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17/06/2025 | FRANCE | N°23TL00078

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 17 juin 2025, 23TL00078


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



I.- M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 8 avril 2021 par laquelle la ministre de la culture a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, formée le 12 février 2021, d'enjoindre à la ministre de la culture de lui accorder la protection fonctionnelle et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 2102818 du

18 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et a mis à sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I.- M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 8 avril 2021 par laquelle la ministre de la culture a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, formée le 12 février 2021, d'enjoindre à la ministre de la culture de lui accorder la protection fonctionnelle et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2102818 du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II.- M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 7 avril 2021 par lequel la ministre de la culture a décidé de son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois à titre disciplinaire et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2102207 du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédures devant la cour :

I. - Sous le n°22TL22594, par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 décembre 2022 et 7 octobre 2024, et des pièces complémentaires, enregistrées le 6 novembre 2024, M. E... A..., représenté par Me Pechevis, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102818 du tribunal administratif de Montpellier du 18 novembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 8 avril 2021 par laquelle la ministre de la culture a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre à la ministre de la culture de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la communication du sens des conclusions de la rapporteure publique, qui mentionnait seulement " rejet au fond ", a méconnu les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et par là même le principe du contradictoire ;

- le principe du contradictoire et les droits de la défense ont été méconnus dès lors que la rapporteure publique a mentionné dans ses conclusions son renvoi devant le tribunal correctionnel pour des faits de harcèlement moral, alors que cette circonstance n'était pas mentionnée dans les échanges soumis au contradictoire ;

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne s'est pas prononcé sur la circonstance selon laquelle ni la signataire de la décision litigieuse, ni la ministre de la culture elle-même ne disposaient de la compétence pour prendre la décision attaquée, qui concernait un professeur ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'il a sollicité la protection fonctionnelle en raison des propos diffamatoires dont il a été victime ;

- le tribunal a complété la motivation du refus de protection fonctionnelle qui lui avait été opposé par la ministre et a procédé par là même à une substitution de motif irrégulière ;

- la décision du 8 avril 2021 est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- elle a été prise à l'issue d'un délai excessif qui révèle un détournement de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 février 2024, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- les conclusions à fin d'annulation présentées contre la décision du 8 avril 2021 portant sur les faits liés aux recours de MM. D... et B... et les graffitis sur les murs de l'école supérieure d'architecture, pour lesquels M. A... a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle les 23 septembre et 30 octobre 2020, sont dirigées contre une décision confirmative d'une décision implicite de rejet née le 4 janvier 2021 et ne sont donc pas recevables ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 novembre 2024.

Le 11 avril 2025, M. A... a, à la demande de la cour, produit des pièces qui ont été communiquées, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

II. - Sous le n° 23TL00078, par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 janvier 2023 et 1er octobre 2024 et des pièces complémentaires, enregistrées les 13 janvier 2023 et le 6 novembre 2024, M. E... A..., représenté par Me Pechevis, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°2102207 du tribunal administratif de Montpellier du 18 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 avril 2021 par lequel la ministre de la culture lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois ;

3°) d'enjoindre à la ministre de la culture de le réintégrer à son poste à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la communication du sens des conclusions de la rapporteure publique, qui mentionnait seulement " rejet au fond ", a méconnu les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et par là même le principe du contradictoire ;

- le principe du contradictoire et les droits de la défense ont été méconnus dès lors que la rapporteure publique a mentionné, dans ses conclusions, son renvoi devant le tribunal correctionnel pour des faits de harcèlement moral, alors que cette circonstance n'était pas mentionnée dans les échanges soumis au contradictoire ;

- alors que l'instruction était close trois jours francs avant l'audience en application de l'article L. 613-2 du code de justice administrative, et que l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, qui s'était vu communiquer l'intégralité de la procédure, n'avait pas présenté d'observations en défense, le conseil de l'école, présent à l'audience, a présenté des observations en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- la section disciplinaire du conseil national des enseignants-chercheurs des écoles nationales supérieures d'architecture a été saisie à tort dès lors que les griefs qui lui étaient reprochés procédaient de l'exercice de ses fonctions de directeur des études et de la pédagogie, puis de président de la commission de la formation et de la vie étudiante et du conseil pédagogique et scientifique, et non de ses fonctions d'enseignant ; il a été détaché dans le corps des attachés d'administration de l'Etat à compter du 1er avril 2015 et ne pouvait donc être convoqué devant le conseil national des enseignants-chercheurs des écoles d'architecture ;

