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26/06/2025 | FRANCE | N°23TL01822

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 26 juin 2025, 23TL01822


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juillet 2023 et 11 mars 2024, l'association Occitanie Energies Environnement OC.2E et l'association Contre Vents, représentées par Me Gallon, demandent à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté des préfets de l'Hérault et du Tarn du 20 janvier 2023 portant autorisation de renouvellement du parc éolien de 23 aérogénérateurs exploité par la société par actions simplifiée CEPE du Haut-Languedoc sur le territoire de la commune de Cambon-et-Salvergues

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juillet 2023 et 11 mars 2024, l'association Occitanie Energies Environnement OC.2E et l'association Contre Vents, représentées par Me Gallon, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté des préfets de l'Hérault et du Tarn du 20 janvier 2023 portant autorisation de renouvellement du parc éolien de 23 aérogénérateurs exploité par la société par actions simplifiée CEPE du Haut-Languedoc sur le territoire de la commune de Cambon-et-Salvergues, fixant des prescriptions complémentaires et portant autorisation de défrichement sur les territoires de Cambon-et-Salvergues et de Murat-sur-Vèbre ainsi que la décision implicite du 21 mai 2023 par laquelle ces préfets ont rejeté leur recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le porter à connaissance de la société pétitionnaire est insuffisant dans la mesure où il est taisant au regard de l'analyse du cumul des incidences du projet avec les autres projets éoliens implantés à proximité en méconnaissance des articles L. 123-6 et R. 214-40 du code de l'environnement ;

- ce porter à connaissance est également insuffisant eu égard à l'absence d'évaluation des incidences Natura 2000 sur la faune en méconnaissance des dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ;

- l'étude paysagère est insuffisante ;

- le projet, qui consiste à augmenter la taille des pâles de 99 mètres à 125 mètres et abaisser la garde au sol de 37 mètres à 32 mètres, constitue une modification substantielle de l'autorisation environnementale initiale ; une nouvelle autorisation environnementale était nécessaire et l'arrêté méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 181-14 du code de l'environnement ;

- le projet constitue aussi une modification substantielle de l'autorisation environnementale initiale dès lors qu'il est de nature à entraîner des dangers pour 17 espèces de chiroptères et 27 espèces d'avifaune ; la situation actuelle au vu des suivis de mortalité, de l'étude d'impact du projet voisin de l'Escur et de l'analyse des effets cumulés avec les parcs éoliens situés à proximité font apparaître des incidences qui ne sont pas non significatives ou faibles ; les impacts bruts ont été sous-évalués au vu des enjeux de conservation et de la sensibilité à l'éolien ; les mesures prévues d'évitement, de réduction et d'accompagnement ne sont pas suffisantes ;

- le projet constitue également une modification substantielle de l'autorisation environnementale initiale dès lors qu'il présente un danger pour les ressources en eau, le risque de fuite d'huile étant accru avec les nouveaux aérogénérateurs dont certains sont implantés dans un périmètre de protection d'un captage d'eau potable ;

- l'arrêté litigieux est incompatible avec la charte du parc naturel régional du Haut-Languedoc ;

- l'arrêté litigieux est illégal dès lors que les préfets auraient dû demander à la société CEPE du Haut-Languedoc de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées, le risque que le projet comporte pour les espèces protégées étant suffisamment caractérisé après la prise en compte des mesures d'évitement et de réduction.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 décembre 2023 et 12 mai 2024, la société CEPE du Haut-Languedoc, représentée par Me Cambus, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de l'association Occitanie Energies Environnement OC.2E et l'association Contre Vents une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les associations requérantes n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les associations requérantes n'est fondé.

Par ordonnance du 13 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 3 juin 2024.

L'association Occitanie Energies Environnement OC.2E et l'association Contre Vents, représentées par Me Gallon, ont produit un mémoire enregistré le 4 juin 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Le préfet du Tarn a produit un mémoire enregistré le 7 janvier 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,

- les observations de Me Gallon, représentant l'association OC.2E et l'association Contre Vents,

- et les observations de Me Cambus, représentant la société CEPE du Haut-Languedoc.

