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17/04/2008 | FRANCE | N°06VE02022

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 17 avril 2008, 06VE02022


Vu la requête, enregistrée en télécopie le 5 septembre 2006 et en original le 8 septembre 2006, présentée pour Mme Fabienne X, demeurant ..., par Me Landot ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401697 du 3 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Grigny à lui verser la somme de 712 618,20 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des décisions du maire de Grigny en date du 2 février 1990, du 26 avril 1990 et du 4 février 1991 refusan

t de la réintégrer et la plaçant en disponibilité d'office ;

2°) de condamner...

Vu la requête, enregistrée en télécopie le 5 septembre 2006 et en original le 8 septembre 2006, présentée pour Mme Fabienne X, demeurant ..., par Me Landot ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401697 du 3 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Grigny à lui verser la somme de 712 618,20 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des décisions du maire de Grigny en date du 2 février 1990, du 26 avril 1990 et du 4 février 1991 refusant de la réintégrer et la plaçant en disponibilité d'office ;

2°) de condamner la commune de Grigny à lui verser cette somme ;

3°) de condamner la commune de Grigny à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le TA a commis une erreur de droit en estimant que la commune, en la maintenant en disponibilité d'office en février 1991, n'avait pas méconnu le délai raisonnable dont elle disposait pour la réintégrer alors même qu'à cette date, il existait trois vacances d'emploi; que ce délai doit être apprécié en fonction du nombre d'emplois vacants ; qu'il a été jugé que le droit à réintégration d'un agent dans un délai raisonnable est méconnu dès lors que, réintégré quatre mois après la date demandée, il existait sept emplois vacants à cette date ; que si elle se trouvait en disponibilité depuis 10 ans, il existait en 1990 trois vacances d'emploi correspondant à son grade puisque trois des attachés principaux étaient détachés sur des emplois fonctionnels de secrétaire général adjoint; que la décision du 4 février 1991 refusant de la réintégrer est illégale puisqu'il existait trois emplois vacants début 1991 puis un emploi en novembre 1991 et que le délai écoulé entre ses deux demandes était de un an ; que la responsabilité de la commune de Grigny est engagée du fait de la méconnaissance, par les décisions de 1990 et 1991, de son droit à être réintégrée dans un délai raisonnable ; qu'elle a subi une perte de rémunération du 16 mars 1990 au 2 mai 2000, une perte sur le montant de sa pension de retraite évaluée sur 25 ans à 198 569,80 euros, des troubles dans les conditions d'existence du fait du bouleversement de ses plans de vie professionnel et personnel, dont la réparation s'élève à 100 000 euros, et une perte de dix ans d'expérience professionnelle lui interdisant, compte tenu de son niveau de rémunération, tout espoir de mutation et lui imposant d'importants frais de déplacement entre son domicile à Tours et son lieu de travail à Grigny, évalués à 31 314,22 euros ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

Vu le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2008 :

- le rapport de Mme Kermorgant, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué du 3 juillet 2006, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande d'indemnité présentée par Mme X en réparation des préjudices qu'elle prétend avoir subis du fait des refus opposés par la commune de Grigny à ses demandes de réintégration à l'issue d'une période de disponibilité pour suivre son conjoint, au motif que ces refus ne méconnaissaient pas son droit à réintégration dans un délai raisonnable ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984, dans la rédaction issue de l'article 43 de la loi du 13 juillet 1987 applicable aux décisions de refus de réintégration du 2 février 1990 et de mise en disponibilité d'office du 26 avril 1990 : « (...) Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés dans le ressort territorial de son cadre d'emploi, emploi ou corps en vue de la réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. » ; qu'aux termes de l'article 73 de cette même loi : « Un décret en Conseil d'Etat détermine les cas et conditions de mise en disponibilité, sa durée ainsi que les modalités de réintégration des fonctionnaires intéressés à l'issue de la période de disponibilité. » ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 26 du décret du 13 janvier 1986 pris pour l'application de l'article 73 de la loi du 26 janvier 1984 dans la rédaction résultant de l'article 33 du décret du 6 mai 1988 : le fonctionnaire qui a formulé avant l'expiration de la période de mise en disponibilité une demande de réintégration, est maintenu en disponibilité jusqu'à ce qu'un poste lui soit proposé dans les conditions prévues à l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 ; qu'aux termes de cet article 97, dans la rédaction résultant de l'article 38 de la loi du 13 juillet 1987 : (...) Si la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, le fonctionnaire de catégorie A est pris en charge par le centre national de la fonction publique territoriale (...). Le centre lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade. (...) Après trois refus, le fonctionnaire est licencié (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire mis en disponibilité a le droit, sous réserve de la vacance d'un emploi correspondant à son grade, d'obtenir sa réintégration à l'issue d'une période de disponibilité ; que si ces textes n'imposent pas à l'autorité dont relève le fonctionnaire de délai pour procéder à cette réintégration, celle-ci doit intervenir, en fonction des vacances d'emplois qui se produisent, dans un délai raisonnable ;

Considérant que Mme X ne disposant, en vertu des textes précités, d'aucun droit à réintégration à la première vacance de poste, la commune n'était pas tenue de procéder à sa réintégration à la date du premier refus du 2 février 1990 et à celle de son maintien en disponibilité par une décision 26 avril 1990 ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier qu'il n'existait aucune vacance de poste d'attaché principal territorial permettant, à ces dates, de réintégrer l'intéressée, placée depuis neuf ans en disponibilité pour suivre son conjoint ; que, par suite, les décisions du 2 février et du 26 avril 1990 ne sont pas illégales ;

Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 24 du décret susvisé du 13 janvier 1986 : « La mise en disponibilité est accordée de droit au fonctionnaire, sur sa demande : (...) c) Pour suivre son conjoint lorsque celui-ci est astreint à établir sa résidence habituelle, à raison de sa profession, en un lieu éloigné du lieu d'exercice des fonctions du fonctionnaire.(...) » ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984, dans la rédaction issue de l'article 10 de la loi du 28 novembre 1990 applicable à la décision de refus de réintégration du 4 février 1991 : (...) Le fonctionnaire mis en disponibilité, soit d'office à l'expiration des congés institués par les 2°, 3° et 4° de l'article 57 de la présente loi, soit de droit, sur demande, pour raisons familiales, est réintégré à l'expiration de sa période de disponibilité dans les conditions prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 67 de la présente loi. ; qu'aux termes de l'article 67 de la même loi : « (...) A l'expiration d'un détachement de longue durée, le fonctionnaire est réintégré dans son corps ou cadre d'emplois et réaffecté à la première vacance ou création d'emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d'origine. Lorsqu'il refuse cet emploi, il ne peut être nommé à l'emploi auquel il peut prétendre ou à un emploi équivalent que lorsqu'une vacance est ouverte ou un poste créé. Il est, en attendant, placé en position de disponibilité d'office. Lorsqu'aucun emploi n'est vacant, le fonctionnaire de catégorie A est pris en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale (...). La prise en charge est assurée dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis. Le fonctionnaire a priorité pour être affecté dans un emploi correspondant à son grade de la collectivité ou de l'établissement d'origine. (...) » ;

Considérant que Mme X, qui avait demandé une disponibilité pour suivre son conjoint, entrait dans le champ d'application du c) de l'article 24 du décret du 13 janvier 1986 et bénéficiait toujours, à la date du second refus, le 4 février 1991, d'une disponibilité pour raisons familiales dès lors qu'en l'absence de vacance de poste correspondant à son grade lors de sa première demande de réintégration, elle avait été maintenue dans cette position conformément aux dispositions de l'article 26 de ce même décret ; qu'à ce titre, elle disposait, en application des nouvelles dispositions de l'article 72 combinées avec celles de l'article 67, d'une garantie de réintégration à la première vacance d'emploi ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il existait, à la date de ce second refus, une vacance de poste d'attaché principal territorial permettant de la réintégrer ; qu'ainsi, la commune de Grigny, en refusant de procéder le 4 février 1991 à la réintégration de l'intéressée, a méconnu les dispositions précitées des articles 72 et 67 de la loi du 26 janvier 1984 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X a été illégalement privée d'emploi et donc des ressources correspondantes à compter du 4 février 1991, date du refus illégal, jusqu'au 2 mai 2000, date à laquelle elle a été réintégrée ; que la faute ainsi commise par la commune de Grigny est de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la requérante ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée ne s'est pas manifestée pour faire valoir ses droits pendant cette période et doit être tenue pour responsable à raison d'un tiers des préjudices allégués à ce titre ;

Sur les préjudices :

Considérant, en premier lieu, que le préjudice correspondant à la perte de revenus doit être limité à la période du 4 février 1991 au 2 mai 2000 et calculé, déduction faite des revenus ou prestations éventuellement perçus pendant cette période, sur la base du traitement net mensuel à la date du 4 février 1991, hors indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions ; que l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer le montant de l'indemnité qui est due à ce titre ; qu'il y a lieu de renvoyer la requérante devant la commune de Grigny pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité en fonction des bases ainsi fixées et du partage de responsabilité décidé ci-dessus ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'intéressée a subi des troubles dans ses conditions d'existence du fait de son maintien en disponibilité d'office, dont la réparation peut être évaluée à la somme de 6 000 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité prononcé ci-dessus, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité due à ce titre à 4 000 euros ;

Considérant, en troisième lieu, que le préjudice lié à la diminution de la pension de retraite de Mme X, calculé sur vingt-cinq ans, ne revêt pas un caractère certain ; que la somme de 198 560,80 euros demandée à ce titre n'est, ainsi, pas justifiée ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il n'est pas établi que la période d'inactivité de Mme X soit à l'origine des refus de candidatures qui lui ont été opposés par différentes collectivités ou établissements publics situés à proximité de son lieu de résidence à Tours ; qu'ayant elle-même indiqué qu'elle n'avait d'autre choix que de demeurer à Tours à la suite de son divorce au cours de l'année 2000, l'intéressée ne saurait réclamer le remboursement de ses frais de déplacement pour se rendre sur les lieux de son travail à Grigny ; qu'ainsi la demande d'indemnité présentée à ce titre ne peut qu'être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'indemnité ; qu'il y a lieu de condamner la commune de Grigny à lui verser une somme de 4 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et de renvoyer la requérante devant la commune de Grigny pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité due au titre de la perte de rémunération subie ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que Mme X a droit à compter du 10 décembre 2003, jour de la réception par la commune de Grigny de sa demande, aux intérêts de la somme de 4 000 euros et de celle résultant de la liquidation par la commune de Grigny de l'indemnité pour perte de rémunération ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 4 janvier 2005 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Grigny le paiement à Mme X d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, les conclusions de la commune de Grigny tendant au bénéfice de ces mêmes dispositions doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0401697 du 3 juillet 2006 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La commune de Grigny est condamnée à verser à Mme X la somme de 4 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence.

Article 3 : Mme X est renvoyée devant la commune de Grigny pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité due au titre de la perte de rémunération.

Article 4 : Les sommes mentionnées aux articles 2 et 3 du présent arrêt porteront intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2003. Les intérêts échus à la date du 4 janvier 2005 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 5 : La commune de Grigny versera à Mme X une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la commune de Grigny tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE02022
Date de la décision : 17/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Martine KERMORGANT
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : LANDOT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-04-17;06ve02022 ?
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