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10/07/2008 | FRANCE | N°06VE02377

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 10 juillet 2008, 06VE02377


Vu la requête, enregistrée le 30 octobre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Raymond X, demeurant ..., par la SCP Huglo-Lepage ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0101082/4 du 5 octobre 2006 par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche rejetant sa demande tendant au versement d'une indemnité et à la reconstituti

on de sa carrière ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le Tribunal ad...

Vu la requête, enregistrée le 30 octobre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Raymond X, demeurant ..., par la SCP Huglo-Lepage ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0101082/4 du 5 octobre 2006 par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche rejetant sa demande tendant au versement d'une indemnité et à la reconstitution de sa carrière ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise afin qu'il soit statué sur sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'ordonnance de rejet doit être annulée en ce que sa demande n'était pas tardive dès lors que, tendant à la reconstitution de sa carrière et à l'indemnisation du préjudice subi, elle constituait un recours de plein contentieux à l'encontre duquel aucun délai de recours n'a couru en l'absence de décision expresse de rejet ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 85-1524 du 31 décembre 1985 ;

Vu le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2008 :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,

- les observations de M. X,

- et les conclusions de Mme Grand d'Esnon, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X fait appel de l'ordonnance du 5 octobre 2006 par laquelle le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté sa demande tendant à la reconstitution de sa carrière et au versement d'une indemnité, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à la reconstitution de sa carrière, enfin, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 300 000 francs ;

Considérant qu'aux termes de l'article R.102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur à la date d'introduction de la demande : « Sauf en matière de travaux publics, le tribunal administratif ne peut être saisi que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période de quatre mois susmentionnée (...). Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° en matière de plein contentieux ; (...) » ;

Considérant que la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif était dirigée contre le refus implicite opposé par le ministre de l'éducation nationale à sa demande du 28 avril 2000, reçue par l'administration le 2 mai 2000, tendant, d'une part, à la reconstitution de sa carrière et, d'autre part, au versement d'une indemnité en réparation des préjudices imputés à un déroulement de carrière anormal ; qu'en tant qu'elle tendait à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de refus de reconstitution de carrière, la demande de M. X, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2001, soit après l'expiration du délai de recours de deux mois qui a couru à compter du 2 septembre 2000, était tardive ; que le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ladite demande comme tardivement présentée ; qu'en revanche, en tant qu'elle tendait au versement d'une indemnité, cette demande, qui ressortissait au contentieux de pleine juridiction, n'était pas tardive, le délai du recours contentieux n'ayant pas couru ; qu'ainsi, l'ordonnance du 5 octobre 2006 du président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise doit être annulée dans cette mesure ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande indemnitaire présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Considérant que M. X, qui a exercé les fonctions de maître auxiliaire de 1978 à 1984, a été nommé, le 1er septembre 1984, professeur stagiaire de collège d'enseignement technique puis titularisé dans le corps des professeurs de lycée professionnel à compter du 1er septembre 1987 ; qu'il demande réparation à l'Etat des préjudices que lui aurait causés un déroulement de carrière selon lui anormal et révélé par les nombreuses mutations dont il a fait l'objet, les notes et appréciations émises sur sa manière de servir et l'absence de tout avancement au choix ou au grand choix avant l'année 2002 ;