Une note en délibéré, présentée par l'association Occitanie Energies Environnement OC.2E et l'association Contre Vents, représentées par Me Gallon, a été enregistrée le 13 juin 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 juin 2002, la société CEPE du Haut-Languedoc a obtenu un permis de construire pour la réalisation d'un parc éolien de 23 aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Cambon-et-Salvergues (Hérault). En application de l'article L. 181-14 du code de l'environnement, elle a déposé le 12 avril 2021 un porter à connaissance en vue de modifier les caractéristiques des machines, le diamètre des pâles passant de 99 mètres à 125 mètres et leur garde au sol passant de 37 mètres à 32 mètres. Par un arrêté du 16 décembre 2022, le préfet de l'Hérault a autorisé cette société à changer les caractéristiques dimensionnelles des 23 éoliennes, a édicté des prescriptions complémentaires et a autorisé un défrichement sur les communes de Cambon-et-Salvergues et de Murat-sur-Vèbre (Tarn). Par un arrêté du 20 janvier 2023, le préfet de l'Hérault et le préfet du Tarn ont abrogé l'arrêté du 16 décembre 2022, ont autorisé cette société à changer les caractéristiques dimensionnelles des 23 éoliennes, ont édicté des prescriptions complémentaires et ont autorisé un défrichement sur les communes de Cambon-et-Salvergues et de Murat-sur-Vèbre. L'association OC.2E et l'association Contre Vents ont saisi les préfets de l'Hérault et du Tarn d'un recours gracieux qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet du 21 mai 2023. Par la présente requête, ces deux associations demandent l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2023 et de la décision implicite portant rejet de leur recours gracieux du 21 mai 2023.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le caractère substantiel des modifications envisagées :

2. Aux termes de l'article L. 181-14 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-32. / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées. ". Aux termes de l'article R. 181-46 du même code : " I. - Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : / 1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; / 2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; / 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. / La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale. / ". Aux termes de l'article L. 181-3 de ce code : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ". Enfin, l'article L. 511-1 du même code dispose que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ".

3. Il résulte de l'instruction que le projet de la société CEPE du Haut-Languedoc consiste à renouveler un parc éolien ayant fait l'objet d'un permis de construire devenue autorisation environnementale et en fonctionnement depuis plus de 15 ans en modifiant le gabarit des 23 éoliennes existantes, avec un diamètre de pâles passant de 99 mètres à 125 mètres et une garde au sol passant de 37 mètres à 32 mètres

4. En premier lieu, cette seule modification, qui ne constitue pas une extension du parc éolien et dont il n'est ni établi ni même allégué qu'elle atteindrait des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement en application du 2° du I de l'article R. 181-46 du code de l'environnement, n'est pas de nature par elle-même à être regardée comme une modification substantielle nécessitant la délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale.

5. En deuxième lieu, si les associations requérantes soutiennent que ce parc éolien présente un risque caractérisé pour 27 espèces de chiroptères sans, au demeurant, les nommer, il résulte de l'instruction que le porter à connaissance de la société pétitionnaire a conclu de manière circonstanciée à un risque non significatif pour les chiroptères eu égard, notamment, aux mesures d'évitement et de réduction qu'il prévoit, lesquelles ont été reprises par l'arrêté des préfets de l'Hérault et du Tarn en litige. Ces mesures consistent notamment en la limitation des vides et interstices sur les aérogénérateurs, l'absence d'éclairage du parc et la mise en place d'un plan de bridage en faveur des chiroptères entre le 15 mars et le 15 novembre pour une température supérieure ou égale à 10 °C et une vitesse de vent inférieure ou égale à 6 mètres par seconde (m/s) entre le 15 mars et le 31 juillet et 6,5 m/s entre le 1er août et le 15 novembre. Les associations requérantes n'apportent aucun élément de nature à établir que le porter à connaissance aurait minimisé les enjeux et les impacts bruts du projet de renouvellement du parc éolien en litige. Notamment, il résulte de l'instruction, et notamment du volet " chiroptères " de ce porter à connaissance qui s'appuie sur le suivi du parc en litige lui-même et de deux autres parcs éoliens situés à proximité, que ce dernier a tenu compte du risque sur les chiroptères pouvant résulter tant de l'abaissement de la garde au sol à 32 mètres que de l'augmentation du diamètre des pâles passant de 99 mètres à 125 mètres. De même, elles n'apportent aucun élément de nature à établir que l'axe migratoire retenu ne serait pas pertinent et ne démontrent pas que les effets cumulés des parcs alentours n'auraient pas été pris en compte. En outre, les associations requérantes ne peuvent pas utilement se prévaloir de la méthodologie préconisée par le parc naturel régional du Haut-Languedoc qui n'a pas de valeur réglementaire. Enfin, si les associations requérantes soutiennent que les mesures de bridage sont insuffisantes pour prévenir les risques pour 27 espèces de chiroptères, elles n'apportent à l'appui de ces allégations aucun élément de nature à en établir le bien-fondé. Dans ces conditions, et alors qu'aucune mesure de compensation n'était nécessaire, il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures seraient insuffisantes pour permettre d'assurer le respect des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement s'agissant des chiroptères.

