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29/09/2006 | FRANCE | N°06VE00368

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 29 septembre 2006, 06VE00368


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 20 février 2006 par télécopie et le 22 février 2006 en original, présenté par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600310 du 16 janvier 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 10 janvier 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Mohamed X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Le PREFET DES

HAUTS-DE-SEINE soutient que c'est à tort que le premier juge a estimé que M. X était de ...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 20 février 2006 par télécopie et le 22 février 2006 en original, présenté par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600310 du 16 janvier 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 10 janvier 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Mohamed X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE soutient que c'est à tort que le premier juge a estimé que M. X était de nationalité française ; que la seule détention d'une carte nationale d'identité française ne saurait suffire à établir la nationalité française de l'intéressé ; que cette carte d'identité lui a été délivrée par erreur ; que M. X ne peut prétendre à l'obtention de la nationalité française dès lors que son père, qui était placé sous le statut civil de droit local et dont la carte nationale d'identité française a été établie le 18 juin 1962 avant l'indépendance de l'Algérie, n'a souscrit aucune déclaration de reconnaissance de la nationalité française comme il en avait la faculté jusqu'au 23 mars 1967 ; que le père de M. X a ainsi perdu la nationalité française ; que, par suite, M. X, né en 1959, possède la nationalité algérienne en application de la loi du 20 décembre 1966, alors même qu'il est né à Argenteuil ; que l'arrêté de reconduite à la frontière n'a pas porté une atteinte excessive au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale ; qu'en effet, le certificat de résidence en qualité de conjoint de français de Mme X ainsi que les cartes nationales d'identité française des trois enfants du couple ont été délivrés sur présentation de la carte nationale d'identité délivrée à tort à M. X ; que des procédures sont en cours pour opérer le retrait de ces documents obtenus frauduleusement ; qu'ainsi, compte tenu de l'irrégularité de la situation de M. X et de la précarité de celle de son épouse et de ses enfants, la mesure de reconduite à la frontière n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. X ne peut prétendre à l'obtention d'un titre de séjour en application de l'accord franco-algérien ;

…………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la nationalité ;

Vu la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966 ;

Vu la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2006 :

- le rapport de M. Davesne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par M. X ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine, en date du 10 janvier 2006, décidant la reconduite à la frontière de M. X, le premier juge s'est fondé, d'une part, sur la nationalité française de l'intéressé, qui était titulaire d'une carte nationale d'identité française et, d'autre part, sur la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de la présence en France de son épouse, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans obtenu en qualité de conjoint de français, et de ses trois enfants de nationalité française ;

En ce qui concerne la nationalité de M. X :

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 111-1 et L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que seules peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière les personnes qui, à la date de cette mesure, n'ont pas la nationalité française, soit qu'elles aient une nationalité étrangère, soit qu'elles n'aient pas de nationalité ;

Considérant que, selon l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité française incombe à celui dont la nationalité est contestée, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas allégué que M. X serait titulaire d'un tel certificat ; qu'il lui appartient, dès lors, d'établir qu'il a la nationalité française ; que s'il fait valoir qu'il est titulaire d'une carte nationale d'identité française qui lui a été délivrée par le sous-préfet d'Argenteuil le 13 septembre 1999, le préfet des Hauts-de-Seine soutient, pour sa part, que ce document lui a été délivré par erreur ;

Considérant qu'il est constant que M. X, titulaire d'un passeport algérien, est né à Argenteuil (Val-d'Oise) le 13 août 1959 de Abderrahmane X et de Aïcha Y, eux-mêmes nés respectivement à Ourlal et Sidi Khaled en Algérie, et qu'ainsi il est né français par application des articles 6, 23 et 24 du code de la nationalité dans leur rédaction en vigueur à la date de sa naissance ;

Considérant toutefois qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 20 décembre 1966 susvisée : L'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française cesse d'être applicable à l'expiration du délai de trois mois suivant la publication de la présente loi. Les personnes de statut civil de droit local originaires d'Algérie qui n'ont pas souscrit à cette date la déclaration prévue à l'article 152 du code de la nationalité sont réputées avoir perdu la nationalité française au 1er janvier 1963. Toutefois, les personnes de statut civil de droit local, originaires d'Algérie, conservent de plein droit la nationalité française si une autre nationalité ne leur a pas été conférée postérieurement au 3 juillet 1962 ; que si les articles 4 et 5 de la même loi, abrogés par le 6° de l'article 28 de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973, avaient ouvert aux enfants mineurs des personnes susmentionnées, lorsqu'ils avaient été élevés ou recueillis en France avant l'entrée en vigueur de cette loi, un droit propre à se faire reconnaître la nationalité française, l'article 6, qui n'a pas été abrogé, prévoit que les mineurs visés aux articles 4 et 5 de la présente loi perdent la nationalité française à l'expiration du délai fixé auxdits articles s'ils n'ont pas souscrit la déclaration prévue à l'article 152 du code de la nationalité ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que M. X, qui, né avant le 1er janvier 1963 de parents de statut civil de droit local originaires d'Algérie, entrait dans le champ d'application des dispositions spéciales précitées, satisferait aux exigences desdites dispositions pour avoir conservé la nationalité française que la loi lui avait attribuée à sa naissance ; qu'il n'a pas davantage été allégué qu'à défaut d'avoir conservé sa nationalité française de naissance, il aurait acquis la nationalité française à sa majorité sur le fondement des dispositions générales de l'article 44 du code de la nationalité en vigueur à cette date ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il ne saurait être sérieusement soutenu que M. X était de nationalité française à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière dont il a fait l'objet ; que, par voie de conséquence, sans qu'il soit nécessaire de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur ce point, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur la nationalité de M. X pour annuler cet arrêté ;

En ce qui concerne la vie privée et familiale de M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui est entré en France le 15 mars 1999, a été rejoint le 1er juillet 2000 par son épouse et ses trois enfants nés en 1986, 1990 et 1995, dont les deux plus jeunes sont scolarisés au titre de l'année 2005/2006 en classes de CM1 et de troisième ; que, si le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE fait valoir que Mme X a obtenu frauduleusement son certificat de résidence, valable du 29 novembre 2001 au 28 novembre 2011, en présentant, à l'appui de sa demande de titre de séjour, la carte nationale d'identité délivrée par erreur à son mari, ce n'est qu'en février 2006, soit postérieurement à l'arrêté contesté, qu'il a engagé la procédure de retrait de ce titre de séjour ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée de séjour de l'intéressé et de sa famille en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé, pour méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, son arrêté du 10 janvier 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE doit être rejeté ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est rejeté.

N°06VE00368

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 06VE00368
Date de la décision : 29/09/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: M. Sébastien DAVESNE
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : SIDI-AISSA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-09-29;06ve00368 ?
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