Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête, enregistrée le 29 juin 2020 sous le n° 20MA02108 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL02108 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire, enregistré le 24 septembre 2021, les communes de Tordères, Llauro, Montauriol, Villemolaque, Sainte-Colombe-de-la-Commanderie, Terrats, Caixas, Calmeilles, Castelnou et Trouillas, représentées par la SCP HGetC Avocats, ont demandé à la cour :
1°) avant-dire droit de visiter les lieux du projet par la mise en œuvre des mesures prévues à l'article R. 622-1 du code de justice administrative ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2020 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a délivré à la société Parc éolien de Passa l'autorisation environnementale d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent comprenant six éoliennes sur le territoire de la commune de Passa (Pyrénées-Orientales) ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutenaient que :
- l'arrêté méconnaît l'article R. 181-43 du code de l'environnement en ce qu'il ne comporte aucune condition de remise en état après cessation d'activité ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé concernant les dérogations accordées ;
- l'arrêté méconnaît l'article L. 181-3 du code de l'environnement en ce que les prescriptions qu'il prévoit n'assurent pas, au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, notamment le risque de feux de forêt, l'atteinte aux paysages, les dangers de pollution liés aux produits, l'atteinte à la nature et à l'environnement et les mesures d'évitement et de protection de l'avifaune, telle que l'aigle royal et l'aigle de Bonelli ;
- il méconnaît également l'article L 181-3 du code de l'environnement en ce qu'il n'assure pas, au titre de la dérogation pour destruction d'espèces protégées, le respect des conditions fixées au 4° de l'article L. 411-2 du même code ;
- il méconnaît les articles N1, N2, N10 et N11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Passa.
Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 6 novembre 2020, la commune de Tresserre, représentée par la SCP HGetC Avocats, a déclaré intervenir à l'instance et s'associer à la requête et aux moyens et conclusions des parties requérantes.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 26 juillet 2021 et le 12 janvier 2022, la société par actions simplifiée Parc éolien de Passa, représentée par Me Elfassi, a conclu :
1°) au rejet de la requête et de l'intervention volontaire ;
2°) à titre subsidiaire, au sursis à statuer le temps que l'autorisation soit régularisée, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;
3°) à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de chacune des communes requérantes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutenait que :
- à titre principal, les communes ne justifient pas de leur capacité à agir et de leur intérêt à agir ;
- l'intervention de la commune de Tresserre est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir et défaut d'énoncé de moyen ;
- à titre subsidiaire, aucun des moyens soulevés par les communes requérantes n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2021, le ministre de la transition écologique a conclu au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, au sursis à statuer pour permettre la régularisation de l'autorisation, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
Il soutenait qu'aucun des moyens soulevés par les communes requérantes n'est fondé.
Par un arrêt n° 20TL02108 du 8 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse a admis l'intervention de la commune de Tresserre et rejeté la requête de la commune de Tordères et des autres communes.
Procédure devant le Conseil d'État
Par une décision nos 471141, 471146 du 18 avril 2024, le Conseil d'État statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par la commune de Tordères et les autres communes, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 8 décembre 2022 et lui a renvoyé l'affaire.
Procédure devant la cour après cassation :
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 14 mai, 26 juillet et 23 septembre 2024, la société Parc éolien de Passa, représentée par Me Elfassi, persiste dans ses écritures et porte ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la somme de 3 000 euros pour chacune des communes requérantes.
Elle soutient en outre que le projet doit bénéficier de la présomption de raison impérative d'intérêt public majeur prévue par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023.
Par deux mémoires complémentaires, enregistré les 6 juin et 16 septembre 2024, les communes de Tordères, Llauro, Montauriol, Villemolaque, Sainte-Colombe-de-la-Commanderie, Terrats, Caixas, Calmeilles, Castelnou et Trouillas, ainsi que la commune de Tresserre, intervenante volontaire, représentées par la SCP HGetC Avocats, persistent dans leurs écritures.
