Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Institut de recherche pour le développement (IRD) a demandé au tribunal administratif de Montpellier, par une requête enregistrée sous le n° 2102380, de condamner la société Axa France, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision d'un montant de 566 792 euros toutes taxes comprises au titre du contrat d'assurance dommages-ouvrage qu'elle a souscrit en réparation des désordres affectant le " Vectopôle ", un équipement scientifique situé à Montpellier. Par une seconde requête au fond, enregistrée sous le n° 2104683, l'Institut de recherche pour le développement a demandé au tribunal de condamner la société Axa France à lui verser une indemnité de 903 456,07 euros toutes taxes comprises en réparation de ses préjudices.
Par un jugement n°s 2102380 - 2104683 du 28 septembre 2023, rectifié par une ordonnance du président de juridiction du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur la requête en référé provision enregistrée sous le n° 2102380 et, d'autre part, condamné la société Axa France à verser à l'Institut de recherche pour le développement une indemnité de 731 202,40 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2020 courant dans la limite de la somme de 566 792 euros toutes taxes comprises. Par ce même jugement, le tribunal a mis les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 19 575,60 euros, à la charge définitive de la société Axa France.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 novembre 2023 et le 24 mars 2025, la société Axa France, représentée par Me Rigeade, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 septembre 2023 la condamnant à verser à l'Institut de recherche pour le développement une indemnité excédant la somme de 231 811,20 euros, toutes taxes comprises assortie, des intérêts au taux légal ;
2°) de limiter la condamnation prononcée à son encontre au titre de l'indemnité due en exécution du contrat d'assurance dommages-ouvrage à la somme précitée de 231 811,20 euros toutes taxes comprises ;
3°) de mettre à la charge de l'Institut de recherche pour le développement une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que les intérêts au taux légal ne pouvaient courir à compter du 10 février 2020, date de réception de la de la réclamation de l'Institut de recherche pour le développement en date du 3 février 2020, alors qu'elle a fait une proposition d'indemnisation du sinistre à hauteur de 231 811,20 euros toutes taxes comprises par un courrier du 14 décembre 2020, et l'a été réitérée par un courriel du 22 juillet 2021 sans que l'assuré y ait donné suite.
Sur l'exception de prescription biennale :
- c'est à tort que le tribunal a écarté l'exception de prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances alors que, d'une part, cette prescription était stipulée dans les conditions générales du contrat et que, d'autre part, le sous-dimensionnement de la pompe à chaleur, qui est un sinistre indépendant des pannes survenues les 30 mars et 29 juin 2017 et déclarées le 24 août 2017, n'a, quant à lui, jamais donné lieu à une déclaration de sinistre dans les conditions prévues par l'article L. 242-2 du même code.
Sur l'absence de déclaration de sinistre portant sur le sous-dimensionnement de la pompe à chaleur :
- quand bien même l'Institut de recherche pour le développement n'était légalement pas tenu de souscrire un contrat d'assurance dommages-ouvrage, il était contractuellement tenu de lui adresser une déclaration de sinistre en vue de déclencher les garanties des risques couverts par le contrat d'assurance, cette déclaration de sinistre constituant le point de départ des obligations contractuelles de l'assureur ; or, le sous-dimensionnement de la pompe à chaleur n'a jamais donné lieu à une déclaration de sinistre auprès de l'assureur ;
- à défaut pour le maître d'ouvrage de respecter l'obligation de déclaration de sinistre, toute réclamation contentieuse contre son assureur dommages-ouvrage, tendant à l'indemnisation d'un tel sinistre, est irrecevable ;
- la déclaration de sinistre établie par l'Institut de recherche pour le développement le 24 août 2017 ne porte que sur deux sinistres, intervenus les 30 mars et 29 juin 2017, portant respectivement sur une panne de la pompe à chaleur et une panne des installations de traitement de l'air, lesquels ont donné lieu à une proposition d'indemnisation précédée d'un apport d'expertise ; cette déclaration de sinistre ne portait pas sur le sous-dimensionnement de la thermofrigopompe ;
- seul l'expert désigné par le tribunal a, dans son rapport, relevé l'existence d'un désordre supplémentaire tenant au sous-dimensionnement de la pompe à chaleur non déclaré à l'assureur ; toutefois, cette seule circonstance, postérieure à la déclaration de sinistre du 24 août 2017, n'est pas de nature à dispenser l'assuré de son obligation de déclarer préalablement ce sinistre ; or, ce n'est que le 21 décembre 2021 que l'Institut de recherche pour le développement a déclaré un sinistre portant sur le sous-dimensionnement de cet équipement, auquel elle a opposé un refus de garantie.
Sur l'absence de lien entre les pannes des 30 mars et 29 juin 2017 et le sous-dimensionnement de la pompe à chaleur :
- c'est à tort que le tribunal a jugé que la panne généralisée de la pompe à chaleur mentionnée dans la déclaration de sinistre faite par l'assuré incluait nécessairement le sous-dimensionnement de cet équipement alors qu'il n'existe aucun lien entre les pannes déclarées et le sous-dimensionnement de cet équipement ; cette panne était uniquement liée au percement de l'échangeur, lequel a provoqué un arrêt total et brutal de la machine et ne résulte pas d'un manque de performance de l'équipement ;
- il résulte du rapport d'expertise judiciaire et de l'étude menée par le laboratoire CETIM, d'une part, que les désordres affectant la pompe à chaleur ont pour origine un défaut de fabrication de l'échangeur de marque Alfa Laval nécessitant le remplacement de l'équipement à l'identique et, d'autre part, que la défaillance de la centrale de traitement de l'air (CTA) résulte uniquement de la panne électrique d'un moteur ; l'expert judiciaire n'a établi aucun lien entre les pannes en litige et le défaut de performance de la pompe à chaleur ;
- le sous-dimensionnement de la pompe à chaleur au regard des hypothèses de calcul des besoins en froid de l'installation ne peut en aucun cas provoquer une rupture mécanique brutale car l'échangeur de la pompe à chaleur fonctionne comme un organe inerte ;
- si le sous-dimensionnement de la pompe à chaleur était mentionné dans le rapport technique établi le 10 août 2017 par le bureau d'études techniques Ingénieurs Conseils mandaté par l'assuré, celui-ci n'a toutefois pas donné lieu à une observation quant à la capacité de l'installation à répondre aux besoins en froid du Vectopôle dans les conditions extrêmes en été et en hiver et ce rapport ne fait état d'aucun lien entre ces pannes et le sous-dimensionnement de l'installation ;
- dans son rapport technique, le bureau BG Ingénieurs Conseils propose de réparer la thermofrigopompe existante et de mettre en place une deuxième machine permettant d'apporter un complément en puissance froide ; cette circonstance démontre qu'il n'existe aucun lien entre les pannes en litige et le sous-dimensionnement de l'installation.
