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06/10/2005 | FRANCE | N°02VE00323

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 06 octobre 2005, 02VE00323


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société DELEPLANQUE, dont le siège est situé 35 bis rue des Canus BP 100 Maison-

Laffitte Cedex (78603), par Me Pailhes ;

Vu la requête, enreg...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société DELEPLANQUE, dont le siège est situé 35 bis rue des Canus BP 100 Maison-Laffitte Cedex (78603), par Me Pailhes ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le 23 janvier 2002, par laquelle la société DELEPLANQUE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9600987 du 4 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1988 à 1990 sous les articles 74510, 74511 et 74512 , mises en recouvrement le 31 décembre 1993, et tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser 10 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'en établissant une distinction entre les objets de collection ou d'art et les autres éléments de l'actif immobilisé au regard des règles d'amortissement, le Tribunal administratif a commis une erreur d'interprétation de la loi commerciale, comptable et fiscale ; qu'il ne pouvait légalement subordonner l'amortissement des objets de collection à la démonstration de leur dépréciation ; qu'au surplus, ces objets subissent une altération au cours du transport et de leur exposition et doivent être renouvelés ; que la comptabilisation des amortissements participe de l'exigence de fidélité et de sincérité du bilan conformément à l'article 9 du code du commerce et à l'article 342 de la loi du 24 juillet 1966 portant statut des sociétés commerciales repris sous l'article 14 du code du commerce ; qu'à défaut, le dirigeant de la société serait coupable du délit de présentation de bilan ne donnant pas une image fidèle de l'entreprise, en application des articles 425-3°, 437-2° et 460 de la loi du 24 juillet 1966 ; qu'il n'y a pas lieu de procéder à une provision puisque la perte est certaine ; qu'en tout état de cause, les objets en litige ont effectivement subi une dépréciation lors d'un vente aux enchères qui a généré une perte d'un million de francs ; que la dépréciation étant manifeste, la société peut se prévaloir de la documentation administrative de base référencée 4D-122 ainsi que de la réponse ministérielle faite au sénateur X, publiée au journal officiel des débats du Sénat du 31 janvier 1980, page 210 sous le n° 30 515 ; que l'article 238 bis AB du code général des impôts prévoit une déduction spéciale en faveur des entreprises qui achètent des oeuvres originales d'artistes vivants pour les exposer au public ; qu'il n'existe aucune interdiction de principe à l'amortissement des oeuvres d'art ; que les objets concernés ne peuvent pas être qualifiés d'objets de collection ; qu'ils sont utilisés pour la confection de publications professionnelles et pour des expositions ; qu'ils sont ainsi des objets de documentation ; qu'ils ne sont pas des objets de collection au sens du code des douanes et du tarif douanier commun ; qu'ils ne présentent pas les caractéristiques des objets de collection que sont la rareté, l'usage non conforme à leur destination initiale, un commerce spécial et une valeur élevée ;

………………………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2005 :

- le rapport de M. Blin, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Sur l'application de la loi fiscale :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (…) 2° Sauf s'ils sont pratiqués par une copropriété de navires, les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (…) » ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 septembre 1988, 1989 et 1990, l'administration a remis en cause les amortissements pratiqués par la société DELEPLANQUE sur des objets de collection et de « documentation » ; que la société DELEPLANQUE, qui exerce notamment l'activité de promotion et de commercialisation de produits issus de l'industrie sucrière et d'intermédiaire en ce qui concerne les semis de graines de betteraves sucrières, a comptabilisé, d'une part, sous le poste intitulé « objets de collection » des sucriers, des saupoudreuses, des pièces ménagères en argent et autres objets, anciens pour la plupart d'entre eux et en rapport avec la consommation de sucre, d'autre part, sous le poste « autres objets de documentation » des cartes postales, gravures et documents divers en relation avec le sucre ; que ces objets sont entreposés dans des pièces de stockage et des vitrines installées dans les locaux de l'entreprise ouverts au public et sont exposés lors de manifestations ou servent à produire des photographies et des supports publicitaires ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société DELEPLANQUE, le Tribunal administratif a pu à bon droit estimer qu'il appartenait à la société de démontrer que l'usage professionnel de ces objets entraînait leur dégradation et leur dépréciation régulière ;