6. En troisième lieu, si les associations requérantes soutiennent que ce parc éolien présente un risque caractérisé pour 17 espèces d'avifaune, il résulte de l'instruction que le porter à connaissance a conclu de manière circonstanciée à un risque non significatif pour l'avifaune eu égard, notamment, aux mesures d'évitement et de réduction qu'il prévoit, lesquelles ont été reprises par l'arrêté en litige, consistant notamment en l'entretien de la surface en gravillons de couleur claire des plateformes et des pelouses et en la mise en œuvre d'un système de détection/régulation de l'avifaune. Si les associations requérantes soutiennent que les impacts bruts auraient dû être caractérisés comme forts pour la linotte mélodieuse et l'aigle royal, il résulte de l'instruction et notamment du porter à connaissance, que la linotte royale a été peu contactée sur le site et que l'aigle royal n'a pas été contacté. Le porter à connaissance a donc pu considérer l'impact brut du projet de renouvellement du parc éolien comme faible à modéré sur ces deux espèces. Enfin, elles n'apportent aucun élément de nature à établir le bien-fondé des allégations selon lesquelles le système de détection/régulation de l'avifaune serait inefficace. Dans ces conditions, et alors qu'aucune mesure de compensation n'était nécessaire, il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures seraient insuffisantes pour permettre d'assurer le respect des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement s'agissant de l'avifaune.

7. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que les éoliennes H18 et H19 se situent dans la zone 2 du périmètre de protection rapprochée du captage d'eau potable de la Salverguettes. Au regard de cette implantation, tant le porter à connaissance que l'avis de l'agence régionale de santé Occitanie du 8 octobre 2021 prévoient que les transformateurs contenant des fluides polluants devront être placés à l'extérieur du périmètre de protection rapprochée et que l'entretien des aires autour des éoliennes devra se faire par des moyens mécaniques. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures seraient insuffisantes pour permettre d'assurer le respect des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement s'agissant des ressources en eau.

8. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 2 à 7 du présent arrêt que, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, les modifications ne présentent pas un caractère substantiel mais seulement un caractère notable. Dès lors, en considérant que la délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale n'était pas requise, les préfets de l'Hérault et du Tarn n'ont pas fait une inexacte appréciation des dispositions de l'article L. 181-14 du code de l'environnement précitées.

En ce qui concerne l'insuffisance des éléments d'appréciation portés à la connaissance des préfets de l'Hérault et du Tarn :

9. Aux termes de l'article R. 181-46 du code de l'environnement : " (...) II. - Toute autre modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, à leurs modalités d'exploitation ou de mise en œuvre ainsi qu'aux autres équipements, installations et activités mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 181-1 inclus dans l'autorisation doit être portée à la connaissance du préfet, avant sa réalisation, par le bénéficiaire de l'autorisation avec tous les éléments d'appréciation. / (...) ".

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le projet de la société CEPE du Haut-Languedoc consiste à renouveler un parc éolien ayant fait l'objet d'un permis de construire devenue autorisation environnementale et en fonctionnement depuis plus de 15 ans en modifiant, ainsi qu'il a été au point 3 du présent arrêt, le gabarit des 23 éoliennes existantes, avec un diamètre de pâles passant de 99 mètres à 125 mètres et une garde au sol passant de 37 mètres à 32 mètres. Ainsi, les associations requérantes ne peuvent utilement se prévaloir ni des dispositions de l'article L. 123-6 du code de l'environnement relatives au contenu de l'étude d'impact prévue dans le cadre de la délivrance d'une autorisation environnementale, ni des dispositions de l'article R. 214-40 du même code relatives aux modifications apportées aux projets soumis à déclaration. Au demeurant, il résulte de l'instruction que le porter à connaissance a présenté, dans sa partie " 2.5.2. Le contexte éolien ", les effets cumulés des parcs éoliens existants et approuvés à proximité et notamment ceux de la Salesse et de la Planésie comportant 7 aérogénérateurs et celui du Cayrol comportant, à la date d'édiction du porter à connaissance, 4 aérogénérateurs. Quant au parc éolien des Amaysses, il ne peut être regardé en l'espèce comme un parc éolien existant ou approuvé dès lors qu'il n'a fait l'objet d'un avis de l'autorité environnementale que le 6 janvier 2023, soit postérieurement au porter à connaissance établi par la société CEPE du Haut-Languedoc pour le projet en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que le porter à connaissance serait insuffisant pour permettre aux préfets d'apprécier le cumul des incidences du projet en litige avec les autres projets de parcs éoliens existants ou approuvés à proximité ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : (...) / 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; (...) ".