Sur le caractère non décennal du désordre tenant au sous-dimensionnement de l'installation :
- l'expert judiciaire a admis faire siens les calculs réalisés par le bureau d'études techniques BG Conseils sans constater matériellement ce désordre ni faire réaliser des études complémentaires permettant d'en confirmer l'existence ;
- le sous-dimensionnement de l'installation est une simple hypothèse qui n'a jamais été vérifiée et était même débattue lors des opérations d'expertise dès lors qu'aucun constat d'insuffisance de puissance n'a été opéré au cours des opérations d'expertise ; en particulier, les parties n'ont pas transmis les relevés de la gestion technique centralisée demandés par l'expert permettant de démontrer que les consignes de température n'étaient pas atteintes, et aucune campagne de mesures n'a été réalisée durant l'expertise ;
- l'expert judiciaire n'a pas étudié la possibilité de prendre en compte un coefficient de foisonnement sur les besoins en froid alors que les besoins maximums en froid propres à chaque local ne sont pas les mêmes, particulièrement en période estivale, et que les locaux situés à l'est sont exposés à une charge solaire maximale en matinée alors que ceux exposés à l'ouest atteindront cette charge maximale dans l'après-midi ; en tout état de cause, aucun vice de construction affectant le dimensionnement de l'installation n'est démontré ;
- à titre subsidiaire, le sous-dimensionnement de la pompe à chaleur était nécessairement connu du maître d'ouvrage lors de la réception des travaux dès lors qu'il disposait alors des éléments factuels permettant d'appréhender le coefficient de foisonnement et donc le dimensionnement de l'installation.
Sur le préjudice indemnisable :
En ce qui concerne l'indemnisation d'une nouvelle pompe à chaleur dotée d'une plus grande puissance :
- elle ne saurait être condamnée à une indemnité destinée à financer un nouvel équipement doté d'une plus grande puissance alors que le sous-dimensionnement de l'installation n'est pas démontré ;
- elle ne saurait davantage être condamnée à indemniser des travaux destinés à augmenter à la fois la puissance calorifique et frigorifique de l'équipement alors que le sinistre ne porte que sur la production de froid ;
- la somme de 94 333,10 euros hors taxes, soit 113 199,72 euros toutes taxes comprises suivant le devis présenté par la société SPIE, destinée à tenir compte des sujétions techniques induites par les dimensions et le poids plus important de la pompe à chaleur de remplacement, ne saurait être mise à sa charge dès lors que seul doit être indemnisé le remplacement à l'identique de l'équipement initial ; ce montant correspond à des travaux supplémentaires qui n'étaient pas inclus dans les documents validés par l'expert alors que ce dernier s'est appuyé sur un cahier des clauses techniques particulières établi au mois de janvier 2019 et une décomposition du prix global et forfaitaire ; si la mise en place de micropieux avait été jugée indispensable, l'expert judiciaire l'aurait prise en compte dans l'évaluation du préjudice en l'analysant comme une plus-value sur l'ouvrage ;
- l'assuré n'a pas lancé d'appel d'offres en dépit de la demande de l'expert, ce qui n'a pas permis à ce dernier de se prononcer sur le montant exact des réparations et l'a contraint à procéder à une estimation approximative.
En ce qui concerne l'indemnisation des honoraires de maîtrise d'œuvre :
- le montant de 40 392 euros toutes taxes comprises auquel elle a été condamnée par le tribunal au titre de la mission de maîtrise d'œuvre réalisée par la société BKT, bureau d'études thermique, doit être minoré dès lors qu'il ne lui appartient pas de financer l'installation d'une pompe à chaleur de remplacement dotée d'une puissance supérieure ;
En ce qui concerne l'indemnité due au titre de la location de groupes froids :
- cette indemnité doit être limitée à la somme de 109 944 euros toutes taxes comprises, telle que proposée par l'expert judiciaire dès lors que le maître d'ouvrage a tardé à engager les travaux de reprise nécessaires alors que l'expert l'a autorisé à y procéder dès le 25 juillet 2018 et l'a relancé sur l'état d'avancement de la procédure de consultation par une note aux parties du 2 juillet 2019.
Sur les intérêts au taux légal :
- c'est à tort que le tribunal a fait courir les intérêts au taux légal au 10 février 2020, date de réception de la demande préalable présentée par l'assuré, sans limitation de durée ni de montant alors qu'elle a transmis une proposition officielle de règlement partiel à hauteur de 231 811,20 euros par une lettre du 14 décembre 2020, qu'elle a réitérée par un courriel du 22 juillet 2021 sans que son assuré y réponde ;
- à titre subsidiaire, si la cour venait à confirmer l'application d'intérêts aux taux légal, ces derniers ne peuvent s'appliquer qu'à la somme au principal de 566 792 euros toutes taxes comprises et seulement sur la période comprise entre le 3 février et le 14 décembre 2020.
Sur l'appel incident présenté par l'Institut de recherche et de développement :
- l'indemnité de 44 313,60 euros, toutes taxes comprises, correspondant au coût d'achat d'enceintes climatiques n'est pas justifiée dès lors, d'une part, que les factures d'achat afférentes sont antérieures et sans lien avec la déclaration de sinistre, d'autre part, que l'assuré a procédé à la location de groupes froids de secours pour un montant de 109 944 euros toutes taxes comprises rendant inutile cet achat et, enfin, qu'une enceinte climatique est une armoire étanche fonctionnant de manière indépendante de l'ambiance du local permettant de conditionner des produits ou des organismes dans des conditions d'ambiance précises, de sorte que l'achat de cet équipement est sans lien avec le sinistre ;
- elle ne saurait être tenue d'indemniser le coût de la location de groupes froids au-delà du 25 juillet 2018 alors que le sous-dimensionnement de l'installation n'a pas donné lieu à une déclaration de sinistre ;
- l'indemnité de 1 050 euros réclamée au titre de la convention de prestation n'est pas justifiée dès lors qu'il n'est pas démontré que cette renégociation serait imputable à la survenance des désordres ;
- le préjudice de jouissance allégué n'est pas démontré.
Par deux mémoires en défense, enregistré les 24 janvier et 7 avril 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'Institut de recherche pour le développement, représenté par Me Maillot, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par la société Axa France ;
2°) par la voie de l'appel incident, de porter de 731 202,40 euros à 903 456,07 euros toutes taxes comprises le montant global de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Axa France en exécution du contrat d'assurance dommages-ouvrage souscrit pour la construction du " Vectopôle " implanté sur son site de Montpellier, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, date de sa demande d'indemnisation, et dans la limite de la somme de 566 792 euros toutes taxes comprises ;
3°) de mettre à la charge de la société Axa France une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le tribunal n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments développés par les parties et a, implicitement mais nécessairement, écarté l'argumentation de la société Axa France relative aux intérêts au taux légal.
Sur l'exception de prescription biennale :
- conformément aux articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances, combinés aux articles 2241 et 2239 du code civil, la saisine du tribunal en vue d'obtenir la désignation d'un expert a eu pour effet d'interrompre le délai de la prescription biennale jusqu'à la date de remise du rapport d'expertise ; en l'espèce, il a été procédé à la déclaration de sinistre auprès de l'assureur le 24 août 2017, avant la saisine du tribunal d'une demande d'expertise le 13 septembre 2017, et le 3 février 2020, soit dans le délai de deux ans, il a été demandé à l'assureur de prendre en charge le coût des dommages ; en outre, il a saisi le tribunal d'une demande d'indemnisation le 8 septembre 2021, soit dans le délai de deux ans suivant le dépôt du rapport de l'expert intervenu le 16 septembre 2019 ;
- en tout état de cause, la prescription biennale ne peut pas lui être opposée dès lors que le contrat d'assurance ne mentionne pas, ainsi que l'exige l'article R. 112-1 du code des assurances, l'ensemble des règles de prescription des actions dérivant du contrat d'assurance, y compris les clauses d'interruption de celles-ci, qu'elles soient prévues par le code des assurances ou par le code civil, ce qui ne permet pas d'assurer une information suffisante de l'assuré ; en particulier, les conditions générales du contrat d'assurance omettent de préciser que, conformément au 2ème alinéa de l'article 2241 du code civil, la demande en justice interrompt également le délai de prescription lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.