Elles soutiennent en outre que :
- le projet ne remplit pas les conditions posées par le décret n° 2023-1366 du 28 décembre 2023 pour bénéficier de la présomption de reconnaissance d'une raison impérative d'intérêt public majeur ;
- ce décret est inapplicable, dès lors qu'il méconnaît le principe de non-régression fixé par l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;
- la présomption, qui est simple, doit être renversée, compte tenu du motif retenu par le Conseil d'État dans sa décision du 18 avril 2024.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 22 juillet et 23 septembre 2024, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le projet est réputé répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur ;
- les autres moyens soulevés par les communes requérantes ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 22 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 ;
- la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 ;
- le décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016 ;
- le décret n° 2023-1366 du 28 décembre 2023 ;
- l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,
- les observations de Me Renaudin pour la commune de Tordères, les autres communes requérantes et la commune de Tresserre,
- et les observations de Me Bergès pour la société Parc éolien de Passa.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande du 20 décembre 2017, complétée les 18 janvier et 7 juin 2019, la société Parc éolien de Passa a sollicité la délivrance d'une autorisation environnementale pour l'exploitation d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent comprenant six éoliennes sur le territoire de la commune de Passa. Par un arrêté du 28 février 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales a accordé cette autorisation, tenant également lieu d'autorisation de défrichement et de dérogation " espèces et habitats protégés ". Cette dérogation concerne 81 espèces d'oiseaux, 23 de chiroptères, 4 d'amphibiens, 7 de reptiles, 1 d'insectes, 2 de mammifères terrestres et 1 espèce de flore. Par un arrêt du 8 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté la requête de la commune de Tordères et des autres communes, tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 février 2020. Par une décision nos 471141, 471146 du 18 avril 2024, le Conseil d'État statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par la commune de Tordères et les autres communes, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.
Sur l'intervention de la commune de Tresserre :
2. En application de l'article R. 181-50 du code de l'environnement, les autorisations environnementales peuvent être déférées à la juridiction administrative " par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 ". L'article L. 511-1 du même code, auquel renvoie l'article L. 181-3, vise les dangers et inconvénients " soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Pour pouvoir contester une autorisation environnementale, les collectivités territoriales doivent justifier d'un intérêt suffisamment direct et certain leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour elles l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de leur situation, de la configuration des lieux et des compétences que la loi leur attribue.
3. Compte tenu de l'implantation du projet en litige, de son impact visuel et des nuisances occasionnées par le cheminement des engins liés au chantier, la commune de Tresserre justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'autorisation en litige. Par suite, et alors même que la commune intervenante ne se prévaut d'aucun moyen propre mais déclare s'associer pleinement à l'argumentation développée par les communes requérantes, son intervention est recevable.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la régularité de l'arrêté préfectoral du 28 février 2020 :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 181-43 du code de l'environnement : " L'arrêté d'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. Il comporte notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation et leurs modalités de suivi qui, le cas échéant, sont établies en tenant compte des prescriptions spéciales dont est assorti le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable en application de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme. Lorsque l'autorisation environnementale est accordée dans le cadre d'un projet, au sens de l'article L. 122-1, dont la réalisation incombe à plusieurs maîtres d'ouvrage, le préfet identifie, le cas échéant, dans l'arrêté, les obligations et les mesures d'évitement, de réduction et de compensation relevant de la responsabilité de chacun des maîtres d'ouvrage. / Il comporte également : / (...) 4° Les conditions de remise en état après la cessation d'activité (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que, dans sa demande d'autorisation, le pétitionnaire a prévu qu'à l'arrêt de l'installation, le site sera remis en état pour l'adapter à l'usage auquel son détenteur le destinera. Selon cette demande, trois mois avant l'arrêt de l'exploitation, le pétitionnaire déposera en préfecture un dossier définissant les mesures et les moyens prévus pour assurer la remise en état, notamment l'évacuation des matières encore présentes, la décontamination des équipements, le démantèlement des installations, l'excavation d'une partie des fondations, la valorisation ou l'élimination des déchets. En prévoyant à l'article 13 de l'autorisation contestée la remise en état du site, le préfet doit être regardé comme ayant imposé au pétitionnaire de se conformer aux engagements souscrits dans la demande d'autorisation. Cet article précise par ailleurs que la remise en état devra intervenir dès la fin de l'exploitation et que les terrains seront remis en état, sauf si leur propriétaire souhaite le maintien des aires de grutage et des chemins d'accès. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté en litige ne satisfait pas aux exigences de l'article R. 181-43 précité du code de l'environnement.
