la taxe sur les salaires ; qu'en troisième lieu, cette taxe n'est pas compatible avec l'article 49 du Traité ni conforme au principe de la liberté de prestations ni avec l'article 43 relatif à la liberté d'établissement ; que toute restriction à la libre prestation des services ou à la liberté d'établissement est susceptible d'être incompatible avec le droit communautaire ; que la Cour de justice des Communautés européennes a jugé, à plusieurs reprises, et, notamment, dans l'arrêt Commission contre France du 28 janvier 1986 Aff.270/83 qui concerne l'avoir fiscal, que les mesures fiscales nationales qui entravent l'exercice de ces libertés ne peuvent être déclarées compatibles avec les exigences de l'ordre juridique communautaire que pour autant qu'elles soient justifiées par une considération relative à l'ordre public ou par une raison impérieuse d'intérêt général ; que s'il s'agissait, en l'espèce, de mesures discriminatoires, cette jurisprudence doit aussi s'appliquer à des dispositions non discriminatoires entre sociétés françaises et étrangères, telles la taxe sur les salaires, qui peut être qualifiée de mesure indistinctement applicable ; que le fait qu'il soit plus intéressant pour une société française de s'établir dans un autre Etat membre plutôt que d'y proposer ses services mis en oeuvre depuis la France doit être analysé comme une atteinte à la libre prestation des services garantie par l'article 49 du Traité instituant la Communauté européenne ; qu'un dispositif fiscal qui dissuade un opérateur de fournir un service depuis son Etat d'origine et qui le contraint à s'établir dans l'Etat où se situe la bénéficiaire est incompatible avec les exigences du droit communautaire ; que la restriction à la libre prestation de services prohibée par l'article 49 du traité peut être invoquée par l'entreprise à l'égard de l'Etat où elle est établie dès lors que les services sont fournis à des destinataires établis dans des Etats membres en application de l'arrêt Cour de justice des Communautés européennes, Aff. Corsica Ferries du 17 mai 1994 ; que si les sociétés françaises entendent échapper à la taxe sur les salaires, elles sont contraintes de privilégier l'établissement dans tous les autres Etats membres plutôt que d'offrir une prestation de services à partir d'une entreprises établie en France et de faire reprendre les contrats de travail par des structures secondaires ainsi créées ; qu'il s'agit d'une restriction incompatible avec l'article 49 du traité ; qu'enfin, la taxe sur les salaires est incompatible avec les dispositions communautaires de libre établissement, soit l'article 43 du traité, soit la liberté communautaire de circulation, notamment, la liberté d'établissement ; que la liberté de choix n'a pas été respectée par le pays d'origine, en l'espèce, ce dernier instaurant ainsi, pour reprendre les termes utilisés par l'avocat général près la Cour de justice des Communautés européennes dans ses conclusions dans l'Aff. Imperial Chemical Industries du 16 juillet 1998, une restriction fiscale à la sortie ; que l'article 231 du code général des impôts qui régit la taxe sur les salaires institue une telle restriction ; qu'en cas de création de structure secondaire dans un autre Etat membre, la société française reste soumise à la taxe sur les salaires ; qu'en cas d'établissement, elle est donc contrainte de privilégier la mutation de ses salariés au détriment du détachement des ces mêmes salariés ; que, dans ces conditions, et le doute étant permis, il convient pour la Cour de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, notamment ses articles 6 et 13 ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu la décision n° 2010-28 QPC du 17 septembre 2010 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 231 du code général des impôts conforme à la Constitution ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne entrée en vigueur par l'effet de l'article 6 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne le 1er décembre 2009 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ;

Vu la sixième directive n° 77/388 du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 modifiée, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ;

Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2012 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

Considérant que le POLE RECHERCHE FORMATION ACTION EDUCATIVE (PREFACE), association régie par la loi de 1901, qui a acquitté la taxe sur les salaires due en application de l'article 231 du code général des impôts au titre des années 2005, 2006 et 2007 relève régulièrement appel du jugement du 1er avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge de ces cotisations de taxe sur les salaires ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que la requérante fait valoir que le jugement attaqué ne serait pas suffisamment motivé ; que, toutefois, les premiers juges ont écarté les moyens soulevés par la requérante, tirés de ce que la taxe sur les salaires méconnaîtrait l'article 33 de la sixième directive du 17 mai 1977 relative à la TVA ainsi que les articles 1er, 2 et 3 de la même directive repris par la directive 2006/122/CE du 28 novembre 2006 et constituerait une restriction prohibée par les articles 43 et 49 du traité instituant la Communauté européenne ; que, par suite, le jugement susvisé est suffisamment motivé ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant, en premier lieu, que la requérante soutient que la taxe sur les salaires serait une taxe indissociable de la TVA qui en présente toutes les caractéristiques et lui est complémentaire ; qu'elle est ainsi comme telle incompatible avec l'article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxe sur le chiffre d'affaires, dont les dispositions sont reprises à l'article 401 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, notamment de celles prévues par les dispositions communautaires en vigueur relatives au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un Etat membre de taxes sur les contrats d'assurance, sur les jeux et paris, d'accises, de droits d'enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires, à condition, toutefois, que ces impôts, droits et taxes ne donnent pas lieu dans les échanges entre Etats membres à des formalités liées au passage d'une frontière. " ;

