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17/06/2025 | FRANCE | N°23TL00211

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 17 juin 2025, 23TL00211


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme H... K... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui payer la somme de 1 055 861,72 euros, ainsi que 80% d'une rente viagère de 53 148 euros à compter du 1er décembre 2022, indexée selon l'indice des prix à la consommation, de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui payer la somme glob

ale de 263 965,43 euros ainsi que 20% de la rente viagère, indexée selon l'indice des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... K... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui payer la somme de 1 055 861,72 euros, ainsi que 80% d'une rente viagère de 53 148 euros à compter du 1er décembre 2022, indexée selon l'indice des prix à la consommation, de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui payer la somme globale de 263 965,43 euros ainsi que 20% de la rente viagère, indexée selon l'indice des prix à la consommation, à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui payer la somme globale de 1 027 246,72 euros, ainsi que 80% d'une rente viagère de 51 088 euros à compter du 1er décembre 2022, indexée selon l'indice des prix à la consommation et de mettre à la charge de ces établissements les dépens, et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par jugement n°1803886 du 21 novembre 2022, pris après jugement avant dire droit du 3 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre hospitalier universitaire de Montpellier à verser à Mme K... une somme de 95 906 euros et une rente annuelle de 6 844 euros, à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault une somme de 52 624,48 euros et une indemnité forfaitaire de gestion de 1 114 euros et à lui rembourser, sur justificatifs, les débours correspondant aux frais d'appareillage et frais médicaux, pharmaceutiques et paramédicaux exposés pour Mme K... dans la limite de 6 555,32 euros par an, a mis à la charge définitive du centre hospitalier universitaire de Montpellier les frais des deux expertises d'un montant total de 5 100 euros ainsi qu'une somme de 1 500 euros à verser à Mme K... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 20 janvier 2023 sous le n°23TL00211 et des mémoires, enregistrés le 28 novembre 2023, le 22 février 2024, le 12 avril 2024 et le 21 novembre 2024, Mme H... K..., puis Mme F... A..., venant aux droits de sa mère, Mme K..., en qualité d'ayant droit unique après le décès de cette dernière, représentées par Me André, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'infirmer les jugements n°1803886 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a mis hors de cause l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, déclaré le centre hospitalier universitaire de Montpellier responsable d'une perte de chance à son égard d'éviter son dommage actuel à hauteur de 25% et évalué son préjudice à la somme de 95 906 euros en sus d'une rente annuelle de 6 844 euros ;

A titre principal :

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 647 053,84 euros à titre principal et 580 317,52 euros à titre subsidiaire, correspondant à 80% de la somme due au titre de la perte de chance ;

3°) de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser à titre principal la somme de 161 763,46 euros et à titre subsidiaire 145 079,39 euros correspondant à 20% de la somme due au titre de la perte de chance ;

A titre subsidiaire :

4°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser à titre principal la somme de 404 408,65 euros, à titre subsidiaire 326 698,45 euros, correspondant à 50% de la somme due au titre de la perte de chance ;

5°) de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser à titre principal la somme de 404 408,65 euros, à titre subsidiaire 326 698,45 euros, correspondant à 50% de la somme due au titre de la perte de chance ;

En tout état de cause :

6°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier et de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales les entiers dépens, comprenant notamment les frais d'expertise, ainsi qu'une somme de 8 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel, et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme K... avait droit à une indemnisation totale du dommage corporel subi, tenant à la paralysie de ses deux jambes, dès lors que le défaut de surveillance post-opératoire lui a fait perdre une chance de 80% d'éviter l'ischémie médullaire entraînant elle-même la paraplégie et que cette dernière constitue un aléa thérapeutique indemnisable au titre de la solidarité nationale à hauteur de 20% ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la réparation au titre de la responsabilité pour faute et la réparation au titre de la solidarité nationale sont cumulables et doivent en l'espèce être cumulées, compte tenu de l'existence d'un accident médical non fautif, et d'une faute lui ayant fait perdre une chance d'éviter la paraplégie ;

- la perte de chance d'éviter la paraplégie, liée à cette faute, doit être évaluée à 80% ou, subsidiairement, à 50%, comme l'avait préconisé l'expert désigné par le tribunal dans son pré-rapport ;

- elle est fondée à demander l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, compte tenu du caractère grave et anormal du dommage constitué par la paraplégie, survenue à la suite de l'opération qu'elle a subie ;

- elle justifie avoir subi des préjudices patrimoniaux avant la consolidation de son état de santé à hauteur de 3 544,16 euros des dépenses de santé actuelles restées à sa charge, de 15 600 euros de frais d'assistance de médecins conseils et de 29 670 euros au titre l'aide temporaire par tierce personne ;

- elle justifie avoir subi des préjudices patrimoniaux après consolidation à hauteur de 423 360 euros, ou subsidiairement de 366 939,61 euros, selon le taux horaire retenu, au titre de l'aide permanente par tierce personne, de 66 021,53 euros au titre des matériels spécialisés, de 94 299,95 euros au titre de la nécessité d'un véhicule adapté, et de 5 694,90 euros au titre de dépenses de santé, de la date de la consolidation au décès de Mme K... ;

