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07/02/2012 | FRANCE | N°10VE01897

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 07 février 2012, 10VE01897


Vu la requête, enregistrée le 16 juin 2010, présentée pour L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, dont le siège est au 20, avenue du Stade de France à La Plaine Saint Denis (93122), par Me Fouré, avocat ; l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605994 du 31 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, l'a déclaré responsable de la contamination de Monsieur Franck A par le virus de l'hépatite C ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif ;

L'ÉTABLISSEMENT FRANCA

IS DU SANG soutient que ;

- c'est à tort que le tribunal a tenu pour établi le li...

Vu la requête, enregistrée le 16 juin 2010, présentée pour L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, dont le siège est au 20, avenue du Stade de France à La Plaine Saint Denis (93122), par Me Fouré, avocat ; l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605994 du 31 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, l'a déclaré responsable de la contamination de Monsieur Franck A par le virus de l'hépatite C ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif ;

L'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG soutient que ;

- c'est à tort que le tribunal a tenu pour établi le lien de causalité entre l'administration d'un unique produit sanguin qui n'a pu être testé au virus de l'hépatite C et la contamination de M. A par le virus de l'hépatite C ;

- il ressort des dispositions de l'article 102 de la loi 2002-303 du 4 mars 2002 que le demandeur doit au préalable apporter la preuve de ce que des produits sanguins lui ont effectivement été administrés et qu'il ne présente pas d'autres facteurs de risque de contamination par voie autre que transfusionnelle ; cette démonstration ne peut se limiter à rapporter la preuve matérielle de l'innocuité de l'intégralité des produits sanguins ;

- que sa responsabilité n'est pas démontrée ; la probabilité que M. A ait été contaminé par le virus de l'hépatite C n'est pas supérieure à 0, 25%, compte tenu de l'absence d'identification d'un seul des six produits sanguins labiles administrés;

- l'hypothèse d'une contamination post-transfusionnelle du virus de l'hépatite C ne présentait pas un degré suffisamment élevé de vraisemblance, en raison du caractère résiduel du risque transfusionnel associé à l'administration d'un unique produit sanguin labile et des facteurs de risque autres que transfusionnels auxquels M. A a été exposé ; la transmission du VHC par voie nosocomiale durant son hospitalisation du 16 décembre 1984 au 5 janvier 1985 ne peut être exclue ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;

Vu le décret n° 2010-252 du 11 mars 2010 relatif à la dotation couvrant les dépenses liées à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ;

Vu l'arrêté de la ministre de la santé et des sports du 15 mars 2010 portant nomination au conseil d'orientation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2012 :

- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public ;

Considérant que M. A a demandé la réparation, devant les premiers juges, des préjudices que lui a causés sa contamination, découverte le 3 décembre 1997, par le virus de l'hépatite C, imputée aux transfusions sanguines qui lui ont été administrées pendant son hospitalisation au centre hospitalier intercommunal de Raincy-Montfermeil lors d'une intervention chirurgicale pratiquée le 17 décembre 1984 et pendant la réanimation post-opératoire de 24 heures ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a reconnu la responsabilité de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et a évalué le préjudice subi à 8 000 euros ; que cet établissement fait valoir en appel que la contamination du patient du virus de l'hépatite C par voie transfusionnelle ne présentait pas un degré suffisamment élevé de vraisemblance, la transmission de ce virus par voie nosocomiale durant son hospitalisation du 16 décembre 1984 au 5 janvier 1985 ne pouvant être exclue et que sa responsabilité ne saurait être engagée ; que par la voie de l'appel incident M. A soutient que le tribunal s'est livré à une appréciation insuffisante des conséquences dommageables résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

Sur la personne publique responsable :

Considérant que le paragraphe I de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale a introduit, dans le code de la santé publique, l'article L. 1221-14 qui confie à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), en lieu et place de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ; que l'article L. 1221-14 institue également, au profit de ces victimes, une procédure de règlement amiable devant l'ONIAM ; que, compte tenu de la nécessité de mettre en place de manière simultanée, conformément à l'intention du législateur, tant la procédure d'indemnisation amiable qu'il a instituée pour les victimes d'une contamination par le virus de l'hépatite C que le conseil d'orientation commun aux trois procédures de règlement amiable dont l'ONIAM a désormais la charge, la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique et du paragraphe IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 est intervenue à la date d'entrée en vigueur des décrets en Conseil d'Etat d'application des articles L. 1221-14 et L. 3122-1 du code de la santé publique et du décret prévu à l'article L. 1142-23 du même code ; que les décrets susvisés n° 2010-251 et 2010-252 du 11 mars 2010 ont été publiés au Journal officiel le 12 mars 2010 ; qu'aux termes de l'article 8 du premier de ces deux décrets : les dispositions du présent décret entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de l'arrêté de nomination des membres du conseil d'orientation et au plus tard avant le 1er juillet 2010 ; que les membres du conseil d'orientation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ont été nommés par arrêté de la ministre de la santé et des sports du 15 mars 2010, publié au Journal officiel le 18 mars 2010 ; qu'en vertu de ces diverses dispositions, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales régulièrement constitué dans la présente instance, se trouve substitué à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à compter du 1er juin 2010 ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ;

