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22/02/2007 | FRANCE | N°05VE00160

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 22 février 2007, 05VE00160


Vu, la requête enregistrée le 2 février 2005, présentée pour Mme Chantal X, demeurant ..., par Me Mathon ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 022326 en date du 7 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Feucherolles soit condamnée à lui verser la somme de 802 245 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi à raison de la promesse non tenue de classement en zone constructible, lors de la prochaine révision du plan d'occupation des sols, des terrains cadastrés C 1253 et C

1260 lui appartenant ;

2°) de condamner la commune de Feucherolles à ...

Vu, la requête enregistrée le 2 février 2005, présentée pour Mme Chantal X, demeurant ..., par Me Mathon ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 022326 en date du 7 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Feucherolles soit condamnée à lui verser la somme de 802 245 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi à raison de la promesse non tenue de classement en zone constructible, lors de la prochaine révision du plan d'occupation des sols, des terrains cadastrés C 1253 et C 1260 lui appartenant ;

2°) de condamner la commune de Feucherolles à lui verser la somme de 802 245 euros en réparation dudit préjudice ;

3°) de condamner la commune de Feucherolles à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, en premier lieu, que la prescription a été interrompue par ses courriers des 18 décembre 1997 et 30 novembre 1998 ; qu'en outre, un nouveau délai de prescription a commencé à courir à compter du 21 septembre 2000, date de la décision résultant des écritures produites par la commune devant le Tribunal de grande instance de Versailles, par laquelle la commune a renouvelé sa promesse de classement ; en deuxième lieu, que la responsabilité pour faute de la commune est engagée dès lors, d'une part, que par lettre en date du 22 décembre 1979, dénuée d'ambiguïté, le maire lui a donné des assurances qui n'ont pas été respectées, et, d'autre part, qu'à supposer que l'engagement de la commune fût illégal, il ouvrait comme tel droit à réparation ; que l'autorité de la chose jugée par le jugement définitif du Tribunal de grande instance de Versailles en date du 11 septembre 2001 s'oppose à ce que soit estimé que la responsabilité de la commune ne serait pas engagée par la position prise par son maire ; en troisième lieu, que son préjudice financier s'élève à la somme de 762 245 euros ; que, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, elle ne demande réparation que d'un seul et unique chef de préjudice résultant de la vente de ses terrains à un prix dérisoire fixé en fonction d'une promesse non tenue ; que ce préjudice est égal au montant du prix réel des parcelles cédées en 1982 ou à la perte de chance de voir sa propriété devenir constructible ; que le préjudice a été calculé en retenant un prix au mètre carré égal à la moitié du prix du mètre carré constructible ; que le préjudice moral né de l'espoir vainement entretenu pendant une vingtaine d'années de voir ses terrains classés en zone constructible est estimé à 40 000 euros ;

Vu, enregistré le 6 mai 2005, le mémoire en défense présenté pour la commune de Feucherolles, représentée par son maire en exercice, dûment habilité à cet effet, par Me Lallemand ; la commune demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de condamner Mme X à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, en premier lieu, que la créance dont se prévaut la requérante est prescrite, dès lors que la promesse portant sur la « prochaine révision du plan d'occupation des sols », la prescription a commencé à courir le 1er janvier suivant l'année d'entrée en vigueur de la révision du 4 mai 1994 ; qu'aucune demande chiffrée, seule de nature à interrompre la prescription, n'a été adressée à la commune avant le 31 décembre 1998 ; que la déchéance quadriennale étant d'ordre public, la commune ne saurait être regardée comme ayant renoncé à son bénéfice ; que des écritures devant une juridiction ne peuvent en toute hypothèse être regardées comme valant renonciation à la prescription ; en deuxième lieu, qu'en l'absence d'engagement formalisé et précis émanant de la commune, et en l'absence de tout droit des administrés à l'adoption d'un acte réglementaire, la responsabilité de l'exposante n'est pas engagée du fait de l'absence de classement en zone constructible des parcelles cadastrées C 1253 et C 1260 ; que la promesse invoquée ne pouvait engager la responsabilité de la commune dès lors qu'elle émanait du seul maire, lequel n'est pas compétent pour adopter une révision du plan d'occupation des sols ; qu'à supposer qu'une telle promesse ait existé, elle était entachée de détournement de pouvoir ; enfin, que le préjudice n'est pas certain ; que le prix au m² retenu pour l'estimer ne correspond pas au prix du marché des terrains situés dans les zones non urbanisées de la commune ;