6. En second lieu, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées : " La décision précise : / (...) / En cas d'octroi d'une dérogation, la motivation de celle-ci et, en tant que de besoin, en fonction de la nature de l'opération projetée, les conditions de celle-ci, notamment ; / (...) / - nombre et sexe des spécimens sur lesquels porte la dérogation ; / (...) / - qualification des personnes amenées à intervenir ; / - description du protocole des interventions ; / - modalités de compte rendu des interventions (...) ".
7. L'opération projetée, consistant en la construction et l'exploitation d'un parc éolien, ne nécessitait pas l'indication, au demeurant quasiment impossible à recueillir, du nombre et du sexe des spécimens concernés par la dérogation sollicitée. Compte tenu, en outre, des informations figurant dans le dossier de demande, l'absence de mention précise du nombre et du sexe des espèces concernées par la dérogation est sans incidence sur la régularité de l'arrêté contesté. Par ailleurs, la qualification des personnes amenées à intervenir est précisée à l'article 4.4.6 de l'arrêté en litige, selon lequel les mesures de compensation et de suivi seront assurées par un écologue compétent pour les chiroptères et l'avifaune ainsi qu'en suivi de chantier. Enfin, la description du protocole des interventions est mentionnée dans les mesures de suivi prévues aux articles 4.4.7.5, 4.4.8 et dans les mesures de compensation et de suivi figurant aux articles 4.4 et 4.5 de l'arrêté en litige. Ces rubriques sont ainsi suffisamment renseignées au regard des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 19 février 2007.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'arrêté préfectoral du 28 février 2020 :
S'agissant des atteintes au titre de l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
8. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / L'autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier ".
9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients, soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.
Quant au risque de feux de forêt :
10. Il résulte de l'étude de dangers que l'aire rapprochée du projet se trouve dans un massif boisé au risque incendie faible en raison du contexte viticole qui crée des espaces plus ouverts. Si au-delà de l'aire d'étude, un aléa fort est présent, en raison de la quantité de combustible plus importante liée à une large couverture boisée, l'effet potentiel d'un risque de départ de feu résultant du parc éolien, soit le suraccident lié à l'éolienne, est considéré comme négligeable. En outre, différentes mesures au sein des éoliennes sont mises en œuvre afin de maîtriser les risques occasionnés par la foudre ou encore l'échauffement des pièces, en complément des mesures de sécurité fixées par l'article 24 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations éoliennes soumises à autorisation qui sont de nature à prévenir le risque incendie au sein de ces installations. Toutefois, les communes requérantes font valoir que la hauteur des aérogénérateurs constitue un obstacle à la navigation aérienne des engins de lutte contre l'incendie dès lors que les contraintes techniques énoncées par le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Orientales mettent en évidence une restriction des moyens par avion bombardier d'eau au droit des installations pour la protection des biens et des personnes. Néanmoins, il résulte de l'instruction que l'arrêté en litige compense cette carence par une facilitation des moyens de lutte et de diminution du risque au sol, en prescrivant en particulier, en ses articles 2.3.1 et 2.3.2, conformément aux réserves émises par le même service dans son avis favorable du 12 juillet 2018, l'entretien régulier