Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'union des industries de carrières et matériaux de construction (UNICEM) a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 14 avril 2020 de la préfète du Gard portant approbation du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) Vistre, nappes Vistrenque et Costières.
Par un jugement n° 2002471 du 21 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédures devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 mai 2023 et 23 janvier 2024, l'union des industries de carrières et matériaux de construction, représentée par Me Hercé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, ensemble l'arrêté du 14 avril 2020 du préfet du Gard ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il méconnaît les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, à défaut de justification de signature de la minute ;
- il est entaché de dénaturation des pièces du dossier en ce que la note du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) n'indique pas, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, que les nappes Vistrenque et Costières se caractérisent par leur faible profondeur et une protection naturelle limitée et qu'elles sont donc particulièrement vulnérables aux risques de pollution ; le ministre reconnaît que le tribunal n'a pas correctement apprécié les faits ;
- la règle n° 3 du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, qui interdit la création et l'extension de carrières dans les secteurs d'enjeu de niveau 1 des zones de sauvegarde et limite la création et l'extension de carrières à la frange dénoyée des alluvions de l'aquifère des cailloutis villafranchiens dans les secteurs d'enjeu de niveau 2 des zones de sauvegarde, présente un caractère injustifié et disproportionné au regard des enjeux et impératifs locaux ; cette règle a pour effet d'interdire en pratique les extractions dans la totalité des zones de sauvegarde, soit sur une superficie de 261 km² représentant 34 % du périmètre du schéma ; les pièces du dossier n'attestent pas de la sensibilité particulière des nappes Vistrenque et Costières, ni des effets négatifs des carrières sur celles-ci ; aucune étude prenant en compte les circonstances locales n'est citée ; le contenu de la note du bureau de recherches géologiques et minières est contestable sur le plan scientifique ; l'étude hydrogéologique sur la protection et la préservation de la nappe Vistrenque, relativement ancienne, ne fournit pas davantage de fondement technique à l'interdiction des carrières dans les secteurs d'enjeu de niveau 2 ; la nécessité de réaliser d'autres études plus poussées et ad hoc rejoint les conclusions de la contre-étude réalisée par le bureau d'études en hydrogéologie Berga Sud, laquelle a également démontré que la délimitation des zones de sauvegarde a été effectuée par précaution de façon maximaliste en raison du manque de données locales hydrogéologiques précises ou actualisées ; le retour d'expérience montre que les nappes Vistrenque et Costières n'ont jamais souffert de la présence de carrières ; des mesures moins contraignantes sont suffisantes pour assurer la protection de la ressource en eau ; il n'est pas démontré que l'examen au cas par cas des dossiers de demande d'autorisation d'exploiter une carrière serait insuffisant pour assurer la protection de la ressource en eau ; une interdiction quasi-systématique de l'activité de carrière dans ces zones n'apparaît pas justifiée ; la commission d'enquête a d'ailleurs assorti son avis d'une réserve tenant à la suppression de cette règle ; le constat de la vulnérabilité des nappes Vistrenque et Costières n'est pas
en lui-même suffisant pour établir la proportionnalité de la règle n°3 et la préservation des zones les plus intéressantes de ces nappes pourrait être assurée par un examen au cas par cas des dossiers de demandes d'autorisation d'exploiter les carrières réalisé par le préfet ; le projet de schéma régional des carrières Occitanie prévoit de classer les zones de sauvegarde en zone à enjeu de niveau 3 dans lesquelles les projets de carrière ne sont pas interdits par principe ;
- la règle n° 3 est incompatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Rhône-Méditerranée ; lorsqu'existe un rapport de compatibilité, le document inférieur ne peut édicter une interdiction absolue ; le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée n'a pas entendu interdire, par principe, les carrières dans les zones de sauvegarde ; il existe une contradiction manifeste entre le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée 2016-2021 et le schéma d'aménagement et de gestion des eaux querellé qui durcit considérablement les dispositions du schéma directeur sans pour autant indiquer les impératifs locaux pouvant justifier un tel choix, en particulier sur la question de l'autorisation des carrières dans les zones de sauvegarde ;
- la délimitation des secteurs d'enjeu de niveau 2 des zones de sauvegarde est imprécise, ce qui est source d'insécurité juridique pour les propriétaires et porteurs de projets ; la difficulté liée à l'imprécision des documents cartographiques a été soulignée par la commission d'enquête à plusieurs reprises et a justifié sa réserve n°3 par laquelle elle demande de définir à la parcelle le périmètre des zones de sauvegarde du projet pour les secteurs à enjeu de niveau 2 ; l'imprécision des documents cartographiques du schéma d'aménagement et de gestion des eaux délimitant les zones de sauvegarde justifie d'annuler l'arrêté préfectoral litigieux ;