- elle justifie avoir subi des préjudices extra-patrimoniaux à hauteur de 15 757,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 40 000 euros au titre des souffrances endurées, de 25 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, de 71 895,41 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 9 803,92 euros au titre du préjudice esthétique permanent, de 4 901,96 euros au titre du préjudice d'agrément et de 3 267,97 euros au titre du préjudice sexuel.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 septembre 2023, le 5 février 2024, le 8 novembre 2024 et le 16 décembre 2024, le centre hospitalier universitaire de Montpellier, représenté par le cabinet Le Prado et Gilbert, conclut, par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement avant-dire droit du 3 juin 2019 et du jugement du 21 novembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier, au rejet de la demande de Mme K... et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault et, subsidiairement, à la réformation du jugement sur le montant des indemnités allouées.

Il fait valoir que :

- le tribunal administratif de Montpellier a à tort retenu que le centre hospitalier universitaire de Montpellier avait commis une faute dans la surveillance et le diagnostic post-opératoire ; il a entaché le jugement d'erreur d'appréciation quant à la date de survenue de la tamponnade ;

- aucun défaut de surveillance ni manquement dans la conduite des soins post-opératoires entre le 28 et le 30 août 2015 n'est caractérisé, alors qu'un médecin sénior a bien vu la patiente, examiné son électrocardiogramme et qu'aucune insuffisance de soins ne ressort de l'analyse des données médicales du dossier de Mme K... ;

- il ressort des données cliniques de la patiente que la tamponnade est survenue lors de l'ablation des drains et non en amont, de sorte que l'événement ne pouvait être anticipé, constitue un accident non fautif et qu'il n'y avait pas de raison, d'indication médicale, de demander une échographie cardiaque supplémentaire ;

- à supposer qu'une faute du centre hospitalier universitaire de Montpellier soit retenue, il n'existe pas de lien de causalité certain et direct entre la paraplégie subie par Mme K... et les manquements invoqués ;

- seul un aléa thérapeutique peut être retenu, dont l'indemnisation relèverait le cas échéant de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de la solidarité nationale ;

- subsidiairement, les indemnités allouées à Mme K... en réparation de ses préjudices doivent être modulées concernant l'assistance par tierce personne, pour l'évaluation de laquelle la période d'hospitalisation doit être prise en compte, et concernant le déficit fonctionnel temporaire, qui doit être évalué au plus sur la base de 500 euros par mois, avant application du taux de perte de chance ;

- il ne peut être condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault que les débours exposés en lien direct avec les fautes qu'il aurait commises ; la caisse primaire d'assurance maladie ne justifie pas du lien entre les fautes relevées à l'égard du centre hospitalier universitaire et les débours dont elle demande le remboursement, la simple production d'une liste de débours et d'une attestation d'imputabilité du médecin conseil de la caisse, si elle est nécessaire, ne suffit pas à établir un tel lien.

Par des mémoires en défense enregistrés le 21 septembre 2023 et le 14 janvier 2025, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Fitoussi, conclut à ce que sa mise hors de cause soit confirmée, que toute autre demande soit rejetée, et que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'apparition de la paraplégie de Mme K... et les soins reçus n'est pas démontré, la simple concordance chronologique entre l'apparition du dommage et la survenance de la tamponnade ne suffisant pas à établir un tel lien ;

- l'expert désigné par le tribunal n'est pas parvenu à identifier la cause du dommage mais retenait la part non négligeable d'un état antérieur ; un lien de causalité seulement hypothétique ne permet pas de retenir l'existence d'un accident médical non fautif ;

- en tout état de cause, à supposer l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la tamponnade et la paraplégie, le dommage est imputable à une faute du centre hospitalier universitaire de Montpellier, qui exclut toute indemnisation de sa part au titre de la solidarité nationale.

Par des mémoires enregistrés le 22 septembre 2023 et le 29 novembre 2024, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, représentée par Me Barnouin, conclut à ce que le centre hospitalier universitaire de Montpellier soit condamné à lui payer la somme de 684 511,19 euros au titre de son recours définitif sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, sauf à y appliquer le taux de perte de chance à fixer par la cour, la somme de 1 191 euros au titre des dispositions de l'article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire pour frais de gestion, et à ce que soit mise à la charge de cet établissement une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle s'en remet à la justice sur les mérites de la requête déposée par Mme K... et les requêtes en appel de cette dernière et du centre hospitalier universitaire et fait valoir que, si le jugement du tribunal administratif de Montpellier est confirmé, il conviendrait de fixer son recours définitif sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale à 212 193,94 euros au titre des dépenses de santé actuelles avant consolidation, et 472 317,25 euros au titre des dépenses de santé futures.

Par ordonnance du 15 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 février 2025.

