Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Claude X, demeurant ..., par Me Dubault et Me Nerrant ;
Vu la requête, enregistrée le 28 octobre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9804498, en date du 24 juin 2003, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1992, 1993 et 1994 mises en recouvrement le 31 mai 1996 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la notification de redressement du 19 décembre 1995 n'est pas motivée en ce qu'elle n'est pas suffisamment explicite, claire et précise en ce qui concerne le mode de calcul des redressements, les éléments et documents permettant d'identifier les sommes en cause et les motifs pour lesquels le vérificateur a estimé que les sommes étaient disponibles, de sorte qu'il n'a pas été en mesure de formuler utilement des observations ; que cette notification a été établie au nom des deux époux, au lieu du nom du seul titulaire des revenus fonciers, ce qui l'a mis dans l'impossibilité de répondre et de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'en conséquence, les droits de la défense ont été méconnus ; que, s'agissant de la plus-value immobilière, l'administration n'a pas recherché si l'indivision qui était propriétaire de l'immeuble cédé était ou non taxable ; que, s'agissant des revenus fonciers, il n'est imposable que sur les sommes réellement perçues et non sur celles normalement dues qui ont été inscrites au passif de la SARL New Castle Bâti Fleuri, soit en dette, soit au crédit de son compte courant dans les écritures de cette société ; qu'en tout état de cause, les sommes versées sur un compte courant d'associé ne sauraient être qualifiées de revenus fonciers mais de revenus de capitaux mobiliers ; que l'intérêt de retard constitue, au moins pour partie, une réelle sanction et non pas simplement la réparation du préjudice financier subi par le Trésor Public, compte tenu de la différence entre les taux d'intérêt pratiqués sur les marchés financiers et le taux de l'intérêt de retard prévu par l'article 1727 du code général des impôts et devait, en conséquence, être motivé ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi du 6 fructidor an II ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 janvier 2006 :
- le rapport de M. Davesne, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;
Sur la plus-value immobilière :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : «L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (…) » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement du 19 décembre 1995 fait état, en ce qui concerne la plus-value immobilière, de la vente à M. Y, le 7 septembre 1993, pour un montant de 150 000 F, « à titre de licitation en vue de faire cesser l'indivision » d'un immeuble précisément identifié, acquis par l'indivision X-Y le 20 septembre 1984 pour un même montant, précise ensuite que cette plus-value est soumise à l'impôt sur le revenu conformément aux articles 150 A et suivants du code général des impôts et en définit les modalités de calcul ; qu'ainsi, M. X ne peut sérieusement soutenir que cette notification de redressement ne serait pas compréhensible compte tenu de l'utilisation des termes « licitation » et « indivision », de l'absence d'identification de l'acte notarié et de citation précise des articles du code général des impôts sur lesquels se fonde le redressement ; que la circonstance que la notification de redressement ne justifie pas les frais d'acquisition fixés à 10 %, le coefficient d'érosion monétaire de 1,32 et l'abattement retenu n'était pas de nature à empêcher M. X de critiquer utilement le mode de calcul de la plus-value qui était précisément exposé ; que, compte tenu de cette motivation, le requérant était en mesure de formuler utilement des observations ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 du code général des impôts : 1 ... Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles ... ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédé de la mention Monsieur ou Madame ; qu'aux termes de l'article L. 54 du livre des procédures fiscales : « Les procédures de fixation des bases d'imposition ou de rectification des déclarations relatives aux revenus provenant d'une activité dont les produits relèvent de la catégorie des bénéfices agricoles, des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux ou des revenus visés à l'article 62 du code général des impôts, sont suivies entre l'administration des impôts et celui des époux titulaire des revenus. Ces procédures produisent directement effet pour la détermination du revenu global » ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 54 A du même livre : Sous réserve des dispositions des articles L. 9 et L. 54, chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un deux sont opposables de plein droit à l'autre ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que M. X n'est pas fondé à soutenir que la notification de redressement du 19 décembre 1995, qui porte notamment sur une plus-value immobilière, laquelle ne relève pas de l'article L. 54 précité, serait irrégulière en ce qu'elle a été adressée à « M. ou Mme X », et non à son seul nom alors qu'il était seul titulaire du revenu catégoriel concerné ; qu'il ne peut utilement se prévaloir de l'instruction du 18 février 1985, publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts sous le n° 5 B-10-85 et de la documentation administrative de base référencée 13 L-1513 du 1er avril 1995 qui sont, en tout état de cause, relatives à la procédure d'imposition ; que, si le requérant soutient que la circonstance que la notification de redressement a été adressée à « M. ou Mme X » l'a privé de la possibilité de présenter des observations et de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il n'apporte, en tout état de cause, aucune précision à l'appui de ses allégations ;
