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08/06/2006 | FRANCE | N°04VE00164

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2eme chambre, 08 juin 2006, 04VE00164


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SOCIETE BRICORAMA FRANCE, dont le siège est situé ZAC Espace Saint-Louis Roanne (

42300), par Me Z... ;

Vu la requête, reçue par télécopie le...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SOCIETE BRICORAMA FRANCE, dont le siège est situé ZAC Espace Saint-Louis Roanne (42300), par Me Z... ;

Vu la requête, reçue par télécopie le 14 janvier 2004 et par courrier enregistré le 15 janvier 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la SOCIETE BRICORAMA FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0104736 du 4 novembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 1er octobre 2001 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial des Yvelines a autorisé l'implantation d'un magasin à l'enseigne Leroy-Merlin sur le territoire de la commune de Poissy ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de condamner solidairement l'Etat et la société Leroy-Merlin à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la séance de la commission n'était pas présidée par une autorité compétente et que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'en application de l'article 2 du décret du 14 juin 1950, le secrétaire général de la préfecture avait pu légalement suppléer le préfet ; qu'en effet, cette commission ne relève pas de l'administration de l'Etat dans le département ; que les seuls textes applicables sur ce point sont l'article L.720-1 et suivants du code du commerce et le décret du 9 mars 1993, lesquels ne prévoient pas que le préfet puisse être suppléé par le secrétaire général ; que, par ailleurs, c'est à tort également que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'absence de mandat de représentation des présidents des chambres consulaires au seul motif que la requérante n'en apportait pas la preuve, alors que seuls les services préfectoraux peuvent produire ces éventuels mandats ; que le tribunal a ainsi injustement renversé la charge de la preuve ; qu'aucune des pièces du dossier n'établit que M. X... ait été membre du bureau de la chambre de commerce et d'industrie et ait reçu mandat de la part du président ; qu'il en est de même pour M. D..., au titre de la chambre des métiers ; que la commune de Sartrouville ne démontre pas que l'adjoint au maire, M. C..., qui a remplacé le maire, était bien l'adjoint pouvant être désigné en application de l'article L.2122-17 du code général des collectivités territoriales ; que le tribunal n'a pas pris en considération les effets du projet sur la structure commerciale existante et le gaspillage des équipements commerciaux ; qu'il n'a d'ailleurs pas davantage pris en compte le caractère pour le moins contestable de la délimitation de la zone de chalandise ; qu'en réalité, il ne s'est pas livré à un contrôle normal sur tous ces éléments ; que la zone de chalandise retenue est manifestement surdimensionnée et que doivent en être exclues les communes de Maule, Aubergenville, Les Mureaux et Flins ; que c'est à tort qu'en présence de cette constatation, la commission a néanmoins retenu la faible représentation de l'enseigne dans le département ; que les données établies par l'INSEE en 1999 révèlent un marché théorique de 1 077,28 euros par ménage et par an, et même seulement 835 euros en excluant le poste « meubles » au lieu de 1 391 euros comme l'a retenu la commission ; qu'il en résulte que, pour l'année 2000, l'estimation ne s'élève qu'à 956 euros ; qu'en sens inverse, le chiffre d'affaires prévisionnel du projet a été sous-évalué et qu'il doit être fixé à 219 millions de francs et non 181 millions ; que le marché disponible doit être évalué à 125,9 millions de francs, soit 19,2 millions d'euros et non à 118,6 millions d'euros ;

………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de commerce ;

Vu le décret n°93-306 du 9 mars 1993 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2006 :

- le rapport de Mme Heers, président assesseur,

- les observations de Me Y..., pour la SOCIETE BRICORAMA FRANCE et de Me B..., pour la société Leroy-Merlin ;

- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 24 mai 2006, présentée pour la société Leroy-Merlin par Me A... ;

Sur la recevabilité de l'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article R.411-1 du code de justice administrative : « … La requête indique les nom et domicile des parties. .. » ; que ces dispositions ont pour objet de permettre non seulement l'identification du requérant mais, surtout, de permettre au greffe de le joindre en toute certitude ; que la société Leroy-Merlin se prévaut de ce que le Tribunal administratif de Versailles a été saisi par « la SOCIETE BRICORAMA FRANCE dont le siège social est ... à 94 120 Fontenay-sous-Bois » tandis que la requête d'appel est présentée pour « la SOCIETE BRICORAMA FRANCE… dont le siège est ZAC Espace Saint-Louis 42 300 Roanne », pour soutenir que la société appelante n'était pas partie à l'instance devant le tribunal administratif ; qu'il ressort des pièces du dossier que le siège social de la SOCIETE BRICORAMA FRANCE se situe à Roanne et que son président et son siège administratif sont domiciliés à Fontenay-sous-Bois ; que, contrairement à ce que soutient la société Leroy-Merlin, la recevabilité de la requête présentée par une société commerciale n'est pas subordonnée à la présentation de ses coordonnées complètes telles que prévues au code de commerce pour l'inscription au registre du commerce et des sociétés ; que l'erreur matérielle affectant la demande de première instance en ce qui concerne l'indication du siège social n'était pas de nature à faire obstacle à l'identification de la personne morale agissant en justice ni, surtout, à la possibilité, de joindre avec certitude la requérante dès lors qu'en tout état de cause le président de la société était domicilié à l'adresse indiquée ; que, par suite, la fin de non recevoir doit être écartée ;

Sur le désistement d'office en première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 612-5 du code de justice administrative : «Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi …, il est réputé s'être désisté.» ;