et la conformité aux normes de défense des forêts contre l'incendie des pistes susceptibles d'être utilisées par les pompiers, ainsi que le débroussaillement complémentaire des pistes d'accès aux éoliennes afin de créer une bande continue de 30 mètres entre les disques centraux des aérogénérateurs, la création d'une piste de liaison avec une bande de débroussaillement de 20 mètres de part et d'autres, le débroussaillement complémentaire permettant la constitution d'une bande de réduction de combustible continue au niveau de trois éoliennes et enfin l'amélioration d'une piste afin qu'elle corresponde à la catégorie 3 du guide de normalisation zonal des équipements de défense des forêts contre l'incendie. Alors que le délai de trois mois prescrit pour le débroussaillement est suffisant et que l'implantation des éoliennes permet d'assurer le passage des avions bombardiers d'eau dans l'axe principal de la rose des vents en cas d'intervention sur le massif de la forêt du Réart, il est enfin prévu l'installation d'une citerne supplémentaire de 30 mètres cubes sur ce site et la mise en place d'un dispositif de surveillance dit " guet aérien " s'appuyant sur la circulation d'un avion léger non contraint par un vol à basse altitude. Dans ces conditions, la seule circonstance que, dans un avis du 19 février 2018, la direction départementale des territoires et de la mer des Pyrénées-Orientales a estimé que le positionnement d'un des six aérogénérateurs ne pouvait être conservé, dès lors qu'il constituait un obstacle à une intervention aérienne au niveau de la partie sud de la forêt du Réart, ne permet pas de remettre en cause les conclusions de l'étude de dangers et de l'avis du 12 juillet 2018 et de démontrer l'existence d'un risque particulier d'incendie ou l'insuffisance des mesures de compensation prescrites, susceptible de faire obstacle au projet. Il en est de même de la survenue, le 12 septembre 2024, d'un incendie de végétation au niveau du massif des Aspres, dans une zone située à plus de douze kilomètres du site du projet, alors même qu'il a nécessité une intervention importante d'engins aériens.
Quant aux risques de fuite et de pollution :
11. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude de dangers que la majorité des produits recensés est " légèrement dangereux pour l'eau (WHC) ", " comporte un danger pour l'eau (WHC) ", que ces produits peuvent donc être toxiques pour les organismes aquatiques et peuvent entraîner des effets néfastes à long terme pour l'environnement aquatique en cas de déversement au sol ou dans les eaux. La même étude précise qu'une pollution du milieu est à envisager par les produits ainsi recensés, même si leurs dangerosités restent majoritairement faibles, et conclut qu' " aucune incompatibilité ou interaction chimique n'est à envisager " et que ces " produits ne présentent pas de réel danger si ce n'est lors d'incident lié à un incendie ou d'un déversement accidentel dans l'environnement pouvant entraîner des effets sur les organismes et l'environnement aquatiques ou une pollution des sols ". Le risque de pollution accidentelle des milieux a ainsi été pris en compte au stade de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale et il résulte également de l'instruction qu'aucun périmètre de protection de captages d'eaux destinés à l'alimentation en eau potable n'est concerné par le projet. Dans ces conditions, alors que les polluants contenus dans une éolienne en fonctionnement normal sont en quantité limitée et cantonnés dans des dispositifs étanches et couplés à des dispositifs passifs de récupération des fuites accidentelles depuis le moyeu ou la nacelle, le moyen tiré de l'insuffisance du projet et des mesures qu'il prévoit concernant ce risque doit être écarté.
