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15/03/2007 | FRANCE | N°04VE00338

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 15 mars 2007, 04VE00338


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Jean-Charles X, demeurant ..., par la SCP Recoules Gayaudon ;

Vu la requ

te, enregistrée le 23 janvier 2004 au greffe de la Cour administ...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Jean-Charles X, demeurant ..., par la SCP Recoules Gayaudon ;

Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle M. Jean-Charles X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0102926 en date du 17 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Université Paris Sud à lui verser une somme de 311 382,13 F (47 469,89 €) ;

2°) de condamner l'Université Paris Sud à lui verser une somme de 4 109,28 € au titre d'arriérés de salaire ainsi que trois indemnités de 23 873,52 €, 12 195,92 € et 4 573,47 € en réparation des préjudices subis du fait d'un usage abusif d'un cours polycopié, de l'utilisation de ce cours polycopié par des enseignants et du retard à lui verser ses traitements, soit au total la somme de 44 752,19 € ;

3°) de condamner l'Université de Paris Sud à lui verser une somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le tribunal a dénaturé les termes de sa demande en estimant qu'il critiquait la diffusion de son cours polycopié à ses propres étudiants alors que sa critique portait sur sa diffusion aux autres étudiants et à leurs professeurs ; que le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le droit d'auteur qu'il avait cédé à l'université n'avait pas excédé l'accomplissement de la mission de service public de cette dernière ; qu'en diffusant le cours polycopié dont il s'agit sans son consentement, l'université a bénéficié d'un enrichissement sans cause ; que le solde de son traitement pour l'année universitaire 1999-2000 ne lui a pas été payé ; qu'en exploitant abusivement son cours polycopié, en refusant de régulariser un contrat écrit pour l'utilisation d'une oeuvre n'entrant pas dans sa mission d'enseignement, en refusant de lui payer la part de son traitement correspondant aux vacances universitaires et en lui versant ses traitements avec retard, l'université a commis des fautes engageant sa responsabilité à son égard et justifiant le versement d'indemnités en réparation de ses préjudices ; qu'il a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes ayant constitué son traitement pour les années 1997 et 1998 ;

……………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 modifié ;

Vu le décret n° 87-889 du 29 octobre 1987 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 février 2007 :

- le rapport de M. Dacre-Wright, président ;

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des termes même du jugement attaqué que le tribunal administratif a notamment jugé que « si l'intéressé fait valoir que l'administration a édité le polycopié de son cours pour le fournir à d'autres étudiants qui suivaient le même enseignement, il n'est ni établi ni même allégué que cette publication aurait eu lieu à destination d'usagers autres que les étudiants en optométrie » et que le requérant « n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il aurait subi un préjudice du fait de l'utilisation de son cours polycopié par d'autres enseignants en optométrie, dès lors que cette utilisation s'est faite avec son accord exprès » ; que, par suite, le moyen tiré par M. X de ce que le tribunal a dénaturé les termes de sa demande en estimant qu'il critiquait la diffusion de son cours polycopié à ses propres étudiants alors que sa critique portait sur sa diffusion aux autres étudiants et à leurs professeurs manque en fait et doit donc être écarté ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la rémunération de M. X au titre de l'année universitaire 1999-2000 :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret modifié du 29 octobre 1987 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi de vacataires pour l'enseignement supérieur : « Les personnels régis par le présent décret sont engagés pour effectuer un nombre limité de vacations … Les vacations attribuées pour chaque engagement … ne peuvent excéder l'année universitaire. … » ; que le dernier alinéa de l'article 5 du même décret précise : « … les personnels régis par le présent décret sont soumis aux diverses obligations qu'implique leur activité d'enseignement et participent notamment … aux examens relevant de leur enseignement. L'exécution de ces tâches ne donne lieu ni à une rémunération supplémentaire ni à une réduction des obligations de service fixées lors de leur engagement. » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a été engagé par l'Université Paris Sud pour dispenser, en qualité de vacataire, un enseignement en optométrie ; que si le directeur de l'enseignement d'optométrie de l'université lui a proposé au mois d'août 1998 que sa rémunération annuelle soit constituée, d'une part, par une somme de 72 400 F(11 037,30 €) représentative de 200 heures de cours et, d'autre part, par une somme de 175 100 F (26 693,82 €) correspondant à l'achat par l'université des exemplaires de son cours polycopié nécessaires à son enseignement, cette circonstance n'a pas eu pour effet et ne pouvait d'ailleurs légalement avoir pour objet de lui faire perdre sa qualité de vacataire et de le faire bénéficier d'un statut de contractuel rémunéré forfaitairement à l'année ; que la démission de son poste présentée par M. X le 7 juillet 2000, laquelle a été acceptée le 28 août 2000, a produit tous ses effets à compter de cette dernière date ; que si le bulletin de paie reçu au mois de novembre 2000 par l'intéressé porte à tort sur la période du 1er avril 2000 au 7 juillet 2000, M. X, qui ne conteste pas le nombre de vacations qui lui a été attribué jusqu'au 7 juillet 2000, n'a effectué aucune tâche entre cette date et le 28 août 2000 de nature à lui ouvrir un droit à vacation ; qu'il ne peut, de ce fait, réclamer le versement d'une somme résultant de la comparaison entre sa rémunération annuelle pour l'année universitaire 1998-1999 et celle qu'il a perçue au titre de l'année universitaire 1999-2000 ; qu'il ne peut prétendre, du fait de sa qualité de vacataire, ni que la même somme lui est due au titre des vacances universitaires, ni que le refus de l'université de la lui verser est constitutif d'une faute de cette dernière de nature à engager sa responsabilité à son égard et à justifier le paiement par elle d'une indemnité du même montant ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'Université Paris Sud lui est redevable de la somme de 4 109,28 € ;