II. Par une requête enregistrée le 23 janvier 2023, transmise par ordonnance de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille du 24 janvier 2023 à la cour administrative d'appel de Toulouse, et enregistrée sous le n°23TL00274, et des mémoires enregistrés le 11 septembre 2023, le 5 février 2024, le 8 novembre 2024 et le 16 décembre 2024, le centre hospitalier universitaire de Montpellier, représenté par le cabinet Le Prado et Gilbert, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1803886 avant-dire droit du 3 juin 2019 et le jugement n°1803886 du 21 novembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter la demande de Mme K... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault ;

3°) subsidiairement, de réformer le jugement sur le montant des indemnités allouées.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Montpellier a, à tort, retenu que le centre hospitalier universitaire de Montpellier avait commis une faute dans la surveillance et le diagnostic post-opératoire ; il a entaché le jugement d'erreur d'appréciation quant à la date de survenue de la tamponnade ;

- aucun défaut de surveillance ni manquement dans la conduite des soins post-opératoires entre le 28 et le 30 août 2015 n'est caractérisé, alors qu'un médecin sénior a bien vu la patiente, examiné son électrocardiogramme et qu'aucune insuffisance de soins ne ressort de l'analyse des données médicales du dossier de Mme K... ;

- il ressort des données cliniques de la patiente que la tamponnade est survenue lors de l'ablation des drains et non en amont, de sorte que l'événement ne pouvait être anticipé, constitue un accident non fautif et qu'il n'y avait pas de raison, d'indication médicale, de demander une échographie cardiaque supplémentaire ;

- à supposer qu'une faute du centre hospitalier universitaire de Montpellier soit retenue, il n'existe pas de lien de causalité certain et direct entre la paraplégie subie par Mme K... et les manquements invoqués ;

- seul un aléa thérapeutique peut être retenu, dont l'indemnisation relèverait le cas échéant de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de la solidarité nationale ;

- subsidiairement, la perte de chance pour Mme K... d'éviter la paraplégie doit être évaluée à 5% au plus ;

- subsidiairement, les indemnités allouées à Mme K... en réparation de ses préjudices doivent être modulées concernant l'assistance par tierce personne, pour l'évaluation de laquelle la période d'hospitalisation doit être prise en compte, et concernant le déficit fonctionnel temporaire, qui doit être évalué au plus sur la base de 500 euros par mois, avant application du taux de perte de chance ;

- il ne peut être condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault que les débours exposés en lien direct avec les fautes qu'il aurait commises ; la caisse primaire d'assurance maladie ne justifie pas du lien entre les fautes relevées à l'égard du centre hospitalier universitaire et les débours dont elle demande le remboursement, la simple production d'une liste de débours et d'une attestation d'imputabilité du médecin conseil de la caisse, si elle est nécessaire, ne suffit pas à établir un tel lien.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 novembre 2023, le 22 février 2024, le 12 avril 2024 et le 21 novembre 2024, Mme H... K..., puis Mme F... A..., venant aux droits de sa mère, Mme K..., en qualité d'ayant droit unique après le décès de cette dernière, représentées par Me André, conclut au rejet de la requête du centre hospitalier universitaire de Montpellier et, par la voie de l'appel incident, à titre principal à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 647 053,84 euros à titre principal et 580 317,52 euros à titre subsidiaire, correspondant à 80% de la somme due au titre de la perte de chance, et à la condamnation de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser à titre principal la somme de 161 763,46 euros et à titre subsidiaire 145 079,39 euros correspondant à 20% de la somme due au titre de la perte de chance, subsidiairement, à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser à titre principal la somme de 404 408,65 euros, à titre subsidiaire 326 698,45 euros, correspondant à 50% de la somme due au titre de la perte de chance et à la condamnation de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser à titre principal la somme de 404 408,65 euros, à titre subsidiaire 326 698,45 euros, correspondant à 50% de la somme due au titre de la perte de chance, et, en tout état de cause, à ce que soient mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier et de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales les entiers dépens, comprenant notamment les frais d'expertise, ainsi qu'une somme de 8 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel, et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- Mme K... avait droit à une indemnisation totale du dommage corporel subi, tenant à la paralysie de ses deux jambes, dès lors que le défaut de surveillance post-opératoire lui a fait perdre une chance de 80% d'éviter l'ischémie médullaire entraînant elle-même la paraplégie et que cette dernière constitue un aléa thérapeutique indemnisable au titre de la solidarité nationale à hauteur de 20% ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal la réparation au titre de la responsabilité pour faute et la réparation au titre de la solidarité nationale sont cumulables et doivent en l'espèce être cumulées, compte tenu de l'existence d'un accident médical non fautif, et d'une faute lui ayant fait perdre une chance d'éviter la paraplégie ;

- la perte de chance d'éviter la paraplégie, liée à cette faute, doit être évaluée à 80% ou, subsidiairement, à 50%, comme l'avait préconisé l'expert désigné par le tribunal dans son pré-rapport ;

- elle est fondée à demander l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, compte tenu du caractère grave et anormal du dommage constitué par la paraplégie, survenu à la suite de l'opération qu'elle a subie ;

- elle justifie avoir subi des préjudices patrimoniaux avant la consolidation de son état de santé à hauteur de 3 544,16 euros des dépenses de santé actuelles restées à sa charge, de 15 600 euros de frais d'assistance de médecins et de 29 670 euros au titre l'aide temporaire par tierce personne ;