Considérant que l'objet de cet article est d'éviter que soient instaurés ou maintenus des impôts, droits et taxes qui, du fait qu'ils grèvent la circulation des biens et des services d'une façon comparable à la TVA, compromettent le fonctionnement du système commun de cette dernière ; que doivent être considérés comme tels les impôts, droits et taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de cette taxe ; que cet article ne fait en revanche pas obstacle au maintien ou à l'introduction d'autres types d'impôts, droits et taxes, et en particulier de taxes assises sur les salaires versés par les entreprises, dès lors que ces impôts, droits ou taxes ne présentent pas les caractéristiques essentielles de la TVA ;

Considérant que la TVA s'applique de manière générale aux transactions ayant pour objet des biens ou des services, qu'elle est proportionnelle au prix de ces biens et de ces services, qu'elle est perçue à chaque stade du processus de production et de distribution et, enfin, qu'elle s'applique à la valeur ajoutée des biens et des services, la taxe due lors d'une transaction étant calculée après déduction de celle qui a été payée lors de la transaction précédente ;

Considérant que la taxe sur les salaires, dont la société requérante soutient que le maintien est prohibé par l'article 33 de la sixième directive du 17 mai 1977, est régie par les dispositions du 1 de l'article 231 du code général des impôts, aux termes desquelles, dans leur rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant (...), à la charge des personnes ou organismes, à l'exception des collectivités locales et de leurs groupements, des services départementaux de lutte contre l'incendie, des centres d'action sociale dotés d'une personnalité propre lorsqu'ils sont subventionnés par les collectivités locales, du centre de formation des personnels communaux et des caisses des écoles, qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la TVA ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la TVA et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la TVA en totalité ou sur 90 % au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la TVA. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la TVA mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la TVA (...) " ; qu'en vertu du 2 de l'article 51 de l'annexe III à ce code, la taxe sur les salaires est calculée sur le montant total des rémunérations effectivement payées par ces personnes à l'ensemble de leur personnel, y compris la valeur des avantages en nature, quels que soient l'importance des rémunérations et le lieu du domicile des bénéficiaires ; qu'il résulte de ces dispositions que la taxe sur les salaires est due par tout employeur établi en France à raison des rémunérations qu'il verse à son personnel salarié, même si celui-ci est employé hors de France ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que les cotisations de taxe sur les salaires, qui sont assises sur les rémunérations ou une partie des rémunérations versées par ses redevables, ne sont pas établies d'une manière générale sur la base des transactions réalisées par ceux-ci et portant sur des biens ou des services, ni calculées proportionnellement au prix acquitté par le client, ni perçues à chaque stade du processus de production et de distribution, après déduction des droits acquittés lors de la transaction précédente ; que, dans ces conditions, la taxe sur les salaires ne présente pas les caractéristiques essentielles de la TVA qui ont été mentionnées plus haut ; qu'à cet égard, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que dans un arrêt rendu le 2 février 1988 n°C-391/85, la Cour de justice des Communautés européennes aurait déclaré incompatible avec la TVA la taxe sur l'immatriculation des véhicules en Belgique applicable après la vente de véhicules, la taxe sur les salaires, qui n'est pas acquittée par le consommateur final, ne s'appliquant ni dans les mêmes circonstances, ni sur les mêmes opérations ;

Considérant, d'autre part, que la circonstance que la taxe sur les salaires ne frappe que les entreprises exonérées de TVA ou non soumises à cette taxe sur au moins 90 % de leur chiffre d'affaires n'a pas pour effet de lui conférer le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires prohibée par l'article 33 de la sixième directive ; que si la société requérante soutient que le champ d'application de la taxe sur les salaires ne serait pas autonome au regard de celui applicable à la TVA, que son assiette serait dépendante de celle applicable en matière de TVA et que cette corrélation affecte l'exercice du droit d'option des entreprises à la TVA, cette circonstance est, par elle-même, inopérante, dès lors qu'aucune disposition communautaire ne fait obstacle à ce qu'un Etat membre institue un impôt direct qui frappe l'assiette constituée par les salaires et qui ne touche que les entreprises exonérées de TVA ou non soumises à cette taxe sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'association requérante soutient que la taxe sur les salaires serait incompatible avec l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne en vigueur pendant les années d'imposition en litige aux termes duquel : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre. / La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants (...) " ; que les stipulations de l'article 48 de ce traité étendent ces dispositions aux personnes morales telles qu'en l'espèce, l'association requérante ; qu'aux termes de l'article 49 de ce traité également en vigueur : " Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation (...) " ;

