Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Gaspare A, demeurant ..., par Me Sonet ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0604993 du 13 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à annuler la décision du 8 mars 2006, notifiée le 21 mars 2006, par laquelle la commune de Sevran a décidé d'exercer son droit de préemption sur le bien immobilier cadastré BZ 188, situé 50 boulevard de Stalingrad à Sevran ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que l'appel est recevable ; que la décision, qui se borne à une référence stéréotypée à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, est insuffisamment motivée et ne fait pas état d'un projet réel ; que les dispositions de l'article L. 200-1 du code précité ont été méconnues ; qu'il n'est justifié ni du respect des règles de publicité de la délibération du 12 avril 2001 instituant le droit de préemption, ni de la validité des délégations au maire du pouvoir de préempter et, par suite, de la compétence de ce dernier pour l'exercer ; que la notification de la décision de préempter n'a pas été transmise au contrôle de légalité dans le délai de deux mois de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner (DIA), ni donc notifiée dans ce même délai ; que la formalité substantielle de l'alinéa 3 de l'article L. 211-5 du code précité n'a pas été respectée à défaut de paiement du prix ou de consignation de la somme et dès lors que la commune n'a engagé aucune procédure pour engager la signature d'un acte authentique avant le 11 juin 2008 et que la vente n'a toujours pas été conclue plus de trois ans après ; que la commune doit être considérée comme ayant renoncé à l'exercice de son droit ; que le prix ne reflétait pas la réalité du marché en raison du lien de parenté unissant le vendeur et l'acquéreur et, qu'eu égard à ce but, il ne doit pas être permis à la collectivité publique de réaliser une bonne affaire ; qu'une telle ingérence dans le droit de propriété n'est pas légitime et méconnaît les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2010 :
- le rapport de M. Le Gars, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public ;
Sur les conclusions à fin d'annulation, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués :
Considérant que l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme prévoit que le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption ; qu'aux termes de l'article R. 213-7 du code de l'urbanisme : Le silence gardé par le titulaire du droit de préemption dans le délai de deux mois qui lui est imparti par l'article L. 213-2 vaut renonciation à l'exercice de ce droit de préemption. Ce délai court à compter de la date de l'avis de réception ou de la décharge de la déclaration faite en application de l'article R. 213-5 ; qu'aux termes de l'article R. 213-25 du même code : Les demandes, offres et décisions du titulaire du droit de préemption et des propriétaires prévues par le présent titre sont notifiées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, par acte d'huissier ou par dépôt contre décharge ; qu'aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement ; que l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que cette obligation de transmission vaut également pour les décisions prises par délégation du conseil municipal en application de l'article L. 2122-22 ; qu'au nombre de ces dernières décisions figurent les décisions de préemption ; qu'il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise ; que, dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions, combinées avec celles précitées du code général des collectivités territoriales, imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, c'est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé ou à son mandataire et transmise au représentant de l'Etat ; qu'en l'absence de réception de la décision de préemption par le propriétaire intéressé ou par son mandataire et le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, naît une décision de renonciation à l'exercice du droit de préemption urbain qui est créatrice de droits et insusceptible d'être légalement retirée ; que l'autorité administrative compétente est alors dessaisie du pouvoir d'exercer à nouveau ce droit pour le même objet à peine d'entacher sa décision d'un vice constitutif d'une erreur de droit qui affecte la légalité interne de la décision notifiée ou transmise tardivement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'intention d'aliéner visée à l'article R. 213-5 du code de l'urbanisme, souscrite par le notaire de M. A, propriétaire du bien en cause, a été reçue par la ville de Sevran le 11 janvier 2006 ; qu'ainsi, le délai de deux mois dont disposait ladite ville, titulaire du droit de préemption, pour exercer ce droit, expirait, en application des dispositions précitées, le 11 mars 2006 ; que si la décision de préemption a été prise le 8 mars 2006 et qu'un courrier du même jour a été adressé au notaire de M. A, sans précision d'ailleurs sur la date de sa réception par celui-ci, ladite décision n'a été transmise, en application des dispositions des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, que le 14 mars 2006 au représentant de l'Etat ; qu'ainsi cette décision de préemption était dépourvue d'effet exécutoire à la date d'expiration du délai de deux mois ; que la fin de non-recevoir opposée à ce moyen de légalité interne, qui ne relève pas d'une cause juridique nouvelle en appel, doit être écartée ; que, dès lors, la ville de Sevran, qui ne peut être regardée comme ayant régulièrement exercé son droit de préemption dans le délai imparti par les dispositions précitées, doit être considérée comme ayant renoncé à l'exercice de ce droit ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'annuler la décision de préemption du 8 mars 2006 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de préemption du maire de la ville de Sevran du 8 mars 2006 ; que, par suite, ce jugement doit être annulé ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Piquot-Joly renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la ville de Sevran le versement d'une somme de 1 500 euros à l'avocat de M. A ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 13 novembre 2008 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et la décision du 8 mars 2006 du maire de Sevran sont annulés.
Article 2 : La ville de Sevran versera à Me Piquot-Joly une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
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N° 09VE01553 2