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21/12/2006 | FRANCE | N°05VE01127

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 21 décembre 2006, 05VE01127


Vu, sous le n° 0501127, la requête, enregistrée le 20 juin 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du 12 avril 2005 en tant que le tribunal administratif l'a jugé entièrement responsable des conséquences de l'agression dont a été victime le jeune Tony X et l'a condamné à verser à ses parents une somme excédant 7 500 euros ;

2°) de condamner la Commune de montreuil à payer la moitié de la somme r

eprésentant l'indemnisation du préjudice ;

Il soutient que le tribunal a com...

Vu, sous le n° 0501127, la requête, enregistrée le 20 juin 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du 12 avril 2005 en tant que le tribunal administratif l'a jugé entièrement responsable des conséquences de l'agression dont a été victime le jeune Tony X et l'a condamné à verser à ses parents une somme excédant 7 500 euros ;

2°) de condamner la Commune de montreuil à payer la moitié de la somme représentant l'indemnisation du préjudice ;

Il soutient que le tribunal a commis une erreur de droit puisqu'aucun texte ne met à la charge du service public de l'enseignement une obligation générale de surveillance des élèves en dehors des heures d'activité scolaire ; que le service de restauration scolaire est un service public relevant de la commune qui ne se limite pas aux repas mais comprend la plage horaire s'étendant de la fin des cours du matin jusqu'à dix minutes avant la reprise des cours de l'après-midi ; que le défaut d'organisation du service engage la responsabilité de la commune ; que compte tenu de l'incertitude qui pèse sur l'heure à laquelle est intervenue l'agression, l'Etat ne peut pas être tenu pour responsable de plus de la moitié du préjudice subi ; que l'indemnisation accordée aux époux X est excessive et que Mme X n'établit pas l'étendue du préjudice matériel causé par son arrêt de travail ; que l'évaluation du montant du préjudice des parents ne peut excéder 3 000 euros ; que la somme accordée en réparation du préjudice subi par le jeune Tony ne devrait pas excéder 15 000 euros ; que l'Etat ne peut donc être condamné au paiement d'une somme excédant 7 500 euros ;

………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 novembre 2006 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller ;

- les observations de Mme X et les observations de Me Trenenc, substituant Me Seban pour la Commune de montreuil ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE demande à la Cour de réformer le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 12 avril 2005 en tant que le tribunal a déclaré l'Etat entièrement responsable des conséquences dommageables de l'agression dont a été victime le jeune Tony X, dans les locaux de l'école maternelle Jean-Jaurès à Montreuil au cours d'un laps de temps partagé entre activités scolaires et activités périscolaires et l'a condamné à verser aux parents de l'enfant une somme excédant 7 500 euros ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'aussi bien pendant les activités scolaires que pendant les activités périscolaires les enfants circulaient librement au sein de l'établissement pour se rendre aux toilettes ou dans la salle de classe sans que leurs allées et venues fassent l'objet de la moindre surveillance ; que l'agression dont a été victime le jeune Tony, tout juste âgé de quatre ans, qui s'est déplacé dans l'établissement sans qu'aucun adulte ne le surveille, ou même soupçonne les faits dont il a été victime jusqu'au moment où il a été remis à ses parents dans la soirée, résulte d'un défaut de surveillance qui, compte tenu de l'extrême vulnérabilité des enfants des classes maternelles révèle une faute d'organisation susceptible d'engager la responsabilité du service ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 du décret du 8 septembre 1990 relatif à l'organisation et au fonctionnement des écoles maternelles et élémentaires : « La surveillance des élèves durant les heures d'activité scolaire doit être continue et leur sécurité doit être constamment assurée en tenant compte de l'état de la distribution des locaux et du matériel scolaires et de la nature des activités proposées. L'accueil des élèves est assuré dix minutes avant l'entrée en classe. Le service de surveillance à l'accueil et à la sortie des classes ainsi que pendant les récréations est réparti entre les maîtres en conseil des maîtres de l'écoles » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'à partir de la prise en charge des élèves par les enseignants, qui a lieu dans l'établissement à 13h20 soit dix minutes avant l'entrée en classe, la surveillance des enfants est assurée sous la responsabilité du chef d'établissement, soit par les personnels communaux, soit par les enseignants, que les enfants se trouvent dans les locaux où a lieu la sieste ou dans les classes qu'ils regagnent au fur et à mesure de leur réveil ; qu'en revanche, avant 13h20, pendant les activités périscolaires, les enfants sont placés sous la seule responsabilité de la commune ; qu'en effet, contrairement à ce que soutient la Commune de montreuil, les dispositions de l'article 2 du décret du 24 février 1989 qui prévoient que le directeur d'établissement organise le travail des personnels communaux en service à l'école ne visent que les personnels placés sous son autorité pendant le temps scolaire ;

Considérant que les faits s'étant produits à une heure indéterminée entre 12 h 40 et 15 heures dans un laps de temps partagé entre activités scolaires et activités périscolaires, il résulte de ce qui précède que l'Etat et la Commune de montreuil doivent être déclarés responsables à hauteur de 50 % chacun des préjudices subis par le jeune Tony X ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Sur le préjudice subi par les parents de Tony X :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de la douleur morale subie par Mme X, qui a été victime d'une dépression nerveuse pendant plusieurs mois et de la douleur morale subie par les deux parents en leur allouant la somme de 20 000 euros ; que Mme X n'établissant pas avec exactitude le préjudice matériel, au demeurant contesté par le défendeur, qui résulterait pour elle d'un arrêt de travail d'environ deux mois, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande sur ce point ;

Sur le préjudice subi par le jeune Tony X :

Considérant que l'enfant, âgé d'à peine quatre ans au moment des faits, a subi un traumatisme physique et psychique majeur ; qu'il résulte de l'instruction que ce traumatisme a impliqué des sentiments de tristesse et de méfiance envers les adultes, préjudiciables à son évolution affective et intellectuelle ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en le chiffrant à la somme de 38 000 euros ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : « Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière » ; que pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; qu'il en résulte que les demandes de capitalisation présentées avant l'expiration du délai d'un an évoqué ci-dessus sont valables mais ne prennent effet qu'au terme dudit délai ; que, par suite, il y a lieu de faire droit à la première demande de capitalisation des intérêts présentée par les requérants, quand bien même à cette date il n'était pas dû une année d'intérêts, à compter de la date anniversaire de la demande préalable ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, en l'espèce, la partie perdante, soit condamné à payer à la Commune de montreuil et aux époux X la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etat et la Commune de montreuil sont déclarés responsables à hauteur de 50 % chacun des conséquences dommageables de l'agression dont a été victime le jeune Tony X.

Article 2 : L'Etat et la Commune de montreuil sont condamnés à verser chacun pour moitié à M. et Mme X une somme globale qui est ramenée à 20 000 euros pour le préjudice subi par eux et une somme de 38 000 euros pour le préjudice subi par l'enfant Tony avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2001. Les intérêts échus le 30 mai 2002 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du 12 avril 2005 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 05VE01127
Date de la décision : 21/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : SEBAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-12-21;05ve01127 ?
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