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28/04/2011 | FRANCE | N°10VE01344

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 28 avril 2011, 10VE01344


Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SOCIETE DE DISTRIBUTION DE CHALEUR DE CERGY-PONTOISE (SDCCP), dont le siège est 7, rue Cambronne à Paris (75015), par Me Guillou ; la SOCIETE DE DISTRIBUTION DE CHALEUR DE CERGY-PONTOISE (SDCCP) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0602891-0603342 du 4 mars 2010 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle de la Communauté d'Agglomération de C

ergy-Pontoise (CACP) ;

2°) de condamner la Communauté d'Agglomérat...

Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SOCIETE DE DISTRIBUTION DE CHALEUR DE CERGY-PONTOISE (SDCCP), dont le siège est 7, rue Cambronne à Paris (75015), par Me Guillou ; la SOCIETE DE DISTRIBUTION DE CHALEUR DE CERGY-PONTOISE (SDCCP) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0602891-0603342 du 4 mars 2010 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle de la Communauté d'Agglomération de Cergy-Pontoise (CACP) ;

2°) de condamner la Communauté d'Agglomération de Cergy-Pontoise à lui verser, à titre principal, une indemnité d'un montant de 7 019 957 euros ou, à titre subsidiaire, une indemnité de 5 264 968 euros, assortie des intérêts moratoires qui ont couru et qui ont été capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la Communauté d'Agglomération de Cergy-Pontoise le versement de la somme de 10 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la CACP a commis une illégalité engageant sa responsabilité et qu'elle n'a elle-même commis aucune faute, ce qui justifie la réparation intégrale de son préjudice correspondant à son manque à gagner ; qu'à titre subsidiaire, aucune faute grave ne peut lui être imputée justifiant l'exonération de la responsabilité de la CACP ; que, pour retenir qu'elle a commis une faute, le tribunal a dénaturé les faits en prenant en considération ses liens avec la société Elf France ; qu'il a également commis une erreur de droit en qualifiant une telle faute en l'espèce sur la base de la simple connaissance de seulement un risque d'illégalité, qu'au surplus elle pouvait légitimement ignorer ; qu'en outre, la durée totale de la convention initiale par le fait de l'avenant ne constitue pas le motif de l'illégalité de ce dernier qui a été conclu 6 mois après l'entrée en vigueur de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 en méconnaissance de l'obligation de mise en concurrence qu'il impose ; que cette illégalité était douteuse à l'époque et elle pouvait légitimement penser que cette obligation ne pesait pas sur les contrats en cours d'exécution avant son entrée en vigueur, point éclairci par le Conseil d'Etat seulement par un arrêt du 8 avril 2009 ; que, de même, la notion de modification d'un élément substantiel bouleversant l'économie générale du contrat entraînant la nullité de l'avenant conclu n'a été précisée par la jurisprudence que deux ans après la conclusion de celui-ci ; qu'en outre, la négociation de l'avenant est intervenue en amont de ladite loi et à la demande de la CACP afin de sortir de l'impasse financière dans laquelle elle se trouvait ; qu'enfin, le comportement des parties témoigne de leur absence de connaissance de l'illégalité ; qu'il s'ensuit que la faute quasi-délictuelle de la CACP est la seule cause directe du préjudice subi par la SDCCP du fait de la résiliation de l'avenant ; qu'en exonérant totalement la CACP de sa responsabilité en se fondant sur une faute simple de la SDCCP et non sur une faute grave de cette dernière, le tribunal a commis une erreur de droit ; que, pour qualifier une telle faute, il lui appartenait de retenir que l'illégalité profitait principalement au titulaire du contrat et qu'elle lésait les intérêts de la collectivité, ce qui ne saurait s'inférer seulement de le premier a participé activement à la mise au point de l'avenant, alors au surplus qu'il n'a exercé aucune pression ; qu'au contraire, c'est la CACP qui a été la seule bénéficiaire de ce dernier en l'espèce puisqu'il lui a permis de se sortir d'une impasse financière ; qu'il lui incombe donc d'indemniser la SDCCP de son entier manque à gagner ; qu'à tout le moins, étant la principale bénéficiaire de l'illégalité, les trois quarts de ce préjudice doivent être à sa charge ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,

- et les observations de Me Cordier, substituant Me Guillou, pour la SOCIETE DE DISTRIBUTION DE CHALEUR DE CERGY-PONTOISE et de Me Cattier pour la Communauté d'Agglomération de Cergy-Pontoise ;