- la section disciplinaire du conseil national des enseignants-chercheurs était irrégulièrement composée dès lors qu'elle comportait moins de quatre membres, en méconnaissance de l'article 8 de l'arrêté du 2 novembre 2018 relatif à l'organisation et aux procédures disciplinaires prévues par le décret n°2018-105 du 15 février 2018 portant statut particulier du corps des professeurs et du corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture ;

- la procédure est entachée d'irrégularité dès lors que la section disciplinaire de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, compétente pour les enseignants-chercheurs aurait dû être saisie en lieu et place de la section disciplinaire de recours du conseil national des enseignants-chercheurs des écoles nationales supérieures d'architecture, l'autorité administrative ne démontrant aucune impossibilité de la réunir ;

- le rapport de l'inspection générale des affaires culturelles et les témoignages recueillis par cette inspection comportent de nombreuses parties biffées, et certains témoignages ne lui ont pas été communiqués ; pour ces motifs, les droits de la défense et le principe du contradictoire ont été méconnus ;

- la décision litigieuse ne mentionne pas de faits matériels précis ou datés et ne qualifie pas les manquements aux obligations professionnelles et déontologiques qu'elle entend sanctionner ;

- la décision mentionne l'existence de comportements inappropriés au cours des années 2014 à 2020, or certains de ces faits, commis plus de trois ans auparavant, étaient prescrits ;

- les faits lui étant reprochés ne sont pas matériellement établis ; les accusations ont il a fait l'objet ne sont pas fondées, précises et circonstanciées ; elles reposent uniquement sur une appréciation tronquée des relations complexes qu'il entretient avec certains professeurs de l'école ; de 2015 à 2018, il était directeur des études et de la pédagogie au sein de l'école et ne disposait d'une autorité hiérarchique que sur le personnel administratif de son service, soit 18 agents ; sur ces 18 agents, 4 ont été entendus par la mission d'inspection et un a témoigné par écrit ; sur ces 5 témoignages, seule Mme C... s'est plainte de son comportement, sans apporter d'éléments précis et circonstanciés et elle a elle-même admis avoir eu des a priori sur sa personne avant qu'il ne devienne son chef de service ; les décisions dont elle s'est plainte, comme le déplacement de la médiathèque à la direction du développement et de la communication, ont été prises après qu'il a quitté ses fonctions de directeur des études ; les 4 autres témoignages lui sont favorables ; il produit également d'autres attestations témoignant de bonnes relations et de ses compétences professionnelles ; en tant que président du conseil pédagogique et scientifique, pour lequel il a été élu, il n'avait aucun lien hiérarchique avec les enseignants et personnels administratifs ; les témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête administrative menée par l'inspection générale des affaires culturelles sont majoritairement imprécis et font état de propos rapportés et non vérifiés ; le rapport d'inspection mentionne d'ailleurs qu'une partie des enseignants entendus a recouru de manière abusive à la notion de harcèlement moral sur fond d'opposition idéologique et pédagogique avec certains, dont lui ; de nombreux enseignants n'ont pas été entendus lors de cette enquête administrative et ceux majoritairement entendus appartiennent au laboratoire LIFAM, concurrent du HITLab et qui n'en ont jamais accepté la création ; l'essentiel des témoignages à charge sont fallacieux, infondés et non étayés et sont pour la plupart contredits par d'autres témoignages ;

- la sanction prononcée est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2024, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Par une ordonnance du 6 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 novembre 2024.

