Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Ercan A, demeurant chez M. Ince B, ..., par Me Schuhler Chemouilli, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0913664 du 11 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 novembre 2009 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour salarié dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la décision portant refus de titre de séjour, qui n'indique pas les raisons pour lesquelles le préfet a estimé qu'il ne justifiait pas de compétences professionnelles suffisantes, est insuffisamment motivée en droit et en fait ; que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait rejeter sa demande d'admission au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans avoir préalablement saisi les services de la direction départementale du travail ; que, contrairement au motif retenu par le préfet, il justifie, par la production de trois certificats de travail, d'une qualification et d'une expérience en tant que chef de chantier ; que sa situation professionnelle justifiait que le préfet usât de son pouvoir de régularisation ; que l'arrêté litigieux a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est bien intégré en France où son frère réside régulièrement ; que la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et la liste qui y est annexée ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2011 :
- le rapport de M. Huon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Dhers, rapporteur public,
- et les observations de Me Schuhler Chemouilli, pour M. A ;
Considérant que M. A, de nationalité turque, fait appel du jugement du 11 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 novembre 2009 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, que la décision contestée, prise au visa des articles L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne relève notamment que M. A, qui a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant d'une promesse d'embauche en qualité de chef de chantier, ne dispose ni ne justifie de la qualification professionnelle nécessaire à l'exercice de l'emploi envisagé et ne justifie pas en France d'une situation personnelle et familiale à laquelle la présente décision porterait une atteinte disproportionnée ; que ladite décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;
Considérant, en deuxième lieu, que la demande présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 341-2, aujourd'hui repris à l'article L. 5221-2 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché sa décision d'un vice de procédure en s'abstenant de transmettre le dossier de M. A aux services de la direction départementale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ; qu'en vertu du troisième alinéa de l'article L. 313-10 du même code, le champ de l'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire est limitée aux cas dans lesquels cette admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national, laquelle, aujourd'hui, est annexée à l'arrêté des ministres chargés de l'emploi et de l'immigration du 18 janvier 2008 ; que, pour l'application de ces dispositions, il appartient notamment à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans l'arrêté du 18 janvier 2008, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;
Considérant qu'à l'appui de sa promesse d'embauche en qualité de chef de chantier, M. A, produit, d'une part, la traduction d'une attestation émanant d'une entreprise turque et, d'autre part, deux certificats de travail établis par deux entreprises sises à Paris mentionnant que l'intéressé aurait exercé les fonctions de chef d'équipe ou de chef de chantier au sein de ces sociétés de 1995 à 2000 puis de 2002 à 2004 et, enfin, de 2005 à 2007 ; que, toutefois, ces documents sont dépourvus de toute précision quant aux tâches réellement effectuées par l'intéressé et ne permettent pas, à eux seuls, d'établir que M. A disposerait d'un niveau de qualification et d'une expérience tels qu'ils puissent faire regarder l'intéressé comme justifiant de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, en estimant que la situation du requérant ne justifiait pas son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, enfin qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à destination de la Turquie :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A n'établit pas que la décision de refus de titre de séjour prise son encontre serait entachée d'illégalité ; que, dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être rejetée ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant que si M. A fait valoir qu'il est bien intégré en France où séjourne régulièrement l'un de ses frères, l'intéressé, divorcé et âgé de quarante et un ans, ne justifie d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'il poursuive normalement sa vie dans son pays d'origine où il n'allègue pas être dépourvu de toute attache ; que, dans ces conditions, la mesure d'éloignement litigieuse n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
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N° 10VE01228 2