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29/05/2007 | FRANCE | N°05VE00099

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 29 mai 2007, 05VE00099


Vu la requête, enregistrée en télécopie et en original le 25 janvier 2005 au greffe de la Cour, présentée pour la SOCIETE LABATI SA, dont le siège est Zone d'aménagement concerté des Radars, 8bis, rue Jean-Jacques Rousseau à Grigny (91350), par Me Torron ; la SOCIETE LABATI SA demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°0101260 du 19 novembre 2004 par lequel Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 19 403,59 euros HT, qu'elle estime insuffisante, en réparation des préjudices qu'elle a subis dans l'exécution du lot n°

1 du marché conclu le 13 novembre 1997 pour l'aménagement du lycée interna...

Vu la requête, enregistrée en télécopie et en original le 25 janvier 2005 au greffe de la Cour, présentée pour la SOCIETE LABATI SA, dont le siège est Zone d'aménagement concerté des Radars, 8bis, rue Jean-Jacques Rousseau à Grigny (91350), par Me Torron ; la SOCIETE LABATI SA demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°0101260 du 19 novembre 2004 par lequel Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 19 403,59 euros HT, qu'elle estime insuffisante, en réparation des préjudices qu'elle a subis dans l'exécution du lot n°1 du marché conclu le 13 novembre 1997 pour l'aménagement du lycée international de Saint-Germain-en-Laye ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 105 491,85 euros HT, ainsi que les intérêts de droit au jour de la demande, les intérêts étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement contesté est irrégulier pour insuffisance de motivation en ce que le tribunal n'a pas répondu au moyen selon lequel, s'agissant de l'indemnisation sollicitée au titre de l'augmentation de la masse initiale des travaux, l'avenant comportait une stipulation qui réservait les différends qui pourraient intervenir du fait de cette augmentation ; que les premiers juges ont commis une erreur de droit dans l'application de l'article 15-3 du cahier des clauses administratives générales, selon lequel l'entrepreneur n'a droit à l'indemnisation des travaux supplémentaires que si l'augmentation de la masse des travaux excède le vingtième de la masse initiale, en rapprochant le montant de la masse initiale du montant du préjudice résultant de cette augmentation et non de l'augmentation de la masse des travaux ; que la masse initiale des travaux est de 4 211 600 francs, alors que le montant des travaux supplémentaires s'élève à 314 525,98 francs, de sorte que l'augmentation de la masse est de 7,5 %, soit supérieure au vingtième ; que l'avenant n° 1, conclu le 18 avril 2000, est un avenant de régularisation, conclu postérieurement à la réalisation des travaux supplémentaires qui en sont l'objet ; qu'il est ainsi contraire à l'article 39 du code des marchés publics et ne saurait, dès lors, lui être opposé ; qu'à titre subsidiaire, les premiers juges ont dénaturé l'avenant qui, dans son article 7, réservait expressément les suites qui seraient données aux différends qui pourraient intervenir du fait de l'augmentation de la masse des travaux ; qu'en conséquence, la SOCIETE LABATI SA est en droit d'obtenir l'indemnisation des préjudices, d'un montant de 95 839,99 francs, qu'elle a subis du fait de l'augmentation de la masse initiale des travaux ; que, s'agissant des travaux supplémentaires non compris dans le forfait, c'est au prix d'une dénaturation des pièces du dossier que les premiers juges ont estimé que les réservations dans les voiles et les planchers et les bouchages dans les ouvrages existants étaient inclus dans le marché initial ; que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les frais de nettoyage des gaines de ventilation extérieure ne relevaient pas des dépenses communes du chantier qu'elle devait prendre à sa charge dès lors que ces ouvrages n'étaient pas inclus dans l'emprise des travaux de réhabilitation du bâtiment et qu'elle n'a dû supporter ces frais qu'en raison de la carence du maître d'ouvrage et du maître d'oeuvre ; que, s'agissant du préjudice lié au compte prorata, la société requérante, qui n'en était que le gestionnaire, n'était pas tenue de supporter les dépenses de chantier de l'ensemble des intervenants ; qu'elle a dû continuer à régler les dépenses d'électricité et de téléphone y compris postérieurement à ses propres travaux ; que les frais de bouchage des réservations inutilisées sont la conséquence d'une erreur de conception non imputable à la SOCIETE LABATI SA et dont elle doit être intégralement indemnisée ; qu'au total, cette dernière a droit, au titre des travaux supplémentaires non compris dans le forfait, à une indemnisation à concurrence de 115 292,45 francs ; qu'elle est également fondée à solliciter une indemnisation de ses préjudices résultant du report du délai d'exécution des travaux, qui s'élèvent à 215 853,53 francs ; qu'ainsi, les travaux supplémentaires ayant fait l'objet d'ordres de service ainsi que les coûts supplémentaires qui ont fait l'objet de son mémoire de réclamation s'élèvent à plus de 15 % du montant des travaux contractuellement prévus, de sorte qu'il y a eu bouleversement de l'économie du marché à forfait ; qu'un tel bouleversement doit s'apprécier globalement et non poste par poste ; que l'entrepreneur aurait dû avoir terminé ses travaux au mois de janvier 1999, et non le 14 mars 1999 comme l'ont retenu à tort les premiers juges en ajoutant au délai contractuel trente jours d'intempéries réputés prévisibles ; que la société est donc fondée à réclamer l'indemnisation de ses dépenses de personnel exposées pour l'exécution des travaux à compter du mois de janvier 1999 ; que les interventions ponctuelles qu'elle a effectuées postérieurement ont été très coûteuses ; que le montant des coûts qu'elle a dû supporter n'est pas contesté ; que les dépenses exposées résultent exclusivement et directement de l'allongement du délai contractuel qui ne lui est pas imputable mais qui est la conséquence de trois décisions de la personne responsable du marché ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2007 :

