Vu la requête, enregistrée le 26 août 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Pascale A, demeurant ..., par Me Clamagirand ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0705000 en date du 30 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre de l'année 1995 ;
2°) de prononcer la réduction sollicitée ;
Elle soutient qu'elle est fondée à obtenir le bénéfice des dispositions de l'article 150 E du code général des impôts lesquelles ne sauraient, sans ajouter au texte, s'interpréter comme comportant une condition restrictive quant à l'auteur ou aux modalités de réemploi de l'indemnité d'expropriation ; qu'au demeurant, une telle interprétation serait contraire à l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyens, à l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi qu'aux stipulations des articles 6 § 1 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; qu'en effet, les indemnités d'expropriation qu'elle a perçues se sont substituées, dans son patrimoine, aux droits de nature immobilière qu'elle détenait sur les terrains dont elle a été expropriée et elle en a fait un usage licite en acquérant des parts de la SARL Palaje, laquelle a acquis des biens immobiliers ; qu'en l'absence de tout intérêt général, le législateur ne saurait, sans méconnaître le droit de propriété, réglementer l'usage de l'indemnité d'expropriation, qui n'est qu'une des modalités de l'exercice du droit de propriété, postérieurement à sa perception par le propriétaire évincé ; qu'en outre, les dispositions fiscales en cause instaurent une différence de traitement entre les contribuables fondée sur l'usage de l'indemnité d'expropriation et constituent ainsi une discrimination injustifiée ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu le traité sur l'Union européenne ;
Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2010 :
- le rapport de M. Huon, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Dhers, rapporteur public ;
Considérant qu'à l'occasion d'un examen de la situation fiscale personnelle de Mme A au titre de l'année 1995, le service a notamment remis en cause le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 150 E du code général des impôts pour la plus-value nette d'un montant de 1 197 429 F réalisée par l'intéressée à la suite de la cession dans le cadre d'une expropriation pour cause d'utilité publique de sept parcelles non bâties dont elle était propriétaire dans la commune de Nozay ; que Mme A relève appel du jugement du 30 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées de ce chef ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 150 A du code général des impôts, applicable à l'espèce : (...) les plus-values effectivement réalisées par des personnes physiques ou des sociétés de personnes lors de la cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature sont passibles : / 1° De l'impôt sur le revenu, lorsque ces plus-values proviennent de biens immobiliers cédés moins de deux ans après l'acquisition ou de biens mobiliers cédés moins d'un an après celle-ci ; / 2° De l'impôt sur le revenu suivant les règles particulières définies aux articles 150 B à 150 T, selon que ces plus-values proviennent de biens immobiliers cédés plus de deux ans ou de biens mobiliers cédés plus d'un an après l'acquisition (...) ; qu'aux termes de l'article 150 E du même code : Les plus-values immobilières réalisées à la suite de déclarations d'utilité publique prononcées en vue d'une expropriation n'entraînent aucune taxation quand il est procédé au remploi de l'indemnité par l'achat d'un ou de plusieurs biens de même nature dans un délai de six mois du paiement. ; qu'il résulte clairement de ces dernières dispositions qui, en raison de leur caractère dérogatoire, sont d'interprétation stricte que le bénéfice de l'exonération qu'elles instituent est notamment subordonné au remploi par le contribuable lui-même de l'indemnité d'expropriation qu'il a perçue et ce, par l'achat d'un ou plusieurs biens de même nature ;
Considérant qu'il résulte des propres déclarations de Mme A que l'indemnité d'expropriation qu'elle a perçue n'a pas été utilisée pour l'achat d'un bien immobilier mais a été apportée à la SARL Palaje, laquelle a procédé à l'acquisition de trois immeubles ; que l'intéressée fait valoir que la valeur globale de son patrimoine n'a pas été affectée puisqu'elle contrôle indirectement la SARL Palaje via la détention de parts sociales ; que, toutefois, des parts de SARL n'étant pas de même nature que des biens immobiliers, c'est à bon droit et sans ajouter à la loi fiscale, que l'administration a estimé que la plus-value litigieuse ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions précitées de l'article 150 E du code général des impôts ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ; qu'il résulte des termes mêmes de ces stipulations que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement des impôts ;
Considérant que les dispositions de l'article 150 E du code général des impôts n'ont pour seul objet que de fixer le régime fiscal des indemnités d'expropriation mais ne font nullement obstacle au libre usage par le propriétaire évincé des indemnités perçues à l'occasion de son expropriation ; qu'ainsi elles ne sauraient être regardées comme portant par elles-mêmes atteinte au droit de propriété au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que, si les stipulations combinées de cet article et de l'article 1er du premier protocole additionnel précité peuvent être invoquées pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées entre contribuables, elle sont en revanche sans portée lorsque les contribuables sont placés dans des situations différentes ;
Considérant que les contribuables qui remploient une indemnité d'expropriation par des apports à une société de capitaux ne sont pas dans une situation analogue à ceux qui utilisent cette indemnité afin d'acquérir des biens immobiliers ; que, dès lors, l'exonération de la taxation de la plus-value de cession instituée en faveur de ces derniers par l'article 150 E du code général des impôts n'est pas à l'origine de discriminations prohibées par les stipulations sus-rappelées ;
Considérant, en quatrième lieu, que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée par le Conseil européen le 7 décembre 2000 et reprise dans un acte inter-institutionnel publié le 18 décembre 2000, n'a acquis valeur contraignante qu'avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, soit postérieurement à la date du fait générateur des impositions contestées ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la base légale desdites impositions méconnaîtrait les stipulations de l'article 17 de la charte est inopérant ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ; que cet article ne peut être utilement invoqué devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil ; qu'en tout état de cause, il ressort de l'objet même de l'article 150 E du code général des impôts qu'il n'affecte pas par lui-même le droit à un procès équitable énoncé par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
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N° 09VE02933 2