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08/02/2011 | FRANCE | N°10VE02608

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 08 février 2011, 10VE02608


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 6 août 2010, présentée pour Mme Mensure A, demeurant chez M. Farik B, ..., par Me Levy, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003067 du 8 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 25 mars 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;

2°) d'annuler

pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 6 août 2010, présentée pour Mme Mensure A, demeurant chez M. Farik B, ..., par Me Levy, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003067 du 8 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 25 mars 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, en premier lieu, que la décision de refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente dès lors que son signataire ne bénéficiait pas d'une délégation régulière en ce que cette délégation était générale et non pas limitée aux cas d'absence ou d'empêchement du préfet ; que cette décision n'est pas suffisamment motivée, le préfet de l'Essonne s'étant contenté de viser les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Commission nationale du droit d'asile et d'user de mentions stéréotypées, sans faire état d'éléments propres à la situation administrative de la requérante ; que la décision en litige a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est mariée à un ressortissant turc, est mère d'un enfant né le 24 septembre 2009 en France et que la plupart des membres de sa famille résident en France de manière régulière ; que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que l'article 3 de la même convention ne pouvait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant refus de titre de séjour ; qu'elle craint des persécutions en cas de retour dans son pays d'origine, dès lors que, militante kurde, elle a fait l'objet de mauvais traitements à diverses reprises de la part de la police turque à la suite de manifestations ; que l'OFPRA a d'ailleurs accordé le statut de réfugié à son frère ; en deuxième lieu, que, pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité ; enfin, que la décision fixant le pays de sa destination est illégale ; que la circonstance que l'OFPRA n'a pas reconnu l'existence de risques ne peut fonder légalement cette décision ; que l'exposante a fait l'objet de mauvais traitements dans son pays ; qu'à cet égard, son frère s'est vu reconnaître le statut de réfugié ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2011 :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,

- et les conclusions de M. Dhers, rapporteur public ;

Considérant que Mme A, ressortissante turque née en 1987, fait appel du jugement du 8 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 25 mars 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée a été signée par M. Pascal Sanjuan, secrétaire général de la préfecture de l'Essonne ; que, par arrêté du 11 septembre 2009, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département du mois de septembre 2009, le préfet de l'Essonne a donné à M. Pascal Sanjuan délégation pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Essonne, à l'exception : 1) des arrêtés de conflit, 2) des réquisitions du comptable ; que, dès lors que l'article 43 du décret du 29 avril 2004 dispose que Le préfet de département peut donner délégation de signature : 1° En toutes matières et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs des services des administrations civiles de l'Etat dans le département, au secrétaire général et aux chargés de mission , Mme A n'est pas fondée à soutenir que cette délégation serait illégale pour être trop générale ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en mentionnant, pour refuser de délivrer à Mme A un titre de séjour en qualité de réfugié, que la Cour nationale du droit d'asile a, par décision du 22 octobre 2009, rejeté le recours de l'intéressée dirigé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le préfet de l'Essonne a, contrairement à ce que soutient la requérante, précisé les considérations de fait qui fondent la décision en litige ; que, par suite, le moyen ainsi soulevé, tiré du caractère insuffisamment motivé de cette décision, doit, en tout état de cause, être rejeté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;

Considérant que Mme A fait valoir qu'elle est mariée à un ressortissant turc, qu'elle est mère d'un enfant né en France le 24 septembre 2009 et que la plupart des membres de sa famille résident en France de manière régulière ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que la requérante n'est entrée en France qu'en décembre 2008 ; qu'elle n'établit pas, ni même n'allègue qu'à la date de la décision en litige, le père de son enfant résidait régulièrement dans ce pays ; que, par ailleurs, Mme A n'établit pas que, comme elle l'allègue, de nombreux membres de sa famille vivraient en France et qu'elle serait dépourvue de toute attache dans son pays d'origine, où d'ailleurs, selon les mentions non contestées du mémoire en défense produit par le préfet de l'Essonne devant le tribunal administratif, ses parents résident ; que, dans ces conditions, eu égard, notamment, à la courte durée du séjour en France de Mme A, au jeune âge de son enfant et en l'absence de circonstances avérées faisant obstacle, à la date de la décision litigieuse, à ce qu'elle poursuive sa vie familiale dans son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée aurait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

Considérant, enfin, que la décision attaquée, qui se borne à refuser la délivrance d'un titre de séjour à Mme A, ne fixe aucun pays de destination ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'en application de l'arrêté précité du préfet de l'Essonne en date 11 septembre 2009, M. Pascal Sanjuan, secrétaire général de la préfecture, était compétent pour prendre la décision attaquée ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile disposant que : L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation , Mme A ne peut utilement soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne serait pas suffisamment motivée ;

Considérant, enfin, que pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être indiqués, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement aurait méconnu les stipulations des article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que, pour contester la légalité de la décision fixant le pays de sa destination, Mme A soutient qu'elle a fait l'objet de mauvais traitements à diverses reprises de la part de la police turque et qu'elle ne peut retourner sans risque pour sa vie dans son pays d'origine et se prévaut de la circonstance que son frère s'est vu reconnaître le statut de réfugié ; que toutefois, l'intéressée, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 mai 2009, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 22 octobre 2009, ne fournit aucune précision, ni justification probante de nature à établir l'existence des risques qu'elle prétend encourir personnellement en cas de retour en Turquie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

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N° 10VE02608


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02608
Date de la décision : 08/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Corinne SIGNERIN-ICRE
Rapporteur public ?: M. DHERS
Avocat(s) : SELARL GRYNER-LEVY ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-02-08;10ve02608 ?
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