Sur l'absence de déclaration de sinistre auprès de l'assureur :
- il n'était pas dans l'obligation d'adresser une déclaration de sinistre à l'assureur avant la saisine du tribunal pour solliciter la désignation d'un expert dès lors qu'il n'était pas tenu, en qualité de personne morale de droit public, de souscrire une assurance dommages-ouvrage en vertu de l'article L. 242-1 du code des assurances, de sorte que les dispositions de l'annexe II de l'article A. 243-1 du code des assurances ne lui sont pas opposables ;
- en tout état de cause, par des courriers du 24 août 2017 et du 3 février 2020, ce dernier courrier comportant, en annexe, le rapport de l'expert judiciaire du 12 septembre 2019, il a saisi la société Axa France d'une déclaration de sinistre faisant état des trois désordres retenus par l'expert, de sorte que l'assureur doit être tenu de garantir l'ensemble des désordres en litige ; il a également réitéré sa déclaration de sinistre par un courrier superfétatoire du 15 décembre 2022.
Sur l'origine des désordres et le sous-dimensionnement de la pompe à chaleur :
- le sous-dimensionnement des installations ne constitue pas un troisième sinistre sans lien avec les autres dysfonctionnements mais constitue la cause des deux pannes de la thermofrigopompe ;
- comme l'a relevé la société BG Ingénieurs Conseil, la première panne du 30 mars 2017 a donné lieu à une réparation sans identifier son origine et les risques de récidive ; seule la panne survenue le 29 juin 2017 a donné lieu à des investigations complémentaires sur le fonctionnement de l'installation, notamment sur le dimensionnement des liaisons hydrauliques ; selon les constatations de cette société, le choix des équipements et leur paramétrage ne sont pas adaptés au bilan thermique et aux besoins de puissance, de sorte que le simple remplacement des compresseurs et du circuit frigorifique sans mesure complémentaire ne permettra pas d'éviter une nouvelle panne ;
- il a bien procédé à une déclaration de sinistre le 24 août 2017 mentionnant la panne généralisée de la pompe à chaleur et n'était pas tenu de déclarer un troisième sinistre portant sur le sous-dimensionnement de l'installation, lequel ne constitue pas un sinistre propre mais un facteur d'explication des pannes déclarées ;
- dans sa lettre du 25 octobre 2017 prenant position sur la garantie due à la suite du dépôt du rapport de l'expert qu'elle a diligenté, la société Axa France a reconnu le caractère décennal des désordres déclarés en ce qu'ils rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;
- l'expert désigné par le tribunal a établi de manière circonstanciée le sous-dimensionnement de l'installation, laquelle nécessite une puissance thermique de 300 kw qui doit pouvoir être satisfaite à tout moment en s'appuyant sur le bilan thermique calculé par les sociétés SKS et BETEM.
Sur le préjudice indemnisable :
- elle est fondée à obtenir une indemnité de 465 866,40 euros toutes taxes comprises correspondant aux frais qu'elle a effectivement engagés pour réaliser les travaux de réfection permettant de remédier définitivement aux désordres en litige en assurant la solidité de l'ouvrage et en le rendant propre à sa destination ;
- en particulier, la différence de gabarit et de spécificités techniques entre l'ancienne et la nouvelle thermofrigopompe et l'état des réseaux en place ont nécessité les postes de travaux suivants : la réalisation de micropieux et de longrines en raison du caractère meuble du terrain d'emprise du local technique extérieur révélé par les sondages géotechniques demandés par les bureaux d'étude et de contrôle, l'agrandissement et le remaniement complet du local technique extérieur, le déplacement subséquent de l'unité extérieure, le maintien d'une ventilation et d'une certaine température durant les travaux, le remplacement des ballons d'eau chaude et froide, la fourniture et la pose de canalisations intérieures calorifugées après redimensionnement des réseaux d'eau froide ainsi que des essais de performances pendant un mois en vue de s'assurer du bon fonctionnement de l'ouvrage, le " Vectopôle " étant un bâtiment process destiné à la conservation de collections d'insectes et à leur étude ;
- les honoraires de maîtrise d'œuvre sont justifiés par les travaux réalisés : le gabarit de la nouvelle installation a nécessité des travaux de génie civil confiés à un bureau d'études structures ;
- les frais de location des groupes froids sont justifiés dès lors que la mission de maîtrise d'œuvre finalement nécessaire s'est avérée plus complexe que prévu, ce qui a nécessité de poursuivre la location de ces équipements au-delà du 3 septembre 2018 ; en outre, il ne pouvait engager les travaux de reprise au mois d'octobre 2018 dès lors que les documents nécessaires au lancement de la procédure de consultation n'ont été transmis par le bureau d'études techniques BKT à l'expert qu'au mois de février 2019, les parties ayant eu jusqu'au 15 mars 2019 pour formuler leurs observations, tandis qu'en outre des études préliminaires complémentaires ont été nécessaires avant le lancement de cette consultation au vu du gabarit de la nouvelle thermofrigopompe ;
- à titre incident, il est fondé à réclamer les indemnités complémentaires suivantes :
* 1 050 euros au titre de l'indemnisation du préjudice financier lié à la renégociation à la baisse des tarifs de contribution aux frais internes prévus par le contrat d'accueil et de prestations de service conclu avec le Centre national de la recherche scientifique ;
* 30 000 euros au titre du préjudice de jouissance dès lors que le " Vectopôle " n'a pas pu être utilisé de manière conforme à sa destination pendant de nombreux mois ;
* 44 313,60 euros toutes taxes comprises au titre de l'achat d'enceintes climatiques ;
* 337 416 euros toutes taxes comprises au titre des frais de location de groupes chauds et froids sur la période comprise entre avril 2017, date du premier sinistre, et août 2021, date de notification du marché de travaux conclu pour le remplacement de la thermofrigopompe.
Par une ordonnance du 24 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 8 avril 2025 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre, première conseillère,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;
- les observations de Me Rigeade, représentant la société Axa France, et celles de Me Castagnino, représentant l'Institut de recherche pour le développement.
Considérant ce qui suit :
1. En 2013, l'Institut de recherche pour le développement, établissement public à caractère scientifique et technologique, a entrepris de faire construire un équipement scientifique sur son site de Montpellier (Hérault) dédié à l'étude des insectes vecteurs non infectés et infectés par des agents pathogènes. Cet ensemble, dénommé " Vectopôle ", est composé d'insectariums de confinement dotés de trois niveaux de sécurité L1, L2 et L3 et de laboratoires de recherches. Par un acte d'engagement signé le 20 août 2013, l'Institut de recherche pour le développement a souscrit auprès de la société Axa France un marché public d'assurance dit " contrat d'assurance tous risques chantier - dommages-ouvrage " en vue de garantir les éventuels sinistres affectant la construction. Les travaux de génie climatique afférents au lot n° 10 " chauffage - climatisation - traitement d'air - plomberie " ont été confiés à la société Solutions Klima Services (SKS), laquelle a posé des centrales de traitement de l'air et une thermofrigopompe assurant la production de chaleur et de froid. Les travaux du lot n° 10 précité ont été réceptionnés le 29 juin 2015 avec des réserves, lesquelles ont été levées le 7 septembre 2015. Au mois d'octobre 2015, la thermofrigopompe et les installations de traitement de l'air ont connu une première avarie causée par le percement de l'échangeur fluide/eau du circuit froid. Cette panne a été prise en charge par la société distribuant de cet équipement. Le 30 mars 2017, une nouvelle panne est survenue au niveau de la pompe à chaleur et le 29 juin suivant, les installations de traitement de l'air ont également subi une panne, ce qui a conduit le maître d'ouvrage à louer des groupes frigorifiques. Par une lettre du 24 août 2017, l'Institut de recherche pour le développement a adressé une déclaration pour ces deux sinistres à la société Axa France. Par une lettre du 20 octobre 2017, cette société d'assurance a accepté de garantir les pannes survenues les 30 mars et 29 juin 2017. Le 13 septembre 2017, l'Institut de recherche pour le développement a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande en référé tendant à la désignation d'un expert. Par une ordonnance n° 1704362 du 7 novembre 2017, suivie d'une ordonnance n°s 1800186, 18004102 et 1800788 du 30 mars 2018 étendant les opérations d'expertises à d'autres sociétés, le juge des référés du tribunal a désigné M. B... comme expert, lequel a déposé son rapport le 16 septembre 2019. Par une lettre du 3 février 2020, l'Institut de recherche pour le développement a demandé à la société Axa France de lui verser la somme de 566 792 euros au titre des travaux de remise en état des installations d'air. Par une lettre du 14 décembre 2020, cette société a proposé de verser une indemnité d'assurance de 231 811,20 euros seulement.
