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13/09/2011 | FRANCE | N°10VE02593

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 13 septembre 2011, 10VE02593


Vu la requête, enregistrée le 6 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée par le PREFET DES YVELINES ; le PREFET DES YVELINES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002627 du 8 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a, à la demande de M. A, annulé son arrêté du 4 février 2010 refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Trib

unal administratif de Versailles ;

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a...

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée par le PREFET DES YVELINES ; le PREFET DES YVELINES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002627 du 8 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a, à la demande de M. A, annulé son arrêté du 4 février 2010 refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision de refus de titre de séjour avait été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, le mariage de M. A avec une compatriote en situation régulière, célébré le 18 avril 2009, est récent, l'intéressé n'ayant pu établir avoir vécu avec sa future épouse avant le mois de février 2009 ; que son enfant, né le 21 mai 2009, n'est âgé que de quelques mois ; qu'enfin, l'épouse de M. A a la possibilité de solliciter le regroupement familial en sa faveur ; que le requérant ne peut donc se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, M. A n'établit pas résider de manière continue en France depuis la date de son entrée sur le territoire, le 10 mars 2004, ni être isolé en cas de retour dans son pays d'origine dès lors qu'il a déclaré qu'un de ses frères résidait dans ce pays ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2011 :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

Considérant que, par un arrêté en date du 4 février 2010, le PREFET DES YVELINES a refusé de délivrer un titre de séjour à M. Bulent A, ressortissant turc né en 1980, et a fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ; que le PREFET DES YVELINES fait appel du jugement du 8 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a, au motif qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. Bulent A, dans un délai de trois mois, un titre de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° 1l ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si M. Bulent A est marié depuis le 18 avril 2009 avec une compatriote, titulaire d'une carte de résident, dont il a eu un enfant le 21 mai 2009, les pièces versées au dossier ne sont pas de nature à établir que, comme il l'allègue, il vivait en concubinage avec sa future épouse depuis cinq années ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard, notamment, au caractère récent du mariage de M. Bulent A à la date de l'arrêté litigieux, et alors même que l'ensemble des frères et soeurs de l'intéressé auraient quitté la Turquie, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué du 4 février 2010 aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'ainsi, le PREFET DES YVELINES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a prononcé l'annulation de cet arrêté au motif de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Bulent A devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté n° 09-126 du 30 décembre 2009, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat dans les Yvelines, le PREFET DES YVELINES a donné délégation à Mme Mouton, directrice des libertés publiques et de la citoyenneté, à l'effet de signer, notamment, les décisions portant refus de titre de séjour, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et les décisions fixant le pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'examen de la décision de refus de titre de séjour attaquée qu'elle mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée et est, par suite, suffisamment motivée ; que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile disposant que : L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation , M. Bulent A ne peut utilement soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne serait pas suffisamment motivée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; qu'aux termes de l'article L. 411-1 du même code : Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. Bulent A est titulaire d'une carte de résident depuis 2007 ; que, par suite, alors même que son épouse ne disposerait pas de ressources suffisantes, le requérant entre dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial en qualité de conjoint d'un ressortissant étranger séjournant régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois sous couvert d'un titre de séjour d'une durée de validité de plus d'un an ; que, dès lors, M. Bulent A, qui n'entre pas dans le champ d'application des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé à soutenir que le PREFET DES YVELINES aurait méconnu les dispositions de ce texte en refusant de lui délivrer une carte de séjour ; que, de même, il n'est pas fondé à soutenir qu'il devait se voir délivrer un titre de séjour de plein droit de sorte que la décision par laquelle le PREFET DES YVELINES lui a fait obligation de quitter le territoire français serait entachée d'illégalité ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort de l'examen de l'arrêté attaqué que, contrairement à ce que soutient M. Bulent A, pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DES YVELINES ne s'est pas fondé sur le motif que sa demande d'asile avait été rejetée, ni sur le motif qu'il était dépourvu d'un visa de long séjour ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement toutes les conditions prévues à l'article L. 313-11 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de tous les étrangers qui se prévalent de cette disposition ; que, par suite, M. Bulent A, qui ne remplissait pas les conditions lui permettant de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 précité, ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que le PREFET DES YVELINES n'a pas consulté la commission du titre de séjour pour contester la légalité de l'arrêté attaqué ;

Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant l'arrêté attaqué, le PREFET DES YVELINES n'aurait pas accordé une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant de M. Bulent A ; qu'ainsi, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention susmentionnée ;

Considérant, en septième lieu, que M. Bulent A n'établissant pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est illégale, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision d'obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée et doit être rejetée ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DES YVELINES aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. Bulent A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES YVELINES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 4 février 2010 ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. Bulent A tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et procédure abusive, doivent en tout état de cause être rejetées ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1002627 du Tribunal administratif de Versailles en date du 8 juillet 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Bulent A devant le Tribunal administratif de Versailles et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

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N° 10VE02593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02593
Date de la décision : 13/09/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Corinne SIGNERIN-ICRE
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : DAHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-09-13;10ve02593 ?
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