Quant à l'atteinte à la biodiversité :
12. Il résulte de l'instruction que le peuplement d'oiseaux de la zone d'étude est composé à 82 % d'espèces " communes " à " très communes " et à 18 % d'espèces " rares " à " assez rares " et que l'étude d'impact a qualifié les enjeux de " forts partout " sur l'aire d'étude rapprochée pour les espèces nicheuses et de " faibles partout " pour les migrateurs et les hivernants. Eu égard aux volets étayés et circonstanciés de l'impact du projet sur l'avifaune, les communes requérantes, qui n'apportent pas d'éléments permettant de remettre en cause les méthodes utilisées pour l'inventaire et la détermination des enjeux patrimoniaux, ne sont pas fondées à soutenir que le volet " faune " est insuffisant s'agissant de l'analyse des impacts du projet sur les populations concernées. S'agissant plus précisément de la protection de l'avifaune, il ne résulte pas de l'étude d'impact que la présence de l'aigle royal et de l'aigle de Bonelli soit identifiée sur le site d'implantation du projet, la zone concernant le domaine vital de l'aigle de Bonelli se situant à une vingtaine de kilomètres du projet autorisé et l'espèce étant seulement susceptible de fréquenter la zone. En l'absence de présence avérée sur l'aire d'étude rapprochée ou ses marges, l'étude a estimé l'espèce avec une sensibilité faible au risque de collision, aucune autre sensibilité au projet n'étant retenue. S'agissant du milan royal, l'impact résiduel est évalué à un niveau " nul " en phase de travaux et à un niveau " négligeable " en phase d'exploitation. Par ailleurs, l'arrêté en litige prescrit, conformément aux préconisations de l'étude d'impact, des mesures générales de préservation, notamment par un système de détection et d'effarouchement des oiseaux et de régulation automatisée des éoliennes à des distances d'alerte suffisantes pour les espèces protégées cibles, à savoir l'aigle royal, la bondrée apivore, le busard cendré, le circaète Jean-le-blanc et le milan noir. Enfin, des mesures compensatoires des surfaces d'habitat de chasse par le projet sont prévues pour une superficie d'environ 6,5 hectares, concernant en priorité les rapaces et notamment l'aigle royal en cas de perte d'habitats résultant de la mise en œuvre de la mesure d'effarouchement. Alors que les textes n'imposent pas au pétitionnaire de démontrer qu'il dispose de la maîtrise foncière des terrains sur lesquels ces mesures doivent être mises en œuvre, contrairement à ce que font valoir les communes requérantes, les conventions et accords fonciers pour la sécurisation des espaces ont été régulièrement transmis à l'autorité préfectorale à la date de l'arrêté en litige. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures explicites et précises seraient insuffisantes ou trop vagues pour préserver l'avifaune alors que, dans le cadre de ses pouvoirs de police, le préfet a toujours la faculté de contraindre la société pétitionnaire à les respecter en cas d'atteinte à l'environnement.
Quant à l'atteinte aux paysages et au patrimoine historique :
13. Il résulte de l'instruction que l'évaluation des impacts paysagers de l'étude paysagère et l'analyse détaillée des impacts et mesures sur le patrimoine et le paysage dans l'étude d'impact, recensent les différents intérêts paysagers et la réalité de l'impact visuel induit par le projet autorisé, notamment au vu de photomontages dont le caractère suffisant n'est pas sérieusement contesté. S'agissant du massif du Canigou, classé Grand site de France, le projet éolien de Passa n'occupe qu'un faible pourcentage de la zone sud, pour permettre un recul important face aux lieux d'habitat. Cette implantation minimise ainsi les covisibilités avec le Canigou et le choix d'une implantation radiale en deux lignes des éoliennes axées vers le massif du Canigou permet de localiser le projet dans un angle peu étendu pour les vues depuis le massif, de sorte que cette implantation permet d'éviter un potentiel effet barrière pour les secteurs de covisibilité directe depuis la plaine. En outre depuis le col de Palomère, point de vue typique depuis le massif du Canigou, l'ensemble du parc éolien de Passa est masqué par les versants des vallées rayonnantes du Canigou, l'éloignement limitant fortement sa perception. S'agissant du paysage des Aspres, du massif des Albères et de la montagne de Céret, la présence du parc de Passa depuis ses hauteurs reste faible, soit composant un point de transition entre les massifs des Aspres et la plaine du Roussillon, soit se mêlant aux taches urbaines claires qui ponctuent la plaine, soit se confondant avec la ligne de panorama ou s'affichant sur fonds clair atténuant sa netteté avec le paysage. Enfin, les impacts sur le patrimoine protégé sont évalués à un niveau " nul à faible " par l'étude d'impact. Dans ces conditions, la présence des éoliennes dans ce site n'est pas susceptible de modifier significativement la perception visuelle des paysages et compte tenu des distances, si des covisibilités seront possibles entre certains sites naturels avoisinants et le parc éolien, celles-ci, qualifiées de " faibles " dans l'étude paysagère, seront peu perceptibles. Par conséquent, le moyen tiré de l'atteinte aux paysages, aux sites et au patrimoine doit être écarté.