- le rapport de M. Davesne, premier conseiller ;

- les observations de Me Torron, avocat de la SOCIETE LABATI SA ;

- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que la SOCIETE LABATI SA soutient que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé en ce qu'il n'aurait pas répondu au moyen selon lequel l'avenant au marché litigieux comporte une clause qui lui permettrait de demander une indemnisation des conséquences de l'augmentation de la masse des travaux prévue initialement ; qu'il résulte toutefois des pièces du dossier que, compte tenu du raisonnement adopté par les premiers juges, ce moyen était pour eux inopérant ; que la circonstance que le Tribunal administratif de Versailles n'y a pas répondu est ainsi sans influence sur la régularité du jugement ;

Sur le fond :

En ce qui concerne les préjudices résultant de l'augmentation de la masse des travaux :

Considérant qu'aux termes de l'article 15.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux : « Si l'augmentation de la masse des travaux est supérieure à l'augmentation limite définie à l'alinéa suivant, l'entrepreneur a droit à être indemnisé en fin de compte du préjudice qu'il a éventuellement subi du fait de cette augmentation au-delà de l'augmentation limite. L'augmentation limite est fixée : - pour un marché à prix forfaitaires, au vingtième de la masse initiale (…) » ; qu'aux termes de l'article 15.1 du même cahier : « (…) La « masse initiale » des travaux est la masse des travaux résultant des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus. Dans le cas d'un marché à tranches conditionnelles, (…) la « masse initiale » des travaux définies ci-dessus comprennent, outre le montant des tranches fermes, ceux des tranches conditionnelles dont l'exécution a été décidée. » ;

Considérant que, par un marché à prix forfaitaire conclu le 13 novembre 1997, l'Etat a confié à la SOCIETE LABATI SA le lot n° 1 relatif au gros-oeuvre et à la maçonnerie de l'aménagement du lycée international de Saint-Germain-en-Laye pour un montant total, s'agissant de la tranche ferme, de 4 211 600 francs, la tranche conditionnelle n'ayant pas été mise à exécution ; que, le 22 septembre 1998, la personne responsable du marché a autorisé la SOCIETE LABATI SA à poursuivre les travaux de la tranche ferme au-delà du montant initial jusqu'à la somme de 4 420 600 francs ; que, par un avenant intervenu le 18 avril 2000, le montant total du marché a été augmenté de 314 525,98 francs par rapport au montant initial, après prise en compte des prestations supplémentaires ayant fait l'objet de dix-sept ordres de service entre le 17 février 1998 et le 31 mai 1999, pour être porté à 4 526 125,98 francs ;

Considérant que la SOCIETE LABATI SA soutient, d'une part, que l'avenant ne lui serait pas opposable en raison de son caractère rétroactif qui serait contraire à l'article 39 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable au marché en cause, selon lequel « les marchés doivent être notifiés avant tout commencement d'exécution » et qu'en conséquence les travaux supplémentaires ne devraient pas être pris en compte au titre de la « masse initiale des travaux » telle qu'elle est définie par l'article 15-1 précité, mais au titre de l'augmentation de cette masse ; que, toutefois, ce moyen est, en tout état de cause, inopérant dès lors que les dispositions précitées de l'article 15-1 ne font pas obstacle à la prise en compte, pour la détermination de la masse initiale des travaux, d'un avenant à caractère rétroactif ;

Considérant que la SOCIETE LABATI SA invoque, d'autre part, l'article 7 de l'avenant selon lequel « le présent avenant ne préjuge en rien des suites qui seront données aux différends qui pourraient éventuellement intervenir du fait de l'augmentation de la masse des travaux apportée au marché par le présent avenant » ; que, toutefois, ces stipulations ne sauraient être regardées comme dérogeant à celles précitées des articles 15.1 et 15.3 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la masse initiale des travaux au sens de l'article 15.1 précité, d'un montant de 4 526 125,98 francs, n'a pas été augmentée ; que, par suite, la SOCIETE LABATI SA ne saurait prétendre à aucune indemnité sur le fondement de l'article 15.3 au titre des préjudices résultant de l'augmentation de cette masse ;