- les contraintes résultant de la règle n°3 empiètent sur la compétence préfectorale en matière de police des installations classées pour la protection de l'environnement ; la règle n° 3 vise à interdire, de manière quasi-systématique, l'exploitation des carrières au sein des zones de sauvegarde ; une telle interdiction empiète nécessairement sur le pouvoir d'appréciation du préfet, lequel sera tenu de rejeter les demandes d'autorisation d'exploiter pour les carrières situées dans une zone de sauvegarde et hors de la frange dénoyée des alluvions de l'aquifère des cailloutis villefranchiens alors même que ces projets présenteraient toutes les garanties nécessaires pour protéger la ressource en eau et pourraient faire l'objet de prescriptions appropriées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- il s'en remet aux écritures en défense de première instance présentées par la préfète du Gard ;
- le moyen tiré de la dénaturation des pièces du dossier portant sur les caractéristiques des nappes Vistrenque et Costières doit être écarté ;
- la règle n°3 du schéma d'aménagement et de gestion des eaux est justifiée et proportionnée et l'affirmation de la requérante selon laquelle la délimitation des secteurs d'enjeu de niveau 2 des zones de sauvegarde ne reposerait sur aucun fondement technique manque en fait.
Par ordonnance du 24 janvier 2024, la clôture d'instruction de l'affaire a été fixée au 12 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience :
- le rapport de M. Teulière, président-assesseur,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- et les observations de Me Hercé, représentant l'union des industries de carrières et matériaux de construction et de M. A..., chef de file eau et environnement de l'union des industries de carrières et matériaux de construction Occitanie.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 20 novembre 2015, le comité de bassin Rhône-Méditerranée a adopté le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhône-Méditerranée (SDAGE Rhône-Méditerranée) pour la période allant de 2016 à 2021. Par un arrêté du 3 décembre 2015, le préfet de la région Rhône-Alpes, préfet du Rhône, préfet coordonnateur de bassin Rhône-Méditerranée, a approuvé ce schéma directeur. Par une délibération du 15 janvier 2020, la commission locale de l'eau a adopté le schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) Vistre, nappes Vistrenque et Costières. Par un arrêté du 14 avril 2020, le préfet du Gard a approuvé ce schéma.
2. L'union des industries de carrières et matériaux de construction relève appel du jugement du 21 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Gard du 14 avril 2020.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". En l'espèce, il résulte de l'instruction que la minute du jugement contesté a été signée par le président de la formation de jugement, la rapporteure ainsi que la greffière d'audience. Par suite, le moyen soulevé tiré du caractère irrégulier du jugement contesté, faute de signatures de la minute, manque en fait et ne peut donc qu'être écarté.
4. Par ailleurs, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Ainsi, si la requérante critique le jugement attaqué pour être entaché de dénaturation des pièces du dossier sur les caractéristiques des nappes de Vistrenque et Costières, cette critique se rattache au bien-fondé du jugement et ne saurait donc affecter sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article L. 212-3 du code de l'environnement : " Le schéma d'aménagement et de gestion des eaux institué pour un sous-bassin, pour un groupement de sous-bassins correspondant à une unité hydrographique cohérente ou pour un système aquifère fixe les objectifs généraux et les dispositions permettant de satisfaire aux principes énoncés aux articles L. 211-1 et L. 430-1. / (...) ". L'article L. 212-5-1 de ce code prévoit que : " (...) / II. - Le schéma comporte également un règlement qui peut : / (...) / 2° Définir les mesures nécessaires à la restauration et à la préservation de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques, en fonction des différentes utilisations de l'eau ; / (...). ". Selon l'article L. 212-5-2 du même code : " Lorsque le schéma a été approuvé et publié, le règlement et ses documents cartographiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de toute installation, ouvrage, travaux ou activité mentionnés à l'article L. 214-2. / (...). ". Par ailleurs, l'article R. 212-47 de ce même code mentionne que : " Le règlement du schéma d'aménagement et de gestion des eaux peut : / (...) / 2° Pour assurer la restauration et la préservation de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques, édicter des règles particulières d'utilisation de la ressource en eau applicables : / (...) / b) Aux installations, ouvrages, travaux ou activités visés à l'article L. 214-1 ainsi qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement définies à l'article L. 511-1 ; / (...) / Le règlement est assorti des documents cartographiques nécessaires à l'application des règles qu'il édicte.".
