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29/05/2008 | FRANCE | N°07VE01362

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 29 mai 2008, 07VE01362


Vu la requête, enregistrée en télécopie le 15 juin 2007 et en original le 18 juin 2007, présentée pour la COMMUNE DE VILLENEUVE-SUR-AUVERS, représentée par son maire en exercice, par Me Roche ; la COMMUNE DE VILLENEUVE-SUR-AUVERS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403994-0607349 du 20 mars 2007 en tant que le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 juin 2006 par laquelle le préfet de l'Essonne a autorisé la SCEA de Nonserve et M. X à exploiter un forage situé Ferme de Nonserve sur le te

rritoire de la commune de Bouville ;

2°) d'annuler ladite déci...

Vu la requête, enregistrée en télécopie le 15 juin 2007 et en original le 18 juin 2007, présentée pour la COMMUNE DE VILLENEUVE-SUR-AUVERS, représentée par son maire en exercice, par Me Roche ; la COMMUNE DE VILLENEUVE-SUR-AUVERS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403994-0607349 du 20 mars 2007 en tant que le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 juin 2006 par laquelle le préfet de l'Essonne a autorisé la SCEA de Nonserve et M. X à exploiter un forage situé Ferme de Nonserve sur le territoire de la commune de Bouville ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de la SCEA de Nonserve et de M. X la somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La COMMUNE DE VILLENEUVE-SUR-AUVERS soutient, en premier lieu, que la limitation du débit de pompage à 130 mètres cubes par heure fixée par le préfet, alors que la capacité minimale de la pompe installée est de 180 mètres cubes par heure, ne constitue pas une mesure de précaution ; que le tribunal administratif ne pouvait faire peser la charge de la preuve en la matière sur l'exposante qui n'a pas accès au site d'exploitation ; qu'aucune justification n'a été demandée quant à la technique de bridage retenue ; que seul un relevé mensuel des volumes prélevés est imposé à l'exploitant sans mesure de contrôle du débit horaire ; en deuxième lieu, que l'autorisation litigieuse est incompatible avec l'orientation n° 6 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du Bassin de Seine Normandie (SDAGE), qui prévoit la préservation des nappes calcaires de Champigny, dès lors, d'une part, qu'il est établi que le forage pollue la nappe inférieure des calcaires de Champigny et que, d'autre part, cette nappe, réservée à la consommation humaine, ne peut être prélevée à des fins agricoles ; qu'il résulte du rapport produit qu'une pollution a été constatée en 2005 au droit du forage lequel met en relation deux nappes dont l'une est polluée ; en troisième lieu, que la décision attaquée méconnait les dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le phénomène de drainance naturelle des eaux est accentué par la création, du fait du pompage, d'un cône dépressionnaire de l'eau et par la mise en relation directe, par la pompe, des deux nappes, de la Brie et de Champigny, faits qui sont à l'origine de la pollution aux organo halogénés volatiles (OHV) constatée, seulement, au droit du forage de Nonserve dans la nappe de Champigny ; qu'ainsi, le risque de contamination de la nappe des calcaires de Champigny s'est réalisé ; que la seule prescription, contenue dans l'arrêté préfectoral attaqué, tendant à la mise en place d'un isolement hydraulique des aquifères des deux nappes, n'est pas de nature à faire cesser la migration des eaux de la nappe supérieure vers la nappe inférieure dans laquelle les prélèvements sont effectués ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n° 93-742 du 29 mars 1993 relatif aux procédures d'autorisation et de déclaration prévues par l'article 10 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau ;

Vu l'arrêté du 20 septembre 1996 du préfet de la région d'Ile-de-France approuvant le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin de Seine-Normandie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2008 :