- elle justifie avoir subi des préjudices patrimoniaux après consolidation à hauteur de 423 360 euros, ou subsidiairement de 366 939,61 euros, selon le taux horaire retenu, au titre de l'aide permanente par tierce personne, de 71 766 80 euros au titre des matériels spécialisés, de 94 299,95 euros au titre de la nécessité d'un véhicule adapté et de 5 694,90 euros au titre de dépenses de santé de la date de la consolidation au décès de Mme K... ;

- elle justifie avoir subi des préjudices extra-patrimoniaux à hauteur de 15 757,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 40 000 euros au titre des souffrances endurées, de 25 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, de 71 895,41 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 9 803,92 euros au titre du préjudice esthétique permanent, de 4 901,96 euros au titre du préjudice d'agrément et de 3 267,97 euros au titre du préjudice sexuel.

Par des mémoires en défense enregistrés le 21 septembre 2023 et le 14 janvier 2025, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Fitoussi, conclut à ce que sa mise hors de cause soit confirmée, que toute autre demande soit rejetée, et que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'apparition de la paraplégie de Mme K... et les soins reçus n'est pas démontré, la simple concordance chronologique entre l'apparition du dommage et la survenance de la tamponnade ne suffisant pas à établir un tel lien ;

- l'expert désigné par le tribunal n'est pas parvenu à identifier la cause du dommage mais retenait la part non négligeable d'un état antérieur ; un lien de causalité seulement hypothétique ne permet pas de retenir l'existence d'un accident médical ;

- en tout état de cause, à supposer l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la tamponnade et la paraplégie, le dommage est imputable à une faute du centre hospitalier universitaire de Montpellier, qui exclut toute indemnisation de sa part au titre de la solidarité nationale.

Par des mémoires en défense enregistrés le 22 septembre 2023 et le 28 novembre 2024, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, représentée par Me Barnouin, conclut à ce que le centre hospitalier universitaire de Montpellier soit condamné à lui payer la somme de 684 511,19 euros au titre de son recours définitif sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, sauf à y appliquer le taux de perte de chance à fixer par la cour, la somme de 1 191 euros au titre des dispositions de l'article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif au montant minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire pour frais de gestion, et à ce que soit mise à la charge de cet établissement une somme de 1200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle s'en remet à la justice sur les mérites de la requête déposée par Mme K... et les requêtes en appel de cette dernière et du centre hospitalier universitaire et fait valoir que, si le jugement du tribunal administratif de Montpellier est confirmé, il conviendrait de fixer son recours définitif sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale à 212 193,94 euros au titre des dépenses de santé actuelles avant consolidation, et 472 317,25 euros au titre des dépenses de santé futures.

Par ordonnance du 15 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 février 2025.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me André, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme K... a été hospitalisée en août 2015 dans les services du centre hospitalier universitaire de Montpellier (Hérault) pour subir une intervention de remplacement de la valve aortique. Postérieurement à l'intervention, elle a connu une " tamponnade ", accumulation de liquide dans le péricarde, une ischémie médullaire et la survenue d'une paraplégie. Par courrier de son conseil du 13 mars 2018, adressé au centre hospitalier universitaire de Montpellier, Mme K... a formé une demande indemnitaire préalable tendant à la réparation des préjudices subis du fait de cette paraplégie. Par courrier du 26 juin 2018, la directrice des services aux patients, de la santé publique et des affaires juridiques du centre hospitalier universitaire de Montpellier a rejeté sa demande. Par jugement du 3 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier, après avoir mis l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales hors de cause, a considéré que le centre hospitalier universitaire de Montpellier avait commis une faute dans la surveillance et le diagnostic post-opératoire de nature à engager sa responsabilité et a, avant-dire droit, ordonné une expertise aux fins de donner son avis sur l'ampleur de la chance perdue par Mme K... de voir son état s'améliorer et de fournir toutes précisions utiles de nature à apprécier l'étendue du préjudice. Par jugement du 21 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre hospitalier universitaire de Montpellier à verser à Mme K... une somme de 95 906 euros et une rente annuelle de 6 844 euros, à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault une somme de 52 624,48 euros et une indemnité forfaitaire de gestion de 1 114 euros et à lui rembourser, sur justificatifs, les débours correspondant aux frais d'appareillage et frais médicaux, pharmaceutiques et paramédicaux exposés pour Mme K... dans la limite de 6 555,32 euros par an, a mis à la charge définitive du centre hospitalier universitaire de Montpellier les frais des deux expertises d'un montant total de 5 100 euros ainsi qu'une somme de 1 500 euros à verser à Mme K... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions des parties. D'une part, dans l'instance n°23TL00211, Mme K..., aux droits de laquelle vient sa fille, a relevé appel de ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 novembre 2022. D'autre part, dans l'instance n°23TL00274, le centre hospitalier universitaire de Montpellier relève appel des deux jugements du tribunal administratif de Montpellier, du 3 juin 2019 et du 21 novembre 2022.