En ce qui concerne le caractère injustifié et disproportionné de la règle n° 3 du schéma d'aménagement et de gestion des eaux :
6. La règle n° 3 du schéma d'aménagement et de gestion des eaux " encadrer les activités d'extractions de matériaux issus du sous-sol " dispose que : " Toutes les activités d'extraction de granulats soumises à autorisation environnementale unique, déclaration ou enregistrement en application des articles L. 511-1 et suivants du code de l'environnement (nomenclature en vigueur au jour de la publication de l'arrêté préfectoral d'approbation du SAGE - rubrique 2510) projetant de s'implanter ou de s'étendre au sein des zones de sauvegarde telles que cartographiées sur les cartes n°17 et 17-1 à 17-8 de l'atlas cartographique, sont interdites, à moins de satisfaire les conditions suivantes : - ne pas se situer au sein des secteurs d'enjeu de niveau 1 des zones de sauvegarde ; - dans les secteurs d'enjeu de niveau 2 : l'extraction doit être limitée à la frange dénoyée des alluvions de l'aquifère des cailloutis villafranchiens. La limite d'exploitation doit se situer au-dessus de la cote piézométrique maximale de la nappe. Ce niveau sera évalué par des mesures piézométriques en continue réalisées directement sur le site où est envisagé l'exploitation. ".
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le schéma d'aménagement et de gestion des eaux Vistre, nappes Vistrenque et Costières identifie treize zones restreintes de sauvegarde avec deux niveaux d'enjeu, couvrant 261 km² sur une superficie totale de 768 km², soit 34 % de son périmètre, dont 1,5 % en secteurs d'enjeu de niveau 1, qui recouvrent les périmètres de protection rapprochée des captages d'eau potable ainsi que les futurs périmètres de protection rapprochée définis dans les avis des hydrogéologues agréés ou dans les rapports hydrogéologiques, et 32,5 % en secteurs d'enjeu de niveau 2. En vertu de la règle n° 3 du règlement du schéma citée au point précédent, laquelle a pour objet d'encadrer les activités d'extraction de matériaux issus du sous-sol, toutes les activités d'extraction de granulats sont interdites dans les secteurs d'enjeu de niveau 1 tandis que les activités d'extraction sont limitées à la frange dénoyée des alluvions de l'aquifère des cailloutis villafranchiens dans les secteurs d'enjeu de niveau 2. Ainsi, toute extraction d'alluvions ou toute exploitation de carrières ne se trouve pas interdite en secteur d'enjeu de niveau 2. Par suite, contrairement aux affirmations du syndicat professionnel requérant, la règle n°3 en litige n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire de fait ou en pratique les extractions dans la totalité des secteurs d'enjeu des zones de sauvegarde ou sur une superficie de 261 km². Il résulte également de ce qui précède que la règle n°3 ne peut être regardée comme instaurant une interdiction générale et absolue, quand bien même les zones à enjeu délimitées par le schéma d'aménagement et de gestion des eaux Vistre, nappes Vistrenque et Costières représentent un peu plus du tiers de son périmètre.
