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14/10/2008 | FRANCE | N°07VE02802

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 14 octobre 2008, 07VE02802


Vu, la requête, enregistrée le 12 novembre 2007 présentée pour M. Huseyin X, demeurant chez M. Y, ..., par Me Dusen ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704078-0704082-0704084-0706575 du 18 septembre 2007 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2007 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de sa destination ;

2°) d'annuler

pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'ordonner une mesure d'instruction r...

Vu, la requête, enregistrée le 12 novembre 2007 présentée pour M. Huseyin X, demeurant chez M. Y, ..., par Me Dusen ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704078-0704082-0704084-0706575 du 18 septembre 2007 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2007 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de sa destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'ordonner une mesure d'instruction relative au jugement de la Cour de sûreté d'Etat d'Izmir du 17 septembre 2004 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la motivation de l'arrêté attaqué est sommaire et non circonstanciée s'agissant des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine et de l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que la décision a été prise en méconnaissance de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il vit en France depuis le mois d'avril 2003, avec son épouse, son fils et sa fille, âgés de 20 et 17 ans, qui l'y ont rejoint au mois d'août 2006 ; qu'il est père d'un enfant né en France le 31 août 2007 ; que les parents de son épouse et sa fratrie, ainsi que celle de l'exposant vivent en France sous couvert du statut de réfugié politique ; que les décisions attaquées sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et ont méconnu les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet n'a pas tenu compte de la guerre civile qui règne en Turquie et de la discrimination dont sont victimes les kurdes ; qu'il a été poursuivi en raison de son militantisme ; que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 8 avril 2005 a été annulé, compte tenu de l'arrêt rendu par la Cour de sûreté d'Etat d'Izmir le 17 septembre 2004, par un jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui est revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée ; que rien ne justifie qu'il en soit jugé autrement ; qu'une mesure d'expertise devra le cas échéant être ordonnée ; qu'ainsi, la décision fixant la Turquie comme pays de sa destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ses parents, ses frères et soeurs, sa belle-mère, ses beaux frères et belles soeurs résident en France et qu'il n'a plus d'attache en Turquie ; qu'il est bien intégré en France ; que les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2008 :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, président-assesseur,

- les observations de Me Adet, substituant Me Dusen, avocat de Mme X,

- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que, d'une part, l'arrêté attaqué, qui vise notamment les articles L. 313-13 et L. 314-11-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le Livre VII, relatif au droit d'asile, de ce code, mentionne, après avoir rappelé que M. X a sollicité une carte de séjour au titre de l'asile, que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 mars 2006 et que la Commission des recours des réfugiés a rejeté le recours dirigé contre cette décision le 13 mars 2007 ; que, dès lors, la décision de refus de titre de séjour est suffisamment motivée alors même qu'elle se borne par ailleurs à relever que M. X ne justifie pas d'une situation personnelle et familiale à laquelle ce refus porterait une atteinte disproportionnée sans faire état des éléments propres à cette situation ; que, d'autre part, l'arrêté attaqué vise les dispositions de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, la décision obligeant le requérant à quitter le territoire français est également suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;

Considérant que M. X se prévaut de la présence en France de son épouse et de leurs deux enfants, nés en 1987 et 1990, et de la naissance, dans ce pays, d'un troisième enfant le 31 août 2007, soit postérieurement à la décision attaquée, et fait valoir que de nombreux membres de sa famille ainsi que de celle de son épouse sont autorisés à résider en France ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la courte durée du séjour du requérant, entré en France en avril 2003, et du séjour de son épouse, qui l'y a rejoint, accompagnée de leurs deux enfants, au mois d'août 2006, et de la circonstance que celle-ci et leur fils aîné font également l'objet de refus de titre de séjour, il ne ressort pas des pièces du dossier l'arrêté attaqué du 9 mai 2007 du préfet de la Seine-Saint-Denis ait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cet arrêté n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'ait pas accordé à l'intérêt supérieur de Mlle Hidayet X, seule enfant mineure du requérant et âgée de 17 ans à la date de la décision litigieuse, une attention primordiale en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 précité ; que le moyen tiré de la méconnaissance desdites stipulations doit, en conséquence, être écarté ;

Considérant, enfin, que si M. X fait état de ce qu'il serait bien intégré en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, qu'en indiquant que M. X n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet de la Seine-Saint-Denis a suffisamment motivé sa décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourrait être reconduite d'office à l'expiration d'un délai d'un mois ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 stipule que : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les demandes de M. X tendant à obtenir le statut de réfugié ont été, par deux fois, rejetées par décisions du directeur de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la Commission des recours des réfugiés, en dernier lieu le 13 mars 2007, au motif que les déclarations de l'intéressé et les pièces produites ne permettaient pas de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées ; que si, pour demander l'annulation de la décision du 9 mai 2007 fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, M. X soutient que son retour dans son pays d'origine lui ferait courir des risques graves en raison de ses origines kurdes, de sa confession alévie et de ses activités politiques d'opposition, il n'assortit pas ces allégations de précisions ni de justifications suffisamment probantes de nature à en établir le bien-fondé ; qu'il suit de là, et alors même que certains membres de la famille du requérant auraient obtenu le statut de réfugié, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ;

Considérant, enfin, que par un jugement du 17 novembre 2005, devenu définitif, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 8 avril 2005 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a désigné la Turquie comme pays à destination duquel M. X devait être reconduit au motif que l'intéressé, dont les parents avaient obtenu le statut de réfugié politique, faisait l'objet dans son pays d'origine d'une procédure pénale en raison de ses activités politiques et que l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides et la Commission des recours des réfugiés n'avaient d'ailleurs pas eu connaissance de l'arrêt prononcé à son encontre le 19 septembre 2004 par la Cour de sûreté d'Etat d'Izmir ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que dans sa décision du 13 mars 2007, la Commission des recours des réfugiés a considéré que le document produit et présenté comme étant une décision du 17 septembre 2004 émanant de la Cour de sûreté d'Etat d'Izmir était dépourvu de garantie d'authenticité suffisante, les cours de sûreté d'Etat ayant été supprimées par une loi du 7 mai 2004 pour être remplacées par les hautes cours d'assises instaurées par une loi du 17 juin 2004 ; que, dès lors, compte tenu de ce nouvel élément de fait, postérieur à la décision du 8 avril 2005, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, fixer la Turquie comme pays à destination duquel M. X pourra être reconduit d'office ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

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N° 07VE02802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 07VE02802
Date de la décision : 14/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme CHELLE
Rapporteur ?: Mme Corinne SIGNERIN-ICRE
Rapporteur public ?: Mme COLRAT
Avocat(s) : DUSEN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-10-14;07ve02802 ?
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