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20/03/2008 | FRANCE | N°06VE01274

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 20 mars 2008, 06VE01274


Vu, I°, la requête n° 06VE1245, enregistrée en télécopie le 13 juin 2006 et régularisée par courrier le 15 juin 2006, présentée pour Mme Madeleine X, demeurant ..., par Me Thouroude ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401960 du 3 avril 2006 du Tribunal administratif de Versailles limitant la condamnation de la commune de Chalou-Moulineux au versement d'une indemnité de 6 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'abaissement du niveau des eaux de l'étang dont elle est propriétaire ;

2°) de con

damner la commune de Chalou-Moulineux au versement d'une indemnité de 189 500 euros ...

Vu, I°, la requête n° 06VE1245, enregistrée en télécopie le 13 juin 2006 et régularisée par courrier le 15 juin 2006, présentée pour Mme Madeleine X, demeurant ..., par Me Thouroude ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401960 du 3 avril 2006 du Tribunal administratif de Versailles limitant la condamnation de la commune de Chalou-Moulineux au versement d'une indemnité de 6 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'abaissement du niveau des eaux de l'étang dont elle est propriétaire ;

2°) de condamner la commune de Chalou-Moulineux au versement d'une indemnité de 189 500 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2003, date de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chalou-Moulineux une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le Tribunal administratif de Versailles, après avoir considéré, par un jugement confirmé le 19 décembre 1997 par la Cour administrative d'appel de Paris, que la commune était propriétaire de la digue retenant l'eau de l'étang de Chalou-Moulineux, a condamné cette dernière, par un jugement du 22 septembre 2003, à lui verser une indemnité pour défaut d'entretien normal de cette digue à raison des préjudices allégués jusqu'en 1998 ; que c'est à tort que le jugement attaqué du 3 avril 2006 limite son indemnisation au titre des préjudices subis à partir de 1999 à la somme de 6 000 euros ; que le Tribunal, en se prononçant sur la période de 1999 à 2004, a omis de statuer sur la demande d'actualisation de l'indemnité jusqu'en 2006 ; que la commune a été obligée d'abaisser le niveau de l'étang du fait de sa carence à entreprendre des travaux de consolidation de digue ; que la vétusté de cet ouvrage est la preuve de son inaction ; que la circonstance que l'ouvrage n'était pas réputé public avant l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris de 1997 est sans incidence sur son obligation d'entretien ; qu'elle n'a commis aucune faute exonératoire de la responsabilité de la commune puisque l'étang a toujours été entretenu, comme le démontrent d'une part le rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif dans le cadre de sa demande indemnitaire pour la période 1991-1998, lequel ne constate sur 50 ans aucune évolution de l'envasement et des plantes aquatiques, et d'autre part le constat d'huissier de 2003, qui comporte une photo des engins permettant de curer et de faucarder l'étang dont elle disposait depuis l'achat de la propriété en 1970 ; qu'en outre, d'importants travaux ont été réalisés en 1995 par la fédération de pêche de l'Essonne dans le cadre du contrat de location de l'étang, ce qui démontre que le plan d'eau était entretenu ; que la prolifération des plantes sur les berges est la conséquence directe de la baisse du niveau d'eau de l'étang ; que la réduction de la surface du plan d'eau constitue un préjudice du fait de la perte de jouissance de 30 % de son étang, évalué à 60 000 euros ; que du fait du refus de la fédération de pêche de renouveler le contrat de location de l'étang elle a subi une perte de revenu qu'elle évalue à 39 500 euros ; que 50% de la surface de l'étang sont impraticables et que les travaux de remise en état s'élèvent à 90 000 euros ;

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Vu, II°, la requête n° 06VE1274, enregistrée en télécopie le 14 juin 2006 et régularisée par courrier le 16 juin 2006, présentée pour la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX, représentée par son maire, par Me Bineteau ;

La COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401960 du 3 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à Mme X d'une indemnité de 6 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'abaissement du niveau des eaux de l'étang dont cette dernière est propriétaire ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

