Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 6 juillet 2021 par laquelle le général du corps d'armée, commandant adjoint de la région de gendarmerie d'Occitanie, a rejeté son recours gracieux formé contre la décision du 22 juin 2021 refusant de l'admettre au sein de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale, d'enjoindre au général du corps d'armée, commandant adjoint de la région de gendarmerie d'Occitanie, de réexaminer sa demande et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2104544 du 23 juin 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 juillet 2023 et 4 octobre 2024, M. A... B..., représenté par Me Fischer, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 juin 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 22 juin 2021 par laquelle le général commandant adjoint de la région de gendarmerie d'Occitanie, commandant du groupement de gendarmerie départementale de l'Hérault, a refusé d'agréer sa demande d'intégration dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale, ensemble la décision du 6 juillet 2021 portant rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au commandant adjoint de la région de gendarmerie d'Occitanie de réexaminer sa situation ;
4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 6 juillet 2021 est entachée d'un défaut de motivation, en méconnaissance du 7° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- les décisions des 22 juin et 6 juillet 2021 sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la décision litigieuse ne constitue pas une décision soumise à obligation de motivation au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par une ordonnance du 14 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 13 février 2025 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., maréchal des logis-chef de la gendarmerie nationale, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite et radié des cadres le 1er avril 2019. Par un courrier du 12 mai 2021, il a sollicité son intégration au sein de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale et cette demande a été rejetée par une décision du général commandant adjoint de la région de gendarmerie d'Occitanie, commandant le groupement de gendarmerie départementale de l'Hérault, en date du 22 juin 2021. Par un courrier du 4 juillet 2021, M. B... a formé un recours gracieux contre cette décision et celui-ci a été rejeté par une décision du 6 juillet 2021. Il relève appel du jugement du 23 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 4211-1 du code de la défense, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) III.- La réserve militaire a pour objet de renforcer les capacités des forces armées et formations rattachées dont elle est une des composantes pour la protection du territoire national, comme dans le cadre des opérations extérieures, d'entretenir l'esprit de défense et de contribuer au maintien du lien entre la Nation et son armée. Elle est constituée : / 1° D'une réserve opérationnelle comprenant : / a) Les volontaires qui ont souscrit un engagement à servir dans la réserve opérationnelle auprès de l'autorité militaire ; / b) Les anciens militaires soumis à l'obligation de disponibilité ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 4231-1 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sont soumis à l'obligation de disponibilité : / (...) 2° Les anciens militaires de carrière (...) dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur lien au service. ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 4221-1 de ce code : " Le contrat d'engagement à servir dans la réserve opérationnelle est souscrit au titre d'une force armée ou d'une formation rattachée. ". Aux termes de l'article R. 4221-2 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La signature de l'engagement est subordonnée à la reconnaissance préalable de l'ensemble des aptitudes à y occuper un emploi. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 12 octobre 2018, M. B..., militaire de carrière détenant le grade de maréchal des logis-chef, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite et radié des cadres au 1er avril 2019. Cet arrêté prévoyait également, en son article 4, que l'intéressé était à compter de cette date soumis à une obligation de disponibilité pour servir dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie jusqu'au 31 mars 2024. Ainsi, M. B... faisait jusqu'au 31 mars 2024 partie de la réserve opérationnelle de la gendarmerie au titre du b) du 1° de l'article L. 4211-1 du code de la défense, dite " réserve opérationnelle de deuxième niveau ". Sa demande formée le 12 mai 2021, qui a été rejetée par la décision litigieuse du 22 juin 2021, doit être regardée comme tendant à la souscription d'un engagement à servir dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie dite de premier niveau, prévue au a) du 1° de l'article L. 4211-1 du code de la défense.
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2° Infligent une sanction ; / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
5. La décision par laquelle le général commandant adjoint de la région de gendarmerie d'Occitanie, commandant le groupement de gendarmerie départementale de l'Hérault, a refusé de faire droit à la demande de M. B... tendant à la souscription d'un engagement à servir dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale, ne constitue ni une sanction, ni une décision lui refusant un avantage dont l'attribution constituerait un droit, ni même le refus d'une autorisation au sens du 7° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle n'est donc pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 22 juin 2021 doit être écarté comme inopérant.
6. Aux termes de l'article L. 4211-5 du code de la défense : " Ont la qualité de militaires les réservistes quand ils exercent une activité pour laquelle ils sont convoqués en vertu de leur engagement à servir dans la réserve opérationnelle (...) ". Aux termes de l'article L. 4132-1 de ce code : " Nul ne peut être militaire : / (...) 3° S'il ne présente pas les aptitudes exigées pour l'exercice de la fonction ; / (...) ". Il appartient à l'administration d'apprécier, dans l'intérêt du service, si les candidats à la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale présentent les aptitudes et garanties requises pour l'exercice des fonctions auxquelles ils postulent.
7. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : / (...) d) Le blâme ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 4137-23 du même code : " L'effacement des sanctions disciplinaires du premier groupe est effectué d'office au 1er janvier de la cinquième année suivant celle au cours de laquelle les sanctions ont été prononcées. / (...) ".
8. En l'espèce, au soutien de son moyen tiré de ce que la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, M. B... se prévaut de ses qualités professionnelles reconnues à de nombreuses reprises durant sa carrière au sein de la gendarmerie nationale. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'au titre des années 2017 et 2018, M. B... a fait l'objet d'appréciations négatives de la part de sa hiérarchie. A ce titre, sa notation pour l'année 2017 mentionne que l'intéressé a " fait preuve d'une indéniable bonne volonté mais ne répond toujours pas aux attentes de ses chefs ", le qualifie d'" immature " et d' " individualiste " et indique qu' " il doit impérativement tenir compte des conseils qui lui sont prodigués s'il souhaite conserver quelque crédibilité ". De la même manière, sa notation pour l'année 2018 mentionne qu'il " n'a manifestement pas tenu compte des conseils qui lui ont été prodigués ", qu'il est " perfectible dans de nombreux domaines ", " a déçu sa hiérarchie en adoptant un comportement en service qui ne correspond pas à ce qu'on est en droit d'attendre d'un sous-officier de gendarmerie " ou encore qu'il " a perdu la confiance du commandement ". Si, pour contester ces évaluations, M. B... soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques, les attestations peu circonstanciées établies par d'anciens collègues, qui ne se rapportent pas, pour l'essentiel, à ses relations avec sa hiérarchie, ne sauraient établir l'existence d'une situation de harcèlement moral, alors qu'au demeurant, il n'a jamais formé de demande de protection fonctionnelle en raison de tels agissements. De plus, les certificats d'arrêts de travail et attestations médicales dont se prévaut M. B..., dont une seule, établie par un médecin généraliste, fait état d'une souffrance au travail et d'un conflit avec le commandement, ne sauraient par elles-mêmes établir que son état de santé découlerait d'une situation de harcèlement moral subie dans le cadre de l'exercice de ses fonctions. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait contesté ses notations au titre des années 2017 et 2018, seule sa notation au titre de l'année 2015 ayant fait l'objet d'un recours en annulation devant le tribunal administratif de Montpellier, lequel a été rejeté par un jugement n°1505739 du 9 décembre 2016.
9. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que par une décision du 2 mai 2018, M. B... s'est vu infliger la sanction disciplinaire de blâme pour avoir consulté, en dehors de tout cadre légal, des fichiers judiciaires concernant une affaire en cours dans laquelle il avait la qualité de témoin, alors qu'il avait pourtant reçu l'ordre de ne pas intervenir dans les investigations liées à cette affaire. A ce titre, l'appelant soutient que l'administration ne pouvait se fonder sur cette sanction disciplinaire, dès lors que celle-ci avait fait l'objet d'un effacement automatique depuis le 15 juin 2021, en application de l'article L. 533-5 du code général de la fonction publique. Toutefois, en application des dispositions précitées de l'article R. 4137-23 du code de la défense, applicables en l'espèce, cette sanction disciplinaire du premier groupe n'a été effacée d'office de son dossier que le 1er janvier 2023, de sorte qu'elle y figurait toujours au jour de la décision litigieuse. En outre, M. B... ne peut utilement soutenir que l'administration ne pouvait se fonder sur cette sanction disciplinaire compte tenu de la décision du 6 mai 2020 par laquelle le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Béziers a interdit la consultation des mentions figurant au fichier de traitement des antécédents judiciaires dans le cadre d'enquêtes administratives, dès lors que la sanction disciplinaire lui ayant été infligée le 2 mai 2018 figurait dans son dossier individuel, et non dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires. Enfin, il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 25 avril 2018, le procureur général près la cour d'appel de Montpellier a suspendu l'habilitation de M. B... à exercer les fonctions attachées à la qualité d'officier de police judiciaire pour une durée de trois mois, en raison de la consultation irrégulière du fichier de traitement des antécédents judiciaires pour laquelle il a été sanctionné du blâme précité.
10. Eu égard à ce qui a été dit aux points 8 et 9 du présent arrêt, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le général commandant adjoint de la région de gendarmerie d'Occitanie, commandant du groupement de gendarmerie départementale de l'Hérault, a refusé de faire droit à la demande de M. B... tendant à la souscription d'un engagement à servir dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Les conclusions à fin d'annulation présentées par l'appelant étant rejetées, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également l'être.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
14. Par ailleurs, en l'absence de dépens au sens de l'article R. 761-1 du même code, les conclusions de M. B... relatives à leur charge sont sans objet et doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2025.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°23TL01962