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03/11/2011 | FRANCE | N°11VE00254

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 03 novembre 2011, 11VE00254


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 janvier et 13 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentés pour M. Nazih A demeurant chez M. Sidati B, ..., par Me Belhedi, avocat au barreau de Versailles ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004683 du 10 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 juin 2010 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quit

ter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'a...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 janvier et 13 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentés pour M. Nazih A demeurant chez M. Sidati B, ..., par Me Belhedi, avocat au barreau de Versailles ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004683 du 10 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 juin 2010 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à Me Belhedi, avocat de M. A, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que la décision de refus de séjour en litige est insuffisamment motivée ; que le préfet s'est contenté de conclure sur la seule base de l'avis du médecin inspecteur, sans chercher si le requérant pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, ni si cet avis n'était pas contredit par des certificats médicaux contraires ; que la décision est donc entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui faisant obligation de quitter le territoire français ; que la décision de refus d'admission au séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3 de cette même convention ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique modifiée ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2011 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité marocaine, relève régulièrement appel du jugement en date du 10 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 juin 2010 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé et, à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 8 juillet 1999, pris pour l'application de ces dispositions : L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire en application de l'article 12 bis (11°) ou qui invoque les dispositions de l'article 25 (8°) de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou un praticien hospitalier. ; qu'aux termes de l'article 3 du même arrêté : (...) le médecin agréé ou le praticien hospitalier établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution et, éventuellement, la possibilité de traitement dans le pays d'origine. Ce rapport médical est transmis, sous pli confidentiel, au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales dont relève la résidence de l'intéressé ; que l'article 4 du même arrêté prévoit que : Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; /- et la durée prévisible du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. /. Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant que pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par M. A, le préfet des Yvelines s'est fondé sur l'avis du médecin inspecteur de la santé publique en date du 1er décembre 2009 indiquant que si l'état de santé du requérant, qui présente un syndrome spastique développé à la suite d'un accident vasculaire cérébral sévère avec ischémie pariétale gauche étendue, nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, toutefois, M. A fait valoir qu'un traitement adapté à sa pathologie n'est pas disponible dans son pays d'origine et produit, à cet effet, un rapport médical établi le 8 octobre 2007 par un professeur en neurochirurgie marocain indiquant que les techniques de chirurgie fonctionnelle nécessitées par l'état de santé du requérant ne sont pas couramment pratiquées au Maroc ; que M. A soutient par ailleurs qu'il ne pourrait accéder effectivement aux soins appropriés dans son pays d'origine ; que le requérant fait valoir à cet égard que, d'une part, lui-même et sa famille ne disposent pas des ressources financières nécessaires et que, d'autre part, en raison de ses origines sahraouies et de son soutien actif au Front Polisario, il est susceptible de subir des discriminations dans l'accès aux soins au Maroc ; que tant en appel qu'en première instance, alors qu'il avait été mis en demeure par le Tribunal administratif de Versailles de présenter ses observations, le préfet des Yvelines n'a pas contesté ces éléments ; qu'ainsi, au regard de ces circonstances non contestées, M. A doit être regardé comme justifiant de ce qu'il ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, dès lors, M. A est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet des Yvelines a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, par suite, à demander l'annulation de cette décision ;

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de renvoi :

Considérant que la décision de refus de séjour étant illégale, les décisions obligeant M. A à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il sera éloigné se trouvent dépourvues de base légale ; que le requérant est donc également fondé à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juin 2010 du préfet des Yvelines refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 dudit code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ;

Considérant qu'il y a lieu, ainsi que le demande M. A, d'enjoindre au préfet des Yvelines lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Belhedi, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Belhedi de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 10 décembre 2010 du Tribunal administratif de Versailles est annulé, ensemble l'arrêté en date du 21 juin 2010 du préfet des Yvelines.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Yvelines de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 une somme de 1 500 euros à Me Belhedi, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 11VE00254


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11VE00254
Date de la décision : 03/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : BELHEDI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-11-03;11ve00254 ?
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