Vu, enregistré le 9 juin 2005, le mémoire présenté pour Mme X, concluant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'en application des dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, les courriers de la commune en date des 16 janvier et 16 décembre 1998 ont interrompu le cours de la prescription ; que l'absence de chiffrage du préjudice dans ses propres lettres des 18 décembre 1997 et 8 janvier 1998 est imputable à l'attitude de l'administration ; que la prescription quadriennale n'étant pas d'ordre public, la commune doit être regardée comme ayant renoncé à s'en prévaloir du fait du renouvellement de l'engagement qu'elle a formulé dans ses écritures du 21 septembre 2001 devant le Tribunal de grande instance de Versailles ;

Vu, enregistré le 8 novembre 2005, le mémoire présenté pour la commune de Feucherolles, concluant aux mêmes fins que son précédent mémoire ; elle soutient, en outre, qu'en l'absence de tout engagement formel de la commune, aucune manoeuvre de nature à induire Mme X en erreur sur la suite donnée à ses souhaits ne peut lui être reprochée ; que ses écritures devant le tribunal de grande instance sont postérieures à la date d'acquisition de la prescription ; qu'elles ne comportent aucun nouvel engagement ;

Vu la mise en demeure adressée le 19 janvier 2006 au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 février 2007 :

- le rapport de Mme Grand d'Esnon, premier conseiller ;

- les observations de Me Mathon, pour Mme X ;

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement

Considérant que, le 15 janvier 1982, Mme X a cédé à la commune de Feucherolles plusieurs parcelles de terrain lui appartenant, l'intéressée ayant en contrepartie du prix consenti, reçu l'assurance préalable et écrite du maire, tout d'abord par lettre en date du 22 décembre 1979, que dès que la commune aurait « l'occasion de modifier le périmètre constructible de la commune », elle donnerait « une priorité » à des parcelles dont Mme X était demeurée propriétaire, puis par lettre en date du 6 août 1980, qu'était confirmée « la volonté clairement exprimée avec le Bureau Municipal, de classer les parties restantes des parcelles 1031 et 1033 en zone constructible lors de la prochaine révision du plan d'occupation des sols » ; que toutefois, la commune n'a pas classé les terrains de Mme X en zone constructible lors de la révision du plan d'occupation des sols qui a fait suite à cette promesse et qui a été adoptée le 4 mai 1994 ; que, pour être indemnisée du préjudice qu'elle estime résulter du comportement fautif de la commune à son égard, l'intéressée s'est pourvue le 26 mai 1999 devant le Tribunal de grande instance de Versailles, qui par jugement en date du 11 septembre 2001, s'est déclaré incompétent pour connaître du litige, puis, le 10 juillet 2002, devant le tribunal administratif de Versailles, qui a rejeté sa demande par un jugement du 7 décembre 2004 dont Mme X fait appel ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968, toutes les créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis sont prescrites au profit des communes ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : « la prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (…) Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître (…) Toute communication écrite d'une administration intéressée… dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance » ;