En ce qui concerne la rémunération des travaux supplémentaires :

Considérant que les dispositions précitées de l'article 15.3 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, qui prévoient l'indemnisation des travaux supplémentaires réalisés au-delà de la masse initiale des travaux et sur ordre de service du maître d'ouvrage, pour des montants, dans le cas des marchés à prix forfaitaire, excédant le vingtième de la masse initiale, ne fait pas obstacle à l'indemnisation de travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service du maître d'ouvrage, mais indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art, quel qu'en soit le montant ;

Considérant, en premier lieu, que si les réservations dans les voiles et planchers pour le passage des gaines et tuyauteries ont fait l'objet d'un ordre de service du 3 mars 1998, il résulte de l'instruction, notamment du cahier des clauses techniques particulières applicable au marché, que ces travaux, ainsi que les bouchages de trous dans les ouvrages existants et la dépose et la protection des trémies, étaient inclus dans le marché initial ; que la société requérante n'est dès lors pas fondée à demander une indemnité à ce titre d'un montant de 56 686,82 francs en se prévalant de son devis estimatif du 18 mars 1998 ; que si elle soutient que les réservations en cause ne concernent pas les ouvrages dont la construction lui incombait mais des ouvrages existants, elle n'apporte aucune précision, ni justification à l'appui de cette allégation ;

Considérant, en deuxième lieu, que la SOCIETE LABATI SA soutient qu'elle serait en droit d'obtenir une indemnité d'un montant de 12 200 francs, correspondant aux frais de nettoyage des gaines de ventilation qui ont été affectées par des coulées de boue rendues possibles par le retard d'exécution d'une entreprise, lequel est de nature à engager la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage ; que, toutefois, la SOCIETE LABATI SA ne justifie pas de la réalité de ces allégations ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à demander le paiement de prestations qui relèvent de l'exécution normale du marché ;

Considérant, en troisième lieu, que la SOCIETE LABATI SA demande une indemnité de 24 115 francs en rémunération de frais de bouchage de réservations inutilisées au motif que ces dernières ont été inutilement prévues en raison d'une erreur de conception qui ne lui est pas imputable ; que, toutefois, outre que de telles prestations étaient incluses dans le marché initial, ainsi que cela résulte du cahier des clauses techniques particulières, la société n'établit pas la réalité de l'erreur de conception dont elle se prévaut ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE LABATI SA n'est pas fondée à demander une indemnité au titre de la rémunération de travaux supplémentaires qui n'auraient pas été compris dans le prix forfaitaire initial ;

En ce qui concerne les dépenses du compte prorata :

Considérant que la SOCIETE LABATI SA soutient qu'en sa qualité de gestionnaire du compte prorata, elle n'était pas tenue de supporter en définitive les dépenses de chantier de l'ensemble des intervenants, ni de supporter les dépenses de ce compte au-delà du délai contractuel de réalisation des travaux et qu'elle a été contrainte de régler des dépenses d'électricité et de téléphone postérieurement à ses propres travaux ; que, toutefois, par ces allégations qui ne sont assorties d'aucune justification, la SOCIETE LABATI SA n'établit pas, en tout état de cause, qu'elle aurait droit à une indemnité de 59 134,04 francs correspondant à des dépenses d'électricité, de téléphone et de nettoyage inscrites au débit du compte prorata ;

En ce qui concerne les conséquences financières de l'allongement du délai d'exécution des travaux :

Considérant que si des difficultés sont rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait, elles ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise que dans la mesure où celle-ci justifie, soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à un fait de l'administration ;

Considérant que la SOCIETE LABATI SA fait valoir que la prolongation du délai d'exécution du marché, initialement fixée à 13 mois, puis porté à 15 mois, 19 mois puis 22 mois respectivement par des ordres de service des 22 mars, 25 mai et 9 août 1999, a entraîné des conséquences financières évaluées à 215 853,53 francs, dont elle demande réparation en invoquant un bouleversement de l'économie du contrat et en soutenant qu'elles sont imputables à un fait de l'administration ; que, toutefois, en se bornant à produire des états de pointage journaliers de salariés au cours de l'année 1999 et du mois de janvier 2000, des compte-rendus de réunions de chantier et des procès-verbaux de réunions de coordination établis en 1999, la SOCIETE LABATI SA ne justifie pas de la réalité et de l'étendue des préjudices qu'elle aurait subis du fait de l'allongement du délai d'exécution du marché ; que, par suite, les prétentions de la société requérante à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE LABATI SA n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la requête tendant à ce que l'Etat soit condamné au paiement des intérêts, et à ce que ces intérêts soient capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ne peuvent qu'être rejetées ; qu'enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la SOCIETE LABATI SA la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE LABATI SA est rejetée.

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N° 05VE00099


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 05VE00099
Date de la décision : 29/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRIN
Rapporteur ?: M. Sébastien DAVESNE
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : TORRON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-05-29;05ve00099 ?
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