3°) de mettre à la charge de Mme X une somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la commune n'est pas responsable du défaut d'entretien normal de la digue dont la vétusté est le fait de Mme X, qui ne l'a pas entretenue pendant quinze ans alors qu'elle s'en croyait propriétaire ; que la commune a toujours agi de manière diligente et a veillé à l'entretien de la digue puisque, d'une part, elle a surveillé son état au quotidien, d'autre part, selon l'expert, l'abaissement du niveau des eaux par arrêté municipal du 19 janvier 1998, qui était la seule mesure à mettre en oeuvre dans un premier temps pour éviter la rupture de la digue, n'est pas à l'origine de l'envasement de l'étang et enfin des travaux ont été réalisés chaque fois qu'il était nécessaire ; qu'elle a engagé depuis 1998 les mesures nécessaires pour remédier définitivement aux désordres, en effectuant les études préalables nécessaires à sa réfection compte tenu de la complexité des travaux et en mettant en oeuvre les procédures réglementaires pour obtenir les autorisations nécessaires ; que la négligence de Mme X est de nature à exonérer totalement la commune de sa responsabilité puisque, selon l'expert, l'envasement de l'étang et son envahissement par les plantes aquatiques sont dus à l'absence d'entretien de l'étang depuis qu'elle en est propriétaire (30 ans) ; que l'intéressée n'a eu de cesse depuis de nombreuses années d'empêcher la réalisation des travaux en contestant toutes les décisions prises par la commune et en retardant son action ; que la réalité du préjudice correspondant à la perte de jouissance de l'étang n'est pas établie ; qu'en tout état de cause cette perte de jouissance est due à l'envasement et à la multiplication des plantes dont elle est responsable en l'absence de curage ; que le coût de remise en état de l'étang inclut le curage de la partie envahie par les plantes et un aménagement de l'autre partie alors qu'au surplus l'envasement et l'envahissement par les plantes n'a pas pour origine la baisse du niveau des eaux; qu'il n'est pas établi que la Fédération de l'Essonne pour la pêche et la protection du milieu aquatique aurait continué, après 1998, à louer l'étang ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2008 :

- le rapport de Mme Kermorgant, premier conseiller ;
- les observations de Me Lerat, substituant Me Bineteau pour la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX ;
- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Connaissance prise de la note en délibéré présentée le 11 mars 2008 pour la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX ;

Considérant que Mme X et la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX font appel du jugement du 3 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a déclaré ladite commune responsable des deux tiers des désordres liés à l'envasement et à l'envahissement par les plantes de l'étang dont Mme X est propriétaire et l'a condamnée à verser à cette dernière une indemnité de 6 000 euros en réparation des préjudices allégués par l'intéressée du fait de la baisse du niveau du plan d'eau ;
Considérant que les requêtes n° 06VE1245 de Mme X et n° 06VE1274 de la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu des les joindre pour qu'il y soit statué par une même décision ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que si le jugement attaqué mentionne que les conclusions indemnitaires de Mme X portent sur la période de 1999 à 2004, il se prononce sur la somme de 189 500 euros, qui inclut le complément d'indemnisation demandé par l'intéressée dans ses dernières écritures au titre de la période de 2004 à 2006 ; que, dans ces conditions, le Tribunal administratif de Versailles doit être regardé, en l'absence d'argumentation spécifique de la requérante portant sur cette dernière période, comme ayant statué sur l'ensemble des conclusions de la demande de première instance ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une irrégularité doit être écarté ;
Au fond :

Sur la responsabilité :

Considérant que des fuites répétées nuisant à la stabilité de la digue de la chaussée de l'Etang, qui supporte une voie publique de circulation et traverse la propriété de Mme X, ont été constatées dès l'année 1991 et qu'en l'absence de travaux de confortement durable de la digue, ces fuites ont nécessité des mesures d'abaissement du niveau du plan d'eau ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise remis en avril 2003 dans le cadre d'une précédente instance relative aux mêmes préjudices subis par Mme X jusqu'en 1998, que les mesures d'abaissement du niveau des eaux ne sauraient avoir eu pour conséquence directe d'aggraver l'envasement de l'étang, stable depuis une cinquantaine d'années ; que, cependant, ces mesures ont eu pour conséquence, pendant la période litigieuse de 1999 à 2006, de favoriser la prolifération des plantes et herbes aquatiques qui ont envahi les berges découvertes par l'eau et diminué la surface de l'étang ; que la requérante, qui doit être regardée comme utilisatrice de la digue dès lors que celle-ci retient les eaux de l'étang dont elle est propriétaire et a ainsi la qualité d'usager de cet ouvrage public, établit, dans ces conditions, que ce désordre est directement imputable aux mesures prises pour son entretien ;

