Vu l'ordonnance en date du 10 mars 2008, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 25 mars 2008, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application des articles R. 351-1 et R. 811-1 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Marc X, demeurant ..., par la SCP Vier, Barthélémy et Matuchansky ;
Vu ladite requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 avril 2006 et 23 août 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; M. X demande :
1°) l'annulation du jugement n° 0505307 du 20 février 2006 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 3 mars 2005 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de mise à la retraite anticipée avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 1er septembre 2010 et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de le placer en retraite anticipée avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 1er septembre 2010 dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
2°) que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient, en premier lieu, qu'en s'abstenant de répondre, d'une part, au moyen tiré de ce que l'intérêt à agir de M. X pouvait résulter d'une situation future et, d'autre part, à l'argument non inopérant suivant lequel le ministre ne pouvait utilement déduire des dispositions du décret du 2 octobre 1980, en vertu desquelles une demande d'admission à la retraite doit précéder de six mois au moins la date souhaitée de cessation d'activité, qu'une demande formulée cinq ans avant la date souhaitée avait un caractère prématuré, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ; en deuxième lieu, au fond, qu'en faisant droit à la fin de non-recevoir opposée par le ministre au motif que la concession d'une pension ne peut valablement intervenir que pour autant que ses bases de liquidation soient prévisibles, le tribunal a dénaturé la demande présentée devant lui, qui portait sur un refus d'admission à la retraite et non sur la concession de la pension et a entaché sa décision d'une erreur de droit ; qu'en accueillant la fin de non-recevoir présentée par le ministre au motif que M. X n'avait pas intérêt à agir pour contester la décision qui lui a été opposée, dès lors que sa demande d'admission à la retraite a été formulée plus de cinq ans avant la date à laquelle il souhaitait faire valoir ses droits, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, les dispositions de l'article 3 du décret du 2 octobre 1980 n'empêchent pas un fonctionnaire de déposer sa demande plus de six mois avant la date à laquelle il souhaite cesser son activité ; qu'à la date à laquelle le ministre a pris la décision litigieuse, aucun doute n'était possible sur les bases de liquidation qui pouvaient être aisément déterminées ; qu'en accueillant la fin de non-recevoir opposée par l'Etat qui a seul la capacité de modifier la législation sur les pensions, le jugement attaqué a méconnu le principe de l'égalité des armes garanti par les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le décret n° 80-792 du 2 octobre 1980 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2008 :
- le rapport de Mme Kermorgant, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Grand d'Esnon, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une décision du 3 mars 2005, le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande de mise à la retraite anticipée avec jouissance immédiate de la pension à compter du 1er septembre 2010 présentée par M. X ; que le requérant conteste le jugement du 20 février 2006 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 222-1 du code de justice administrative : « Les jugements des tribunaux administratifs (...) sont rendus par des formations collégiales, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger. (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 222-13 du même code : « Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue (...) : (...) 2° Sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'Etat (...), à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service. 3° Sur les litiges en matière de pensions (...) » ;
Considérant que M. X a demandé au Tribunal administratif de Versailles l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice d'une admission à la retraite anticipée avec jouissance immédiate de sa pension à compter du 1er septembre 2010 ; qu'un tel litige, lié à l'application d'un texte ouvrant des droits en conséquence directe de l'admission à la retraite, ne constitue pas un litige en matière de pensions au sens du 3° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative mais concerne la sortie du service au sens du 2° du même article ; qu'ainsi, la demande de M. X n'entrait pas dans le champ d'application de l'article R. 222-13 précité du code de justice administrative et devait faire l'objet d'un jugement rendu en formation collégiale par le tribunal administratif ; que, par suite, le jugement attaqué, qui a été rendu par un magistrat statuant seul, est irrégulier ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement et de statuer, par voie d'évocation, sur la demande de M. X ;
Sur la recevabilité de la demande de M. X :
Considérant qu'un fonctionnaire souhaitant faire valoir ses droits à la retraite a la faculté de demander à l'autorité administrative de se prononcer sur ses droits, dès lors que sa situation à la date à laquelle il souhaite cesser son activité peut être utilement appréciée ; qu'il résulte de l'instruction que M. X a indiqué le 11 février 2005 vouloir cesser son activité à compter du 1er septembre 2010, soit plus de cinq ans plus tard ; qu'eu égard à l'importance de ce délai, l'administration, contrairement à ce que soutient le requérant, n'était pas en mesure d'apprécier utilement sa situation au regard de ses droits à la retraite et n'a donc pu donner qu'un avis à l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée devant le tribunal administratif par M. X est dirigée contre un acte qui ne lui fait pas grief, alors même qu'aucun texte n'interdit de formuler une demande d'admission à la retraite plus de cinq ans avant la date envisagée pour la cessation d'activité ; que, par suite, ladite demande doit être rejetée comme irrecevable ; que, par voie de conséquence, les conclusions du requérant tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 0505307 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles en date du 20 février 2006 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
N° 08VE00919 3