12. Il résulte de l'instruction que les éoliennes H22 et H23 du projet se situent au sein de la zone Natura 2000 " Le Caroux et l'Espinouse ". Toutefois, il résulte également de l'instruction que le projet de renouvellement du parc éolien en litige ne va générer aucune incidence directe sur les habitats de ce site Natura 2000 mais participera à restaurer et entretenir des milieux semi-ouverts menacés de fermeture et à restaurer un espace de fonctionnalité forestière accrue par la mesure d'accompagnement prévue tenant en la mise en œuvre d'un îlot de senescence. Ainsi, le projet n'est pas susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000 au regard de l'article L. 414-4 du code de l'environnement. Par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le porter à connaissance serait insuffisant en l'absence d'une " évaluation des incidences Natura 2000 ".

13. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le porter à connaissance n'a pas étudié l'effet de saturation visuelle du projet de renouvellement du parc éolien en litige dès lors que la modification envisagée qui se borne à une augmentation de la taille des pâles des aérogénérateurs de 26 mètres sans modifier leur nombre ni leur implantation présente le même effet de saturation visuelle que le parc existant. En outre, il résulte de l'instruction, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, que le porter à connaissance analyse l'impact paysager du projet de renouvellement du parc sur le lac de Laouzas et sur celui de la Raviège qui est situé dans l'aire d'étude éloignée. Par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le porter à connaissance comporterait une étude paysagère insuffisante.

En ce qui concerne la cohérence du projet avec la charte du parc naturel régional du Haut-Languedoc :

14. Aux termes de l'article L. 333-1 du code de l'environnement : " I.- Les parcs naturels régionaux concourent à la politique de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire, de développement économique et social et d'éducation et de formation du public. (...) Ils constituent un cadre privilégié des actions menées par les collectivités publiques en faveur de la préservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel. / II.- La charte constitue le projet du parc naturel régional. Elle comprend : / 1° Un rapport déterminant les orientations de protection, de mise en valeur et de développement, notamment les objectifs de qualité paysagère définis à l'article L. 350-1 C, ainsi que les mesures permettant de les mettre en œuvre et les engagements correspondants ; / 2° Un plan, élaboré à partir d'un inventaire du patrimoine, indiquant les différentes zones du parc et leur vocation ; / 3° Des annexes comprenant notamment le projet des statuts initiaux ou modifiés du syndicat mixte d'aménagement et de gestion du parc. / (...) / V. - L'Etat et les collectivités territoriales ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ayant approuvé la charte appliquent les orientations et les mesures de la charte dans l'exercice de leurs compétences sur le territoire du parc. Ils assurent, en conséquence, la cohérence de leurs actions et des moyens qu'ils y consacrent, ainsi que, de manière périodique, l'évaluation de la mise en œuvre de la charte et le suivi de l'évolution du territoire. (...) ".

15. Il résulte de ces dispositions que la charte d'un parc naturel régional est un acte destiné à orienter l'action des pouvoirs publics dans un souci de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire, de développement économique et social et d'éducation et de formation du public sur le territoire du parc et à assurer la cohérence de cette action avec les objectifs qui y sont définis. Il appartient, dès lors, à l'État et aux différentes collectivités territoriales concernées de prendre les mesures et de mener les actions propres à assurer la réalisation des objectifs de la charte et de mettre en œuvre les compétences qu'ils tiennent des différentes législations, dès lors qu'elles leur confèrent un pouvoir d'appréciation, de façon cohérente avec les objectifs ainsi définis. Toutefois la charte d'un parc naturel régional ne peut légalement imposer par elle-même des obligations aux tiers, indépendamment de décisions administratives prises par les autorités publiques à leur égard. Elle ne peut davantage subordonner légalement les demandes d'autorisations d'installations classées pour la protection de l'environnement à des obligations de procédure autres que celles prévues par les différentes législations en vigueur. Si les orientations de protection, de mise en valeur et de développement que la charte détermine pour le territoire du parc naturel régional sont nécessairement générales, les mesures permettant de les mettre en œuvre peuvent cependant être précises et se traduire par des règles de fond avec lesquelles les décisions prises par l'État et les collectivités territoriales adhérant à la charte dans l'exercice de leurs compétences doivent être cohérentes, sous réserve que ces mesures ne méconnaissent pas les règles résultant des législations particulières régissant les activités qu'elles concernent.

