Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 février 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement no 2301831 du 12 avril 2024, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 20 août 2024, 23 octobre 2024 et 5 juin 2025, M. B..., représenté par Me Cohen, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2023 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation administrative sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative.
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
-elle est entachée d'un défaut de motivation en fait en violation des dispositions des articles L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
-le préfet a commis une erreur d'appréciation et méconnu les stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'aucun changement n'a eu lieu concernant son état de santé, qui s'est même aggravé, entre le précédent avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 mars 2022 et le nouvel avis en date du 16 janvier 2023 ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
-elle est entachée d'un défaut de base légale en ce qu'elle est fondée sur la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, qui est elle-même illégale ;
-elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il souffre d'une pathologie lourde pour laquelle un défaut de prise en charge serait de nature à entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
-elle est entachée d'un défaut de motivation en fait en raison de l'absence totale d'indication quant à sa situation en cas de retour dans son pays d'origine.
- elle est entachée d'un défaut de base légale en ce qu'elle est fondée sur la décision portant obligation de quitter le territoire, elle-même illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2025, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chabert, président.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité algérienne, né le 3 septembre 1985, a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " en raison de son état de santé le 11 novembre 2022. Par un arrêté du 8 février 2023, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, M. B... fait appel du jugement du 12 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de renouvellement du certificat de résidence :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 8 février 2023 vise les textes dont il a été fait application, en particulier la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Haute-Garonne a précisé les éléments de fait propres à la situation personnelle et administrative de M. B... notamment le fait que l'intéressé déclare être entré en France le 10 janvier 2021 sans pouvoir en apporter la preuve et qu'en raison de son état de santé, il a bénéficié d'un certificat de résidence algérien valable du 21 mars 2022 au 20 décembre 2022. Le préfet a également exposé les motifs de rejet de sa demande de renouvellement de son titre de séjour en raison de son état de santé. Ainsi l'arrêté, qui n'avait pas à mentionner tous les éléments de la situation de l'appelant, est suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation des décisions portant refus de renouvellement de titre de séjour doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a levé le secret médical, souffre d'une neuropathie motrice et sensorielle pour laquelle il bénéficie d'un traitement antalgique et d'un suivi médical ainsi que d'une fistule périanale complexe pour laquelle il a subi plusieurs interventions chirurgicales accompagnées d'un traitement antibiotique et d'un suivi médical et de troubles anxieux. Par un avis du 16 janvier 2023 sur lequel s'est fondé le préfet de la Haute-Garonne, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine.
7. Pour remettre en cause cet avis, l'appelant indique qu'il ne peut recevoir en Algérie les soins nécessaires et produit en ce sens plusieurs comptes-rendus médicaux ou ordonnances, dont un a été établi postérieurement à la date de l'arrêté attaqué, mais qui se rapporte à une situation préexistante et peut donc être pris en compte pour apprécier l'état de santé de l'intéressé et la possibilité d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
8. D'une part, M. B... indique souffrir d'une fistule périanale complexe. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que cette pathologie a nécessité à plusieurs reprises une intervention chirurgicale et qu'il bénéficie d'un traitement antibiotique et de soins infirmiers consistant en des soins de méchage quotidien jusqu'à cicatrisation complète, il ne ressort pas des éléments versés qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine pour cette pathologie.
9. D'autre part, s'agissant de la neuropathie, si un électromyogramme réalisé en 2021 a mis en avant une suspicion de la maladie de Charcot-Marie-Tooth, des examens complémentaires, notamment un bilan génétique, sont en cours. L'intéressé verse à cet égard un certificat médical établi par un médecin généraliste le 31 mars 2023 dans lequel il est indiqué que " les investigations sont toujours en cours " et où il est mentionné le " doute de la possibilité d'une prise en charge adaptée dans son pays d'origine ". M. B... se prévaut également de deux certificats médicaux établis les 13 mars 2023 et 5 octobre 2024 par un médecin neurochirurgien exerçant au sein de la clinique El Qods à Alger. Ces documents font état de ce que son état de santé nécessite des investigations étiologiques, dès lors notamment qu'en 2023, suite à des soins pour une lésion kystique de C1 pour laquelle une cimentoplastie a été réalisée, il était constaté que " nous n'avons pas les moyens exploratoires pour mettre un diagnostic sur sa lésion. Il a décidé d'aller en Europe pour qu'il puisse être aidé ". Le certificat établi en 2024 évoque une suspicion " de la maladie des chaînes lourdes ou de Charcot-Marie-Tooth " et précise que son état de santé " nécessite une prise en charge adaptée à l'étranger. Cette affection n'est pas prise en charge chez nous ". Toutefois, compte tenu de la rédaction de ces documents dans des termes peu circonstanciés, ces éléments ne permettent pas d'établir l'impossibilité pour M. B... de bénéficier d'un traitement approprié en Algérie pour cette pathologie. Au surplus, si l'appelant soutient avoir souffert au titre de ses antécédents médicaux de troubles anxieux et d'un urticaire chronique, il ne verse pas de documents à l'appui de ses allégations permettant d'établir l'absence de traitement approprié dans son pays d'origine. Enfin, si M. B... soutient qu'il souffre également depuis 2022 d'algie vasculaire de la face et que cet élément n'a pas été pris en compte, le seul compte-rendu établi le 21 juillet 2022 par des médecins généraliste-algologue et anesthésiste-algologue du centre d'évaluation et de traitement de la douleur de l'hôpital Paul Riquet de Toulouse mentionnant cette pathologie évoque que les symptômes de l'intéressé ont fait " dans un premier temps récuser le diagnostic d'algie vasculaire " et mentionne la nécessité de réaliser des tests complémentaires.
10. Dans ces conditions, ces seuls éléments ne suffisent pas à démontrer que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier en Algérie d'un traitement approprié à son état de santé. Par conséquent, le préfet de la Haute-Garonne a pu légalement refuser de renouveler son certificat de résidence eu égard à son état de santé au regard des stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour n'étant pas établie, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait, par voie de conséquence, privée de base légale ne peut qu'être écarté.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 à 10 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait, par voie de conséquence, privée de base légale ne peut qu'être écarté.
15. En second lieu, en mentionnant dans l'arrêté contesté, qui vise notamment les articles 3 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que M. B... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et en précisant notamment l'absence de demande de protection internationale, le préfet de la Haute-Garonne a suffisamment motivé la décision fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 12 avril 2024, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Cohen.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, où siégeaient :
- M. Chabert, président de chambre,
- M. Jazeron, premier conseiller,
- Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.
Le président-rapporteur,
D. Chabert
L'assesseur le plus ancien,
F. Jazeron La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24TL02267