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09/01/2007 | FRANCE | N°05VE00840

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 09 janvier 2007, 05VE00840


Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 05VE00840, présentée pour la SA NOKIA FRANCE, dont le siège est 97 avenue de Verdun à Romainville (93230), par Me Vaudoyer ; la société NOKIA FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0011465 en date du 8 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre des a

nnées 1995 et 1996, ainsi que des intérêts de retard afférents et en rédu...

Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 05VE00840, présentée pour la SA NOKIA FRANCE, dont le siège est 97 avenue de Verdun à Romainville (93230), par Me Vaudoyer ; la société NOKIA FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0011465 en date du 8 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1995 et 1996, ainsi que des intérêts de retard afférents et en réduction des intérêts de retard ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le tribunal s'est mépris sur la portée des dispositions de l'article 221-5 du code général des impôts ; qu'en effet, elle n'a pas changé d'activité réelle en 1992 ; que cette notion de changement d'activité réelle, éclairée par les travaux parlementaires, implique que les changements soient radicaux, c'est-à-dire complets et rapides ; qu'aux termes de l'instruction du 10 mars 1986, 4A-5-86, dont elle se prévaut sur le fondement de l'article L. 80A du livre des procédures fiscales, un changement limité à l'abandon progressif par l'entreprise d'une activité qui revêtait, avant son arrêt définitif, une importance moindre que les autres secteurs n'entraîne pas de rehaussement d'imposition ; que les juridictions administratives ont fait une interprétation stricte de la notion de changement d'activité ; que la situation d'espèce s'inscrit dans ce cadre ; que l'administration fiscale, qui supporte la charge de la preuve, n'apporte aucun élément permettant de démontrer que l'identité de l'entreprise a radicalement changé entre 1991 et 1992 ; qu'en effet, la société en 1992 s'est contentée d'abandonner, à l'issue d'une période de dix ans, et non pas brutalement ni rapidement, une activité de montage et d'assemblage alors que ce secteur ne représentait plus, en 1991, que le tiers de son activité, tout en poursuivant, avec les mêmes clients et les mêmes moyens humains et matériels, la distribution des mêmes produits d'électronique grand public ; qu'elle a ainsi tenté d'adapter son organisation à l'évolution permanente des marchés, dans un contexte fortement concurrentiel ; que la procédure de redressement est entachée d'irrégularité dès lors que, dans la notification de redressement, le service n'a pas informé la société de la procédure qu'il entendait mettre en oeuvre, alors qu'il était tenu, en l'espèce, de procéder au redressement selon la procédure contradictoire ;

………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2006 :

- le rapport de Mme Vettraino, président ;

- les observations de Me Daniel-Mayeur, substituant Me Vaudoyer, pour la société NOKIA FRANCE ;

- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société NOKIA FRANCE portant sur les exercices clos les 31 décembre 1995 et 1996, le service a estimé que l'arrêt de l'activité de production de téléviseurs et moniteurs d'ordinateurs devenu effectif en 1992 devait être regardé comme un changement d'activité emportant cessation d'activité et entraînait, par suite, à compter de l'exercice clos en 1992, la perte du droit au report des déficits et amortissements réputés différés que la société avait imputé sur ses résultats bénéficiaires constatés au titre des exercices clos en 1995 et 1996 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : « (…) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire (…) » ; qu'aux termes des dispositions du 5 de l'article 221 du même code, issues de la loi du 30 décembre 1985 portant loi de finances pour 1986 : « Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise (…) » ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'exercice par une société du droit au report déficitaire est subordonné, notamment, à la condition qu'elle n'ait pas subi, dans son activité réelle, de transformations telles qu'elle ne serait plus, en réalité la même ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 30 juin 1987 le groupe Nokia a pris le contrôle de la société Océanic qui avait pour activité l'assemblage et le montage ainsi que l'achat et la revente de produits d'électronique grand public ; que la première de ces activités, concernant les téléviseurs et les moniteurs d'ordinateurs, qui était exercée dans une usine située à Chartres, a été transférée à compter du 1er janvier 1990 à une société soeur dans le cadre d'un contrat de location-gérance puis a cessé définitivement en mai 1992 avec la fermeture de l'établissement de Chartres ; que l'activité d'assemblage-montage représentait 69 % du chiffre d'affaire total de la société en 1989, puis 61 % en 1990 et 38 % en 1991 pour disparaître ensuite tandis que celle d'achat-revente passait dans le même temps de 31 %, 39 %, 62 % à 100 % du chiffre d'affaires ; qu'à partir du 20 décembre 1993 la société a pris la dénomination NOKIA FRANCE, après avoir eu celle de Nokia Consumer France depuis le 14 mai 1990 ;

Considérant que l'abandon progressif de l'activité d'assemblage-montage de produits d'électronique grand public pour se consacrer à celle déjà exercée de distribution de produits identiques destinés au même marché, afin d'adapter l'organisation de l'entreprise aux conditions imposées par son environnement économique très fortement concurrentiel ne saurait faire regarder l'activité de la société NOKIA FRANCE comme ayant subi en 1992 un changement d'une importance telle qu'il doive être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme emportant cessation de l'entreprise au sens du 5 précité de l'article 221 du code général des impôts ; que par suite, il y a lieu d'accorder à la société requérante, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 % qu'elle demande au titre des années 1995 et 1996, ainsi que des intérêts de retard y afférents, mises à sa charge à hauteur de celles résultant de la réintégration dans ses bénéfices des déficits et amortissements réputés différés ;

Sur la compensation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : « Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande. » ;

Considérant que le ministre demande, sur le fondement de ces dispositions, une compensation entre la réduction de l'imposition au titre de l'année 1996 et une insuffisance d'imposition qui s'élève à 5 622 000 francs ; que ce montant correspond à la différence entre la somme de 20 253 890 francs à laquelle aurait dû s'élever la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, et celle de 14 631 890 francs qui a été mise en recouvrement par voie de rôle complémentaire le 31 août 1999 ; que, pour justifier sa demande, le ministre fait état de ce qu'un dégrèvement de 2 811 000 francs dont a bénéficié la société NOKIA FRANCE au titre de l'impôt sur les sociétés de l'année 1996 a été imputé par erreur sur la cotisation supplémentaire alors qu'il convenait de le déduire de l'impôt sur les sociétés acquitté initialement par la société ; que, compte tenu des circonstances invoquées par le ministre, l'insuffisance dans le calcul de l'imposition doit être regardée comme résultant d'une volonté délibérée de l'administration exprimée antérieurement à la réclamation et ne peut donc être considérée comme une insuffisance constatée au cours de l'instruction de celle-ci, au sens des dispositions précitées de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à demander cette compensation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité de la procédure d'imposition, que la société NOKIA FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à la société NOKIA France de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0011465 en date du 8 mars 2005 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : Les bases de l'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle de 10 % assignées à la société NOKIA FRANCE au titre des années 1995 et 1996 sont réduites des sommes résultant de la réintégration dans ses bénéfices des déficits et amortissements réputés différés au titre des exercices clos au 31 décembre de chacune des ces années.

Article 3 : La société NOKIA FRANCE est déchargée des droits d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle de 10 %, ainsi que des intérêts de retard y afférents, correspondant à la réduction de bases d'imposition définie à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : l'Etat versera à la société NOKIA FRANCE la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société NOKIA FRANCE présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 05VE00840
Date de la décision : 09/01/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Marion VETTRAINO
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : VAUDOYER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-01-09;05ve00840 ?
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