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25/01/2011 | FRANCE | N°09VE00531

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 25 janvier 2011, 09VE00531


Vu la requête, enregistrée le 9 février 2009, présentée pour la société AMIDIS ET CIE venant aux droits de la société Montesud, dont le siège est Zone industrielle, route de Paris à Mondeville (14120), par Me Merten-Lentz, avocat à la Cour ; la société AMIDIS ET CIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501447 du 27 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de décembre de l'année 2002 ;

2°) de pr

ononcer la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été ass...

Vu la requête, enregistrée le 9 février 2009, présentée pour la société AMIDIS ET CIE venant aux droits de la société Montesud, dont le siège est Zone industrielle, route de Paris à Mondeville (14120), par Me Merten-Lentz, avocat à la Cour ; la société AMIDIS ET CIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501447 du 27 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de décembre de l'année 2002 ;

2°) de prononcer la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002 pour un montant de 156 584 euros ;

3°) à titre subsidiaire, d'interroger la Cour de Justice de l'Union Européenne sur l'interprétation de l'article 87 du traité instituant la communauté européenne au regard du dispositif mis en place à compter du 1er janvier 2001 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, en premier lieu, que l'affectation de la taxe sur les achats de viande au budget général de l'Etat, opérée par l'article 35 de la loi de finance rectificative pour 2000, n'a pas supprimé le lien contraignant, au sens de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne, entre le service public de l'équarrissage et la taxe litigieuse ; que cette taxe, dont le fondement légal, les redevables et les modalités de recouvrement sont inchangés, a continué à financer le service public de l'équarrissage et fait donc partie intégrante du régime d'aide à ce service ; qu'elle constitue une aide d'Etat au sens de l'article 87 du traité instituant la communauté européenne et aurait dû faire l'objet d'une notification à la commission européenne conformément à l'article 88-3 du traité, lequel contraint les Etats membres à notifier les projets tendant tant à instituer des aides qu'à les modifier ; qu'à défaut de notification, cette taxe est illégale ; en second lieu, qu'en instaurant cette taxe, qui est supportée par des opérateurs qui ne sont en rien responsables de la production des déchets, les autorités françaises ont méconnu le principe pollueur-payeur , lequel constitue à la fois un principe général du droit interne, prévu par l'article L. 110-1 du code de l'environnement et les articles 3 et 4 de la Charte constitutionnelle de l'environnement, et un principe du droit communautaire visé à l'article 174 du traité instituant la communauté européenne ; que, d'ailleurs, la taxe en litige a été remplacée par une taxe conforme à ce principe ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la communauté européenne ;

Vu le code général des impôts et le code de procédure fiscale ;

Vu l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment son article 35 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 janvier 2011 :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,

- et les conclusions de M. Dhers, rapporteur public ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité: 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des communautés européennes devenue Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour l'année 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage, peu important à cet égard que la base juridique, les redevables et les modalités de recouvrement de la taxe en litige seraient inchangés depuis le 1er janvier 2001 ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société requérante ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, en second lieu, que compte tenu de l'absence susmentionnée de lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage à compter du 1er janvier 2001, sont inopérants au soutien d'une demande en restitution de la taxe sur les achats de viande en litige, le moyen tiré de ce que le régime d'aide constitué par le service public de l'équarrissage aurait dû être notifié à l'origine à la Commission européenne et le moyen tiré de ce que le service public de l'équarrissage méconnaîtrait le principe pollueur-payeur ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions tendant à la restitution de la taxe acquittée au titre des mois de janvier à novembre 2002, ni de saisir la Cour de justice de l'union européenne d'une question préjudicielle, que la société AMIDIS ET CIE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société AMIDIS ET CIE est rejetée.

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N° 09VE00531


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Corinne SIGNERIN-ICRE
Rapporteur public ?: M. DHERS
Avocat(s) : MERTEN-LENTZ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 25/01/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09VE00531
Numéro NOR : CETATEXT000023632070 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-01-25;09ve00531 ?
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