2. Les affaires n°23TL00211 et n°23TL00274 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision.

Sur le bien-fondé des jugements :

En ce qui concerne le droit à réparation et la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Montpellier :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ".

4. D'une part, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. Lorsqu'une pathologie prise en charge dans des conditions fautives a entraîné une détérioration de l'état du patient ou son décès, c'est seulement lorsqu'il peut être affirmé de manière certaine qu'une prise en charge adéquate n'aurait pas permis d'éviter ces conséquences que l'existence d'une perte de chance ouvrant droit à réparation peut être écartée.

5. D'autre part, il résulte des termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que la réparation d'un accident médical par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de la solidarité nationale n'est possible qu'en dehors des cas où cet accident serait causé directement soit par un acte fautif d'un professionnel de santé ou d'un établissement, service ou organisme mentionné au I du même article, soit par un défaut d'un produit de santé.

6. Lorsque, dans le cas d'un tel accident médical non fautif dont les conséquences dommageables remplissent les conditions prévues par le II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, une faute commise par un professionnel, un établissement, un service ou un organisme mentionné au I du même article a, sans être la cause directe de l'accident, fait néanmoins perdre à la victime une chance d'y échapper ou de se soustraire à ses conséquences, cette dernière a droit à la réparation intégrale de son dommage au titre de la solidarité nationale, mais l'indemnité due par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales doit être réduite du montant de l'indemnité mise à la charge du professionnel, de l'établissement, du service ou de l'organisme responsable de la perte de chance, laquelle est égale à une fraction des dommages, fixée à raison de l'ampleur de la chance perdue.

7. Par suite, il appartient au juge saisi par la victime d'un accident médical de conclusions indemnitaires invoquant la responsabilité pour faute d'un professionnel de santé ou d'un établissement, service ou organisme mentionné au I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, de déterminer si l'accident médical a été directement causé par la faute invoquée et, dans ce cas, si l'acte fautif est à l'origine des dommages corporels invoqués ou seulement d'une perte de chance de les éviter. Si l'acte fautif n'est pas la cause directe de l'accident, il lui appartient de rechercher, le cas échéant d'office, si le dommage subi présente le caractère d'anormalité et de gravité requis par les dispositions du II de l'article L. 1142 1 du code de la santé publique et doit, par suite, faire l'objet d'une réparation par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales au titre de la solidarité nationale. Enfin, dans le cas d'une réponse positive à cette dernière question, si la faute reprochée au professionnel de santé ou à l'établissement, service ou organisme mentionné au I de l'article L.1142-1 du code de la santé publique a fait perdre à la victime une chance d'éviter l'accident médical non fautif ou de se soustraire à ses conséquences, il appartient au juge, tout en prononçant le droit de la victime à la réparation intégrale de son préjudice, de réduire l'indemnité due par l'office du montant qu'il met alors, à ce titre, à la charge du responsable de cette perte de chance.

8. D'une part, il résulte de l'instruction que Mme K... a subi le 28 août 2015 une intervention de remplacement valvulaire aortique. A la suite de sa sortie du bloc opératoire, Mme K... souffrait de douleurs intenses et persistantes, évaluées à 9 ou 10 sur dix, à caractère diffus des épaules au thorax et au ventre, et auxquelles il a été remédié par une pompe à morphine mise à disposition de Mme K... dont il est relevé le 29 août à 15h12, qu'elle l'a actionnée à 46 reprises, et à 17 h à 136 reprises, et par l'administration de paracétamol prescrit par l'interne de garde dans la nuit du 29 au 30 août 2015. Lors du retrait du drain péricardique le 30 août 2015, est survenu un épanchement péricardique compressif, sous forme d'un écoulement de sang en jet, lié à l'existence d'une " tamponnade ", accumulation de liquide dans le péricarde, diagnostiquée par l'examen échographique qui a été immédiatement réalisé. En dépit des douleurs réitérées et intenses dont se plaignait Mme K..., dont le caractère inhabituel est souligné par les experts désignés par le tribunal, les docteurs I... et C..., aucune exploration cardiologique n'a été effectuée, ni aucun examen échographique du cœur, examen aisément praticable au moyen d'un appareil portable qui aurait permis de déceler une éventuelle accumulation de liquide dans le péricarde. Dans ces conditions, et alors que, par ailleurs, la survenue d'une " tamponnade ", est une complication classique de la chirurgie cardiaque, de l'ordre de 5%, et peut être à l'origine de douleurs, le centre hospitalier universitaire de Montpellier a commis une faute dans la surveillance post-opératoire de Mme K..., de nature à engager sa responsabilité.

9. Si le moment de l'accumulation de liquide dans le péricarde de Mme K... et son caractère soudain ou progressif ne sont pas connus, il ne peut être affirmé de manière certaine que la pratique d'un examen échographique la veille ou dans la nuit précédant le retrait du drain n'aurait pas permis de détecter ce problème et d'éviter la tamponnade survenue le 30 août 2015. Dès lors, le manquement imputable au centre hospitalier universitaire de Montpellier, relevé au point précédent, est à l'origine d'une perte de chance d'éviter la tamponnade, qui doit, dans les circonstances de l'espèce, et bien que l'expert nommé par le jugement avant-dire droit du tribunal du 3 juin 2019 n'ait pas fixé de taux, être évaluée à 25%.