Considérant que la société DELEPLANQUE fait valoir que les objets en litige seraient, non pas des objets de collection, mais des « objets de documentation » ; que, toutefois, quelle que soit la qualification donnée à ces objets et si la requérante soutient que ces objets se détérioreraient lors de leur transport dans diverses expositions et en fonction de leur utilisation à des fins de marketing, elle n'établit pas, en l'absence de pièces justificatives, notamment eu égard au prix unitaire élevé de ces objets et à leur ancienneté, qu'ils seraient soumis à une dépréciation régulière du fait du temps et de leur usage professionnel ; que la circonstance que lors d'une vente aux enchères, une partie de ces objets a été vendue pour 1 125 041, 74 F alors que leur valeur d'achat était de 2 080 758, 68 F, ne peut, eu égard au caractère erratique du prix des objets de collection, être regardée comme la preuve d'une dépréciation de ces objets en fonction de l'usage professionnel et du temps ;

Considérant, par suite, que la société DELEPLANQUE ne peut utilement faire valoir qu'en application des articles 425-3°, 437-2° et 460 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales les dirigeants de société doivent présenter leur bilan en donnant une image fidèle de l'entreprise ; qu'elle ne peut davantage utilement se prévaloir des déductions spéciales prévues par l'article 238 bis AB du code général des impôts en faveur des entreprises qui achètent des oeuvres originales d'artistes vivants pour les exposer, qui ne concernent pas les amortissements ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société DELEPLANQUE n'est pas fondée à soutenir que, sur le fondement des dispositions précitées du code général des impôts, les objets en litige pouvaient faire l'objet d'un amortissement ;

Sur le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : « La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal » ; que le premier alinéa de l'article L.80 A dispose que : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration » ;

Considérant qu'aux termes de l'instruction 4 D 122 du 26 novembre 1996, « Dès lors qu'ils figurent à l'actif du bilan de l'entreprise, le matériel, l'outillage et le mobilier peuvent faire l'objet d'un amortissement déductible du bénéfice imposable » ; que, toutefois, les objets en litige et décrits ci-dessus, qui sont essentiellement des objets anciens, d'une valeur plus élevée que leur valeur d'usage, qui ne sont plus utilisés selon leur fonction d'origine et qui sont, pour la plupart d'entre eux, exposés au sein d'une collection, ne peuvent être regardés comme du matériel, de l'outillage ou du mobilier au sens de l'instruction précitée ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de ladite instruction ;

Considérant que la société DELEPLANQUE invoque la réponse ministérielle faite à M. X, sénateur, publiée au journal officiel des débats du Sénat du 31 janvier 1980 ; que, toutefois, le ministre s'est borné à rappeler dans cette réponse relative à la location de tapisseries d'Aubusson aux fins de décoration de locaux professionnels que « les amortissements ont essentiellement pour objet de compenser la dépréciation permanente que subissent les éléments d'actif immobilisé d'une entreprise par l'effet de l'usage, du temps ou des progrès techniques. » ; que la circonstance qu'implicitement, il n'a pas exclu que ces tapisseries puissent faire l'objet d'amortissement si ces conditions étaient réunies, ne peut être regardée comme une interprétation formelle de la loi fiscale dont la requérante pourrait utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant que dans la notification de redressement du 27 août 1986 adressée à la société DELEPLANQUE à la suite d'une précédente vérification de comptabilité effectuée le 8 novembre 1985, le vérificateur a informé la société que les objets d'art et les cartes postales des collections de la société constituaient « des immobilisations susceptibles d'être amorties » et que les dépenses relatives à la constitution de collections n'étaient pas des dépenses immédiatement déductibles ; que, toutefois, l'administration a précisé ultérieurement dans une notification de redressements du 13 octobre 1986 que l'élément d'actif qui résultait des dépenses afférentes à la constitution de ces collections était susceptible d'être amorti «en cas de dépréciation » ; que, dès lors que la requérante ne justifie pas d'une telle dépréciation, elle ne peut utilement en tout état de cause se prévaloir de cette prétendue prise de position de l'administration ;

Considérant, enfin, que la circonstance que l'administration n'a procédé à aucun redressement sur les amortissements pratiqués par la société DELEPLANQUE sur les objets de collection pour les exercices clos en 1983 et 1984 ne peut être regardée comme une prise de position formelle d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, dont la requérante pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société DELEPLANQUE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 4 décembre 2001, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société DELEPLANQUE est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 02VE00323
Date de la décision : 06/10/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme ROBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre BLIN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : EYSSAUTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-10-06;02ve00323 ?
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