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27/06/2006 | FRANCE | N°04VE00689

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 27 juin 2006, 04VE00689


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SOCIETE BUREAU VERITAS, dont le siège social est 17 bis place des Reflets, La

Défense 2, à Courbevoie (92400), par la SCP Serge Guy-Vien...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SOCIETE BUREAU VERITAS, dont le siège social est 17 bis place des Reflets, La Défense 2, à Courbevoie (92400), par la SCP Serge Guy-Vienot - Laurence X... ;

Vu la requête, enregistrée le 20 février 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la SOCIETE BUREAU VERITAS demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 9601534 en date du 8 décembre 2003 du Tribunal administratif de Versailles en tant qu'il l'a condamnée, solidairement avec la société SCS Gestion, à verser à la société GAN Assurances une somme de 4 915 333,12 € abondée des intérêts au taux légal capitalisés ;

2°) de rejeter la demande de la société GAN Assurances en tant qu'elle est dirigée contre elle ;

3°) d'ordonner la restitution, avec intérêts de droit, des sommes versées en exécution du jugement attaqué ;

4°) subsidiairement, de réformer l'article 1er du même jugement en tant qu'il prononce une condamnation solidaire avec la société SCS Gestion et son article 4 en tant qu'il fixe à 90% et non à 100% la garantie par la société SCS Gestion de toute condamnation prononcée à son encontre ;

5°) de condamner tout succombant à lui verser une somme de 1 600 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que, n'ayant pas la qualité de constructeur, le tribunal ne pouvait retenir sa responsabilité au titre de la garantie décennale sans dénaturer les termes de la loi du 4 janvier 1978 et ceux de la mission de contrôle technique qui lui avait été confiée par le maître d'ouvrage ; que l'expert judiciaire a exclu sa responsabilité ; que le phénomène de gonflement de la couche de marnes argileuses à l'origine des désordres présentait un caractère exceptionnel qu'elle ne pouvait prévenir ; que la solidarité, qui ne se présume pas, n'est prévue ni par la loi du 4 janvier 1978 ni par son contrat ; que la garantie par la société SCS Gestion doit être intégrale ;

…………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code des assurances ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2006 :

- le rapport de M. Dacre-Wright, président ;

- les observations de Me B... pour la SOCIETE BUREAU VERITAS, de Me A... pour la société SCS Gestion et de Me Z... pour la Compagnie GAN Eurocourtage IARD et la société E.G.C.M ;

- et les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un acte d'engagement en date du 5 août 1991, le Conseil régional d'Ile-de-France a confié la construction du lycée Jules Verne de Y... le Haut dans le Val-d'Oise à un groupement d'entreprises comprenant le cabinet Architecture Studio, maître d'oeuvre, la société SARL Razel Constructions, entreprise générale aux droits de laquelle sont venues successivement la société Razel RNF Bâtiments puis la société E.G.C.M., et la société Kvaerner Process, bureau d'études aux droits duquel se trouve aujourd'hui la société Sofresid ; que le contrôle technique était assuré par la SOCIETE BUREAU VERITAS ; que des sondages destinés à déterminer la nature du sol ont été réalisés par la société Sol Conseil Sondages aux droits de laquelle se trouve la société SCS Gestion ; que le maître d'ouvrage avait contracté, pour l'ensemble des travaux répartis en deux tranches, une assurance dommages-ouvrage auprès de la Compagnie GAN Eurocourtage IA, aujourd'hui Compagnie GAN Eurocourtage IARD ; que les deux tranches de travaux ont fait l'objet de réceptions définitives les 31 août 1992 et 30 août 1993 ; que, postérieurement à ces réceptions, des désordres consistant en d'importants soulèvements des carrelages entraînant des gonflements de cloisons sont apparus ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a condamné solidairement la société SCS Gestion et la SOCIETE BUREAU VERITAS à verser à la Compagnie GAN Eurocourtage IARD, subrogée dans les droits de la Région d'Ile-de-France à hauteur des sommes qu'elle lui avait versées, une indemnité de 4 915 333,12 € abondée des intérêts au taux légal capitalisés, la société SCS Gestion devant garantir la SOCIETE BUREAU VERITAS à hauteur de 90 % de la condamnation prononcée à son encontre et les sociétés Kvaerner Process et Razel RNF Bâtiments devant garantir la société SCS Gestion respectivement à hauteur de 30 % et 10 % ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que si la société SCS Gestion et Me C..., représentant des créanciers de cette société, soutiennent qu'en la condamnant à garantir la SOCIETE BUREAU VERITAS, les premiers juges ont statué au-delà des conclusions dont ils étaient saisis et ont, de ce fait, entaché leur décision d'irrégularité, il ressort des pièces du dossier que la SOCIETE BUREAU VERITAS avait demandé, dans un mémoire déposé devant le tribunal le 6 mai 2003, à être intégralement garantie par la société SCS Gestion de toute condamnation prononcée à son encontre ; que le moyen manque ainsi en fait et doit donc être écarté ;