Considérant, en premier lieu, que M. X soutient, d'une part, qu'il a fait l'objet de nombreuses mutations non justifiées par l'intérêt du service, qui ont été à l'origine d'un surcroît de travail et l'ont empêché d'être nommé professeur principal, d'autre part, qu'il a dû, la plupart du temps, dispenser un enseignement dans la spécialité « soudure » alors que sa discipline est relative aux « travaux des métaux en feuille », enfin, qu'il a été affecté à un enseignement en classes débutantes et n'a pu bénéficier des avantages qui seraient liés à un enseignement en classes terminales ; que, toutefois, alors que la diminution des besoins dans la discipline des « travaux des métaux en feuille » n'est pas contestée, le ministre de l'éducation nationale fait valoir que les mutations du requérant étaient justifiées par l'intérêt du service compte tenu des nombreuses suppressions de postes intervenues dans cette discipline, empêchant ainsi le maintien des professeurs dans des postes fixes ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'instruction qu'entre 1993 et 1996, les affectations du requérant ont été la conséquence de son admission aux concours d'entrée au cycle préparatoire au certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique dans la discipline « technologie construction mécanique » en 1993 puis en « génie mécanique productique » en 1994, et de sa nomination en qualité de stagiaire pendant trois années ; que, les affectations de M. X alors qu'il exerçait les fonctions de maître auxiliaire n'ont pu, en tout état de cause, avoir une influence sur le déroulement de sa carrière en qualité d'agent titulaire ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que le requérant ait dû enseigner d'autres disciplines que celles relatives aux « travaux des métaux en feuille » et au « génie industriel structures métalliques », qui sont mentionnées dans les arrêtés d'affectation dont il a fait l'objet, lesquels n'ont pas été contestés par l'intéressé, à l'exception de quelques mois de l'année 1997 au cours desquels il lui a été proposé, aux fins de reconversion, d'enseigner dans une section de brevet d'enseignement professionnel « productique » avec l'assistance d'un conseiller pédagogique ; qu'enfin, alors que M. X n'établit pas, ni même n'allègue, avoir jamais sollicité sa nomination en qualité de professeur principal ou la responsabilité de classes terminales, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que l'administration aurait pris en la matière des décisions illégales de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis du requérant ; qu'il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que les mutations et affectations dont il a fait l'objet au cours de sa carrière révéleraient une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 20 du décret susvisé du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel : « Le recteur d'académie sous l'autorité duquel est placé le professeur attribue à celui-ci une note de 0 à 100. 1. Pour les professeurs affectés dans un établissement d'enseignement du second degré, cette note globale est constituée par la somme : a) D'une note de 0 à 40, arrêtée par le recteur sur proposition du chef d'établissement où exerce le professeur, accompagnée d'une appréciation générale sur la manière de servir (...) ; b) D'une note de 0 à 60, arrêtée par les membres des corps d'inspection chargés de l'évaluation pédagogique des enseignants de la discipline compte tenu d'une appréciation pédagogique portant sur la valeur de l'action éducative et de l'enseignement donné (...) Un recours est ouvert au professeur soit devant l'auteur de la note, soit devant un autre membre des corps d'inspection. La note de 0 à 40, la note de 0 à 60, la note globale et les appréciations sont communiquées par le recteur à l'intéressé. La commission administrative paritaire académique peut, à la requête du professeur, demander au recteur la révision de la note de 0 à 40 (...) » ;