16. Lorsque l'autorité administrative est saisie d'une demande d'autorisation d'implanter ou d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement au sein d'un parc naturel régional, elle doit s'assurer de la cohérence de la décision individuelle ainsi sollicitée avec les orientations et mesures fixées dans la charte de ce parc et dans les documents qui y sont annexés, eu égard notamment à l'implantation et à la nature des ouvrages pour lesquels l'autorisation est demandée, et aux nuisances associées à leur exploitation.

17. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 2 à 7 du présent arrêt que la société CEPE du Haut Languedoc n'avait pas à déposer une demande d'autorisation environnementale pour le renouvellement du parc éolien qu'elle exploite régulièrement sur le territoire de la commune de Cambon-et-Salvergues, laquelle se situe à l'intérieur du périmètre du parc naturel régional du Haut-Languedoc. Il résulte de l'instruction que la charte de ce parc naturel régional se borne à indiquer que " tout projet situé en zone de sensibilité maximale recevra un avis défavorable ". Ainsi, et dès lors qu'elle ne traite pas des renouvellements des parcs existants mais seulement des futurs projets de parcs éoliens, le projet de renouvellement du parc éolien du Haut-Languedoc en litige doit être regardé comme en cohérence avec les orientations fixées par cette charte et les documents qui y sont annexés. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la nécessité de déposer une demande de dérogation " espèces protégées " :

18. L'article L. 411-1 du code de l'environnement dispose que : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation (...) d'espèces animales non domestiques (...) et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces (...) ; / (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation (...) de ces habitats d'espèces ; / (...) ". Selon l'article L. 411-2 du même code : " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / 1° La liste limitative (...) des espèces animales non domestiques (...) ainsi protégées ; / (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante (...) et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur (...) ".

19. Les dispositions des articles L. 181-2, L. 181-3, L. 181-22, L. 411-2 et R. 411-6 du code de l'environnement imposent, à tout moment, la délivrance d'une dérogation à la destruction ou à la perturbation d'espèces protégées dès lors que l'activité, l'installation, l'ouvrage ou les travaux faisant l'objet d'une autorisation environnementale ou d'une autorisation en tenant lieu comportent un risque suffisamment caractérisé pour ces espèces, peu important la circonstance que l'autorisation présente un caractère définitif ou que le risque en cause ne résulte pas d'une modification de cette autorisation. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

20. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 6 du présent arrêt, il résulte de l'instruction que les mesures d'évitement et de réduction édictées par l'arrêté des préfets de l'Hérault et du Tarn en litige présentent des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces de chiroptères et d'avifaune au point que ce risque apparaît comme n'étant pas suffisamment caractérisé. Il en résulte que c'est à bon droit que les préfets n'ont pas enjoint à la société CEPE du Haut-Languedoc de solliciter une dérogation " espèces protégées " pour 27 espèces de chiroptères et 17 espèces d'avifaune. Par suite, le moyen tiré de la nécessité de déposer une demande de dérogation " espèces protégées " doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté des préfets de l'Hérault et du Tarn du 20 janvier 2023 portant autorisation de renouvellement du parc éolien de 23 aérogénérateurs exploité par la société CEPE du Haut-Languedoc sur le territoire de Cambon-et-Salvergues, édictant des prescriptions complémentaires et portant autorisation de défrichement sur les territoires de Cambon-et-Salvergues et de Murat-sur-Vèbre et de la décision implicite portant rejet de leur recours gracieux du 21 mai 2023.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, de mettre à la charge solidaire de l'association Occitanie Energies Environnement OC.2E et l'association Contre Vents une somme à verser à la société CEPE du Haut Languedoc sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association Occitanie Energies Environnement OC.2E et de l'association Contre Vents est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société CEPE du Haut-Languedoc sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Occitanie Energies Environnement OC.2E, à l'association Contre Vents, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la société par actions simplifiée CEPE du Haut-Languedoc.

Copie en sera adressée aux préfets de l'Hérault et du Tarn.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23TL01822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01822
Date de la décision : 26/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: Mme Nathalie Lasserre
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : GALLON

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-26;23tl01822 ?
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