Considérant que la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX, qui se borne à invoquer, pour expliquer les mesures successives d'abaissement du niveau d'eau, d'une part, la complexité des travaux de réfection à réaliser et, d'autre part, la diligence dont elle a fait preuve pour surveiller la digue et procéder aux interventions d'urgence avant même que le Conseil d'Etat, par une décision du 28 juillet 1999, ne lui reconnaisse la qualité de propriétaire responsable de l'entretien de cet ouvrage, n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de l'ouvrage en question au titre de la période 1999-2006 ; qu'ainsi sa responsabilité est engagée à l'égard de Mme X ;

Sur les préjudices :

S'agissant de la perte de jouissance et de la suspension du contrat de location de l'étang par la Fédération de l'Essonne pour la pêche et la protection du milieu aquatique :

Considérant qu'en l'état des écritures de Mme X et en l'absence de toute autre précision, la perte de jouissance alléguée de l'étang ne peut être regardée comme représentant un préjudice distinct de celui lié à la suspension du contrat de location de l'étang à la Fédération de l'Essonne pour la pêche et la protection du milieu aquatique ; qu'il ressort notamment de la lettre en date du 22 janvier 1998, par laquelle la Fédération informe la requérante du motif de la suspension du contrat, que la perte de revenus qui en résulte présente un caractère provisoire jusqu'au rétablissement du niveau d'eau normal de l'étang; qu'il ressort des pièces du dossier qu'hormis pour l'année 2002, ce niveau a été maintenu à une cote de un mètre en dessous du niveau normal et doit être regardé comme ayant atteint un niveau suffisant dès le début de l'année 2005, date à laquelle Mme X a demandé à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt l'autorisation d'y créer une pisciculture ; qu'aucune faute exonératoire de responsabilité ne pouvant être imputée à Mme X dans la suspension du contrat de location de l'étang, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en évaluant la perte de revenu et de jouissance du bien sur cinq ans à la somme de 22 500 euros ;



S'agissant de la remise en état de l'étang :

Considérant qu'il résulte des attestations d'habitants de la commune qu'aucun entretien sérieux de l'étang n'a été effectué depuis l'achat de la propriété en 1970 par les époux X, de même qu'il ressort des devis établis par l'entreprise Bonin en 1999 et en 2002 pour des travaux finalement non exécutés, qu'après les aménagements et l'entretien léger effectué en 1996 par la Fédération de l'Essonne pour la pêche, Mme X, à qui incombait l'entretien du plan d'eau, n'a jamais fait procéder aux travaux réguliers de nettoyage et de curage des berges nécessaires pour éviter la prolifération de la végétation; que la faute ainsi commise par la requérante est, compte tenu de l'aggravation importante des désordres due à cette longue absence d'entretien, de nature à exonérer la commune de la moitié de sa responsabilité au titre de l'entretien des berges pendant la période en cause ;

Considérant que le montant des travaux que la requérante prétend réaliser sur l'étang, estimé globalement à 90 000 euros par une simple lettre de l'entreprise Bonin du 17 mai 2002, n'est pas justifié eu égard au caractère provisoire de la baisse du niveau d'eau et à la nature de ces travaux, lesquels ne se bornent pas à remettre en état l'étang mais le transforment en modifiant ses caractéristiques initiales et notamment sa superficie ; que seul le devis de 9 149 euros du même jour, relatif au curage des berges sur 8 mètres, est de nature à justifier une indemnisation à ce titre ; que, compte tenu du partage de responsabilité mentionné ci-dessus, il y a lieu de faire partiellement droit aux conclusions de Mme X en condamnant la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX à lui verser à ce titre la somme de 4 574 euros ;

Considérant qu'ainsi, le montant total du préjudice subi par Mme X s'établit à la somme de 27 074 euros au titre de la période litigieuse; que cette indemnité doit porter intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2003, date de la demande d'indemnisation présentée par Mme X à la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il limite son indemnisation à la somme de 6 000 euros ; que la requête de la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX doit être rejetée ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX à verser à Mme X la somme qu'elle demande au titre de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX versera à Mme X une indemnité de 27 074 euros. Cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2003.

Article 2 : Le jugement n° 0401960 du 3 avril 2006 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X et la requête de la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX sont rejetés.
N° 06VE01245-06VE01274 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE01274
Date de la décision : 20/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Martine KERMORGANT
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : BINETEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-03-20;06ve01274 ?
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