Quant à l'évaluation du risque de mitage et de l'atteinte aux lieux avoisinants :
14. Il résulte de l'instruction que l'étude paysagère présente une analyse des effets cumulés avec l'Eco Parc Catalan situé à 17 kilomètres du projet du parc de Passa, concluant à l'existence d'une faible relation visuelle entre eux, et n'identifie aucun phénomène de mitage paysager. Si la mission régionale d'autorité environnementale a relevé, dans son avis, que ce projet peut marquer l'ouverture d'un nouveau secteur à l'implantation d'autres projets industriels éoliens, il ne résulte pas de l'instruction que la prégnance et le mitage du paysage par des éoliennes, du fait de la présence ou de la programmation d'autres parcs éoliens proches, auraient été sous-estimés par cette évaluation. Il résulte ainsi des éléments versés que les situations décrites ne sont pas de nature à porter une atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
S'agissant de la méconnaissance des conditions prévues à l'article L. 411-2 du code de l'environnement :
15. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement (...) ".
16. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
Quant à la raison impérative d'intérêt public majeur :
17. Il appartient au juge des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation, et d'appliquer les règles de fond applicables au projet en cause en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.
18. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 411-2-1 du code de l'environnement : " Sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du présent code, les projets d'installations de production d'énergies renouvelables ou de stockage d'énergie dans le système électrique satisfaisant aux conditions prévues à l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie ". Ce dernier article, auquel il est ainsi renvoyé, dispose que : " Les projets d'installations de production d'énergies renouvelables au sens de l'article L. 211-2 du présent code ou de stockage d'énergie dans le système électrique, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d'énergie, sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, dès lors qu'ils satisfont à des conditions définies par décret en Conseil d'État. / Ces conditions sont fixées en tenant compte du type de source d'énergie renouvelable, de la puissance prévisionnelle totale de l'installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs mentionnés aux 1° et 2° du présent article ; / 1° Pour le territoire métropolitain, la programmation pluriannuelle de l'énergie mentionnée à l'article L. 141-2, en particulier les mesures et les dispositions du volet relatif à la sécurité d'approvisionnement et les objectifs quantitatifs du volet relatif au développement de l'exploitation des énergies renouvelables, mentionnés aux 1° et 3° du même article L. 141-2 (...) ". Aux termes de l'article R. 411-6-1 du code de l'environnement : " Sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 : / 1° Les projets d'installations de production d'énergies renouvelables ou de stockage d'énergie dans le système électrique, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d'énergie, au sens de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie, lorsqu'ils satisfont aux conditions prévues par les articles R. 211-1 à R. 211-12 du code de l'énergie (...) ". L'article R. 211-2 de ce code dispose que : " Un projet d'installation située à terre produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent sur le territoire métropolitain continental satisfait aux conditions prévues à l'article L. 211-2-1 si : / 1° La puissance prévisionnelle totale de l'installation est supérieure ou égale à 9 mégawatts ; / 2° La puissance totale du parc éolien terrestre raccordé à ce territoire, à la date de la demande de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 du code de l'environnement est inférieure à l'objectif maximal de puissance du parc éolien terrestre sur ce territoire, défini par le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie mentionnée à l'article L. 141-1 du code de l'énergie ". Insérées par le décret du 28 décembre 2023 susvisé, pris pour l'application, sur le territoire métropolitain continental, de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie et publié au Journal officiel de la République française le 30 décembre 2023, ces dispositions sont entrées en vigueur au lendemain de la publication du décret.