Considérant que M. X allègue que les notes qui lui ont été attribuées ne reflètent pas sa valeur professionnelle faute de tenir compte de sa situation individuelle, caractérisée par de nombreux changements d'établissements et des conditions d'enseignement difficiles, pour lesquelles il n'aurait bénéficié d'aucune formation ; qu'il ne résulte toutefois d'aucun élément de l'instruction, alors que le requérant a fait l'objet d'au moins quatre inspections pédagogiques, que les notes et appréciations portées sur sa manière de servir et sur la valeur de son action éducative soient entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; que si le requérant fait valoir que sa note pédagogique a été abaissée de 40 à 30 sur 60 à la suite d'une inspection conduite alors qu'il enseignait la productique, matière qui ne constitue pas sa spécialité, il ressort des termes du rapport d'inspection que M. X, qui avait effectué en institut universitaire de formation des maîtres, au cours des deux années précédentes, un stage à temps complet en productique, n'a pas été à même de présenter le nombre de leçons dont il devait assurer la préparation et qu'au-delà du contenu technique de son enseignement, ses qualités pédagogiques se sont révélées très insuffisantes ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'instruction qu'à la suite des inspections du 9 avril 1998, au cours de laquelle l'inspecteur a relevé certaines difficultés rencontrées par le requérant, qui dispensait cette fois un enseignement dans sa spécialité de recrutement, et du 11 décembre 1998, au terme de laquelle l'inspecteur a considéré que le requérant maîtrisait son enseignement tout en l'invitant à prendre en considération ses recommandations, la note pédagogique de M. X a été portée à 44 sur 60 ; qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que le requérant n'établit pas que les décisions de notation prises à son égard par l'administration seraient entachées d'illégalité et n'est pas fondé à demander que l'Etat soit condamné à lui verser une quelconque réparation à ce titre ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 56 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : « L'avancement des fonctionnaires comprend l'avancement d'échelon et l'avancement de grade » ; qu'aux termes de l'article 57 de la même loi : « L'avancement d'échelon a lieu de façon continue d'un échelon à l'échelon immédiatement supérieur. Il est fonction à la fois de l'ancienneté et de la valeur professionnelle des fonctionnaires (...) » ; qu'aux termes de l'article 58 de la même loi : « (...) Sauf pour les emplois laissés à la décision du Gouvernement, l'avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : 1° Soit au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle des agents (...) » ; que les dispositions du décret susvisé du 31 décembre 1985 et celles du décret susvisé du 6 décembre 1992, portant statut particulier des professeurs de lycée professionnel, prévoient que l'avancement d'échelon des membres de ce corps a lieu pour partie au grand choix, pour partie au choix, pour partie à l'ancienneté, les promotions étant prononcées après établissement, pour chaque année scolaire, de listes des professeurs atteignant l'ancienneté d'échelon requise pour être promus au grand choix ou au choix et après avis de la commission administrative paritaire académique ; qu'enfin, l'article 25 du décret du 6 décembre 1992, dans sa rédaction résultant du décret du 12 juin 2001, dispose : « Dans la limite des emplois prévus par la loi de finances, peuvent être promus à la hors-classe de leur corps les professeurs de lycée professionnel ayant atteint au moins le septième échelon de la classe normale. » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les professeurs de lycée professionnel ne détiennent aucun droit à l'avancement d'échelon au grand choix ou au choix et à l'avancement de grade mais peuvent bénéficier de ces avancements, sur décision de l'autorité compétente, lorsque leur ancienneté et leur valeur professionnelle ont permis leur inscription sur une liste ou un tableau d'avancement ; qu'il suit de là que si M. X fait valoir, d'une part, qu'il n'a bénéficié que d'avancements à l'ancienneté jusqu'en 2002, d'autre part, qu'il n'a bénéficié d'aucune promotion depuis qu'il a atteint, le 2 février 2000, le 9ème échelon du deuxième grade du corps des professeurs de lycée professionnel, enfin, qu'il remplissait dès l'année 2000 les conditions d'échelon et de grade requises pour être promu à la hors-classe, il n'établit pas de ce seul fait que le recteur, en ne le promouvant pas au grand choix ou au choix pour l'avancement d'échelon et en ne le promouvant pas à la hors-classe, ait pris des décisions entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il résulte de l'instruction que le requérant, promu professeur de lycée professionnel du deuxième grade par tableau d'avancement avec effet au 1er septembre 1998, a été inscrit sur la liste des agents susceptibles d'être promus au 10ème échelon au choix ou au grand choix au titre des années 2002-2003 et 2003-2004 ; que si M. X se prévaut de la situation faite à certains de ses collègues, il ne résulte pas de l'instruction que des agents placés dans la même situation que lui auraient bénéficié de mesures plus favorables, alors que les pièces versées au dossier établissent au contraire que les notes pédagogiques des autres fonctionnaires concernés, et, pour certains, l'ancienneté de service, étaient supérieures à celles du requérant ; qu'il suit de là que M. X n'est pas fondé à soutenir que le déroulement de sa carrière révèlerait des fautes de l'administration de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité doit être rejetée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 0101082/4 en date du 5 octobre 2006 est annulée en tant que le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les conclusions de la demande de M. X tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE02377
Date de la décision : 10/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Corinne SIGNERIN-ICRE
Rapporteur public ?: Mme GRAND d'ESNON
Avocat(s) : SELARL HUGLO LEPAGE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-07-10;06ve02377 ?
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