Sur les conclusions de la SOCIETE BUREAU VERITAS :

En ce qui concerne les conclusions principales :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation : « Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20. » ; qu'en vertu des principes dont s'inspirent lesdits articles, l'obligation de garantie due à l'égard des personnes publiques au titre de la garantie décennale s'impose non seulement aux architectes et aux entrepreneurs mais également aux bureaux de contrôle technique liés au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par le Tribunal de grande instance de Nanterre puis par le Tribunal administratif de Versailles, que les désordres ayant affecté les dallages et les cloisons du lycée Jules D... ont eu pour origine le gonflement par réhydratation de la couche sous-jacente de marnes infra-gypseuses et l'inadaptation en résultant des fondations de l'immeuble ; que ces importants désordres ont eu pour effet de rendre l'immeuble impropre à sa destination et étaient ainsi de nature à donner lieu à la mise en oeuvre de la présomption de responsabilité des constructeurs qu'impliquent les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que la mission de contrôle confiée par le maître de l'ouvrage à la SOCIETE BUREAU VERITAS par un contrat du 28 février 1991 comportait, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, la solidité de l'ouvrage, qui dépend au premier chef de ses fondations sur la nature desquelles elle n'a fait aucune observation ; que, par suite, saisis par la compagnie d'assurance subrogée au maître de l'ouvrage de conclusions dirigées contre la SOCIETE BUREAU VERITAS, les premiers juges ont pu, en application des dispositions rappelées ci-dessus, retenir à son encontre la présomption de responsabilité à laquelle ces dernières se réfèrent ;

Considérant, d'autre part, que la SOCIETE BUREAU VERITAS n'est fondée à se prévaloir vis-à-vis du maître de l'ouvrage ou de son subrogé de l'imputabilité à un autre constructeur cocontractant du maître de l'ouvrage de tout ou partie des désordres litigieux et à demander en conséquence que sa responsabilité soit écartée ou limitée que dans la mesure où ces désordres ou cette partie des désordres ne lui sont pas également imputables ; qu'il s'ensuit que la requérante ne peut utilement invoquer, pour s'exonérer de sa responsabilité, les carences du maître d'oeuvre, de la société SCS Gestion ou de l'entreprise principale ;

Considérant, enfin, qu'il ressort du même rapport d'expertise et des analyses effectuées à cette occasion que les marnes dont il s'agit avaient une aptitude prononcée au gonflement en présence d'eau et que si ces essais avaient été pratiqués en temps utile, le risque d'un tel gonflement aurait pu être pris en compte et la nature des fondations être adaptée en conséquence ; qu'il s'en déduit que ce phénomène, quoique exceptionnel, ne présentait pas le caractère imprévisible et irrésistible de la force majeure ; que, dès lors, la SOCIETE BUREAU VERITAS ne peut invoquer celle-ci pour s'exonérer de sa responsabilité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE BUREAU VERITAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée, solidairement avec la société SCS Gestion, à payer à la Compagnie GAN Eurocourtage IARD une indemnité de 4 915 333,12 € dont le montant correspondait aux sommes versées par celle-ci au maître de l'ouvrage ;

En ce qui concerne les conclusions subsidiaires :

Considérant, en premier lieu, qu'en prononçant une condamnation solidaire à l'encontre de la SOCIETE BUREAU VERITAS et de la société SCS Gestion, le tribunal administratif n'a pas établi entre celles-ci une solidarité comportant tous les effets de la solidarité prévue à l'article 1202 du code civil mais doit être regardé comme s'étant borné, conformément aux conclusions dont il était saisi, à les condamner « in solidum » ; que, par suite, le moyen tiré par la requérante de ce que cette condamnation a été prononcée en violation des dispositions de l'article 1202 du code civil doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort du rapport d'expertise déjà cité qu'après avoir pris connaissance des rapports de la société Sol Conseil Sondages du 23 novembre 1990 et du 15 juillet 1991, relatifs aux sondages effectués par cette société sur le terrain en cause et aux conclusions que cette société en tirait quant aux fondations pouvant être adoptées pour l'immeuble, et après avoir examiné l'aspect du sol au fond des fouilles résultant des travaux de terrassements, la SOCIETE BUREAU VERITAS a demandé, le 8 octobre 1991, que la nature des sols sous-jacents soit vérifiée ; qu'elle a ainsi manifesté avoir des doutes sur cette nature ; que, cependant, elle n'a pas appelé l'attention des constructeurs sur l'incidence que pouvait avoir, pour la définition des fondations et donc pour la solidité de l'immeuble, une différence de la consistance des sols par rapport à celle qui avait été retenue à l'issue des premiers sondages effectués par la société Sol Conseil Sondages ; qu'en raison de cette abstention fautive, en limitant à 90 % la garantie de sa condamnation par la société Sol, les premiers juges ont fait une juste appréciation des faits de l'espèce ;

Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la SOCIETE BUREAU VERITAS ne peut, pour s'exonérer de sa responsabilité, invoquer les carences des autres constructeurs ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient dû tenir compte des fautes ayant pu être commises par le maître d'oeuvre, le bureau d'études et l'entreprise générale et déduire en conséquence de la somme totale exposée par la Compagnie GAN Eurocourtage IARD le montant des indemnités qui auraient pu être mises à leur charge si leur responsabilité avait été recherchée par cette dernière ;

Considérant, enfin, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts au taux légal dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que, par suite, le moyen tiré par la SOCIETE BUREAU VERITAS de ce que la Compagnie GAN Eurocourtage IARD ne pouvait prétendre aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité qui lui était due qu'à compter des dates auxquelles elle a réglé les sommes en cause à son assuré et non à partir de la date d'enregistrement de sa demande présentée devant le tribunal administratif doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE BUREAU VERITAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles l'a condamnée solidairement avec la société SCS Gestion à verser à la Compagnie GAN Eurocourtage IARD le montant total de l'indemnité de 4 915 333,12 €, a limité à 90 % sa garantie par cette société et a fixé le point de départ des intérêts au taux légal afférents à la somme précitée au 26 mars 1996, date d'enregistrement de la demande au fond présentée par la compagnie devant le Tribunal administratif de Versailles ;

En ce qui concerne les conclusions d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la SOCIETE BUREAU VERITAS, n'implique aucune mesure d'exécution par la Compagnie Eurocourtage IARD en sa qualité de subrogée aux droits de la Région d'Ile-de-France ; que les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint à cette compagnie de lui restituer les sommes versées en exécution du jugement attaqué doivent, en conséquence, être rejetées ;

Sur l'appel incident de la Compagnie Eurocourtage IARD et de la société E.G.C.M. :

Considérant que la Compagnie Eurocourtage IARD et la société E.G.C.M. demandent à la Cour, par la voie du recours incident, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas inclus les frais d'expertise dans le montant de l'indemnité fixé dans son article 1er ; qu'il y a lieu, en tout état de cause, de rejeter ces conclusions par adoption des motifs retenus par les premiers juges sur ce point ;

Sur les appels provoqués de la société SCS Gestion et de la société Sofresid :

Considérant que le présent arrêt n'aggrave pas la situation de la société SCS Gestion et de la société Sofresid ; que, dès lors, leurs appels provoqués tendant, pour la première, à demander la réformation du jugement attaqué en ce qui concerne le quantum de l'indemnité, le point de départ des intérêts et les pourcentages de sa garantie par les sociétés E.G.C.M. et Sofresid et, pour la seconde, à solliciter la réformation du même jugement en ce qui concerne le montant de sa garantie, sont irrecevables et doivent, en conséquence, être rejetés ;

Considérant que, par voie de conséquence de tout ce qui précède, les conclusions de la SOCIETE BUREAU VERITAS et des sociétés SCS Gestion et Sofresid tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SOCIETE BUREAU VERITAS le paiement à la Compagnie Eurocourtage IARD et à la société E.G.C.M. d'une somme unique de 1 500 € au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE BUREAU VERITAS est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de la Compagnie GAN Eurocourtage IARD et de la société E.G.C.M. ainsi que les appels provoqués de la société SCS Gestion et de la société Sofresid sont rejetés.

Article 3 : La SOCIETE BUREAU VERITAS versera à la Compagnie GAN Eurocourtage IARD et à la société E.G.C.M. une somme unique de 1 500 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

04VE00689 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 04VE00689
Date de la décision : 27/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: M. Gildas DACRE-WRIGHT
Rapporteur public ?: M. BRESSE
Avocat(s) : PIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-06-27;04ve00689 ?
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