10. D'autre part, il résulte de l'instruction que Mme K..., après avoir subi une intervention pour remédier à la " tamponnade ", s'est réveillée en situation de paraplégie totale des membres inférieurs, due à une lésion médullaire de la zone neuronale lombo-sacrée. D'après le rapport d'expertise du docteur E..., sapiteur désigné pour les besoins de l'expertise ordonnée par le tribunal dans son jugement avant-dire droit du 3 juin 2019, cette lésion a pour origine une ischémie médullaire, conséquence d'un hypodébit vasculaire, et est sans lien avec la spondylodiscite L5S1 dont souffrait la patiente antérieurement. Or les effets de la " tamponnade ", consistent en la gêne de la fonction cardiaque, à la diminution du débit et à une chute de tension, induisant une insuffisante perfusion des organes. Compte tenu par ailleurs, de ce que la paraplégie a été constatée dès le réveil post-opératoire, et en dépit de ce que d'autres organes plus à risque, comme le cerveau, n'aient pas été touchés, et de ce que la situation d'une ischémie médullaire sans atteinte au cerveau n'est, aux dires des différents experts consultés, pas au nombre des complications connues des suites d'une tamponnade, la paraplégie de Mme K... doit être regardée comme une conséquence, grave et anormale, de l'accident médical constitué par la tamponnade.

11. Par suite, l'indemnisation des préjudices subis par Mme K... doit être prise en charge au titre de la solidarité nationale, en application des dispositions rappelées au point 5 du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, sous déduction de la part de 25 % qui doit être mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier.

Sur les préjudices :

12. Il résulte de l'instruction que l'état de santé de Mme K... a été consolidé au 24 mars 2017.

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

Quant aux dépenses de santé jusqu'à la consolidation :

13. D'une part, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault justifie, par la production de l'attestation de son médecin-conseil du 26 septembre 2018, dont le bien-fondé n'est pas sérieusement contesté par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, avoir exposé pour Mme K..., des frais d'hospitalisation de 197 439,65 euros, des frais médicaux de 4 326,79 euros pour la période allant du 8 octobre 2015 au 30 août 2016, d'un montant de 323,64 euros de frais pharmaceutiques pour la période allant du 11 juin au 30 août 2016, des frais d'appareillage de 8 407,82 euros. En revanche, alors que les frais de transport de 1 696,04 euros ne sont pas au nombre des prestations énumérées par le médecin-conseil dans l'attestation du 26 septembre, portant sur le strict surcoût lié à l'accident médical concerné, la caisse ne justifie pas que ces frais soient liés à la faute commise par le centre hospitalier universitaire de Montpellier. Le montant des dépenses actuelles de la caisse doit donc être évalué à 210 497,90 euros. Par suite, la caisse doit être indemnisée par le centre hospitalier universitaire, au titre des dépenses de santé exposées jusqu'à la consolidation, à hauteur de 52 624,48 euros après application du taux de perte de chance.

14. D'autre part, Mme K... justifie avoir payé, en juillet et août 2016 un fauteuil roulant, un coussin bi-valve, et une chaise de douche, dont l'acquisition est justifiée par son handicap, et dont le coût total restant à sa charge, après déduction de la part prise en charge par la sécurité sociale, s'élève à 3 544,16 euros, ce qui doit donner lieu à l'indemnisation par le centre hospitalier universitaire de Montpellier à hauteur de 886,04 euros, par application du taux de perte de chance, et à l'indemnisation par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales du reliquat, soit 2 658,12 euros.

Quant à l'aide humaine temporaire :

15. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

16. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il appartient ensuite au juge de déduire du montant de l'indemnité ou de la rente allouée à la victime au titre de l'assistance par tierce personne les prestations ayant pour objet la prise en charge de tels frais. Cette déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune.

17. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du docteur C... que le besoin d'assistance temporaire par une tierce personne nécessité par l'état de santé de Mme K... doit être estimé à cinq heures d'aide à domicile par jour, pour la période du 5 août 2016, date de sa sortie du centre mutualiste neurologique où elle était prise en charge depuis sa sortie d'hôpital le 14 septembre 2015, jusqu'à la date de la consolidation de son état de santé, soit 230 jours. Si son état de santé, nécessitait, en outre, des soins infirmiers journaliers, Mme K... n'établit pas que les frais pour de tels soins infirmiers, n'étaient pas pris en charge par la sécurité sociale. S'agissant de l'aide à domicile, aide non spécialisée, il y a lieu de retenir un taux horaire de 13 euros, et ce sur une base de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail. Il y a lieu, par ailleurs, de déduire de la période prise en compte jusqu'à la consolidation, la durée d'hospitalisation de Mme K... du 9 au 24 janvier 2017. Les frais liés à l'assistance temporaire par tierce personne avant consolidation doivent ainsi être évalués à la somme globale de 15 774,52 euros, ce qui doit donner lieu à une indemnisation à hauteur de 3 943,63 euros par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, après application du taux de perte de chance, et de 11 830,89 euros par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Quant aux frais liés à la défense :

18. L'appelante produit les photocopies de chèques émis par son avocat pour régler les honoraires des médecins conseils, les docteurs G..., D... et B..., et ne justifie pas ainsi, en l'absence de tout document de nature à établir le caractère d'avance de tels frais, avoir supporté personnellement ces frais pour se faire assister aux opérations d'expertise par ces médecins. Par suite, elle n'est pas fondée à demander d'indemnisation au titre des frais d'assistance à expertise.

