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16/12/2010 | FRANCE | N°09VE04140

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 16 décembre 2010, 09VE04140


Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Pierre B, M. Jacques B et Mme Janine B veuve demeurant ..., par Me Drago ; les consorts B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602973 du 23 octobre 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a rejeté leurs conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 12 600 euros, outre les intérêts légaux et leur capitalisation à compter du 22 novembre 2006 ;

3°) de mettre à la char

ge de l'Etat le versement d'une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-...

Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Pierre B, M. Jacques B et Mme Janine B veuve demeurant ..., par Me Drago ; les consorts B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602973 du 23 octobre 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a rejeté leurs conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 12 600 euros, outre les intérêts légaux et leur capitalisation à compter du 22 novembre 2006 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent qu'ils se savaient propriétaires de la parcelle cadastrée AX 322 à Argenteuil lorsqu'ils ont découvert par le biais d'un cabinet de généalogie l'arrêté préfectoral illégal du 21 novembre 2003 déclarant leur bien vacant et sans maître, arrêté qui ne leur avait pas été notifié ; qu'ils sont donc fondés à demander réparation du préjudice causé directement par cet arrêté ; que ce préjudice direct recouvre les honoraires de ce cabinet de généalogie pour un montant de 7 600 euros ainsi que les troubles de toutes natures pour un montant de 5 000 euros, dès lors qu'ils ont eu à entreprendre de nombreuses démarches, recherches, déplacements et autres pour rétablir leurs droits ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,

- et les observations de Me Drago pour les consorts B ;

Sur la fin de non-recevoir des conclusions à fin indemnitaire de la demande de première instance :

Considérant que, par requête enregistrée le 30 mars 2006 au greffe du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, les consorts B ont demandé l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2003 par lequel le préfet du Val-d'Oise a autorisé la prise de possession par l'administration des domaines d'un bien immobilier situé à Argenteuil qu'ils soutenaient leur appartenir ; que, par une décision du 15 mai 2006, postérieure à l'introduction de ce recours, le préfet du Val-d'Oise a retiré cet arrêté ; qu'invoquant l'illégalité de ce dernier, les consorts B ont alors formé le 20 novembre 2006 une demande indemnitaire préalable que le préfet du Val-d'Oise a rejetée explicitement par lettre du 22 décembre 2006 ; qu'ils ont ensuite déposé des conclusions indemnitaires par mémoire complémentaire à leur requête précitée, enregistré au greffe du Tribunal administratif le 16 janvier 2007 ; que, par suite, la fin de non recevoir de ces conclusions indemnitaires, strictement identiques à celles de leur demande préalable et qui étaient recevables au cours de l'instance initialement engagée sur le seul terrain de l'excès de pouvoir, doit être écartée ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