8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et n'est pas utilement contesté que les nappes Vistrenque et Costières se caractérisent par leur faible profondeur et une protection naturelle limitée et qu'elles sont donc particulièrement vulnérables aux risques de pollution. Il ressort également des pièces du dossier que la délimitation des zones de sauvegarde du schéma d'aménagement et de gestion des eaux Vistre, nappes Vistrenque et Costières a fait l'objet d'une étude qui s'est déroulée entre 2014 et juillet 2016, confiée au bureau d'études ANTEA Group par le syndicat mixte des nappes de Vistrenque et Costières. Le bureau d'études a croisé trois critères techniques tirés de la potentialité de l'aquifère, de la vulnérabilité intrinsèque et de l'occupation des sols afin de délimiter ces zones et ce travail d'analyse mené à son terme a permis de retenir certains secteurs en zone de sauvegarde, caractérisés par une vulnérabilité élevée aux pollutions de surface. En outre, il ressort de la note du bureau de recherches géologiques et minières, rédigée dans le cadre de l'élaboration du schéma régional des carrières d'Occitanie, que la création d'excavations génère diverses perturbations sur les eaux souterraines et qu'en présence de nappes dont le niveau piézométrique est assez proche de la surface topographique, des impacts hydrodynamiques, physico-chimiques, quantitatifs et cumulés peuvent être occasionnés. Si l'appelante conteste le contenu de cette note en relevant son caractère général ou une bibliographie de référence relativement ancienne, de telles critiques ne remettent pas en cause la réalité des constats auxquels elle procède alors en outre que ladite note est corroborée, pour la nappe Vistrenque, par l'avis hydrogéologique, annexé au schéma départemental des carrières du Gard approuvé par arrêté du 11 avril 2000, lequel précise notamment, au point 3, qu'en Vistrenque, les extractions doivent être interdites dans l'ensemble des périmètres de protection rapprochée des captages d'eau potable, que cette interdiction pourra être étendue aux périmètres de protection éloignée si leur extension parait justifiée et que les secteurs les moins pénalisants pour les usages d'alimentation en eau potable seront délimités. L'union des industries de carrières et matériaux de construction n'apporte également aucun élément de nature à établir le défaut d'objectivité de la note du bureau de recherches géologiques et minières et à cet égard l'étude hydrogéologique réalisée par le bureau d'études BERGA Sud le 5 décembre 2016, financée par l'union nationale des producteurs de granulats est insuffisante pour remettre en cause les études précitées. Il suit de là que la requérante n'est fondée à soutenir ni que la sensibilité particulière des nappes de Vistrenque et Costières ne serait pas démontrée, ni que la règle n° 3 qu'elle conteste serait dépourvue de tout fondement technique.
9. En outre, il est constant que 41 des 48 communes situées sur le périmètre du schéma d'aménagement et de gestion des eaux puisent leur eau potable dans les nappes Vistrenque et Costières. La commune du Grau-du-Roi, non située dans ce périmètre, est également en partie alimentée en eau potable par ces nappes. Pour 45 % des communes, les nappes Vistrenque et Costières représentent l'unique ressource en eau potable et 86 % d'entre elles sont à plus de 90 % dépendantes des nappes Vistrenque et Costières pour l'alimentation en eau potable.
10. Enfin, l'union des industries de carrières et matériaux de construction soutient que des mesures moins contraignantes, telles que l'examen au cas par cas des dossiers de demande d'autorisation d'exploiter une carrière par le préfet, suffisaient à assurer la protection de la ressource en eau dans les zones de sauvegarde et qu'une interdiction quasi-systématique de l'activité de carrière dans ses zones ne paraît pas justifiée par la nécessité de protection de la ressource en eau. Toutefois, la règle n° 3 contestée n'interdit pas toute exploitation de carrières en secteur d'enjeu de niveau 2 mais se borne pour ces secteurs, ainsi qu'il a été dit, à limiter l'extraction de granulats à la frange dénoyée des alluvions de l'aquifère des cailloutis villafranchiens.
11. Eu égard à ce qui a été dit aux points précédents, et dès lors que l'exploitation d'une carrière nécessite de supprimer la couche superficielle des limons protecteurs, ce qui augmente la vulnérabilité des nappes aux pollutions accidentelles, l'union des industries de carrières et matériaux de construction n'est pas fondée à soutenir que la règle n° 3, qui a pour objectif de limiter le facteur susceptible de porter atteinte à la quantité et à la qualité de la ressource en eau potable et d'assurer la pérennité de ces ressources pour satisfaire les besoins actuels et les besoins futurs des populations, serait injustifiée ou disproportionnée au regard des enjeux et impératifs locaux.
En ce qui concerne la compatibilité avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée :
12. Aux termes de l'article L. 212-3 du code de l'environnement : " (...) Le schéma d'aménagement et de gestion des eaux doit être compatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (...) ".