En ce qui concerne les droits d'auteur :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial … L'existence ou la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit n'emporte aucune dérogation à la jouissance du droit reconnu par l'alinéa 1er. » ; que l'article L. 123-6 du code de l'éducation dispose : « Le service public de l'enseignement supérieur a pour mission le développement de la culture et la diffusion des connaissances et des résultats des recherches. … » ; que l'article 7 du décret du 6 juin 1984 modifié susvisé précise : « Les professeurs des universités ont vocation prioritaire à assurer leur service d'enseignement sous forme de cours. … » ;

Considérant que le cours dispensé par M. X en sa qualité de professeur d'optométrie à l'Université Paris Sud pendant les années 1996 à 2000 et mis par écrit par lui sous la forme d'un polycopié réunissant en un seul ouvrage la somme de ses connaissances en optométrie constitue une oeuvre de l'esprit au sens du premier alinéa de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle ; que, toutefois, la conception et la réalisation de cet ouvrage sont intervenues dans le cadre de l'exécution des obligations de service public du requérant et que son objet est le contenu même de ces obligations ; que, si le cours polycopié en question a été réalisé de la propre initiative de M. X, il doit être regardé comme faisant partie par nature du cours que celui-ci avait pour vocation d'assurer ; que le droit de propriété intellectuelle s'est trouvé de ce fait, sans qu'il ait été besoin d'un contrat spécifique passé à cet effet avec l'université, transféré à cette dernière, laquelle avait ainsi, sans avoir à requérir l'autorisation de son auteur, la possibilité de diffuser ce cours polycopié aux étudiants et aux professeurs concernés par l'enseignement de l'optométrie dans le cadre du service public de l'enseignement dont elle a la charge ; que M. X ne peut se prévaloir ni de la directive européenne du 22 mai 2001 relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, ni du rapport du 20 décembre 2001 du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, ni des dispositions de la loi du 1er août 2006 modifiant le code de la propriété intellectuelle, lesquels sont postérieurs à sa démission ; qu'il suit de là que l'utilisation du cours polycopié de M. X par d'autres professeurs en optométrie et par d'autres étudiants en cette matière au sein de l'Université Paris Sud n'a pas privé M. X de droits d'auteur auxquels il aurait pu prétendre ; que cette utilisation n'a pas constitué un enrichissement sans cause de l'université ; qu'en ne passant pas avec le requérant un contrat pour l'utilisation de son oeuvre dans les conditions précitées cette dernière n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité à son égard ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à réclamer à l'Université Paris Sud le versement des indemnités susvisées de 23 873,52 € et 12 195,92 € ;

En ce qui concerne les retards de paiement de la rémunération de M. X :

Considérant que si M. X fait valoir que ses rémunérations pour le premier semestre et le second semestre de l'année 1997 ne lui ont été versées respectivement qu'aux mois de juin 1998 et septembre 1998, il n'établit pas ni même n'allègue que ces retards de paiement lui ont causé un préjudice de nature à justifier le versement par l'Université Paris Sud d'une indemnité de 4 573,47 € abondée d'intérêts au taux légal capitalisés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté les conclusions de sa demande ;

Sur l'appel incident :

Considérant que l'Université Paris Sud soutient que M. X a procédé, dans son cours polycopié, à de nombreux emprunts à des ouvrages de tiers sans toujours en mentionner la provenance, qu'il a de ce fait porté atteinte aux droits des auteurs de ces ouvrages, que l'université, en reprenant à son compte le cours en question pour les besoins de l'enseignement d'optométrie dont elle a la charge, encourt le risque de poursuites de la part de ces auteurs et qu'elle subit ainsi un préjudice justifiant réparation par M. X à hauteur de 1 500 € ; que ce litige est distinct de celui soulevé par l'appel principal ; que, par suite, les conclusions incidentes de l'Université Paris Sud sont irrecevables et doivent être rejetées ;

Considérant que, par voie de conséquence de ce qui précède, les conclusions de M. X tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. X le paiement à l'Université Paris Sud d'une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X et les conclusions incidentes de l'Université Paris Sud sont rejetées.

Article 2 : M. X versera à l'Université Paris Sud une somme de 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Université Paris Sud tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 04VE00338
Date de la décision : 15/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: M. Gildas DACRE-WRIGHT
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-03-15;04ve00338 ?
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