Considérant, d'une part, que, si l'association requérante fait valoir que les dispositions de l'article 231 du code général des impôts ont pour effet de l'inciter à créer des établissements secondaires dans les Etats membres où elle entend développer ses activités et d'inciter les entités d'un autre Etat membre à créer en France des succursales non dotées de personnalité juridique propre plutôt que d'y ouvrir un établissement secondaire sous la forme d'une filiale pour échapper à l'assujettissement à la taxe sur les salaires, de telles conséquences ne sont pas de nature à caractériser une restriction à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre, prohibée par les articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté européenne ; que la circonstance que la réglementation relative à la taxe sur les salaires conduirait l'association requérante à privilégier la mutation de ses salariés dans ses " filiales européennes " plutôt que leur détachement dans ces entités n'est pas, par elle-même, de nature à constituer une entrave au principe de liberté d'établissement au sein des Etats membres ; qu'une personne morale établie en France entrant dans le champ de la taxe sur les salaires est soumise indistinctement au paiement de cet impôt pour les rémunérations versées à l'ensemble des salariés qu'elle emploie, que ceux-ci exercent leurs fonctions en France ou dans un autre Etat membre ; que, la création, par cette personne morale, d'une filiale dans un autre Etat membre se traduit par l'application du même régime d'imposition que celui de ses établissements secondaires situés en France et, enfin, que la possibilité offerte à la personne morale de créer un établissement indépendant dans un autre Etat membre, ou de muter son personnel plutôt que de le détacher afin de ne pas être assujettie à la taxe, ne saurait constituer, par elle-même, une entrave à la liberté d'établissement ;

Considérant, d'autre part, que l'assujettissement à la taxe sur les salaires dépend uniquement de l'établissement de l'employeur en France et non de la circonstance que la prestation rendue soit destinée à un preneur domicilié en France ou dans un autre Etat membre ; que l'association requérante ne peut, par suite, utilement se prévaloir de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, Aff. Corsica Ferries du 17 mai 1994, qui censure les discriminations lorsqu'elles touchent des prestations de services fournies à des destinataires établis dans d'autres Etats membres ; que, dès lors, les stipulations de l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne qui prohibent les restrictions à la libre prestation de services n'ont pas été méconnues par les dispositions de l'article 231 du code général des impôts, alors même que ces dispositions législatives pourraient inciter les opérateurs français à établir des établissements indépendants à l'étranger dans un autre Etat membre pour effectuer des prestations qui échapperaient ainsi à l'assujettissement à la taxe sur les salaires ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel doit, en vertu de l'article 5 du même protocole, être regardé comme un article additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ;

Considérant qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de conditions objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

Considérant que l'association requérante soutient que ces stipulations auraient été méconnues au motif que deux employeurs ayant une activité identique dans le même secteur d'activité et ayant la même masse salariale sont placés dans la même situation et ne peuvent ainsi être traités différemment ; que, toutefois, elle admet que l'assujettissement à la taxe sur les salaires des employeurs dépend du montant du chiffre d'affaires non soumis à la TVA, qu'il s'agisse par exemple de dividendes ou de subventions ; que l'assiette de la taxe est fonction du rapport existant entre le chiffre d'affaires passible de la TVA et le chiffre d'affaires total ; que les entreprises dont le chiffre d'affaires est au moins pour 10 % constitué de recettes ou de produits non assujettis à la TVA sont placées dans une situation différente des entreprises entièrement assujetties à la TVA ; que, par suite, la différence de traitement est justifiée par les différences de situation dans laquelle sont placées ces entreprises alors même qu'elles présenteraient, par ailleurs, des analogies ; qu'en soumettant à la taxe sur les salaires les entreprises qui ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ou le sont pour moins de 90 % de leur chiffre d'affaires, l'article 231 du code général des impôts poursuit un objectif d'intérêt public et se fonde sur des critères rationnels en rapport avec les objectifs du prélèvement qu'il institue ; que l'association reconnaît d'ailleurs que la décision d'exonérer de taxe sur les salaires les entreprises françaises qui sont soumises à la TVA pour 90 % de leur chiffre d'affaires avait pour objet de rétablir la balance des paiements de la France à la date à laquelle ce dispositif a été institué ; que les critères retenus étaient donc raisonnables et en lien direct avec l'objet de la loi ; que, dès lors, les stipulations combinées des articles 14 et 1er du premier protocole additionnel n'ont pas été méconnues ;

Considérant enfin que l'association expose également que la taxe sur les salaires n'est pas conforme à l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui protège la liberté d'entreprendre puisqu'elle reste sans équivalent dans les autres pays de l'Union européenne ; que, toutefois et en tout état de cause, elle ne peut utilement s'en prévaloir dès lors que les impositions en litige ont été établies avant l'entrée en vigueur des stipulations de ladite Charte ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel, que le POLE RECHERCHE FORMATION ACTION EDUCATIVE (PREFACE) n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que dès lors, et par voie de conséquence, ses conclusions tendant au versement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du POLE RECHERCHE FORMATION ACTION EDUCATIVE (PREFACE) est rejetée.

''

''

''

''

N° 10VE01607 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE01607
Date de la décision : 28/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-05-01 Contributions et taxes. Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés. Versement forfaitaire de 5 p. 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : CABINET RATHEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-02-28;10ve01607 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award