13. La carte 5EA et son tableau 5EA du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée présentent des masses d'eau et aquifères stratégiques pour l'alimentation en eau potable, à l'intérieur desquelles ont été identifiées des zones de sauvegarde. Il est précisé que ces zones de sauvegarde nécessitent des actions spécifiques de maîtrise des prélèvements et de protection contre les pollutions ponctuelles ou diffuses, accidentelles, chroniques ou saisonnières, et que les schémas d'aménagement et de gestion des eaux identifient ces zones et prévoient les dispositions nécessaires à leur préservation. Enfin, le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux indique que, dans le cadre de la définition des conditions générales d'implantation de carrières prévue par l'article L. 515-3 du code de l'environnement, les services de l'État en charge de l'élaboration des schémas régionaux des carrières s'assurent de leur compatibilité avec les enjeux de préservation sur le long terme des zones de sauvegarde. Il est également précisé que les dossiers, relatifs à des projets d'installations soumises à autorisation en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement ou des projets d'installations classées pour la protection de l'environnement prévues à l'article L. 511-1 du même code, présentent dans leurs études d'impact ou documents d'incidence l'analyse de leurs effets sur la qualité et la disponibilité de l'eau située dans la zone de sauvegarde et les mesures permettant de ne pas compromettre son usage actuel ou futur. Ainsi, le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée n'a pas entendu interdire par principe les carrières dans les zones de sauvegarde. Toutefois, une règle plus stricte, telle que la règle n°3 contestée, peut-être adoptée au niveau d'un schéma d'aménagement et de gestion des eaux lorsqu'existent des enjeux locaux justifiés par des impératifs locaux. Or, l'existence de tels enjeux justifiés par des impératifs locaux ressort en l'espèce de l'orientation fondamentale 5E du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée, qui identifie les masses d'eau et aquifères stratégiques pour l'alimentation en eau potable et en particulier les alluvions anciennes de la Vistrenque et des Costières (code eau FRDG101), reconnaissant de la sorte que les nappes Vistrenque et Costières recèlent des ressources en eau d'intérêt départemental et régional. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le schéma d'aménagement et de gestion des eaux serait sur ce point incompatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée.
En ce qui concerne l'imprécision de la délimitation des secteurs d'enjeu de niveau 2 des zones de sauvegarde :
14. L'union des industries de carrières et matériaux de construction reprend en appel sans contester utilement le jugement attaqué le moyen tiré du caractère trop imprécis de la délimitation des secteurs d'enjeu de niveau 2 des zones de sauvegarde. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal au point 22 du jugement attaqué.
En ce qui concerne la méconnaissance de la compétence préfectorale en matière de police des installations classées pour la protection de l'environnement :
15. Si l'union des industries de carrières et matériaux de construction soutient que la règle n°3 vise à interdire, de manière quasi-systématique, l'exploitation des carrières dans les zones de sauvegarde et qu'une telle interdiction empiète nécessairement sur le pouvoir d'appréciation du préfet dans l'exercice de ses pouvoirs de police relatifs aux installations classées pour la protection de l'environnement, il résulte de ce qui a été précédemment exposé qu'en application de la règle n°3 en litige, les activités d'extraction de granulats sont effectivement interdites dans les seuls secteurs d'enjeu de niveau 1, représentant 1,5 % du périmètre du schéma et qui recouvrent les périmètres de protection rapprochée des captages d'eau potable et qu'elles sont seulement limitées à la frange dénoyée des alluvions de l'aquifère des cailloutis villafranchiens dans les secteurs d'enjeu de niveau 2, représentant 32,5 % du périmètre du schéma. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la règle n°3 interdirait de manière quasi-systématique l'exploitation des carrières dans l'ensemble des zones de sauvegarde. Par voie de conséquence, le moyen tiré de ce qu'une telle interdiction, qui n'est pas avérée, empiéterait sur la compétence préfectorale en matière de police des installations classées pour la protection de l'environnement ne peut donc qu'être écarté.
16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'union des industries de carrières et matériaux de construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Gard du 14 avril 2020, portant approbation du schéma d'aménagement et de gestion des eaux Vistre, nappes Vistrenque et Costières.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque à verser à l'union des industries de carrières et matériaux de construction requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'union des industries de carrières et matériaux de construction est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'union des industries de carrières et matériaux de construction et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2025, où siégeaient :
- M. Chabert, président de chambre,
- M. Teulière, président assesseur,
- M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
Le président-assesseur,
T. Teulière
Le président,
D. ChabertLe greffier,
N. Baali
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL01110