Le 11 avril 2025, M. A... a, à la demande de la cour, produit des pièces qui ont été communiquées, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2018-105 du 15 février 2018 ;

- l'arrêté du 2 novembre 2018 relatif à l'organisation et aux procédures disciplinaires prévues par le décret n° 2018-105 du 15 février 2018 portant statut particulier du corps des professeurs et du corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Pechevis, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., initialement maître assistant de classe exceptionnelle des écoles nationales supérieures d'architecture et détaché dans le corps des attachés d'administration de l'Etat au grade d'attaché principal d'administration à compter du 1er avril 2015 pour exercer les fonctions de ... au sein de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier, a été nommé maître de conférences de classe exceptionnelle des écoles nationales supérieures d'architecture, à compter du 1er septembre 2018. Puis, par un arrêté du 22 août 2019, il a été nommé à compter du 1er septembre 2019 professeur des écoles d'architecture de 2ème classe et a été affecté à l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier (Hérault), au sein de laquelle il a également exercé les fonctions de .... A la suite d'une enquête administrative menée par l'inspection générale des affaires culturelles, diligentée à compter du 21 juillet 2020, ayant donné lieu à un rapport remis le 27 novembre 2020, la ministre de la culture a, par une décision du 8 décembre 2020, suspendu provisoirement M. A... de ses fonctions à titre conservatoire. Après consultation de la section disciplinaire du conseil national des enseignants chercheurs des écoles nationales supérieures d'architecture, la ministre de la culture a, par un arrêté du 7 avril 2021, prononcé à l'encontre de M. A... une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de neuf mois. Par un jugement n° 2102207 du 18 novembre 2022, dont il relève appel dans l'instance n° 23TL00078, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par ailleurs, M. A... a formé, par courriels des 23 septembre et 30 octobre 2020, puis, par courrier du 22 décembre 2020, trois demandes de protection fonctionnelle qu'il a adressées au directeur de l'école. Par un courrier du 15 février 2021, il a adressé une nouvelle demande de protection fonctionnelle au ministère de la culture, s'estimant victime d'attaques et de diffamation publiques au sens de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Par une décision du 8 avril 2021, la ministre de la culture a rejeté sa demande. Par un jugement n°2102818, dont il relève appel dans l'instance n° 22TL22594, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Les requêtes n° 22TL22594 et n° 23TL00078 concernent la situation d'un même fonctionnaire et présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé des jugements :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 7 avril 2021 portant sanction disciplinaire :

3. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. / (...) ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours. / Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; - le déplacement d'office. / Troisième groupe : - la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans. / Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. / (...) ".

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. En l'espèce, la décision litigieuse, par laquelle la ministre de la culture a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois à M. A..., mentionne qu'une enquête administrative a été réalisée au sein de l'école nationale supérieure d'architecture de Montpellier par l'inspection générale des affaires culturelles et qu'il ressort du rapport de cette mission d'inspection que " Monsieur A... a fait preuve d'un comportement inapproprié envers plusieurs collaborateurs enseignants et personnels administratifs au cours des années 2014 à 2020, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions de ... ", que " plusieurs témoignages et procès-verbaux d'audition circonstanciés et concordants " dénoncent des " actes répétés de vexations, propos déplacés, humiliations, maltraitance au travail et intimidations commis par ce dernier ", concernant " notamment plusieurs enseignants-chercheurs du domaine d'étude " Architecture et milieux " et du laboratoire LIFAM, structures concurrentes de celles que Monsieur A... et son épouse dirigent (...) ainsi que des agents du personnel administratif de l'établissement " et que le " comportement autoritaire et agressif dont a fait preuve Monsieur A... dans ses relations professionnelles a engendré un climat de tension et de crainte au sein de l'établissement ainsi qu'une dégradation des conditions de travail et de la santé des personnels concernés, dont la réalité est établie par les témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête administrative ". Toutefois, cette décision ne comporte la mention d'aucun élément de faits précis et circonstanciés de nature à caractériser les manquements reprochés à M. A..., ni les dates auxquels ces faits se seraient produits, et les témoignages recueillis lors de l'enquête précitée ne font eux-mêmes, pour la quasi-totalité, pas état de faits précis et datés, mais d'appréciations personnelles et générales quant au comportement de M. A..., ou font état de témoignages indirects portant là encore sur des faits non circonstanciés. De plus, les témoignages défavorables à M. A..., émanant de membres du laboratoire LIFAM, que le rapport de l'inspection générale des affaires culturelles décrit comme étant en profonde opposition au laboratoire concurrent HITLab auquel appartient M. A..., cette scission étant à l'origine d'un climat particulièrement délétère au sein de l'école, sont contredits par d'autres témoignages recueillis dans le cadre de cette inspection ou produits par M. A... dans le cadre de la présente instance. Dans ces conditions, la matérialité des faits reprochés à M. A..., qui n'est pas suffisamment précise et caractérisée, ne saurait être regardée comme établie. Par suite, en lui infligeant la sanction disciplinaire litigieuse, la ministre de la culture a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés à l'appui des conclusions à fin d'annulation ou sur la régularité du jugement n° 2102207, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la ministre de la culture du 7 avril 2021.