Considérant que, par convention conclue en avril 1971 pour une durée de trente ans, le Syndicat intercommunal à vocation multiple de la ville nouvelle de Pontoise, dont le Syndicat d'Agglomération Nouvelle (SAN) puis la Communauté d'Agglomération de Cergy-Pontoise (CACP) ont repris les engagements, a confié l'affermage du service public de production et de distribution de chaleur sur le territoire des communes de Pontoise, Cergy, Osny, Eragny et Saint-Ouen-l'Aumône à un groupement d'entreprises auquel a été substituée la SOCIETE DE DISTRIBUTION DE CHALEUR DE CERGY-PONTOISE (SDCCP) ; que, par avenant du 1er octobre 1993, les parties ont convenu d'étendre le périmètre géographique de l'affermage et de prolonger de seize ans la durée de la délégation initiale ; que, par jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 16 octobre 2003, confirmé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles du 3 mars 2005, la décision du 1er octobre 1993 par laquelle le président du SAN avait décidé de signer cet avenant a été annulée ; qu'en raison de cette annulation, le président de la Communauté d'Agglomération de Cergy-Pontoise a, le 22 novembre 2004, décidé de prononcer la résiliation de la convention passée avec la SDCCP, avec effet différé à la signature de la nouvelle convention de délégation, laquelle a été conclue le 16 décembre 2006 avec la société Dalkia ; que la SDCCP a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la CACP à l'indemniser du préjudice ayant résulté pour elle de la résiliation de la convention d'affermage ; qu'elle relève régulièrement appel de ce jugement du 4 mars 2010 en tant seulement que le tribunal, qui a estimé que l'avenant en cause était entaché de nullité, a rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle de la Communauté d'Agglomération de Cergy-Pontoise à raison de la perte de bénéfice attendu pour la période allant du 15 décembre 2006, date d'effet de la résiliation, au 30 septembre 2017, terme fixé par ledit avenant ;

Considérant que, dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut, en plus de ses dépenses utiles et sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'en l'espèce, nonobstant le caractère récent d'une obligation qui s'imposait dans de telles circonstances en vertu de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, désormais codifiée au code général des collectivités territoriales, la personne publique, en décidant, sans procédure de publicité préalable, de signer un avenant modifiant de façon substantielle les conditions contractuelles initiales et prolongeant d'une durée de seize ans la durée de la convention, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que la SDCCP ne pouvait, toutefois, compte tenu de sa compétence et de son expérience, ignorer cette illégalité dont elle tirait au demeurant immédiatement et personnellement profit, notamment en ce qu'elle portait à quarante-sept ans la durée de la délégation de service public ; que si la collectivité avait intérêt à modifier les conditions financières de ladite délégation, elle ne saurait être regardée par cette seule circonstance comme ayant été bénéficiaire de l'absence de respect de l'obligation de mise en concurrence dont, au contraire, la société requérante en a été l'unique ; qu'ainsi, si la Communauté d'Agglomération de Cergy-Pontoise a eu irrégulièrement recours à un avenant sans mise en concurrence préalable, ce qui a entraîné l'annulation de la décision de signer cet avenant et a conduit ladite communauté à prononcer la résiliation du contrat postérieurement à l'expiration de l'échéance du contrat initial, la SDCCP a elle-même commis une grave faute en se prêtant à la conclusion de cet avenant dont, dans les circonstances sus-rappelées, elle ne pouvait ignorer l'illégalité ; que cette faute constitue la seule cause directe du préjudice subi par la SDCCP à raison de la perte du bénéfice invoquée, étant précisé qu'elle a en tout état de cause perçu les redevances payées par les usagers du service pendant la période de cinq ans ayant couru à partir de la fin du contrat initial en 2001 jusqu'à la date d'effet de la décision de résiliation volontairement décalée à la signature de la nouvelle convention le 16 décembre 2006 ; que cette société n'est ainsi pas fondée à demander l'indemnisation d'un tel préjudice, nonobstant la faute de la collectivité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE DE DISTRIBUTION DE CHALEUR DE CERGY-PONTOISE n'est pas fondée à se plaindre du jugement du 4 mars 2010 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle de la Communauté d'Agglomération de Cergy-Pontoise à raison de la perte de bénéfice attendu ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la CACP, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la requérante la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de la SDCCP présentées sur le même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE DE DISTRIBUTION DE CHALEUR DE CERGY-PONTOISE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Communauté d'Agglomération de Cergy-Pontoise tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10VE01344 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE01344
Date de la décision : 28/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Indemnités - Droit à indemnité des concessionnaires.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Enrichissement sans cause - Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Julien LE GARS
Rapporteur public ?: Mme KERMORGANT
Avocat(s) : SYMCHOWICZ et WEISSBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-04-28;10ve01344 ?
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