Quant aux dépenses de santé postérieures à la consolidation :

19. D'une part, il résulte de l'instruction que l'état de santé de Mme K... postérieurement à sa consolidation nécessitait des frais d'appareillage correspondant à un lit médicalisé et deux fauteuils à propulsion manuelle et électrique, pour lesquels la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault justifiait supporter un coût annuel de 3 634 euros. La caisse justifie en outre d'un coût annuel de 22 575,27 euros des frais médicaux exposés par elle pour Mme K..., en ce compris, en particulier, de prise en charge de soins infirmiers trois fois par jour. Compte tenu de la période écoulée entre la date de la consolidation et de la date du décès de Mme K..., survenu le 16 février 2024, les dépenses de santé postérieures à la consolidation supportées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault doivent être évaluées à 180 843,96 euros, ce qui doit donner lieu à une indemnisation de la caisse par le centre hospitalier universitaire de Montpellier de 45 210,99 euros après application du taux de perte de chance, sous déduction des éventuels remboursements déjà effectués par le centre hospitalier en exécution de l'article 3 du jugement.

20. D'autre part, ainsi que le professeur E..., sapiteur désigné pour les besoins de l'expertise ordonnée par le tribunal dans son jugement avant-dire droit, l'indiquait dans son rapport, l'état de santé de Mme K... nécessitait l'utilisation de lingettes et de couches, consommables non-remboursés par la sécurité sociale, tandis qu'il n'est pas sérieusement contesté que le handicap de l'intéressée justifiait, en outre, l'utilisation de gants et d'alèses. Mme K... justifie, par les factures produites, avoir exposé des frais de 5 015,39 euros pour l'achat de l'ensemble de ces produits consommables, concernant la période postérieure à la date de la consolidation de son état de santé, ce qui doit donner lieu à une indemnisation par le centre hospitalier universitaire de Montpellier de 1 253,85 euros après application du taux de perte de chance, et par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de 3 761,54 euros.

Quant à l'aide humaine permanente :

21. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du docteur C... du 7 juin 2021, que l'état de santé de Mme K... a nécessité postérieurement au 24 mars 2017, date de consolidation de son état, l'assistance par une tierce personne non spécialisée à hauteur de 5 heures par jour, ainsi que deux heures de soins infirmiers par jour. S'agissant des soins infirmiers, Mme K... ne justifie pas que les frais liés à de tels soins n'étaient pas pris en charge par la sécurité sociale, alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 19, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault a tenu compte des dépenses liés aux soins infirmiers dans le chiffrage de ses débours. S'agissant de l'aide non spécialisée, il y a lieu de retenir un taux horaire de 16 euros, et ce sur une base de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail. L'appelante ne critique pas utilement ce taux horaire par la production d'un devis de prestataire, portant au demeurant sur un volume horaire journalier de 7 heures par jour. Pour la période courant de la date de consolidation de l'état de santé de Me K... à son décès, le volume horaire dont le coût doit être indemnisé est de 12 600 heures, présentant un coût total de 227 559,45 euros. Le préjudice constitué par les frais liés à l'aide humaine permanente doit donc être indemnisé à hauteur de 56 889,86 euros par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, après application du taux de perte de chance, et de 170 669,58 euros par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Quant aux dépenses consécutives à la perte d'autonomie :

22. D'une part, si le rapport d'expertise du docteur C... faisait état de la nécessité d'un véhicule adapté disposant d'une plateforme élévatrice latérale, Mme K... puis son ayant-droit admet qu'un tel véhicule n'a pas été acquis au cours de la période courant de la date de consolidation au décès de l'intéressée. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à demander l'indemnisation des frais d'acquisition ou d'aménagement d'un véhicule adapté.

23. D'autre part, si le rapport d'expertise fait également état de la nécessité, notamment, d'un fauteuil manuel, un fauteuil d'assistance équipé de roues électriques, un verticalisateur électrique, un fauteuil douche, un lit médicalisé avec matelas et couches anti-escarres, Mme K... avait déjà acquis, antérieurement à la consolidation de son état de santé, un fauteuil de douche et un fauteuil roulant, pour lesquels l'indemnisation a été accordée dans les modalités prévues au point 14, et ne justifie, pour la période postérieure à la date de consolidation, que de frais de renouvellement d'un fauteuil en 2023 pour un montant de 5 483,99 euros. Elle n'établit pas avoir exposé d'autres dépenses de matériels spécialisés. En conséquence, l'évaluation du préjudice lié aux frais de matériels spécialisés doit être limitée à ce montant, ce qui doit donner lieu à une indemnisation de 1 371 euros par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, après application du taux de perte de chance, et de 4 112,99 euros par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