En ce qui concerne la décision du 8 avril 2021 portant refus de protection fonctionnelle :

S'agissant de fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

7. Si M. A... a formé des demandes de protection fonctionnelle, par courriels des 23 septembre et 30 octobre 2020, il n'avait, à cette date, évoqué que des faits liés à des propos qu'il estimait diffamatoires figurant dans deux recours juridictionnels présentés devant le tribunal administratif de Montpellier concernant la campagne de recrutement d'enseignants chercheurs au titre de l'année 2020 et les attaques liées aux graffitis et dégradations découverts sur le mur d'enceinte de l'école le 27 octobre 2020, alors que sa demande, présentée par lettre du 15 février 2021, si elle avait le même objet, faisait toutefois état de circonstances de faits nouvelles survenues en novembre et décembre 2020 portant sur les propos diffamatoires et outrages qu'il aurait subis notamment dans la presse et sur les réseaux sociaux à la suite de la diffusion de l'information selon laquelle par un arrêté du 8 décembre 2020, il avait été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire. Dans ces conditions, cette demande a fait naître une nouvelle décision qui ne saurait être regardée comme purement confirmative des décisions implicites de rejet de ses précédentes demandes. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la ministre de la culture doit être écartée.

S'agissant de la légalité de la décision portant refus de protection fonctionnelle :

8. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " (...) IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à M. A... le bénéfice de la protection fonctionnelle, la ministre de la culture s'est fondée sur l'unique motif selon lequel le comportement de l'intéressé constituait une faute personnelle, faisant obstacle à ce qu'il puisse bénéficier de cette protection. Il est par ailleurs constant que la faute personnelle retenue par la ministre dans cette décision du 8 avril 2021 est identique à celle pour laquelle M. A... s'est vu infliger la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois, par l'arrêté du 7 avril 2021. Toutefois, dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt que la matérialité des faits reprochés à M. A... n'est pas établie, en refusant de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle, la ministre de la culture a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés à l'appui des conclusions à fin d'annulation ou sur la régularité du jugement n° 2102818, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de la décision de la ministre de la culture du 8 avril 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. D'une part, il résulte de l'instruction que par une ordonnance n° 2102208 du 28 mai 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu l'exécution de l'arrêté du 7 avril 2021 par lequel la ministre de la culture a infligé à M. A... la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité. En exécution de cette ordonnance, par un arrêté du 16 juin 2021, M. A... a été réintégré provisoirement dans ses fonctions à compter du 27 juin 2021. Puis, à la suite du jugement attaqué n° 2102207, par un nouvel arrêté du 30 novembre 2022, M. A... a de nouveau exclu temporairement de ses fonctions à compter du 5 décembre 2022, pour la durée qui restait à courir sur les neuf mois de la sanction infligée le 7 avril 2021. Ainsi, au jour du présent arrêt, la sanction disciplinaire infligée à M. A... par l'arrêté de la ministre de la culture du 7 avril 2021 a été entièrement exécutée, de sorte que les conclusions de l'appelant tendant à ce qu'il soit enjoint à la ministre de le réintégrer sur son poste sont devenues sans objet.

12. D'autre part, eu égard au motif d'annulation retenu au point 9, le présent arrêt implique nécessairement que la ministre de la culture octroie à M. A... le bénéfice de la protection fonctionnelle, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements n° 2102207 et n° 2102818 du tribunal administratif de Montpellier du 18 novembre 2022, l'arrêté de la ministre de la culture du 7 avril 2021 infligeant à M. A... une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois, et la décision du 8 avril 2021 par laquelle la ministre de la culture a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle à M. A..., sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la ministre de la culture d'octroyer à M. A... le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 23TL00078 est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et à la ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,

Mme Bentolila, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2025.

La rapporteure,

H. Bentolila

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la ministre de la culture, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°s 22TL22594, 23TL00078 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00078
Date de la décision : 17/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation suffisante - Absence.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Delphine Teuly-Desportes
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : PECHEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-17;23tl00078 ?
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