2. Par un jugement n° 2102380 - 2104683 du 28 septembre 2023, rectifié par une ordonnance du président de juridiction du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur le référé provision enregistré sous le n° 2102380 et, d'autre part, à l'article 2 du dispositif de sa décision, condamné la société Axa France à verser à l'Institut de recherche pour le développement une indemnité de 731 202,40 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2020 courant dans la limite de la somme de 566 792 euros toutes taxes comprises. Par ce même jugement, le tribunal a mis les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 19 575,60 euros, à la charge définitive de la société Axa France. La société Axa France relève appel de l'article 2 de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, l'Institut de recherche pour le développement relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité le montant de l'indemnité qui lui a été accordé.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des parties, a suffisamment répondu, au point 13 du jugement attaqué, à la demande de l'Institut de recherche pour le développement tendant au versement d'intérêts de retard au taux légal, lesquels courent de plein droit, en application de l'article 1231-6 du code civil, à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. Par suite, la société Axa France n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé en tant qu'il statue sur les intérêts en rappelant, à ce titre, leur point de départ.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'absence de déclaration du sinistre lié au sous-dimensionnement de la pompe à chaleur :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances : " Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil. / Toutefois, l'obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s'applique (...) [pas] aux personnes morales de droit public (...) lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de construction pour un usage autre que l'habitation (...) ".
5. Aux termes de l'article A. 243-1 du code des assurances : " Tout contrat d'assurance souscrit pour l'application du titre IV du livre II doit obligatoirement comporter les clauses figurant : (...) / À l'annexe II au présent article en ce qui concerne l'assurance de dommages (...) ". Aux termes de l'annexe II de cet article, relative aux clauses-types applicables aux contrats d'assurance de dommages-ouvrage souscrits par les maîtres d'ouvrage en vertu des dispositions de l'article L. 241-1 du code des assurances : " A. - Obligations de l'assuré (...) / 2° En cas de sinistre susceptible de mettre en jeu les garanties du contrat, l'assuré est tenu d'en faire la déclaration à l'assureur (...) ".
6. Le Vectopôle ne constituant pas un bâtiment à usage d'habitation, l'Institut de recherche pour le développement n'était pas tenu, en application des dispositions précitées de l'article L. 242-1 du code des assurances, de souscrire une assurance dommages-ouvrage, ce qui rend les dispositions de l'article A. 243-1 du même code, et les clauses-types figurant en annexe II prévoyant une déclaration de sinistre, inopposables. Par suite, la société Axa France ne peut utilement se prévaloir des dispositions prévues par l'annexe II de l'article A. 243-1 du code des assurances.
7. Toutefois, aux termes des stipulations de l'article 5 des conditions générales du contrat d'assurance dommage-ouvrage souscrit par les parties : " En cas de sinistre susceptible de mettre en jeu les garanties du contrat, l'assuré est tenu d'en faire la déclaration à l'assureur (...) ". Dès lors que les parties ont ainsi entendu expressément subordonner toute garantie d'un dommage à la transmission préalable d'une déclaration de sinistre, l'Institut de recherche pour le développement était non pas légalement, mais contractuellement tenu de procéder à une telle déclaration, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal.
8. Il résulte de l'instruction que la pompe à chaleur et l'installation de traitement d'air sont respectivement tombées en panne les 30 mars et 29 juin 2017, ces deux pannes ayant donné lieu à une déclaration de sinistre transmise par l'Institut de recherche de développement par une lettre du 24 août 2017, reçue par la société Axa France au plus tard le 20 octobre 2017, soit dans le délai de deux ans prévu par les dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances selon lesquelles : " Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance (...) ".
9. Eu égard à l'emploi des expressions " panne survenue au niveau de la pompe à chaleur le 30 mars 2017 " et " panne survenue au niveau des installations de traitement de l'air le 29 juin 2017 " qu'elle contient, la déclaration de sinistre du 24 août 2017 doit être regardée comme ayant pour objet de solliciter la garantie de l'assureur au regard des dysfonctionnement affectant ces deux équipements, en ce compris leur sous-dimensionnement éventuel dans l'hypothèse où ce sous-dimensionnement serait à l'origine de ces incidents, l'assuré n'étant pas tenu, au stade de la déclaration de sinistre, d'identifier précisément la cause de ces dysfonctionnements. La société Axa France soutient, pour faire échec à la garantie à laquelle elle est contractuellement tenue, que le sous-dimensionnement de la pompe à chaleur constitue un troisième sinistre distinct ne constituant pas la cause explicative des désordres déclarés en 2017 et que son existence n'a été révélée que par l'expertise judiciaire, sans pour autant avoir donné lieu à une déclaration de sinistre préalable dans les conditions prévues par l'article 5 des conditions générales du contrat. Il résulte toutefois de l'instruction, éclairée par le rapport d'expertise judiciaire, dont les conclusions concordent sur ce point avec celles des rapports techniques versés au dossier, que ce sous-dimensionnement ne constitue pas un désordre distinct devant lui-même donner lieu à une déclaration de sinistre mais a bien été à l'origine des désordres affectant la pompe à chaleur et les installations de traitement de l'air. Il résulte également de ces rapports que ce sous-dimensionnement entraînera, à l'avenir, de nouvelles pannes s'il n'y est pas remédié. Par suite, la société Axa France ne peut utilement soutenir qu'elle n'était pas tenue d'indemniser les conséquences dommageables liées au sous-dimensionnement de la pompe à chaleur en l'absence de déclaration de sinistre dans le délai biennal précité.
10. En tout état de cause, à supposer que, ainsi que le soutient la société Axa France, le sous-dimensionnement de la pompe à chaleur constituerait un troisième sinistre distinct des deux pannes survenues les 30 mars et 29 juin 2017 mentionnées dans la déclaration du 24 août 2017, il résulte de l'instruction que l'Institut de recherche pour le développement a eu connaissance de l'étendue exacte de ce sinistre au plus tôt le 16 septembre 2019, date de dépôt du rapport d'expertise, la saisine du tribunal en vue de solliciter la désignation d'un expert ayant interrompu le cours de la prescription biennale en application de l'article L. 114-2 du code des assurances 8. Il résulte également de l'instruction que l'assuré a transmis une deuxième déclaration de sinistre incluant expressément cette malfaçon par une lettre du 3 février 2020, notifiée à la société appelante le 10 février suivant, soit, en tout état de cause, dans le délai de deux ans suivant la remise du rapport de l'expert et avant la saisine du tribunal intervenue le 8 septembre 2021, cette déclaration de sinistre ayant au surplus été réitérée en cours d'instance par une lettre du 15 décembre 2022, reçue par l'assureur le 21 décembre suivant. Par suite, la société Axa France n'est pas fondée à soutenir que le sous-dimensionnement de la pompe à chaleur n'aurait pas donné lieu à une déclaration de sinistre.