- le rapport de Mme Kermorgant, premier conseiller ;
- les observations de Me Bousquet, pour la COMMUNE DE VILLENEUVE-SUR-AUVERS et celles de Me Courant pour la SCEA de Nonserve et M. Olivier X ;
- et les conclusions de Mme Grand d'Esnon, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par arrêté en date du 11 février 1998, le préfet de l'Essonne a délivré à MM. Jean et Olivier X une autorisation de forage dans la nappe des calcaires de Champigny, située dans l'aquifère de la Beauce, pour l'irrigation de cultures au lieu-dit « Nonserve » sur le territoire de la commune de Bouville ; qu'après l'annulation de cet arrêté, pour vice de procédure, prononcée par arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 23 avril 2002, le préfet de l'Essonne a délivré, le 14 mars 2003, à M. Olivier X et à la SCEA de Nonserve une nouvelle autorisation de forage au même endroit, d'un débit maximum de 180 mètres cubes par heure, qui a été annulée par un jugement du Tribunal administratif de Versailles du 21 juin 2005, confirmé le 17 janvier 2008 par la cour de céans, aux motifs que cette autorisation méconnaissait l'article 7 de l'arrêté ministériel du 11 septembre 2003, qui interdit les prélèvements simultanés dans des aquifères distincts superposés, et était incompatible avec l'orientation n° 6 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin de Seine Normandie ; que, par la requête susvisée, la COMMUNE DE VILLENEUVE-SUR-AUVERS fait appel du jugement du 20 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 22 juin 2006 autorisant pour la troisième fois M. Olivier X et la SCEA de Nonserve à exploiter le forage, à raison de 130 mètres cubes par heure, en estimant que, compte tenu des prescriptions imposées par le préfet de l'Essonne, cette autorisation respectait les dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement et était compatible avec l'orientation n° 6 du SDAGE du bassin de Seine Normandie ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : « I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : (...) 2º La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ; 3º La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; 4º Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau (...) ; II. - La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : (...) 3º De l'agriculture (...) » ; que l'article L. 212-1 du même code prévoit que : « (...) III. Chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d'un ou de plusieurs schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux fixant les objectifs visés au IV du présent article et les orientations permettant de satisfaire aux principes prévus aux articles L. 211-1 et L. 430-1 (...) IV. - Les objectifs de qualité et de quantité des eaux que fixent les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux correspondent : (...) 3° Pour les masses d'eau souterraines, à un bon état chimique et à un équilibre entre les prélèvements et la capacité de renouvellement de chacune d'entre elles ; 4° A la prévention de la détérioration de la qualité des eaux ; (...) XI. - Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. » ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué fixe, en ses articles 2 et suivants, plusieurs prescriptions aux fins, notamment, de prévenir les risques de pollution de la nappe des calcaires de Champigny ; que l'article 2 limite le débit de prélèvement au maximum de 130 mètres cubes par heure, débit dont il n'est ni établi ni même allégué qu'il serait trop élevé, et prévoit que le respect de cette limitation, qui conditionne le maintien de l'autorisation, fera l'objet de contrôles par la police de l'eau ; que, dans ces conditions, alors qu'il n'est pas sérieusement contesté que le bridage de la pompe, d'une capacité initiale de 180 mètres cubes par heure, s'effectue par une vanne de régulation électronique dont le fonctionnement est contrôlé par un compteur librement accessible aux agents vérificateurs de la police de l'eau et alors que les mentions d'une fiche de mesures relevées lors d'essais réalisés en juillet 2006 ne sauraient être regardées comme établissant l'impossibilité de brider la pompe, le moyen tiré de l'insuffisance des prescriptions destinées à limiter effectivement le débit de la pompe à 130 mètres cubes par heure ne peut qu'être écarté ; que, par ailleurs, pour éviter la mise en relation de la nappe supérieure des calcaires de Brie avec celle des calcaires de Champigny, dans laquelle le prélèvement de la SCEA de Nonserve s'effectue, ainsi que l'accentuation du phénomène de drainage naturel du fait du pompage, l'article 5 de l'arrêté litigieux impose, avant le démarrage de l'exploitation, la réalisation de travaux d'isolement hydraulique de ces deux nappes, prévoit la mise en oeuvre, avant chaque campagne d'irrigation, de tests de contrôle de l'efficacité de ces travaux et dispose qu'un rapport annuel sur l'isolement des nappes sera remis par les exploitants au préfet, lequel validera le démarrage du pompage au vu des éléments contenus dans ce rapport ou, en cas de suspicion de mise en communication des deux nappes, retirera l'arrêté d'autorisation ; que l'article 4 prévoit également un suivi annuel de la qualité de l'eau pompée avant et à l'issue de la campagne d'irrigation, dont les résultats doivent être communiqués au service chargé de la police de l'eau ; qu'enfin, le bénéficiaire de l'autorisation a l'obligation de se doter des moyens de mesure ou d'évaluation des volumes d'eaux prélevés, aux fins, notamment, de permettre les contrôles des agents de la police de l'eau ; qu'il suit de là que, eu égard aux précautions que l'arrêté d'autorisation impose pour prévenir les risques de pollution des eaux souterraines, il ne ressort pas de l'instruction que le préfet de l'Essonne aurait fait une inexacte appréciation de la conformité du projet d'exploitation autorisé aux exigences énumérées par l'article L. 211-1 du code de l'environnement ; que le moyen tiré de la violation de ces dispositions n'est, en conséquence, pas fondé ;

Considérant, en second lieu, que, pour les mêmes motifs, le risque de communication et, par suite, de pollution, entre les nappes des calcaires de Brie et des calcaires de Champigny n'étant plus caractérisé, l'autorisation attaquée n'est pas incompatible avec l'orientation n° 6 du SDAGE du bassin de Seine Normandie qui recommande, pour l'aquifère de la Beauce, dans lequel le forage est situé et dont la teneur en nitrates et en produits phytosanitaires est particulièrement élevée, « de contrôler en priorité le parc des ouvrages de prélèvement (infiltrations, risques de communications entre nappes, suppression des points d'infiltration des eaux de drainage ...) » et « d'identifier les secteurs où la qualité est encore correcte et doit absolument être préservée » ; que, par ailleurs, l'orientation n° 6 du SDAGE n'interdit pas de prélever, comme en l'espèce, les eaux des nappes de l'aquifère de la Beauce à des fins agricoles ; que, par suite, le moyen selon lequel l'arrêté préfectoral attaqué serait incompatible avec l'orientation n° 6 du SDAGE du bassin de Seine Normandie doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE VILLENEUVE-SUR-AUVERS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral en date du 22 mars 2006 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE VILLENEUVE-SUR-AUVERS le paiement à M. Olivier X et à la SCEA de Nonserve d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :



Article 1er : La requête de la COMMUNE DE VILLENEUVE-SUR-AUVERS est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE VILLENEUVE-SUR-AUVERS versera à M. X et à la SCEA de Nonserve, pris ensemble, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. X et de la SCEA de Nonserve tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 07VE01362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 07VE01362
Date de la décision : 29/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Martine KERMORGANT
Rapporteur public ?: Mme GRAND d'ESNON
Avocat(s) : ROCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-05-29;07ve01362 ?
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