Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2009, présentée pour la société RIVKA, dont le siège est 61 boulevard Clémenceau à Cormeilles-en-Parisis (95240), par Me Laforge, avocat à la Cour ; la société RIVKA demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502902 du 26 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2003 pour un montant de 19 644 euros ;
2°) de prononcer la restitution demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, en premier lieu, que dans une note interne, non publiée, le directeur du service juridique de la direction générale des impôts a indiqué aux directeurs des services fiscaux que la taxe sur les achats de viande devait être regardée comme contraire aux textes communautaires, y compris après son affectation au budget général de l'Etat ; qu'en outre, le député Carrez, rapporteur de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2004, a proposé l'abandon de la taxe compte tenu de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 20 novembre 2003 ; en deuxième lieu, qu'il résulte de cet arrêt que, quelles que soient les modalités de financement du service public de l'équarrissage, le financement d'un service public au moyen de fonds d'Etat porte atteinte à la libre concurrence ; que, dès lors, la transformation de la taxe sur les achats de viandes en recette budgétaire générale de l'Etat, opérée par l'article 35 de la loi de finance rectificative pour 2000, n'a pas d'incidence sur la qualification de la taxe en tant qu'aide d'Etat, telle que définie par la Cour de justice des Communautés européennes et par la jurisprudence nationale ; qu'enfin, il résulte des réponses du ministre aux députés Delebarre et Lefait du 7 décembre 2004 et au sénateur Masson du 9 décembre 2004 que le droit communautaire et, notamment, le principe pollueur-payeur fait obstacle à ce que les entreprises de distribution supportent le coût de l'élimination des déchets relevant du service public de l'équarrissage ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment son article 35 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 janvier 2011 :
- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,
- et les conclusions de M. Dhers, rapporteur public ;
Sur l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes devenue Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;
Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour l'année 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ;
Considérant que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société requérante ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;
Sur le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales alors en vigueur : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ;
Considérant, en premier lieu, que la note du 6 janvier 2004 émanant du service juridique de la direction générale des impôts, par ailleurs postérieure à la date à laquelle la requérante s'est acquittée des impositions en litige, présente le caractère d'un document interne à l'administration qui n'a pas fait l'objet d'une publication, ni d'une diffusion destinée aux contribuables de la part de l'administration ; que, dès lors, la société RIVKA n'est pas fondée à invoquer à son profit les termes de cette note, y compris sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société RIVKA n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement des mêmes dispositions, l'interprétation du texte fiscal qu'aurait donnée le rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée Nationale lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2004, dès lors que ce rapport n'émane pas de l'administration ;
Considérant, enfin, que si la société RIVKA a entendu se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des réponses ministérielles en date des 7 et 9 décembre 2004 faites respectivement aux députés Delebarre et Lefait, d'une part, et au sénateur Masson, d'autre part, ces réponses sont postérieures à la date à laquelle la requérante s'est acquittée des impositions en litige et ne comportent, en outre, aucune interprétation du texte fiscal dont il lui a été fait application ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre chargé du budget, que la SA RIVKA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société RIVKA est rejetée.
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N° 09VE01516