Considérant qu'aux termes de l'article 539 du code civil : Tous les biens vacants et sans maître et ceux des personnes qui décèdent sans héritiers ou dont les successions sont abandonnées, appartiennent au domaine public ; qu'aux termes de l'article 713 du même code : Les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à l'Etat ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 27 bis du code du domaine de l'Etat, applicable en l'espèce : Lorsqu'un immeuble n'a pas de propriétaire connu, et que les contributions foncières y afférentes n'ont pas été acquittées depuis plus de cinq années, cette situation est constatée par arrêté préfectoral, après avis de la commission communale des impôts directs. Il est procédé par les soins du préfet à une publication et à un affichage de cet arrêté et, s'il y a lieu, à une notification aux derniers domicile et résidence connus du propriétaire. En outre, si l'immeuble est habité ou exploité, une notification est également adressée à l'habitant ou à l'exploitant. Dans le cas où le propriétaire ne s'est pas fait connaître dans un délai de six mois à dater de l'accomplissement de la dernière des mesures de publicité prévues ci-dessus, l'immeuble est présumé sans maître au titre de l'article 539 du code civil, et l'attribution de sa propriété à l'Etat fait l'objet d'un arrêté préfectoral ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que par acte notarié de liquidation partage de la succession de Mme Eugénie Marie C épouse D du 21 juillet 1972, enregistré le 26 septembre 1972 à la conservation des hypothèques de Pontoise, les consorts B, requérants à la présente instance, et Mme Suzanne Reine E épouse F, veuve de M. F lui-même adopté par M. D, époux en secondes noces de Mme C précitée, ont reçu, pour les premiers, la nue propriété et, pour la seconde, l'usufruit de la parcelle de terrain située à Argenteuil, lieudit Malcouture , d'une superficie de 273 m² alors cadastrée section D, nos 3532 et 3533, ultérieurement cadastrée AX n° 322 ; que, par suite et pour justifier la mise en oeuvre de la procédure d'appréhension de bien vacant sans maître de l'article L. 27 bis du code du domaine de l'Etat, l'administration ne peut utilement se prévaloir de ce que cette parcelle était inscrite au nom de l'Etat au fichier immobilier et que, par là même, le dépôt des hypothèques n'avait pas provoqué le changement d'inscription suite à l'acte notarié du 21 juillet 1972 ; qu'elle ne peut pas davantage se prévaloir de ce que les taxes foncières y afférentes n'avaient pas été mises en recouvrement et que ses recherches de propriétaire avaient été vaines, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que les propriétaires, résidant encore dans la commune et dont le bien était dans la famille depuis 1919, étaient sinon connus au moins susceptibles d'être aisément retrouvés ainsi qu'ils l'ont été à l'initiative d'un cabinet de généalogie à la suite de la publication de l'arrêté litigieux du 21 novembre 2003 du préfet du Val-d'Oise autorisant la prise de possession par l'administration des domaines du terrain ; que, nonobstant la circonstance que le préfet a retiré cet acte dans les deux mois de l'enregistrement de la demande en annulation des consorts B au greffe du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, l'administration a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant, d'autre part, que la seule circonstance que l'existence de l'arrêté litigieux préjudiciant à leurs droits leur ait été révélée par l'entremise d'un cabinet de généalogie qui les a démarchés à la suite de sa publication ne saurait faire regarder les consorts B comme ayant découvert ainsi l'étendue de leurs droits sur ce terrain ; que les frais engagés pour l'indentification de cette illégalité fautive par l'entremise du cabinet de généalogie, d'un montant de 7 600 euros, présentent, dans les circonstances de l'espèce, le caractère d'un préjudice direct dont ils sont fondés à demander la réparation ; que si l'essentiel des démarches et recherches a été exécuté par ledit cabinet et si leur coût a été compris dans les honoraires facturés, l'illégalité fautive de l'administration a indéniablement engendré par ailleurs pour les requérants, contraints d'agir afin de faire reconnaître leurs droits et d'éviter la revente du bien par l'administration, des troubles dans leurs conditions d'existence ; qu'il en sera fait une juste appréciation en fixant l'indemnité due à ce titre à la somme de 1 000 euros, eu égard à l'intervention rapide de l'administration pour mettre fin à l'illégalité dont s'agit ; que si, pour contester le principe et le montant de ces troubles, l'administration se prévaut de ce qu'elle n'a réalisé aucun acte préjudiciable d'administration ou de gestion du bien jusqu'au retrait de l'acte litigieux et qu'elle n'a pas empêché l'occupant sans titre de l'exploiter comme il le faisait de longue date, ces circonstances sont sans influence sur le préjudice indemnisable à ce titre dès lors que les requérants n'ont pas entendu se prévaloir à cet égard de telles circonstances pour fonder leur demande indemnitaire ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant que les consorts B ont droit aux intérêts de la somme de 8 600 euros à compter du 22 novembre 2006, jour de la réception par le préfet du Val-d'Oise de leur demande ;

Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 16 janvier 2007 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 16 janvier 2008, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts B sont fondés à demander l'annulation de l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 23 octobre 2009 et la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 8 600 euros en réparation de leurs préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2006, les intérêts échus à la date du 16 janvier 2008 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement aux consorts B de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise susvisé est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'indemnité des consorts B.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser aux consorts B la somme de 8 600 euros en réparation de leurs préjudices avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2006. Les intérêts échus à la date du 16 janvier 2008 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera aux consorts B la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 09VE04140 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE04140
Date de la décision : 16/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Julien LE GARS
Rapporteur public ?: Mme KERMORGANT
Avocat(s) : SCP NEVEU, SUDAKA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-12-16;09ve04140 ?
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