24. Il résulte de l'instruction que Mme K... a subi un déficit fonctionnel temporaire total au cours de la période du 30 août 2015 au 29 août 2016 puis du 9 au 24 janvier 2017, soit pendant une durée de 382 jours, et un déficit fonctionnel temporaire partiel, qui doit être évalué à 70%, du 30 août 2016 au 8 janvier 2017 puis du 25 janvier 2017 au 23 mars 2017, soit une période de 188 jours. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en le fixant à la somme totale de 10 272 euros, à raison de 20 euros par jour, ce qui doit donner lieu à une indemnisation de 2 568 euros par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, après application du taux de perte de chance, et de 7 704 euros par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Quant aux souffrances endurées :

25. Les souffrances physiques et morales endurées par Mme K... ont été évaluées par l'expert, le docteur C... à 5,5 sur une échelle de 7, ce qui n'est pas contesté par le centre hospitalier universitaire de Montpellier ni par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice constitué par les souffrances endurées en l'évaluant à 13 500 euros, ce qui doit donner lieu à une indemnisation de 3 375 euros par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, après application du taux de perte de chance, et de 10 125 euros par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Quant au déficit fonctionnel permanent :

26. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise des docteurs I... et C..., que Mme K... est restée atteinte d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 70%. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre par l'intéressée en l'évaluant à la somme de 35 280 euros, ce qui doit donner lieu à une indemnisation de 8 820 euros par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, après application du taux de perte de chance, et de 26 460 euros par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Quant au préjudice esthétique temporaire et permanent :

27. Le préjudice esthétique permanent de Mme K... a été évalué par les experts I... et C... respectivement à 5 et 6 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique temporaire et permanent subi par l'intéressée en l'évaluant à 20 000 euros, ce qui doit donner lieu à une indemnisation de 5 000 euros par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, après application du taux de perte de chance, et de 15 000 euros par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Quant au préjudice d'agrément :

28. Il résulte de l'instruction que Mme K..., qui était notamment membre d'une association de gymnastique volontaire, a subi un préjudice d'agrément dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant, pour la période de la date de la consolidation de son état de santé à son décès, à 5 000 euros, ce qui doit donner lieu à une indemnisation de 1 250 euros par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, après application du taux de perte de chance, et de 3 750 euros par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Quant au préjudice sexuel :

29. Il résulte de l'instruction que Mme K... a subi un préjudice sexuel du fait de la paralysie complète de ses jambes, dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 4 000 euros ce qui doit donner lieu à une indemnisation de 1000 euros par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, après application du taux de perte de chance, et de 3 000 euros par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

30. La caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault, n'obtenant pas en appel de majoration de la somme allouée par les premiers juges au titre de ses débours, mais seulement la prise en compte des dépenses réellement exposées jusqu'au décès de son assurée, elle n'est pas fondée à demander une actualisation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion qui lui a été accordée par le tribunal.

31. Il résulte de tout ce qui précède que l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales doit être condamné à verser à Mme K... une somme de 259 071,62 euros et que la somme que le centre hospitalier universitaire de Montpellier a été condamné à verser à cette dernière doit être ramenée à 86 357,38 euros, que la somme que le centre hospitalier universitaire de Montpellier a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault doit être portée à 97 835,47 euros, sous déduction pour cette dernière des éventuels remboursements déjà effectués par le centre hospitalier en exécution de l'article 3 du jugement.

Sur les frais exposés à l'occasion du litige :

32. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais des deux expertises des docteurs I... et C..., qui s'élèvent au montant global de 5 100 euros, à la charge définitive, pour 25% du centre hospitalier universitaire de Montpellier et pour 75% de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

33.

34. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme de 1 500 euros à verser à Mme K... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les conclusions de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales présentées sur le même fondement doivent être rejetées. Enfin, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault présentées sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier universitaire de Montpellier a été condamné à verser à Mme K... par l'article 1er du jugement n°1803886 du tribunal administratif de Montpellier du 21 novembre 2022 est ramenée à 86 357,38 euros.

Article 2 : La somme que le centre hospitalier universitaire de Montpellier a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault est portée à 97 835,47 euros sous déduction des éventuels remboursements déjà effectués par le centre hospitalier en exécution de l'article 3 du jugement.

Article 3 : L'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est condamné à verser à Mme K... la somme de 259 071,62 euros.

Article 4 : Le jugement avant-dire droit du 3 juin 2019 et le jugement du 21 novembre 2022 sont réformés en ce qu'ils ont de contraires au présent arrêt.

Article 5 : L'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à Mme A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A..., au centre hospitalier universitaire de Montpellier, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.

Copie en sera transmise aux docteurs I... et C..., experts.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2025 .

La rapporteure,

V. Dumez-Fauchille

La présidente,

A. Geslan-DemaretLa greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL00211-23TL00274


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00211
Date de la décision : 17/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Virginie Dumez-Fauchille
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : CABINET ANDRE-PORTAILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-17;23tl00211 ?
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