19. En premier lieu, les communes requérantes soutiennent, par la voie de l'exception, que le décret du 28 décembre 2023 pris pour l'application, sur le territoire métropolitain continental, de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie et de l'article 12 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023, et dont sont issus les articles R. 411-6-1 du code de l'environnement et R. 211-2 du code de l'énergie, méconnaît le principe de non-régression fixé par l'article L. 110-1 du code de l'environnement. Les dispositions du II de cet article énoncent au nombre des principes qui, " dans le cadre des lois qui en définissent la portée ", inspirent les politiques de l'environnement : " 9° Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment (...) ". Ce principe s'impose au pouvoir réglementaire lorsqu'il détermine des règles relatives à l'environnement. Il ne peut toutefois être utilement invoqué lorsque le législateur a entendu en écarter l'application dans un domaine particulier ou lorsqu'il a institué un régime protecteur de l'environnement et confié au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions de mise en œuvre de dérogations qu'il a lui-même prévues à ce régime. Au cas présent, la présomption de reconnaissance d'une raison impérative d'intérêt public majeur pour certains projets résulte de dispositions législatives dont le décret du 28 décembre 2023 se borne à préciser les conditions d'application. Il s'ensuit que le principe de non-régression énoncé à l'article L. 110-1 du code de l'environnement ne peut être utilement invoqué à l'encontre de ce décret.
20. En deuxième lieu, d'une part, il ressort des mentions de l'article 2.1 de l'arrêté attaqué que l'autorisation en litige a été délivrée pour une puissance prévisionnelle totale de 21,6 mégawatts. Le projet satisfait donc à la première condition mentionnée par l'article R. 211-2 du code de l'énergie. D'autre part, en vertu de l'article 3 du décret du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui était applicable au 20 décembre 2017, date à laquelle la société Parc éolien de Passa avait présenté sa demande de dérogation, l'objectif de développement de l'énergie éolienne terrestre en France métropolitaine continentale était fixé à une puissance totale installée de 15 000 mégawatts au 31 décembre 2018 et à une puissance totale installée comprise entre 21 800 et 26 000 mégawatts au 31 décembre 2023. Il résulte de l'instruction, notamment du " tableau de bord éolien " établi par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires au titre du quatrième trimestre 2017, que la puissance totale du parc éolien terrestre raccordé sur le territoire métropolitain n'avait pas atteint, au 20 décembre 2017, date à laquelle il convient de se placer selon les termes du 2° de l'article R. 211-2 du code de l'énergie, l'objectif maximal de puissance fixé par l'article 3 du décret du 27 octobre 2016. La seconde condition prévue par l'article R. 211-2 du code de l'énergie est donc également remplie. Il en résulte que le parc éolien contesté est réputé répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c) du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, en application de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie.
21. En troisième lieu, la présomption instituée, quant à la reconnaissance d'une raison impérative d'intérêt public majeur, par les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie, mises en œuvre par les articles R. 411-6-1 du code de l'environnement et R. 211-2 du code de l'énergie, présente, pour cette reconnaissance, un caractère irréfragable pour les projets d'installations auxquels elle s'applique qui satisfont aux critères édictés. Les communes requérantes ne peuvent donc utilement soutenir que cette présomption doit être renversée. Cette dernière ne dispense toutefois pas ces projets du respect des autres conditions prévues pour la délivrance de la dérogation par l'article L. 411-2 du code de l'environnement, l'autorité administrative compétente devant s'assurer, sous le contrôle du juge, qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
Quant au respect des autres conditions :
22. Il résulte de l'instruction que le dossier de demande de dérogation pour la destruction d'espèces protégées a justifié de façon précise et circonstanciée l'absence de solution alternative et que le Conseil national de la protection de la nature a rendu le 25 mai 2019 un avis favorable sous conditions de mesures de réduction et de compensations suffisantes pour la biodiversité, lesquelles figurent dans l'arrêté en litige ainsi qu'il a été exposé au point 12 du présent arrêt s'agissant notamment des mesures de détection et d'effarouchement. La condition relative à l'absence d'autre solution satisfaisante, dont le respect n'est d'ailleurs pas précisément critiqué, doit donc être regardée comme remplie. Enfin, les communes requérantes ne contestent pas que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. Dans ces conditions, les conditions de délivrance de la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement étaient en l'espèce remplies.