En ce qui concerne l'exception de prescription biennale :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 112-4 du code des assurances : " (...) Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ". L'article L. 114-2 de ce code précise, dans sa rédaction applicable au litige que : " La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ".
12. Par ailleurs, l'article R. 112-1 du code des assurances dispose que : " Les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R. 321-1, à l'exception des polices d'assurance relevant du titre VII du présent code, doivent indiquer : / -la durée des engagements réciproques des parties ; / -les conditions de la tacite reconduction, si elle est stipulée ; / -les cas et conditions de prorogation ou de résiliation du contrat ou de cessation de ses effets ; / -les obligations de l'assuré, à la souscription du contrat et éventuellement en cours de contrat, en ce qui concerne la déclaration du risque et la déclaration des autres assurances couvrant les mêmes risques ; / -les conditions et modalités de la déclaration à faire en cas de sinistre ; / -le délai dans lequel les indemnités sont payées ; / -pour les assurances autres que les assurances contre les risques de responsabilité, la procédure et les principes relatifs à l'estimation des dommages en vue de la détermination du montant de l'indemnité. / Elles doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II du livre Ier de la partie législative du présent code concernant la règle proportionnelle, lorsque celle-ci n'est pas inapplicable de plein droit ou écartée par une stipulation expresse, et la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance (...) ".
13. Il résulte des articles L. 114-1, L. 114-2 et R. 112-1 du code des assurances que, pour assurer une information suffisante des assurés, les polices d'assurance entrant dans le champ d'application de l'article R. 112-1 doivent rappeler les règles de prescription des actions dérivant du contrat d'assurance, y compris les causes d'interruption de celle-ci, qu'elles soient prévues par le code des assurances ou par le code civil. À défaut, l'assureur ne peut opposer à l'assuré la prescription prévue à l'article L. 114-1.
14. Aux termes de l'article 17 des conditions générales d'assurance : " Conformément aux dispositions prévues par l'article L. 114-1 du Code des Assurances, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. / Toutefois, ce délai ne court : / 1° en cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ; / 2° en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là. Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier. / Conformément à l'article L. 114-2 du Code des Assurances, la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription : / - toute demande en justice, même en référé, tout acte d'exécution forcée ; / - toute reconnaissance par l'assureur du droit à garantie de l'assuré, ou toute reconnaissance de dette de l'assuré envers l'assureur ; / Elle est également interrompue : / - par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre / - par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par : /. l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime ; /. l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité. / Conformément à l'article L. 114-3 du Code des Assurances, les parties au contrat d'assurance ne peuvent, même d'un commun accord, ni modifier la durée de la prescription, ni ajouter aux causes de suspension ou d'interruption de celle-ci ".
15. Ni ces stipulations, ni les conditions particulières du contrat litigieux, ni l'acte d'engagement ou tout autre document contractuel ne contiennent ainsi de stipulations rappelant de manière précise, autrement que par un simple renvoi aux articles L. 114-1 et L. 114- 2 du code des assurances, les règles de la prescription et de son interruption, notamment les causes ordinaires de prescription prévues par le code civil, en particulier les dispositions du second alinéa de l'article 2241 du code civil selon lesquelles le délai de prescription est interrompu lorsque la demande en justice est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. Les documents contractuels, qui ne permettent pas d'assurer une information suffisante de l'assuré, méconnaissent ainsi les dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances applicables au contrat d'assurance en cause. Par suite, indépendamment de l'effet interruptif ou non attaché aux déclarations de sinistre des 24 août 2017 et 3 février 2020 et à la désignation subséquente d'un expert judiciaire, la prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances ne peut être opposée à l'Institut de recherche pour le développement par la société Axa assurances en l'absence de mention de l'ensemble des causes ordinaires de prescription prévues par le code civil.
16. En second lieu, d'une part, l'article L. 114-1 du code des assurances dispose, dans sa rédaction en vigueur à la date de souscription du contrat d'assurance en litige : " Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. / Toutefois, ce délai ne court : / 1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ; / 2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là. / Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier (...) ". Aux termes de l'article L. 242-1 du même code : " (...) L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat (...) ".
17. Il résulte des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances que l'assureur dommages-ouvrage est tenu de répondre à toute déclaration de sinistre en adressant à son assuré le courrier contenant sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat dans le délai maximal de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre. À défaut, l'assureur ne peut plus opposer la prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du même code lorsqu'elle est déjà acquise à la date d'expiration de ce délai. Si l'assureur dommages-ouvrage ne peut plus, à défaut d'avoir répondu à la déclaration de sinistre dans le délai de soixante jours prescrit par l'article L. 242-1 du code des assurances, opposer la prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du même code lorsqu'elle est déjà acquise à la date d'expiration de ce délai, la seule circonstance que l'assureur n'ait pas respecté ce délai ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse ensuite opposer la prescription biennale dans le cas où l'action du maître de l'ouvrage n'a pas été engagée dans le délai de deux ans à compter de l'expiration du délai de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre.
18. D'autre part, aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". Aux termes de l'article 2241 du code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (...) ". Aux termes de l'article 2242 du même code : " L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ".
19. Il résulte de ces dispositions qu'une action en justice n'interrompt la prescription qu'à la condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait. Il en résulte également que la demande adressée à un juge de diligenter une expertise interrompt le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance et que, lorsque le juge fait droit à cette demande, le même délai est suspendu jusqu'à la remise par l'expert de son rapport au juge.
20. Il résulte de l'instruction que, ainsi qu'il a été dit précédemment, la déclaration de sinistre portant sur les pannes survenues les 30 mars et 29 juin 2017 a été transmise par une lettre du 24 août 2017, reçue au plus tard par la société Axa France le 20 octobre 2017, date de la lettre par laquelle l'assureur a pris position sur les garanties. Il résulte également de l'instruction que l'Institut de recherche pour le développement a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'une demande d'expertise relative aux désordres en litige qui affectent la pompe à chaleur et les installations de traitement de l'air le 13 septembre 2017, soit dans le délai de deux ans à compter de l'expiration du délai de soixante jours dont disposait l'assureur pour prendre position sur la déclaration de sinistre du 24 août 2017. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance n° 1704362 du 7 novembre suivant, le rapport de l'expert ayant été déposé le 16 septembre 2019 au greffe du tribunal. Par suite, et en application des articles 2241 et 2242 du code civil, le délai de prescription de l'action dont disposait l'Institut de recherche pour le développement a été interrompu jusqu'au 16 septembre 2019 et un nouveau délai d'action de deux ans a couru à l'égard de l'assuré à compter du 17 septembre 2019.
