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20/12/2005 | FRANCE | N°03VE04719

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 20 décembre 2005, 03VE04719


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société ALCATEL CIT, dont le siège social est 12 rue de la Baume à Paris (75008

), par Me Espinal ;

Vu la requête, enregistrée le 19 décembre...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société ALCATEL CIT, dont le siège social est 12 rue de la Baume à Paris (75008), par Me Espinal ;

Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la société ALCATEL CIT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0000701, en date du 17 octobre 2003, par lequel le Tribunal administratif de Versailles, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements accordés, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1990, 1991 et 1992 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser le droit de timbre ainsi que les frais exposés et non compris dans les dépens ;

Elle soutient qu'elle n'a jamais fait preuve de complaisance à l'égard des agissements de MM. X et Y qui lui ont été révélés par la police judiciaire en avril 1993 et dont elle n'avait pas eu connaissance antérieurement ; que M. Y, directeur financier du département « transmission sur câbles », n'en était pas mandataire social ; que les irrégularités commises étaient difficilement décelables et pouvaient donc échapper à un contrôle normal de la société ; qu'alors que l'interlocuteur départemental avait estimé que le traitement fiscal des détournements de fonds serait réexaminé s'il était démontré, à l'issue des procédures judiciaires, qu'ils avaient été commis à l'insu de la société et de ses mandataires, ce qui a été le cas, les premiers juges n'en ont tiré aucune conséquence juridique ; qu'en abandonnant les pénalités de mauvaise foi afférentes à l'imposition de l'année 1992, l'administration a nécessairement admis que la société, qui n'avait pas connaissance des détournements, était de bonne foi ; que les premiers juges ont estimé que les dirigeants de la société avaient fait preuve de négligence confinant à la complicité passive alors que le tribunal de grande instance d'Evry, dans son jugement du 6 mai 1997, et la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 23 mars 1999, ont estimé que la société avait été victime de ses agissements ; que, ce faisant, le tribunal administratif a remis en cause la chose jugée au pénal ;

………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2005 :

- le rapport de M. Davesne, premier conseiller ;

- les observations de Me Espinal, avocat de la société requérante ;

- et les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : « Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) » ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 de ce code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant que l'administration a réintégré dans les résultats de la société ALCATEL CIT, au titre des années 1990, 1991 et 1992, des sommes portées en charges, correspondant à des détournements commis par deux de ses salariés, au motif que leur déduction ne correspond pas à une gestion commerciale normale ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la note du 30 août 1993 rédigée par le secrétaire général de la société ALCATEL CIT, que M. Y et M. X, tous deux salariés de cette entreprise dans laquelle ils exerçaient respectivement les fonctions de directeur financier depuis 1987 et de responsable du service des travaux d'entretien au sein du département « transmission sur câbles » situé à Villarceaux (Eure-et-Loir) qui était l'une des deux grandes divisions de la société, ont organisé des détournements de fonds consistant notamment en des facturations fictives ou des surfacturations à la société de travaux confiés à d'autres sociétés dans certaines desquelles ils détenaient des intérêts personnels ; que l'opacité du fonctionnement du département « transmission sur câbles », en même temps qu'une volonté de rationaliser les structures ont conduit, dès le 1er janvier 1990, la société ALCATEL CIT à rapprocher ce département de la branche « commutation publique » ; qu'alors que cette réorganisation a permis, en dépit des très vives résistances de la part du département « transmission sur câbles », la création, le 12 septembre 1990, d'une direction des achats unique, M. Y a conservé, en contradiction avec la logique de cette réforme, le pouvoir de conclure des contrats d'entretien et de prestations de service avec des fournisseurs extérieurs, dans la limite de 12,5 millions de francs ; que, si le système de détournements de fonds mis en place par MM. Y et X reposait sur des manipulations comptables destinées à les occulter, il est constant que de nombreuses factures comportaient des anomalies ou des irrégularités, telles qu'une imprécision du descriptif des prestations facturées, et que plusieurs factures avaient le même objet, ce qui, bien que non mis en évidence par les commissaires aux comptes, aurait pu être détecté par les organes de contrôle de la société avant que ces irrégularités ne soient mises en lumière par la police judiciaire en 1993 ; que, d'ailleurs, il ressort des énonciations de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 23 mars 1993 que « M. X était fréquemment, sinon systématiquement, sollicité par les cadres et dirigeants du centre de Villarceaux à l'occasion de travaux pour leur propre compte, tant pour le choix des entreprises (…) et recourait aux entreprises précitées qui le rémunéraient » ; qu'ainsi, les détournements de fonds réalisés par MM. Y et X, qui se sont élevés à 3 606 084 F en 1990, 6 585 387 F en 1991 et 7 846 239 F en 1993, ont été rendus possibles par la négligence des dirigeants de la société et la défaillance de son contrôle interne ; que la société ALCATEL CIT ne peut utilement se prévaloir de ce qu'aucun élément du jugement du Tribunal de grande instance d'Evry ou de la Cour d'appel de Paris n'établit la collusion entre MM. X et Y et les dirigeants et de ce que ces derniers n'auraient pas été les bénéficiaires des détournements de fonds, ces circonstances n'étant pas de nature à établir qu'ils n'auraient pu avoir connaissance de ces détournements s'ils n'avaient fait preuve de négligence dans l'exercice de leurs fonctions et ce, alors même que le département « transmission sur câbles » bénéficiait d'une large autonomie de gestion ; qu'elle ne saurait davantage invoquer l'abandon par l'administration fiscale des pénalités de mauvaise foi relatives à l'imposition de l'année 1992, qui a été décidé dans le cadre d'un accord transactionnel conclu avec la société ; qu'ainsi, le ministre établit que les détournements en cause ne peuvent être regardés comme ayant été réalisés à l'insu de la société ALCATEL CIT ;

Considérant que la société ALCATEL CIT ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir du courrier par lequel l'interlocuteur départemental l'informait que « si à l'issue des procédures judiciaires en cours, il venait à être démontré que les détournements ont été commis à l'insu de la société et de ses mandataires, leur traitement fiscal serait réexaminé », dès lors que, ainsi qu'il vient d'être dit, ces détournements ne peuvent être regardés comme ayant été commis à son insu ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré dans les résultats de la société, au titre des années 1990, 1991 et 1992, les sommes correspondant aux détournements de fonds organisés par M. Y et M. X ; que la société ALCATEL CIT n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions de la société ALCATEL CIT présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui ne sont au demeurant pas chiffrées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société ALCATEL CIT est rejetée.

03VE04719 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 03VE04719
Date de la décision : 20/12/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: M. Sébastien DAVESNE
Rapporteur public ?: M. BRESSE
Avocat(s) : ESPINAL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-12-20;03ve04719 ?
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