Considérant, en troisième lieu, que s'il résulte de l'article 4 de la loi du 6 fructidor an II qu'il est expressément défendu à tous les fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille et les prénoms portés sur l'acte de naissance, la circonstance que, dans la notification de redressement du 19 décembre 1995, l'épouse de M. X a été désignée sous son nom de femme mariée et non sous son nom de naissance est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que, compte tenu de l'insuffisante motivation de la notification de redressement et de l'erreur commise quant au destinataire de celle-ci, les droits de la défense auraient été méconnus ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant que si M. X entend soutenir que la plus-value litigieuse n'est pas imposable au motif, d'une part, qu'elle aurait été réalisée à l'occasion du partage d'une indivision successorale ou d'une communauté conjugale et, d'autre part, qu'aucune soulte n'aurait été versée par l'attributaire aux autres copartageants, il ne résulte pas de l'instruction qu'il se serait trouvé dans l'une ou l'autre de ces hypothèses ; que le moyen doit dès lors, en tout état de cause, être écarté ;
Sur les revenus fonciers :
Considérant que l'administration a imposé M. X à raison des sommes portées au crédit du compte courant qu'il détient dans les écritures de la SARL New Castle Bâti Fleuri, correspondant à une partie des loyers dus par cette société à la SCI des Terrasses de la gare dont le requérant est associé et gérant ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 12 et 29 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers, sont celles qui, au cours de ladite année, ont été mises à la disposition du contribuable soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL New Castle Bâti Fleuri, qui a été liquidée le 8 janvier 1996 après avoir été déclarée en cessation de paiement le 18 décembre 1995, avait une trésorerie de 170 francs à la clôture des exercices 1993 et 1994 et un découvert bancaire de respectivement 1 358 504 F et 1 648 121 F ; qu'ainsi, la situation financière de la société faisait obstacle à ce que M. X opère un prélèvement sur son compte courant ; que, dès lors, les sommes figurant au crédit de ce compte au 31 décembre 1993 et au 31 décembre 1994 ne peuvent être regardées comme étant à la disposition de M. X ; qu'il s'ensuit que le requérant est fondé à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993 et 1994, sans qu'il soit besoin d'examiner, sur ce point, les autres moyens de la requête ;
Sur les intérêts de retard :
Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 p. 100 par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. ;
Considérant que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toutes natures subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que, si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, y compris au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; qu'est à cet égard sans influence la jurisprudence civile selon laquelle à défaut d'écrit préalable dans un contrat liant la banque à son client et fixant clairement le taux d'intérêt conventionnel applicable en cas de découvert non négocié, la sanction n'est pas la nullité de la stipulation d'intérêt mais l'application du taux d'intérêt légal ; que cette référence au taux des découverts non négociés, contrairement à ce que soutient le requérant, est pertinente, alors même qu'elle concerne les rapports entre personnes privées, dès lors que ni les agents de la direction générale des impôts, ni les banques, dans le cas de découverts non négociés, ne sont maîtres des délais qui leur sont imposés par les contribuables retardataires et qu'ils ne disposent pas nécessairement d'une garantie de solvabilité de ces derniers ; que la référence au taux de l'intérêt légal, qui ne reflète qu'imparfaitement le taux du marché monétaire, ne constitue pas une référence plus pertinente pour établir le caractère manifestement excessif du taux de l'intérêt appliqué à M. X ; qu'il en va de même du taux de rendement brut des obligations des sociétés privées ou du taux d'intérêt du marché monétaire qui concernent des situations différentes ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le contribuable, l'intérêt de retard constitue la réparation pécuniaire d'un préjudice et non une sanction ; qu'en tout état de cause, le moyen tiré de l'enrichissement sans cause de l'Etat ne saurait être invoqué à l'appui d'une contestation des intérêts de retard ; que la circonstance que le taux des droits supplémentaires mentionnés aux articles 1840 G ter à 1840 G quinquies du code général des impôts a été réduit depuis 1999 n'établit pas que les intérêts de retard auraient le caractère de sanction ; que la possibilité offerte à l'administration par l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à compter de l'année 2004, de procéder à des remises à titre gracieux des intérêts de retard est sans influence sur le taux de l'intérêt légalement applicable ; qu'en conséquence, doivent être écartés les moyens tirés du défaut de motivation au sens des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et de l'absence de modulation au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est que partiellement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : M. X est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes mises à sa charge au titre des années 1993 et 1994 à raison de l'imposition, dans la catégorie des revenus fonciers, des sommes portées au crédit de son compte courant dans les écritures de la SARL New Castle Bâti Fleuri.
Article 2 : Le jugement n° 9804498 du Tribunal administratif de Versailles, en date du 24 juin 2003, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
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