Considérant qu'un délai de dix jours à compter du 21 février 2002, date de réception par la SOCIETE BRICORAMA FRANCE de la mise en demeure du 19 février 2002, lui a été imparti pour produire le mémoire ampliatif annoncé dans sa requête sommaire ; que le mémoire ampliatif n'a été adressé au tribunal administratif, par télécopie, que le 12 mars suivant ; que, toutefois, le conseil de la société requérante établit avoir sollicité, par courrier adressé au greffe du Tribunal administratif de Versailles le 20 février 2002, une prorogation de quinze jours du délai qui lui avait été imparti et avoir reçu une réponse du 22 février, signée par délégation du greffier en chef, annonçant qu'un délai supplémentaire de quinze jours lui était accordé ; que si, comme le soutient la société Leroy-Merlin, seul l'auteur de la mise en demeure d'avoir à produire le mémoire annoncé, c'est-à-dire le président de la formation de jugement, pouvait régulièrement accorder une prorogation du délai, l'irrégularité ainsi commise par le tribunal administratif ne saurait être opposée au demandeur ; que, dès lors, la SOCIETE BRICORAMA FRANCE ne pouvait, nonobstant les dispositions précitées de l'article R. 612-5 du code de justice administrative, être réputée s'être désistée de sa demande ; que le Tribunal administratif de Versailles, qui a statué sur sa demande sans lui donner acte de son désistement, comme le demandait la société Leroy-Merlin, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant, en premier lieu, que sous réserve du cas où, en raison tant des missions conférées à un ordre professionnel qu'à son organisation à l'échelon local et au plan national, les dispositions législatives ou réglementaires prévoyant devant les instances ordinales une procédure obligatoire de recours administratif préalablement à l'intervention d'une juridiction doivent être interprétées comme s'imposant alors à peine d'irrecevabilité du recours contentieux à toute personne justifiant d'un intérêt lui donnant qualité pour introduire ce recours contentieux, une procédure de recours administratif préalable n'est susceptible de s'appliquer qu'aux personnes qui sont expressément énumérées par les dispositions qui en organisent l'exercice ;

Considérant que les dispositions de l'article 32 modifié de la loi du 27 décembre 1973, reprises à l'article L. 720-10 du code de commerce, prévoient, qu'à l'initiative du préfet, de deux membres de la commission ou du demandeur, la décision de la commission départementale d'équipement commercial peut faire l'objet d'un recours auprès de la commission nationale d'équipement commercial ; que le législateur a ainsi entendu réserver la saisine de la commission nationale d'équipement commercial aux seules personnes énumérées par les dispositions mentionnées ci-dessus ; qu'il suit de là que les tiers qui sont susceptibles de contester la décision de la commission départementale d'équipement commercial sont recevables à saisir directement la juridiction administrative ; que, par suite, la société Leroy-Merlin n'est pas fondée à soutenir que la demande présentée par la société BRICORAMA directement devant le tribunal administratif était entachée, pour ce motif, d'irrecevabilité ;

Considérant, en second lieu, que dès lors que la SOCIETE BRICORAMA FRANCE doit être regardée comme ayant saisi le tribunal administratif et qu'elle exploite un magasin à Orgeval, dans la zone de chalandise prise en considération pour délivrer l'autorisation contestée, la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir doit être écartée ;

Sur la légalité de l'autorisation contestée et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 10 du décret du 9 mars 1993 relatif à l'exploitation commerciale de certains établissements : “Pour chaque demande d'autorisation, un arrêté préfectoral fixe la composition de la commission” ; qu'aux termes de l'article 11 du même décret : “Les membres de la commission sont tenus de remplir un formulaire destiné à la déclaration des intérêts qu'ils détiennent et des fonctions qu'ils exercent dans une activité économique. Aucun membre ne peut siéger s'il n'a remis au président de la commission ce formulaire dûment rempli” ; qu'enfin, l'article 22 de ce décret dispose que : “Dans le délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement d'une demande d'autorisation, les membres de la commission départementale d'équipement commercial reçoivent, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, communication de cette demande accompagnée : - de l'arrêté préfectoral fixant la composition de la commission (…)” ; qu'il ressort tant de la portée que de l'objet de ces dispositions combinées, que le préfet du département doit, afin de permettre aux intéressés de s'assurer de l'impartialité de la commission, et sous peine de méconnaître une formalité substantielle, préciser l'identité des représentants éventuels des élus et autorités visées aux dispositions de l'article L. 720-8 du code de commerce ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des mentions de l'arrêté du 10 juillet 2001 du préfet des Yvelines que, pour déterminer la composition de la commission départementale d'équipement commercial appelée à se prononcer sur la demande de la société Leroy-Merlin France, ledit préfet s'est borné à désigner les élus locaux en précisant que les maires pouvaient se faire représenter conformément aux articles L.2122-17 et L.2122-18 du code général des collectivités territoriales et les représentants des compagnies consulaires au sein de cette commission par la seule indication de leur mandat, assortie de la mention “ou son représentant dûment mandaté”, sans les identifier nominativement ; qu'ainsi, cet arrêté préfectoral a méconnu les dispositions législatives et réglementaires précitées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE BRICORAMA FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions de la société Leroy-Merlin tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge, ainsi qu'à celle de l'Etat, le paiement à la SOCIETE BRICORAMA FRANCE de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°0104736 du Tribunal administratif de Versailles du 4 novembre 2003 et la décision de la commission départementale d'équipement commercial des Yvelines en date du 1er octobre 2001 sont annulés.

Article 2 : L'Etat et la société Leroy Merlin verseront solidairement à la SOCIETE BRICORAMA FRANCE une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Leroy-Merlin tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N°04VE00164

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 04VE00164
Date de la décision : 08/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. PELLISSIER
Avocat(s) : SEL RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-06-08;04ve00164 ?
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