21. Il résulte tout autant de l'instruction que le désordre afférent au sous-dimensionnement de la pompe à chaleur a été relevé dans le rapport de l'expert judiciaire du 12 septembre 2019, remis le 16 septembre suivant. À supposer cette formalité nécessaire, l'Institut de recherche a transmis une nouvelle déclaration de sinistre mentionnant ce désordre par une lettre du 3 février 2020 notifiée le 10 février suivant, soit dans le délai de deux ans à compter du jour où il a eu connaissance de l'existence et de l'étendue de ce sinistre. Or, il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas davantage allégué que la société Axa France aurait pris position sur la mise en jeu des garanties prévues au contrat dans le délai maximal de soixante jours prescrit à l'assureur par l'article L. 242-1 du code des assurances suivant la réception de la déclaration de sinistre du 3 février 2020, ce qui lui interdit d'opposer la prescription biennale, à la supposer acquise lors de la déclaration de sinistre, tandis que l'Institut de recherche pour le développement a bien saisi le tribunal dans le délai de deux ans à compter de l'expiration du délai de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre.
22. Dès lors, le délai d'action biennal ouvert par les dispositions précitées de l'article L. 114-1 du code des assurances n'était expiré ni lorsque l'Institut de recherche pour le développement a transmis les déclarations de sinistre précitées des 24 août 2017 et 3 février 2020, ni lorsque ce dernier a saisi le tribunal administratif de Montpellier le 10 mai 2021 d'une demande en référé provision, puis, le 8 septembre 2021, d'une demande au fond d'indemnisation de ses préjudices sur le terrain de la responsabilité contractuelle. Par suite, la société Axa France n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal a écarté l'exception de prescription biennale.
En ce qui concerne l'absence de lien allégué entre les pannes des 30 mars et 29 juin 2017 et le sous-dimensionnement de la pompe à chaleur :
23. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 21, le sous-dimensionnement de la pompe à chaleur a donné lieu à une déclaration de sinistre distincte formalisée dans un courrier du 3 février 2020, la circonstance qu'il n'existerait aucun lien entre ce sous-dimensionnement et les pannes survenues les 30 mars et 29 juin 2017 est sans incidence sur l'indemnisation à laquelle peut prétendre l'Institut de recherche pour le développement.
En ce qui concerne la nature décennale et le caractère apparent du désordre tenant au sous-dimensionnement de l'installation :
24. En premier lieu, si la société Axa Assurances soutient que le sous-dimensionnement de l'installation est une simple hypothèse qui n'a jamais été confirmée par des campagnes de mesures durant les opérations d'expertise, l'expert judiciaire s'étant borné, selon elle, à faire siens les calculs de puissance réalisés par le bureau d'études techniques BG Ingénieurs Conseils à la demande de l'assuré sans constater matériellement ce désordre, elle ne produit toutefois aucun élément circonstancié de nature à démontrer que les constatations matérielles opérées par ce bureau d'études, qui ont pu être utilement débattues lors des opérations d'expertise puis été validées par l'expert, seraient erronées.
25. À l'inverse, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise et du rapport technique établi le 10 août 2017 par le bureau d'études BG Ingénieurs Conseils, d'une part, que la pompe à chaleur a connu plusieurs pannes importantes peu de temps après sa mise en service jusqu'à sa mise à l'arrêt et son remplacement par des groupes chauds et froids, d'autre part, que la thermofrigopompe qui a été installée n'est pas de facture équivalente à celle prévue par le marché, lequel prévoyait la pose d'un modèle d'une autre marque. Il résulte tout autant de l'instruction, notamment du rapport technique précité, qu'aucun bilan thermique n'a été réalisé lors de la phase de conception afin de valider la puissance de rendement prévue par le cahier des clauses techniques particulières du marché et de justifier le coefficient de foisonnement appliqué sur la puissance froide de cet équipement, tandis que le procès-verbal de mise en service n'avait toujours pas été transmis après une année de fonctionnement. Or, sur ce point, il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport technique précité, que le dimensionnement de la pompe à chaleur et des installations de traitement d'air a été prévu par les constructeurs sans tenir compte de la destination scientifique de l'ouvrage, paramètre essentiel dès lors que les installations en chaud et en froid peuvent être sollicitées à puissance maximale de manière simultanée, ni faire valider par le maître d'ouvrage le coefficient de foisonnement retenu alors qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer un tel coefficient, à moins qu'il ne portât que sur les circuits internes de l'installation. Si la société Axa France soutient que l'expert judiciaire a éludé la possibilité d'intégrer un coefficient de foisonnement sur les besoins en froid en tenant compte du comportement du bâtiment au regard de son exposition au soleil et des changements de saison, lesquels entraînent des appels de puissance variables, il résulte toutefois de l'instruction que le Vectopôle et les insectariums de confinement qui le composent constituent des installations scientifiques particulières destinées à la mise en œuvre de process scientifiques dans un espace clos, incluant notamment l'élevage de larves et la culture de moustiques vecteurs suivant des cycles larvaires particuliers, nécessitant des consignes de températures et d'humidité précises et strictes, indépendamment des facteurs climatiques extérieurs afin de garder le contrôle du développement larvaire et de mener des recherches sur des moustiques avec des âges précis. Par suite, la société Axa France n'est pas fondée à soutenir que l'application d'un coefficient de foisonnement permettrait d'atteindre les performances thermiques attendues.
26. De même, il résulte de l'instruction, notamment du rapport technique établi par la société BG Ingénieurs Conseils, qu'en " mode froid ", le régime d'eau de la pompe à chaleur a été abaissé pour fonctionner à une température comprise entre 6° C et 11°C, au lieu d'une température comprise entre 7 et 12 °C, alors que l'ensemble des émetteurs (batteries des centrales de traitement de l'air, ballon-tampon, batteries terminales, cassettes...) est dimensionné pour un régime d'eau compris entre 7 et 12 °C. Or, ce paramétrage, consistant à abaisser artificiellement le régime d'eau froide sortant de la pompe à chaleur pour atteindre le rendement en froid attendu et à modifier la consigne de la sonde antigel afin qu'elle se déclenche à une température minimale de 3 °C, au lieu des 5 °C prévus, a pour effet, d'une part, de rendre la pompe à chaleur moins performante et très énergivore et, d'autre part, de provoquer l'apparition de gel dans l'échangeur à l'origine de pannes alors que la température minimale admissible dans un échangeur à plaques est de 5 °C. Par suite, la société Axa France n'est pas fondée à soutenir que la panne de la pompe à chaleur serait sans lien avec le sous-dimensionnement de cet équipement.
27. Dès lors que le Vectopôle et les insectariums de confinement nécessitent des besoins en froid et en chaud continus et simultanés sur l'ensemble de l'installation, en été comme en hiver, indépendamment des variations thermiques extérieures au bâtiment et de son exposition, et que le dimensionnement de la pompe à chaleur ne permet pas de répondre aux rendements thermiques attendus pour un tel équipement scientifique, ce désordre est de nature à rendre cet ouvrage impropre à sa destination et présente dès lors, une nature décennale.
28. En second lieu, il résulte des dispositions précitées de L. 242-1 du code des assurances que l'assurance dommages ouvrage garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque, après réception, l'entrepreneur mis en demeure de reprendre les désordres de gravité décennale, réservés à la réception ou apparus durant le délai de garantie de parfait achèvement, n'a pas exécuté ses obligations. La seule circonstance que les désordres aient fait l'objet de réserves lors de la réception des travaux, ce qui a pour effet de maintenir l'obligation contractuelle des constructeurs d'y remédier, ne fait pas obstacle à ce que l'assureur verse à son assuré, en exécution de l'assurance dommages ouvrage, une indemnité correspondant au coût des réparations nécessaires.