23. Il résulte de ce qui a été dit aux points 15 à 22 que les moyens tirés de ce que les conditions prévues à l'article L. 411-2 du code de l'environnement ne sont pas remplies doivent être écartés.
En ce qui concerne la conformité avec le plan local d'urbanisme de la commune de Passa :
24. En premier lieu, l'article N1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Passa, applicable à la zone N dans laquelle se situe le projet, fixe la liste des occupations et utilisations du sol interdites dans cette zone. Le 4 de l'article N2 du même règlement autorise : " Les constructions et installations nécessaires aux services publics et d'intérêt collectif, liées à la voirie, aux réseaux divers à condition que toutes les précautions soient prises pour leur bonne intégration dans le site ".
25. Il résulte de l'instruction que le projet autorisé présente un intérêt public tiré de sa contribution à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public. Ce parc éolien est, par suite, au nombre des constructions et installations d'intérêt collectif liées aux réseaux divers mentionnés à l'article N2 du règlement du plan local d'urbanisme.
26. En deuxième lieu, aux termes de l'article N10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Passa : " (...) Exception faite des ouvrages publics, la hauteur des constructions ne peut excéder : / - 8 mètres pour les habitations et bâtiments agricoles, / - 3 mètres pour les abris de jardin (...) ". Outre que ces dispositions fixant la hauteur maximale des constructions ne sont applicables qu'aux habitations et aux bâtiments agricoles, l'installation du projet en litige présente un intérêt public tiré de sa contribution à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public. Ce parc éolien est par suite au nombre des " ouvrages publics " au sens et pour l'application de l'article N10 du règlement du plan local d'urbanisme. Par suite, les communes requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'autorisation en litige n'est pas conforme à ces dispositions.
27. En dernier lieu, aux termes de l'article N11 même règlement : " L'article R. 111-21 du code de l'urbanisme demeure applicable : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " / Toute construction devra participer à la mise en valeur du paysage naturel ou urbain existant, par la conception du plan masse, de l'architecture et du paysage. Les murs séparatifs, les murs pignons, les murs de clôtures, les constructions annexes doivent avoir un aspect qui s'harmonise avec celui des façades principales. / Les constructions seront conçues soit en reprenant des caractères architecturaux propres à la région, soit sur la base d'une architecture de qualité faisant appel aux recherches contemporaines en la matière. En tout état de cause, est exclue toute imitation d'architecture traditionnelle étrangère à la région. / Cependant, tout projet innovateur en termes de paysage et de développement durable (gestion des eaux de pluies, énergie renouvelable) peut, sous réserve d'un projet cohérent (volumes et matériaux), être accepté. À défaut, les dispositions énoncées au présent article s'appliquent (...) ".
28. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, lequel s'est substitué à l'article R. 111-21 mentionné à l'article N11 précité : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des (...) ouvrages à édifier (...), sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations.
29. Le projet éolien en litige s'inscrit dans un contexte paysager caractérisé par le massif du Canigou, classé Grand site de France, le massif des Albères, la montagne de Céret et le paysage des Aspres. Toutefois, les éléments mentionnés dans l'étude paysagère de l'étude d'impact, tels que rappelés point 13 du présent arrêt, ne permettent pas d'établir que l'implantation de six aérogénérateurs serait de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels compte tenu de la perception de ces installations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté en litige, des dispositions de l'article N11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Passa doit être écarté.
30. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la société Parc éolien de Passa et d'ordonner une visite des lieux en application de l'article R. 622-1 du code de justice administrative, que les communes requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 28 février 2020.
Sur les frais liés au litige :
31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune des communes requérantes le versement à la société Parc éolien de Passa de la somme de 150 euros en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de la commune de Tresserre est admise.
Article 2 : La requête de la commune de Tordères et des autres communes requérantes est rejetée.
Article 3 : La commune de Tordères et les autres communes requérantes verseront, chacune, à la société Parc éolien de Passa la somme de 150 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tordères, première dénommée, pour l'ensemble des communes requérantes, à la commune de Tresserre, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la société par actions simplifiée Parc éolien de Passa.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, où siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24TL01003 2