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04/10/2007 | FRANCE | N°05VE02294

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 04 octobre 2007, 05VE02294


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles en télécopie le 19 décembre 2005 et régularisée en original le 20 décembre 2005, présentée pour M. Roger X, demeurant ..., par Me Richard ; M. Roger X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200312 du 18 octobre 2005 en tant que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité à 100 euros la réparation du préjudice moral qu'il a subi du fait de la décision du ministre de la santé et des solidarités de prolonger la suspension de ses fonctions de psychiatre au centre hosp

italier spécialisé de Ville-Evrard jusqu'à sa mise à la retraite ;

2°) d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles en télécopie le 19 décembre 2005 et régularisée en original le 20 décembre 2005, présentée pour M. Roger X, demeurant ..., par Me Richard ; M. Roger X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0200312 du 18 octobre 2005 en tant que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité à 100 euros la réparation du préjudice moral qu'il a subi du fait de la décision du ministre de la santé et des solidarités de prolonger la suspension de ses fonctions de psychiatre au centre hospitalier spécialisé de Ville-Evrard jusqu'à sa mise à la retraite ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 30 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2002 avec capitalisation des intérêts échus à compter du 3 mai 2005 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a admis que la durée de la suspension prononcée à son encontre, qui a pris fin lors de son admission à la retraite, constituait un détournement de pouvoir de nature à engager la responsabilité de l'administration et à lui ouvrir droit à réparation ; qu'en fixant l'indemnité qui lui était due à 100 euros et en ne réparant pas l'intégralité de son préjudice, le tribunal a commis une erreur de droit ; que l'illégalité de la suspension qui s'est prolongée pendant deux ans du 18 mars 1998 au 31 mars 2000 lui a causé un préjudice moral important dès lors que ses capacités et sa réputation professionnelles ont été mises en cause, qu'il a perdu l'emploi qu'il exerçait depuis 1963 dans le même établissement et son logement de fonction, qu'il a dû cesser son activité libérale, n'a plus été sollicité pour réaliser des expertises et publier, a dû brutalement abandonner ses patients, ses élèves et ses travaux de recherches et n'a plus participé à des congrès médicaux ; qu'il en a subi les conséquences tant sur le plan social que sur le plan familial et professionnel ;

………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2007 :

- le rapport de Mme Kermorgant, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Sur le préjudice :

Considérant que M. X, praticien hospitalier en psychiatrie au centre hospitalier spécialisé de Ville-Evrard depuis 1963, a été suspendu de ses fonctions du 18 mars 1998 au 31 mars 2000, date à laquelle il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à l'âge de 68 ans ; que, saisi par M. X d'une demande en réparation du préjudice résultant de cette suspension, le Tribunal administratif a estimé que la prolongation de ladite suspension au-delà du 26 mai 1998 jusqu'à l'admission à la retraite de l'intéressé était illégale et lui a accordé une indemnité de 100 euros en réparation du préjudice moral qu'il invoquait ; que M. X fait appel de ce jugement au motif qu'il n'a pas été intégralement indemnisé de son préjudice moral ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année 1996, le comportement de M. X à l'égard de patients ainsi que les relations conflictuelles entretenues avec certains de ses collègues et certains personnels infirmiers du centre hospitalier portaient atteinte au bon fonctionnement du service et créaient des dysfonctionnements dans la prise en charge des malades ; qu'un tel comportement, incompatible avec les missions du service public, était de nature à justifier sa mise à l'écart du service ; qu'il n'est cependant pas contesté qu'en prolongeant illégalement la mesure de suspension au delà du 26 mai 1998, date à laquelle le comité médical a conclu à l'aptitude professionnelle de M. X à reprendre ses fonctions, au lieu de réintégrer l'intéressé dans ses fonctions ou de procéder à un changement d'établissement jusqu'à sa mise à la retraite, l'administration a commis une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, d'une part, que M. X a demandé, le 5 août 1998, sa réintégration au centre hospitalier spécialisé de Ville-Evrard ; que nonobstant les mesures de changement d'établissement ou de mise à la retraite préconisées par les experts désignés pour enquêter sur son comportement dans le cadre de la procédure pour insuffisance professionnelle engagée à son encontre et par le conseil régional de l'ordre des médecins d'Ile-de-France chargé de statuer sur la plainte déposée par le ministre du fait des accusations de violences exercées sur des patients dont il faisait l'objet, il n'était pas tenu, en l'absence de toute obligation réglementaire, de demander un changement d'établissement ou une mise à la retraite ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que M. X aurait commis une faute de nature à exonérer l'Etat de sa responsabilité en ne se conformant pas de lui-même aux mesures ainsi préconisées ;

Considérant, d'autre part, que la décision de prolongation illégale a eu pour effet de priver M. X du droit d'exercer ses fonctions au centre hospitalier du 26 mai 1998, date d'expiration de la période légale de suspension, jusqu'à sa mise à la retraite le 31 mars 2000 ; que l'atteinte portée à sa réputation professionnelle est, certes, liée à la prolongation de la mesure de suspension mais également à son comportement qui, à l'origine de sa mise à l'écart dans l'intérêt du service, eût été de nature à justifier une mutation d'office; que si l'intéressé soutient que l'administration l'a ainsi privé de toutes les activités liées à l'exercice de ses fonctions, notamment qu'il a dû cesser son activité libérale, n'a plus été sollicité pour réaliser des expertises et publier, a dû brutalement abandonner ses travaux de recherches et n'a plus participé à des congrès médicaux, il ne l'établit pas en se bornant à l'alléguer ; ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, justifier une réparation ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. X, y compris la circonstance qu'il n'a pu assurer le suivi médical de ses patients, en lui accordant à ce titre une somme de 1 500 euros ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que M. X a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 1 500 euros, à compter du 25 janvier 2002, date de sa demande d'indemnisation ; qu'il a demandé la capitalisation des intérêts par un mémoire enregistré le 3 mai 2005 ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité à 100 euros son indemnisation ; qu'il y a lieu de porter cette indemnisation à la somme de 1 500 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2002 et de la capitalisation de ces intérêts à la date du 3 mai 2005 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 0200312 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 18 octobre 2005 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à M. X une indemnité de 1 500 euros assortie des intérêts légaux à compter du 25 janvier 2002 . Les intérêts échus à la date du 3 mai 2005, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux ;mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête M. X est rejeté.

N°05VE02294

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 05VE02294
Date de la décision : 04/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Martine KERMORGANT
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-10-04;05ve02294 ?
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