Considérant qu'en l'espèce, le point de départ du délai de prescription courant à l'encontre de la créance dont Mme X réclame le paiement à la commune de Feucherolles doit être fixé au 1er janvier 1995, premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu la révision du plan d'occupation des sols immédiatement postérieure à la promesse qui lui a été faite et au cours de laquelle le préjudice résultant de cette promesse doit en conséquence être regardé comme s'étant révélé ; que, dès lors, la créance invoquée par Mme X encourait la déchéance quadriennale au 31 décembre 1998 ; que, d'une part, les lettres que la requérante a adressées à la commune de Feucherolles les 18 décembre 1997 et 30 novembre 1998 se bornaient à demander, en des termes identiques, que, conformément à la promesse qui lui avait été faite, il soit procédé au classement de ses terrains en zone constructible, sans mettre en cause la responsabilité de la commune ni réclamer la réparation d'aucun préjudice ; que, dès lors, faute de comporter une demande de paiement ou une réclamation ayant trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance dont se prévaut Mme X, elles ne sauraient être regardées comme avant interrompu la prescription ; que, d'autre part, ni la lettre du maire de Feucherolles en date du 16 janvier 1998, ni celle du 16 décembre 1998, ne sauraient être regardées comme une communication écrite de l'administration intéressée au sens des dispositions précitées, donnant à penser à la requérante que ses droits éventuels à indemnités étaient sauvegardés, dès lors que, par la première, le maire s'est borné à demander copie des correspondances par lesquelles son prédécesseur se serait engagé à l'égard de la requérante et que la seconde, qui accusait réception de la demande de classement des parcelles du 30 novembre 1998, invitait l'intéressée à présenter cette demande dans le cadre de l'enquête publique alors en cours ; qu'il suit de là que la créance dont Mme X se prévaut était prescrite le 26 mai 1999, date à laquelle elle a saisi le Tribunal de grande instance de Versailles de conclusions indemnitaires à l'encontre de la commune de Feucherolles ;

Considérant, en deuxième lieu, que si les dispositions de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1968 disposent que les créanciers d'une commune peuvent être relevés, en tout ou partie, de la prescription, elles prévoient que ce relèvement est décidé par délibération du conseil municipal, motivée et approuvée par l'autorité compétente pour approuver le budget de la commune ; que Mme X n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le mémoire en défense devant le Tribunal de grande instance de Versailles, présenté le 21 septembre 2000, par la commune de Feucherolles vaut relèvement de la prescription ;

Considérant, en troisième lieu, que si par ce même mémoire, la commune de Feucherolles a demandé au tribunal de grande instance de surseoir à statuer au motif que le projet de plan d'occupation des sols, en cours de révision, classait les terrains de Mme X en zone constructible, ces écritures, qui avaient pour seul objet, dans le cadre de l'argumentation en défense de la commune, d'informer le tribunal de l'état de la procédure en cours et des perspectives qui en résultaient, ne peuvent être regardées comme comportant un nouvel engagement de la commune de procéder à un classement en zone constructible des parcelles de Mme X ; qu'elles n'ont, par suite pas ouvert un nouveau délai d'action au profit de l'intéressée ;

Considérant, enfin, que si dans son mémoire en réplique enregistré le 4 décembre 2002 au greffe du Tribunal administratif de Versailles, Mme X a présenté de nouvelles conclusions tendant à la condamnation de la commune de Feucherolles à lui verser une indemnité en réparation du préjudice moral qu'elle estimait avoir subi à raison de l'attitude fautive de la commune à l'avoir maintenue pendant plusieurs années dans l'espoir non fondé de voir la promesse litigieuse enfin tenue, il ressort des pièces du dossier que ces conclusions n'ont été précédées d'aucune réclamation préalable ; que devant le tribunal, comme devant la Cour, la commune de Feucherolles n'a pas présenté d'observations en réponse à la suite de ces conclusions ; que, dès lors, le contentieux n'a pas été lié ; que, par suite, les conclusions dont il s'agit ne sont pas recevables et doivent en conséquence être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L . 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, sur le fondement de ces dispositions de condamner Mme X à verser à la commune de Feucherolles la somme de 1 500 euros que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Feucherolles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

05VE00160


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 05VE00160
Date de la décision : 22/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Jenny GRAND d'ESNON
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : MATHON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-02-22;05ve00160 ?
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