Considérant que la présomption prévue par les dispositions précitées est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n' était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits ; qu'eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l'intéressé a été exposé par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport, en date du 14 mai 2002, de l'expert désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, que M. A a reçu, au cours de l'intervention chirurgicale pratiquée le 17 décembre 1984, 3 culots globulaires de sang B+ (n°25112, 25101 et 25085) en provenance du dépôt de sang du centre hospitalier du Raincy-Montfermeil ainsi que 2 plasmas frais congelés dont l'un provenait du centre départemental de transfusion sanguine d'Auxerre et l'autre de l'hôpital Beaujon relevant de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et qu'une unité de plasma frais congelé n°12926 élaboré par le centre de transfusion sanguine de Lille lui a été administré durant son passage en réanimation ; que si l'enquête transfusionnelle a permis d'établir l'innocuité de cinq des produits sanguins administrés à M. A, le lot de plasma frais congelé en provenance du poste de transfusion sanguine de l'hôpital Beaujon n'a pu être contrôlé et la sérologie du donneur n'a pas été établie ; que la circonstance que M. A a subi des actes de chirurgie lourds lors de l'intervention du 17 décembre 1984 ne permet de déduire qu'il aurait été particulièrement exposé à un risque de contamination par voie nosocomiale dès lors que, si l'expert mentionne, en termes généraux, que cette intervention chirurgicale a présenté un risque potentiel, il n'apporte aucune précision sur ces gestes chirurgicaux susceptibles d'être à l'origine de la contamination ; que, dans ces conditions, le lien de causalité entre les transfusions pratiquées le 17 et 18 décembre 1984 et la contamination de l'intéressé par le virus de l'hépatite C présente un degré suffisamment élevé de vraisemblance et doit être regardé comme établi ; que par suite l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu la responsabilité de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG auquel il se trouve substitué ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'hépatite C chronique dont souffre M. A a une activité minime sans fibrose (score Métavir A1F0) et n'a justifié aucun traitement antiviral ; que toutefois cette affection hépatique, qui n'a pas entraîné de perturbation fonctionnelle, n'est pas stabilisée et rend nécessaire des contrôles sanguins réguliers ; que si M. A n'a subi aucun préjudice esthétique ni d'agrément, ses souffrances physiques peuvent être évaluées à une échelle de 1/7 en raison de la biopsie du foie pratiquées le 28 novembre 1997 et il ressort de l'instruction qu'il connaît des troubles dans ses conditions d'existence du fait de l'évolution incertaine de son état de santé ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en portant la somme de 8 000 euros que le tribunal administratif lui a allouée à ces titres à la somme de 10 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a procédé à une évaluation insuffisante de ses préjudices personnels qui doivent être réparés par une indemnité de 10 000 euros ;

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances particulières de l'espèce, il a lieu de faire droit aux conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. A et de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros et de rejeter les conclusions présentées par la caisse d'assurance-maladie de la Seine-et-Marne sur le même fondement ;

Sur les dépens :

Considérant que le tribunal administratif a mis les dépens, qui comprennent les frais et honoraires de l'expert, pour un montant de 1 690 euros, à la charge de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ; que par suite, les conclusions incidentes présentées par M. A, qui ne conteste pas le montant des dépens accordés en première instance, sont sans objet ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales substituant l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG est rejetée.

Article 2 : La somme que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG a été condamné à verser à M. A est portée à 10 000 euros. Elle sera versée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Article 3 : L'article 1er du jugement n° 0605994 du 31 mai 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à M. A une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions incidentes de M. A est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance-maladie de la Seine-et-Marne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10VE01897


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE01897
Date de la décision : 07/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : CABINET HOUDART et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-02-07;10ve01897 ?
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