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29/11/2011 | FRANCE | N°10VE03331

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 29 novembre 2011, 10VE03331


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 octobre 2010 et 16 avril 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentés pour M. Juba A, demeurant ..., par Me Melois, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1005152 du 29 septembre 2010 par laquelle le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 10 juin 2010 refusant de lui délivrer un certificat de résidence et lui faisant obligation de quitter le territ

oire français à destination de son pays d'origine ;

2°) d'annuler pou...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 octobre 2010 et 16 avril 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentés pour M. Juba A, demeurant ..., par Me Melois, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1005152 du 29 septembre 2010 par laquelle le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 10 juin 2010 refusant de lui délivrer un certificat de résidence et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un certificat de résidence, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Melois de la somme de 2 000 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient, en premier lieu, que l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors qu'elle a été rendue sans convocation des parties à l'audience et en violation du principe du contradictoire alors qu'il avait développé différents moyens et produit un ensemble de pièces justificatives de sorte que sa demande n'était pas manifestement infondée ; en deuxième lieu, que la décision portant refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente et comporte, s'agissant en particulier de sa situation personnelle, une motivation stéréotypée, insuffisante en droit comme en fait, qui ne satisfait pas aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; en troisième lieu, que la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il vit, depuis son entrée en France, avec sa concubine, épousée religieusement en Algérie en juillet 2007 et civilement en France le 18 septembre 2010, et qui réside régulièrement en France ; qu'il est particulièrement impliqué dans l'éducation des enfants de sa compagne, âgés de 15, 9 et 8 ans ; que sa compagne a été victime d'une fausse couche en juillet 2010 à la suite du placement en garde à vue de l'exposant ; qu'il justifie ainsi d'une vie familiale stable et ancienne en France, sa compagne, dont la plupart des membres de la famille sont français, disposant d'un titre de dix ans et étant mère d'enfants français ; que la famille de l'exposant est elle-même très liée à la France ; qu'il est titulaire d'une licence de traducteur interprète et d'un diplôme supérieur de management qui lui permettra, de trouver rapidement un emploi ; en quatrième lieu, que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et repose sur une décision portant refus de titre de séjour entachée d'illégalité ; que, pour les motifs précités, elle méconnait l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2011 :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Melois, pour M. A ;

Considérant que M. A, ressortissant algérien né en 1983, fait appel de l'ordonnance du 29 septembre 2010 par laquelle le président du Tribunal de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 10 juin 2010 refusant de lui délivrer un certificat de résidence et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 10 juin 2010, M. A a notamment soutenu que cet arrêté avait été pris en méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; qu'à l'appui de ces moyens, il a fait valoir qu'il vivait depuis deux ans avec une compatriote, résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans, qu'il avait épousée religieusement en Algérie le 25 juillet 2007 et qui était enceinte de ses oeuvres ; que, dans ces conditions, ces moyens n'étaient pas manifestement dépourvus des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ne pouvait se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de M. A ; qu'ainsi, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Thory, directrice des libertés publiques et de la citoyenneté de la préfecture du Val-d'Oise et signataire de la décision attaquée, bénéficiait d'une délégation du préfet du Val-d'Oise en date du 23 avril 2010, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du même jour, à l'effet de signer notamment les décisions portant refus de séjour aux ressortissants étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée relève que M. A, qui est entré en France le 3 juillet 2009 selon ses déclarations, a sollicité le 8 avril 2010 son admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et mentionne que l'intéressé ne remplit pas les conditions prévues par ces dispositions dès lors qu'il ne peut justifier d'une vie privée et familiale stable en France eu égard au caractère récent de son concubinage et qu'en outre, il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie ; que cette décision comporte ainsi les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée et est, par suite, suffisamment motivée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° 1l ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ;

Considérant que M. A soutient qu'il vit depuis son entrée en France avec une compatriote, titulaire d'un certificat de résidence, qu'il aurait épousée religieusement en Algérie en juillet 2007 et mère de trois enfants âgés de quinze, neuf et huit ans, à l'éducation desquels il participerait activement ; que, toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que le requérant a, postérieurement à la décision en litige, épousé sa compagne, les documents qu'il verse au dossier, constitués uniquement d'attestations, peu précises, de proches, ne sont en revanche pas de nature à établir l'ancienneté des liens dont il se prévaut avec l'intéressée, ni sa participation à l'éducation des enfants de celle-ci ; que, dans ces conditions et eu égard à la courte durée du séjour en France du requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en violation des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de celles du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, toutefois, il résulte de ce qui précède que M. A n'établit pas l'ancienneté des liens qu'il aurait noués avec les enfants de sa compagne, ni la réalité de sa participation à leur éducation ; que, dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige aurait méconnu l'intérêt supérieur de ces enfants et serait intervenue en méconnaissance des stipulations précitées ;

Considérant, en cinquième lieu, que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, sous réserve des conventions internationales ; qu'en ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France ; qu'il suit de là que M. A ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour soutenir que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'illégalité ;

Considérant, en sixième lieu, que M. A, qui n'est pas entré sur le territoire français dans le cadre de la procédure de regroupement familial, ne peut utilement se prévaloir des stipulations qui régissent la délivrance des titres de séjour aux ressortissants algériens entrés en France dans le cadre de cette procédure ;

Considérant, enfin, que si le requérant fait notamment valoir qu'il est titulaire d'une licence de traducteur interprète et d'un diplôme supérieur de management qui lui permettront, de trouver rapidement un emploi, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que préfet du Val-d'Oise aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne procédant pas à la régularisation de la situation de l'intéressé ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile disposant que : L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation , M. A ne peut utilement soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne serait pas suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'établit pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est illégale ; que, dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée et doit être rejetée ;

Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'éloignement aurait porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse aurait été prise en violation des stipulations précitées de l'articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que M. A n'apporte aucun élément de nature à établir que la décision attaquée serait intervenue en méconnaissance de ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 10 juin 2010 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour rejette les conclusions de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par l'intéressé doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'avocat de M. A de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : L'ordonnance n° 1005152 du 29 septembre 2010 du président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

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N° 10VE03331


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE03331
Date de la décision : 29/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Corinne SIGNERIN-ICRE
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : MELOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-11-29;10ve03331 ?
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