29. Si la société Axa France soutient que le vice tenant au sous-dimensionnement de la pompe à chaleur était nécessairement connu du maître d'ouvrage lors de la réception des travaux dès lors qu'il disposait des éléments factuels lui permettant d'appréhender le coefficient de foisonnement et, partant, le dimensionnement de l'installation, le caractère apparent de ce désordre, à le supposer établi, est sans incidence sur l'indemnité d'assurance, laquelle est due dès lors que le désordre présente une gravité décennale, ce qui est le cas en l'espèce ainsi qu'il a été dit au point 27. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que le vice de conception affectant le dimensionnement de la pompe à chaleur n'a été révélé dans toute son ampleur que postérieurement aux opérations de réception tandis qu'il n'y a pas lieu, ainsi qu'il a été dit, d'appliquer un coefficient de foisonnement.
30. Il s'évince de ce qui précède que les désordres en litige tenant au sous-dimensionnement des installations thermiques, qui affectent un élément indissociable de l'ouvrage et sont de nature à le rendre impropre à sa destination, présentent, indépendamment de leur caractère apparent lors de la réception, une gravité décennale justifiant la mise en œuvre des garanties prévues par le contrat d'assurance dommages-ouvrage, ainsi que l'a jugé sur ce point le tribunal.
En ce qui concerne le préjudice indemnisable :
S'agissant de l'indemnisation des travaux de remplacement de la pompe à chaleur et des honoraires de maîtrise d'œuvre :
31. En premier lieu, le sous-dimensionnement de la pompe à chaleur au regard des rendements thermiques attendus étant matériellement établi ainsi qu'il a été dit aux points 24 à 27, l'indemnité d'assurance à laquelle peut prétendre l'Institut de recherche pour le développement doit nécessairement inclure le financement d'un nouvel équipement doté d'une plus grande puissance adaptée à la vocation spécifique du Vectopôle.
32. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la thermofrigopompe constitue un seul équipement assurant à la fois la production de froid et de chaud. Dès lors qu'il ne peut être remédié au désordre tenant au sous-dimensionnement de cet équipement que par son remplacement et qu'il n'est pas démontré qu'il existerait d'autres procédés équivalents et moins onéreux de nature à remédier durablement aux désordres, la société Axa France n'est pas fondée à soutenir que l'indemnité mise à sa charge au titre des désordres doit se limiter à la seule production de froid.
33. En troisième lieu, la détermination du préjudice indemnisable relève de l'office du juge qu'il exerce, le cas échéant, en diligentant une mesure d'expertise. Par suite, la société Axa France ne peut utilement se prévaloir de la circonstance selon laquelle l'Institut de recherche pour le développement n'a pas lancé d'appel d'offres en dépit de la demande de l'expert désigné par le tribunal, ce qui a contraint ce dernier à procéder par estimation.
34. En quatrième et dernier lieu, il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport d'expertise et le rapport technique établi par la société INGEBAT34, bureau d'études techniques structure, que la pompe à chaleur de remplacement, dotée d'une plus grande puissance et, par suite, d'un volume et d'un poids plus conséquents, a nécessité une extension du plateau technique existant, notamment de son dallage et de son bardage. Eu égard à l'emprise au sol plus importante du nouveau local technique et de sa proximité avec le sous-sol d'un bâtiment, le maître d'ouvrage a été contraint, préalablement à la pose de la dalle en béton armé, de renforcer le sol d'assise par l'installation de micropieux et de longrines et de réaliser des fondations plus profondes après une étude de sol. Ces travaux de génie civil et la mission de maîtrise d'œuvre afférente, dont l'utilité est établie, ont nécessité des frais supplémentaires, notamment le recours à un bureau d'études techniques structure. En se bornant à soutenir que la pompe à chaleur devait être remplacée à l'identique et que l'expert n'a pas validé ces travaux supplémentaires alors que le remplacement à l'identique de cet équipement ne serait pas de nature à remédier aux désordres, la société Axa France ne conteste pas l'utilité de cette dépense supplémentaire justifiée par les sujétions techniques induites par le gabarit plus important de la pompe à chaleur de remplacement et la nature du sol d'assise du plateau technique destiné à l'accueillir. Dans ces conditions, le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice subi par l'Institut de recherche pour le développement en incluant, dans l'indemnité de 465 866,40 euros toutes taxes comprises à laquelle a été condamnée la société Axa France au titre des travaux de remplacement de la pompe à chaleur, laquelle correspond au décompte général et définitif du marché de travaux, la somme de 94 333,10 euros hors taxes, soit 113 199,72 euros toutes taxes comprises, correspondant aux travaux supplémentaires confiés à la société SPIE. Pour les mêmes motifs, le tribunal a fait une juste appréciation de l'indemnité destinée à couvrir les honoraires de maîtrise d'œuvre, lesquels doivent inclure les honoraires du bureau d'études structure, en condamnant la société Axa France à verser à l'assuré une indemnité de 40 392 euros toutes taxes comprises.
S'agissant de l'indemnisation des frais de la location de groupes chauds et froids :
35. Les dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances instituent une procédure spécifique de préfinancement des travaux de réparation des désordres couverts par la garantie décennale avant toute recherche de responsabilité. Par suite, l'assureur ne peut exiger de l'assuré la réalisation de ces travaux avant le versement de l'indemnité prévue par ces dispositions.
36. Il est constant que l'Institut de recherche pour le développement a loué des groupes chauds et froids à compter du mois d'avril 2017 dans l'attente du remplacement de la pompe à chaleur. Dès lors que la société Axa France ne conteste pas la réalité des frais exposés pour la location de ces équipements provisoires et que le versement de l'indemnité due en exécution du contrat d'assurance dommages-ouvrage n'est pas subordonné à la réalisation des travaux par l'assuré, elle ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que l'assuré avait été autorisé par l'expert judiciaire à procéder aux travaux de remplacement de la pompe à chaleur dès le 25 juillet 2018. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le dossier de consultation des entreprises établi par le bureau d'études techniques BKT n'a été remis à l'expert judiciaire qu'au mois de février 2019, les parties ayant eu jusqu'au 15 mars 2019 pour présenter leurs observations. Il résulte également de l'instruction que la complexité du nouvel équipement a nécessité une mission de maîtrise d'œuvre avancée incluant, notamment, une étude en phase projet du bureau d'études techniques structures INGEBAT 34 datée du 6 avril 2020, ainsi que des travaux de génie civil complémentaires, ces frais et les délais liés à ces travaux n'ayant pas été pris en compte lors des opérations d'expertise. Enfin, il résulte de l'instruction que le marché de travaux conclu pour le remplacement de la thermofrigopompe a été attribué le 27 août 2021 à un groupement composé de la société SPIE, mandataire, et que les travaux ont été réceptionnés le 28 avril 2022 après la conclusion de deux avenants. Il en résulte, dès lors, que c'est à tort que le tribunal a limité l'indemnisation de ce chef de préjudice aux deux tiers de son montant et que l'Institut de recherche pour le développement est fondé, dans le cadre de son appel incident, à demander que l'indemnité accordée au titre des frais de location des groupes chauds et froids soit portée de la somme de 224 944 euros toutes taxes comprises à celle de 337 416 euros toutes taxes comprises, les modalités de calcul des frais de location de ces équipements provisoires n'étant pas contestées par la société appelante.
S'agissant de l'indemnisation des frais liés à l'achat d'enceintes climatiques :
37. Il résulte de l'instruction, notamment du bon de commande signé le 13 novembre 2017 et des factures établies les 19 février 2018 et 22 mai 2020 par la société VWRI International, soit postérieurement aux pannes en litige survenues les 30 mars et 29 juin 2017, que l'Institut de recherche pour le développement a fait l'acquisition d'enceintes climatiques et de leurs accessoires pour des montants respectifs, toutes taxes comprises, de 29 725,20 euros et 14 588,40 euros afin de maintenir les conditions thermiques nécessaires à l'élevage d'insectes vecteurs. S'il est constant que, sur la même période, il a loué des groupes chauds et froids, cette circonstance n'est pas de nature à écarter l'indemnisation de cette dépense dès lors qu'il n'est pas démontré que ces groupes d'appoint, installés de manière provisoire, permettaient d'atteindre des conditions d'atmosphère, notamment de chaleur et d'hygrométrie, nécessaires à la poursuite de ses activités scientifiques dans des conditions équivalentes à celle d'une pompe à chaleur pérenne. Dans ces conditions, il sera fait une exacte appréciation du préjudice lié à l'achat d'enceintes climatiques en condamnant la société Axa France à verser à l'Institut de recherche pour le développement une indemnité de 44 313,60 euros toutes taxes comprises. Le jugement attaqué doit ainsi être réformé en tant qu'il a rejeté les conclusions de l'Institut de recherche pour le développement tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice.
S'agissant du préjudice de jouissance :
38. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport interne relatif aux dysfonctionnements de la pompe à chaleur, que l'Institut de recherche pour le développement a été contraint d'installer des enceintes climatiques et des chauffages à bain d'huile encombrants dans les pièces d'élevage et certains laboratoires, lors de la réalisation de tests, afin de maintenir la température et l'humidité, ce qui encombrait les locaux dédiés à la recherche et créait des risques de chute pour le personnel. Il résulte de ce même rapport interne que l'absence de chaleur homogène a eu pour effet de désynchroniser les élevages d'insectes et de faire perdre le contrôle du développement larvaire, ce qui a affecté la qualité des recherches et des expérimentations menées au sein du Vectopôle. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice de jouissance subi par l'Institut de recherche pour le développement en condamnant la société Axa Assurance à lui verser une indemnité de 3 000 euros. Le jugement attaqué doit ainsi être réformé en tant qu'il a rejeté les conclusions de l'Institut de recherche pour le développement tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice.
S'agissant du préjudice financier résultant de la négociation à la baisse de la contrepartie prévue par la convention conclue avec le CNRS :
39. Il résulte de l'instruction que l'Institut de recherche pour le développement a conclu, le 31 mai 2016, une convention d'accueil et de prestations de service avec le Centre national de la recherche scientifique permettant à une équipe de scientifiques d'accéder à une animalerie d'une superficie de 10 m2 hébergeant des gerbilles et à un insectarium de niveau 2 du Vectopôle d'une superficie de 5m2 pour y mener des expérimentations en contrepartie d'une contribution aux charges d'infrastructures et aux frais de fonctionnement fixée à 12 144 euros toutes taxes comprises par an. Il résulte tout autant de l'instruction que par un avenant n° 2 conclu le 26 mars 2018, le montant de la contribution due à l'Institut de recherche pour le développement a été ramené à la somme de 9 603 euros toutes taxes comprises, cette baisse correspondant à la dégradation des infrastructures du Vectopôle et à la perte de rendement constatée par le directeur de recherche du CNRS dans un courriel du 13 juin 2018 envoyé dans le cadre de la renégociation de cette convention. Dès lors que cette perte financière présente un lien de causalité avec les performances thermiques offertes par les infrastructures du Vectopôle, il y a lieu de faire droit à l'appel incident de l'Institut de recherche pour le développement et de condamner la société Axa France à lui verser une indemnité de 1 050 euros. Le jugement attaqué doit ainsi être réformé en tant qu'il a rejeté les conclusions de l'Institut de recherche pour le développement tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice.
40. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société Axa France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à indemniser les désordres affectant le Vectopôle et les insectariums de confinement et, d'autre part, que l'Institut de recherche pour le développement est seulement fondé à demander à ce que l'indemnité que la société Axa France a été condamnée en première instance à lui verser en réparation des préjudices résultant des désordres affectant l'installation thermique du Vectopôle soit portée de la somme de 731 202,40 euros à celle de 892 038 euros correspondant à la réformation prononcée dans le cadre du présent arrêt.
En ce qui concerne les intérêts au taux légal dus en première instance et en appel :
41. Aux termes de l'article L. 113-5 du code des assurances : " Lors de la réalisation du risque (...), l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat et ne peut être tenu au-delà ". Aux termes de l'article 1343-1 du code civil : " Lorsque l'obligation de somme d'argent porte intérêt, le débiteur se libère en versant le principal et les intérêts. Le paiement partiel s'impute d'abord sur les intérêts. / L'intérêt est accordé par la loi ou stipulé dans le contrat (...) ". Aux termes de l'article 1231-6 du même code : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. / Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte (...) ".
42. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-6 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.
43. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 1153 du code civil que dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution sont dus, sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte, à compter de la sommation de payer ou d'un acte équivalent. Les dispositions de l'article L. 113-5 du code des assurances ne font pas obstacle à ce que la prestation due par l'assureur en vertu des engagements qu'il a contractuellement consentis et correspondant au capital stipulé dans la police produise des intérêts en cas de retard, même non fautif, dans son paiement.
44. En application de ces dispositions, l'Institut de recherche et de développement peut légalement prétendre au versement d'intérêts à raison du retard de la société Axa France dans le paiement de l'indemnité d'assurance dont le principe et le montant résultent de l'application du contrat d'assurance, cette créance portant intérêt au taux légal dès la sommation de payer adressée par une lettre de l'assuré du 3 février 2020, reçue le 10 février suivant. Dès lors que le paiement des intérêts de retard au taux légal est dû par l'effet de la loi, la société Axa France ne peut utilement se prévaloir de la proposition d'indemnisation du sinistre à hauteur de 231 811,20 euros toutes taxes comprises qu'elle a adressée par un courriel de son conseil du 14 décembre 2020, réitérée par un courriel du 22 juillet 2021, cette proposition d'indemnisation n'ayant donné lieu à aucun paiement spontané libératoire de la part de l'assureur.
45. En second lieu, l'Institut de recherche pour le développement a, en principe, droit aux intérêts au taux légal sur les indemnités que la société Axa France a été condamnée à lui verser en première instance et en appel, soit sur la somme totale de 892 038 euros incluant la somme de 160 835,60 euros correspondant à la réformation prononcée au point 40 du présent arrêt, ces intérêts devant courir à compter du 10 février 2020, date de réception de sa demande de prise en charge du sinistre du 3 février 2020. Toutefois, l'institut ayant limité à 566 792 euros l'indemnité sur laquelle il réclame le versement d'intérêts au taux légal et ce plafond de 566 792 euros ayant déjà été atteint en première instance, les conclusions présentées en appel tendant au versement d'intérêts au taux légal ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées, la cour ne pouvant statuer au-delà des conclusions qui lui sont soumises.
Sur les frais liés au litige :
46. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Institut de recherche pour le développement, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme demandée par la société Axa France au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
47. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Axa France une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Institut de recherche pour le développement et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de la société Axa France est rejetée.
Article 2 : La somme de 731 202,40 euros que la société Axa France a été condamnée à payer à l'Institut de recherche pour le développement par le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 septembre 2023 est portée à la somme totale de 892 038 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n°s 2102380 - 2104683 du 28 septembre 2023, rectifié par une ordonnance du président de juridiction du 12 octobre 2023, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La société Axa France versera à l'institut de recherche pour le développement une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Axa France et à l'Institut de recherche pour le développement.
Copie en sera adressée pour information à M. A... B..., expert.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2025.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02693